Évaluation des risques pour la santé humaine du dioxyde de soufre : sommaire

La section de l'évaluation de la qualité de l'air de Santé Canada a entrepris une évaluation des risques pour la santé concernant le dioxyde de soufre (SO2) en 2012, dont le but premier était de mettre à jour les renseignements disponibles sur les effets nocifs pour la santé humaine du SO2 et de déterminer les niveaux d'exposition actuels au Canada afin de servir de base à la révision ou à l'élaboration de normes ou d'objectifs relatifs à la qualité de l'air ambiant.

Contexte

Les objectifs nationaux afférents à la qualité de l'air ambiant (ONQAA) existants concernant le SO2 ont été regroupés et publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada, en 1989.

Depuis ce temps, un nombre important de publications concernant les effets possibles du SO2 sur la santé humaine est maintenant disponible.  En outre, on a assisté à un changement de l'exposition de la population suivant la diminution des niveaux de SO2 dans l'air, cette diminution ayant atteint 96 % depuis 1970 (Environnement Canada, 2011) est largement attribuable à l'utilisation de carburants alternatifs (faible teneur en soufre) ainsi qu'aux programmes de prévention de la pollution limitant les émissions de SO2 dans l'air ambiant (Chen et al., 2007).

Les particules fines, y compris les particules de sulfate, ont été évaluées par Santé Canada dans le cadre du document intitulé Évaluation scientifique canadienne du smog (Gouvernement du Canada, 2012) et par conséquent, seul le SO2 sous forme gazeuse a été examiné dans la présente évaluation.

Concentrations de SO2 dans l'environnement au Canada

Les données du Réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique (RNSPA) provenant de l'année disponible la plus récente (2011) ont été utilisées pour modéliser l'exposition des Canadiens. Les données du RNSPA provenant de chaque appareil de mesure ont été analysées sur la base de tous les appareils de mesure. Elles ont également été classées selon les désignations urbaines et rurales. Les moyennes annuelles relatives au SO2 variaient, certaines étant inférieures à la limite de détection et d'autres allant jusqu'à 8,6 ppb. Les moyennes sur 24 h des sites urbains résidentiels se situaient au-dessous de la limite de détection jusqu'à 56 ppb et les moyennes sur 1 h variaient, certaines étant inférieures à la limite de détection et d'autres allant jusqu'à 314 ppb. La plupart des appareils de mesure du RNSPA n'ont pas détecté du SO2 de manière fréquente. Des surveillances supplémentaires du milieu ambiant au cours de 2009-2011 effectuées par des appareils de mesure Airpointer ont aussi indiqué que les concentrations de SO2 sont habituellement proches de la limite de détection, mais qu'il existe des pics de concentration de courte durée. Des durées moyennes plus courtes provenant des données de l'instrument Airpointer étaient disponibles (p. ex., sur 30 minutes et sur 10 minutes) et reflètent ces pics avec une valeur maximale sur 10 minutes de 322 ppb pour un site ayant une source industrielle à proximité.

Organisation :
Date publiée : 2016-02-12

Évaluation de la santé humaine

D'après le document Integrated Science Assessment for Sulfur Oxides – Health Criteria (US EPA, 2008) de l'EPA des États-Unis et une évaluation de la documentation portant sur le mode d'action, la toxicologie, l'exposition contrôlée chez les humains et l'épidémiologie depuis 2007, ainsi que les directives sur les liens de causalité, on a conclu que les preuves appuyaient un lien de causalité entre l'exposition à court terme aux concentrations ambiantes de SO2 et la morbidité respiratoire chez les adultes, notamment la sous-population d'asthmatiques. De même, la documentation est évocatrice d'un lien de causalité entre l'exposition à court terme à des concentrations ambiantes de SO2 et la morbidité respiratoire chez les enfants. Les études épidémiologiques sur la morbidité respiratoire étayent les effets sur la fonction pulmonaire après des expositions à court terme à des concentrations inférieures à la concentration maximale à court terme telle qu'identifiée parmi les données RNSPA laissant supposer un risque potentiel pour la population canadienne. Les effets des co-polluants et des facteurs de confusion ne peuvent pas être complètement écartés dans les études épidémiologiques. Par conséquent, en ce qui concerne la diminution de la fonction pulmonaire, la concentration minimale avec effet nocif observé (CMENO) tirée d'études d'exposition contrôlée chez les humains concernant des sujets asthmatiques exposés au SO2 pendant 5 à 10 minutes à une ventilation accrue, a été utilisée pour calculer une concentration de référence (CRf). On a constaté que les sujets dans les études d'exposition contrôlée chez les humains réagissaient à une concentration inférieure à la concentration ambiante maximale mesurée pour la durée moyenne de 10 minutes, ce qui laisse supposer qu'il existe un risque potentiel pour la population canadienne aux concentrations d'exposition actuelles.

Les renseignements disponibles sont évocateurs d'un lien de causalité entre les expositions à court terme au SO2 et la mortalité toutes causes confondues et cardiopulmonaire à des concentrations actuelles d'exposition dans l'air ambiant, notamment chez les personnes de plus de 40 ans (association la plus forte établie chez les personnes de 65 ans et plus). Par ailleurs, certaines incohérences dans la base actuelle de données et des signaux confondants parmi ces études pourraient fournir une indication quant au rôle du SO2 comme paramètre substitut pour certaines sources (e.g. centrales au charbon) ou comme le reflet des effets suite à sa conversion sous forme particulaire.

