Vidéo : Les paiements minimums altèrent les stratégies de remboursement de la dette sur plusieurs cartes

Transcription

Samuel Hirshman : Alors, je vous remercie de m’avoir invité. Et je tiens à souligner qu’il s’agit d’un travail fait en collaboration avec Abby Sussman. Vous verrez qu’elle est brillante si vous avez l’occasion de jeter un coup d’œil à certains de ses autres travaux.

Donc, je vais parler principalement du remboursement de dettes. C’est un sujet important. Je ne pense pas avoir besoin de vous convaincre de ce point. En effet, les Canadiens ont accumulé environ 640 milliards de dollars en dette non hypothécaire. Je vais me concentrer sur l’endettement par carte de crédit dans mon exposé d’aujourd’hui. On a pu constater au Mexique et au Royaume-Uni que les gens commettent des erreurs coûteuses en effectuant des achats avec la mauvaise carte de crédit. De l’extérieur, c’est un peu surprenant, car pour le remboursement d’une dette, la stratégie de réduction des coûts est en fait relativement simple. D’abord..., pour les cartes de crédit, il s’agit d’effectuer le paiement minimum pour toutes les cartes. Ensuite, il s’agit de régler le solde selon l’ordre du taux d’intérêt, du plus élevé au plus bas. Mais, surtout, il s’agit de régler en priorité le solde de la carte ayant le taux d’intérêt le plus élevé avant de consacrer de l’argent à d’autres dettes.

Alors, pourquoi est-ce que les gens n’appliquent pas cette stratégie simple que j’ai résumée en trois étapes? Une raison pourrait être qu’il leur manque de l’information cruciale. Si vous ne connaissez pas les taux d’intérêt de vos cartes, l’application de cette stratégie peut être difficile. Des indices laissent penser que c’est en effet ce qui se produit. Mais on ne s’attardera pas sur cette question aujourd’hui. Une autre raison pourrait être qu’ils ne connaissent pas cette stratégie d’optimisation, ou encore qu’ils pensent qu’il y en a de meilleures. Dans un article récent à propos de données recueillies au Royaume-Uni, on a constaté que les gens règlent leur solde d’une manière qui est proportionnelle au montant de ce solde. Donc, si une personne a un solde de 1 000 $ sur une carte et de 500 $ sur une autre, elle va consacrer un montant deux fois plus élevé à la première qu’à la deuxième. Autre chose, certaines personnes remboursent la plus petite dette en premier. Ça, c’est un sujet qu’a abordé Scott Rick, si je me souviens bien. Il va en parler plus tard. Ces personnes ont tendance à rembourser la plus petite dette en premier afin de réduire leur nombre de comptes, et c’est cette réduction qui les motive. Keri Kettle, qui présente un exposé plus tard, a fait un travail de suivi qui donne à penser que de faire disparaître une dette encourage en effet les gens à s’acquitter leurs dettes, un compte à la fois.

En plus, on ne sait pas quelle incidence les paiements minimaux ont sur ces stratégies dans le cas de cartes multiples. Presque toutes les cartes exigent des paiements minimaux; il est donc difficile d’étudier le phénomène sur le terrain. Aussi, il est prouvé que les gens consacrent de plus petits montants au remboursement lorsqu’il y a un paiement minimum, et ce, d’après les données de laboratoire et celles recueillies sur le terrain. Cependant, si nous revenons à ce que je disais tout à l’heure, vous remarquez que de payer exactement le minimum sur plusieurs de vos comptes serait une stratégie optimale. Donc, les interrelations entre les paiements minimaux et la gestion de la dette répartie sur plusieurs cartes ne sont pas très connues.

Donc, dans notre article, nous regardons si les gens comprennent que le taux d’intérêt est un facteur important. Nous avons découvert qu’ils le savent, mais peut-être pas suffisamment. Et puis, même si les gens semblent se concentrer sur le remboursement de leur dette au taux d’intérêt le plus élevé, l’obligation du paiement minimum va les amener à modifier leur stratégie de remboursement et à répartir leurs versements sur plusieurs cartes.