La documentation est peu évocatrice d'un lien de causalité concernant les naissances prématurées et les malformations cardiaques congénitales chez des bébés exposés au SO2 in utero. Les données épidémiologiques sur les paramètres de la fonction reproductrice et du développement étayent les risques de malformations congénitales et d'accouchement prématuré après des expositions au SO2 durant la gestation, à des concentrations inférieures aux concentrations maximales annuelles telles qu'identifiées parmi les données RNSPA, ce qui semble indiquer un risque potentiel pour la population canadienne aux concentrations d'exposition actuelles.  Toutefois, encore plus important, le SO2 dans ces études pourrait agir à titre d'indicateur de substitution pour certaines sources ou certains polluants avec lesquels il est en corrélation.

On a constaté que les bases de données étaient inadéquates pour conclure à un lien de causalité dans le cas d'autres paramètres, y compris la mortalité et la morbidité respiratoire avec des expositions à long terme, la morbidité cardiovasculaire avec des expositions à court et long terme, la cancérogénicité et une insuffisance pondérale à la naissance.

Il convient de noter qu'il existe un certain nombre de problèmes liés à l'interprétation de la documentation épidémiologique. Plus important encore, il demeure difficile de déterminer le rôle des co-polluants de confusion tels que les PM2,5 et PM10 sur les effets signalés. Par conséquent, il est important d'examiner les données provenant des études d'exposition contrôlée chez les humains conjointement avec la documentation épidémiologique, lorsqu'elles sont disponibles, comme cela est le cas pour la morbidité respiratoire. Des sources de données supplémentaires sont aussi examinées pour étayer les résultats épidémiologiques, notamment les preuves de mécanismes ou de modes d'action potentiels et les analyses d'expositions individuelles concernant les effets systémiques.

Une CRf sur 10 minutes de 67 ppb a été calculée à partir des études d'exposition contrôlée chez les humains en ce qui concerne la morbidité respiratoire et les incertitudes, y compris la variabilité interspécifique.

Incidences sur la santé publique

Bien que l'ampleur du risque d'effets sur la santé associés à l'épidémiologie, en ce qui a trait aux expositions au SO2, soit relativement petite, elle représente des incidences importantes sur la santé publique en raison du nombre de personnes potentiellement touchées. Les sous-populations qui semblent présenter une sensibilité accrue aux effets nocifs de l'exposition au SO2 représentent une proportion importante de la population, les sujets asthmatiques et les personnes âgées représentant à eux seuls 8,9 % et 14,8 % des Canadiens, respectivement (Statistics Canada, 2011; Asthma Society of Canada, 2012).

De même, en ce qui a trait au nombre de décès liés au SO2, Judek et al. (2004) ont estimé que 8 % de la mortalité non accidentelle totale dans les divisions de recensement urbaines au Canada entre 1998 et 2000 était due à la pollution atmosphérique (décrite par un modèle à polluants multiples de particules, d'ozone, de dioxyde d'azote, de SO2 et de monoxyde de carbone), et que cela était en grande partie dû à une exposition à long terme aux particules fines dans l'air ambiant dont le signal de corrélation au SO2 est marqué.

Bien qu'il n'y ait pas encore suffisamment d'informations disponibles pour attribuer au SO2 certains effets spécifiques sur la reproduction, les conséquences permanentes liées aux naissances prématurées ainsi qu'aux différentes anomalies congénitales indiquent qu'il faille y accorder une plus grande attention.

Conclusions et recommandations

Pour conclure, l'évaluation de la santé humaine a permis de déterminer des risques potentiels pour la santé de la population canadienne exposée à des concentrations ambiantes de SO2 qui sont inférieures aux objectifs nationaux afférents à la qualité de l'air ambiant actuels. Il est donc recommandé de réviser les objectifs nationaux afférents à la qualité de l'air ambiant actuels ou de présenter les nouvelles normes ou les nouveaux objectifs relatifs à la qualité de l'air ambiant en tenant compte de ce qui suit :

  • En s'appuyant largement sur les études d'exposition contrôlée chez les humains sur cinq à dix minutes, les données de causalité les plus probantes étaient situées entre les expositions à court terme au SO2 et la morbidité respiratoire. Une CRf pour la santé humaine de 67 ppb sur dix minutes a été relevée dans le cadre de l'évaluation.
  • La documentation plus récente apporte des preuves supplémentaires de données évocatrices d'un lien de causalité entre les risques de mortalité non accidentelle et cardiopulmonaire et les expositions à court terme au SO2.
  • D'autres paramètres (liés à la reproduction et au développement) ont été trouvés en se fondant sur la documentation plus récente. Bien qu'on les ait aussi qualifiés de paramètres peu évocateurs d'un lien de causalité avec les expositions au SO2, la base de données est limitée.
  • Des pics temporaires d'expositions sont liés à la morbidité respiratoire et sont soupçonnés pour la plupart des autres paramètres, y compris ceux liés à la reproduction et au développement. Les données de surveillance canadiennes actuelles appuient le fait que les Canadiens sont susceptibles d'être exposés à des pics temporaires de concentration. La modélisation des expositions individuelles et mécanistiques appuie aussi le fait que les pics temporaires d'exposition sont pertinents pour les effets observés sur la santé.
  • Il existe des « preuves inadéquates pour conclure à un lien de causalité » entre les expositions à long terme au SO2 et les effets sur la santé.

Références

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