Ainsi, dans notre première étude, les participants ont fait ressortir cinq points importants reliés au remboursement. Il y a le taux d’intérêt, le montant de la dette, la capacité de crédit, l’obligation de faire des versements pour chaque carte et la tendance à faire une répartition égale parmi toutes les cartes. Puis, ils ont répondu à des questions pour préciser comment ils utiliseraient cette information. Pour finir, il y a eu les questions de données démographiques ainsi que des mesures relatives à leur expérience d’endettement.

Nous avons donc constaté qu’un bon nombre de nos participants voulaient se concentrer sur leur carte ayant le taux d’intérêt le plus élevé. C’est logique. Et en effet, c’est la bonne réponse, dans une certaine mesure. Mais, une grosse proportion des gens ont fait des choix correspondant à d’autres approches bien connues des chercheurs. Donc, nous pensons que la plupart des gens savent que c’est la meilleure stratégie, mais malgré tout, il reste beaucoup d’hétérogénéité. Cependant, pour une grande partie de la population, en ne regardant que les personnes qui se sont concentrées sur leur dette au taux le plus élevé, les intentions en matière de remboursement ne vont pas assez loin. Elles ont utilisé seulement une partie de leur montant à répartir pour effectuer un paiement visant la dette au taux le plus élevé et non la totalité comme le voudrait la stratégie optimale.

Nous avons donc voulu donner suite à ce travail en procédant à une sorte de validation sur le terrain. Les gens font-ils vraiment attention au taux d’intérêt lorsqu’ils remboursent leurs dettes? Nous avons donc extrait des données sur les transactions à partir d’une application budgétaire, nous avons ensuite examiné les personnes qui ne payaient pas intégralement leur solde sur toutes leurs cartes. Elles avaient plusieurs cartes, elles effectuaient des paiements sur chacune d’elles, mais elles ne payaient pas intégralement le solde. Nous voulions observer l’effet d’une carte de crédit ayant le taux d’intérêt le plus élevé sur le montant du remboursement tout en tenant compte de la valeur du solde. Donc, si vous avez deux dettes d’une valeur de 1 000 $ chacun, dans quelle mesure allez-vous consacrer un montant supérieur au remboursement de celle qui a le taux d’intérêt le plus élevé?

Nous constatons qu’il y a une priorité accordée à la dette dont le taux d’intérêt est le plus élevé, soit environ 132 $ ou 4 % de la répartition moyenne en un mois, pour notre population. Pour les personnes qui n’ont que deux cartes... ça, c’est pour les titulaires de plusieurs cartes, donc, pour les personnes qui n’ont que deux cartes, l’effet est moindre, mais encore légèrement significatif en tant que pas dans la bonne direction, pour ainsi dire, vers la stratégie optimale. Donc, dans l’ensemble, nous constatons que la plupart des gens ont l’intention de rembourser leurs dettes au taux d’intérêt le plus élevé. Nous avons des preuves sur le terrain laissant penser qu’ils le font, mais probablement de manière insuffisante. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que certaines personnes n’ont pas l’intention de rembourser la totalité de leur dette au taux d’intérêt le plus élevé. Elles ne se concentrent pas suffisamment sur l’intérêt.

Il y a donc toute une série de facteurs psychologiques qui peuvent nuire à la capacité des gens de bien résoudre ce problème. Mais, des travaux antérieurs dans le domaine ont montré que l’existence d’un paiement minimum réduit les montants consacrés au remboursement, comme je l’ai mentionné plus tôt. Nous voulions donc voir quelles étaient les répercussions sur les stratégies de remboursements multicartes avec des paiements minimaux. Nous avons donc choisi un modèle, un jeu d’endettement en trois volets, basé sur des travaux antérieurs. De plus, les participants ont été répartis au hasard entre le groupe témoin et le groupe soumis au paiement minimum, avec un budget de 3 000 $ à chaque ronde pouvant être consacré à différentes dettes. Des frais de 25 $ s’appliquaient si le paiement minimum n’était pas effectué. C’est important parce qu’il est optimal d’effectuer le paiement minimum avant de répartir le reste de l’argent parmi les différentes dettes. Nous avons exclu un petit nombre de nos participants qui ont choisi des remboursements dépassant le solde, principalement parce que nous pensons qu’ils étaient distraits.

Les participants ont donc vu un écran comme celui-ci qui détaille les conditions de leurs différentes dettes. Il y avait donc des taux d’intérêt, qui ont été tirés de la base de données du CFPB sur les conditions nationales du TAP. Puis, des montants d’endettement qui ont été conçus pour correspondre au montant moyen de la dette d’un ménage endetté aux États-Unis. Ensuite, les paiements minimaux n’ont été indiqués qu’aux participants du groupe des paiements minimaux et ils ont été fixés à 2 % du montant de l’emprunt, arrondi au chiffre supérieur. Les participants ont entré leurs paiements sur ce petit écran. Nous les avons un peu aidés avec les calculs en affichant le total. Donc, tout ce qu’ils ont entré dans les boîtes à droite a été additionné au fur et à mesure.

D’abord, nous constatons en effet que les paiements minimaux réduisent la probabilité d’utiliser la stratégie optimale. Environ 30 % de nos participants du groupe témoin ont utilisé la stratégie d’optimisation visant la réduction des coûts que j’ai exposée précédemment, contre environ 11 % pour le groupe à paiements minimaux. On aurait pu penser, d’après les travaux antérieurs, que les gens allaient rembourser d’abord leurs plus petites dettes, mais ce n’est pas exactement ce que nous avons vu. Même si certaines personnes utilisent cette stratégie, le pourcentage est relativement faible. Même s’il y a une différence entre les groupes, dans cette situation, elle n’est pas significative.

Là où il semble y avoir un écart important, c’est que les personnes du groupe des paiements minimaux effectuent des paiements répartis parmi un plus grand nombre de comptes que les personnes du groupe témoin. Et je tiens à souligner que ce n’est pas de verser exactement le strict minimum. Il s’agit d’effectuer des paiements dépassant le strict minimum. Ce que nous comparons ici, c’est le nombre de comptes qui ont reçu un paiement plus grand que zéro du groupe témoins et le nombre de comptes qui ont reçu un paiement supérieur au minimum du groupe soumis au paiement minimum. Nous constatons une quantité nettement supérieure de comptes ayant reçu des paiements dans le groupe soumis aux paiements minimaux.

Donc, dans l’ensemble, nos conclusions sont que les participants soumis aux paiements minimaux se sont moins bien acquittés de cette tâche que s’ils n’avaient pas eu de paiements minimaux. Ils payent, et la raison semble être qu’ils effectuent des paiements d’un montant supérieur au paiement minimum sur un plus grand nombre de soldes. Nous pensons que les participants ont peut-être une stratégie de diversification naïve où ils sont portés à utiliser l’approche d’un partage égal malgré le fait qu’ils soient en situation de paiements minimaux. Et ce, même si 71 % de nos participants ont consacré le plus gros remboursement à la dette au taux d’intérêt le plus élevé. Donc, nous constatons que les gens tiennent compte des taux d’intérêt, mais peut-être pas suffisamment.

En guise de conclusion, tant en laboratoire que sur le terrain, nous constatons que les gens se soucient de leurs taux d’intérêt lorsqu’il s’agit de rembourser leurs dettes. Toutefois, certains d’entre eux, intentionnellement ou non, font une répartition qui ne va pas assez loin en matière de conformité à la stratégie optimale. Cependant, se concentrer sur le compte au taux d’intérêt le plus élevé est notre stratégie la plus courante dans notre jeu de remboursement des dettes. Cela dit, les paiements minimaux augmentent la tendance à faire un saupoudrage de remboursements. Nous constatons qu’ils diminuent les remboursements optimaux et augmentent le nombre de comptes qui reçoivent un paiement. Par conséquent, les paiements minimaux peuvent expliquer certaines des situations problématiques que nous observons sur le terrain, où les gens payent des frais d’intérêt excessifs sur leurs dettes.

Nous pensons aussi que ces facteurs psychologiques sont peut-être les mêmes que ceux qui sont observés dans d’autres situations où les gens ne vont pas assez loin dans leurs décisions de répartition. Par exemple, pour deux situations de jeu de hasard où l’un a un lot d’une valeur supérieure à celui de l’autre, vous devriez tout miser sur celui qui a la plus grande valeur. Mais, les gens ont tendance à diviser leur mise en fonction des probabilités. Nous pensons donc qu’il pourrait y avoir un lien avec ce genre de situations psychologiques. Je vous remercie beaucoup.

(Applaudissements)

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