Ce que nous avons entendu : rapport du Groupe de travail ad hoc des organismes fédéraux de financement de la recherche sur la citoyenneté et l’appartenance autochtones

31 janvier 2024

L’honorable François-Philippe Champagne, C.P., député Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada

© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, représenté par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, 2023

Numéro de catalogue CR22-126/2024F-PDF
ISBN 978-0-660-68042-2


Reconnaissance

Les organismes fédéraux de financement de la recherche, soit les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), reconnaissent que leurs bureaux, situés à Ottawa, se trouvent sur le territoire non cédé de la Nation algonquine anishinaabe dont la présence en ces lieux remonte à des temps immémoriaux. Les organismes reconnaissent le peuple algonquin comme le gardien traditionnel et défenseur du bassin de la rivière des Outaouais et de ses affluents. Ils saluent leur longue tradition d’accueil dont ont bénéficié de nombreuses nations dans ce magnifique territoire, et veillent à amplifier la voix et à refléter les valeurs de leur nation hôte.

De plus, les organismes respectent et affirment les droits inhérents et issus des traités de tous les peuples autochtones de ce territoireNote de bas de page 1 . Les organismes ont honoré et continueront d’honorer leur engagement concernant l’autodétermination et la souveraineté des peuples et nations autochtones.

Les organismes reconnaissent l’historique d’oppression des territoires, des cultures et des premiers peuples de ce que nous appelons aujourd’hui le Canada, et croient fermement que les recherches autochtones contribuent à ce parcours de décolonisation que nous suivons ensemble.

Résumé

Ce rapport traite des activités de consultation tenues durant le printemps et l’été 2023 par les organismes fédéraux de financement de la recherche à propos de l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones. Conformément à l’engagement pris dans le plan stratégique intitulé Établir de nouvelles orientations à l’appui de la recherche et de la formation en recherche autochtone au Canada 2019-2022, qui vise à mieux soutenir la recherche et la formation en recherche autochtones au Canada, cette activité avait pour but d’amener les organismes, soit les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) à mettre en place des mesures pour l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones.

Les contributrices et contributeurs de ce rapport, qui sont universitaires, chercheures et chercheurs, penseuses et penseurs influents et leaders d’établissement autochtones, ont clairement exprimé le besoin d’aller au-delà de la déclaration volontaire pour s’assurer que les occasions de financement ou autres possibilités visant les personnes autochtones leur soient réellement réservées. Ce travail reflète également l’engagement global du gouvernement du Canada en matière de réconciliation et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Tout d’abord, le présent rapport met en contexte la conception d’une telle politique et les avancées récentes des établissements postsecondaires qui entament un parcours similaire. Il traite de l’engagement du gouvernement du Canada concernant l’autodétermination des communautés et des nations autochtones, et permet de tirer des leçons de ces processus ainsi que de plusieurs processus internes des organismes, où les candidates et candidats ont dû fournir des renseignements supplémentaires en plus de la déclaration volontaire propre à l’occasion de financement en question.

Ensuite est présentée la méthodologie utilisée pour la préparation de ce rapport, notamment les principales questions posées lors des discussions avec des établissements postsecondaires, des penseuses et penseurs autochtones et des personnes représentant d’autres communautés de recherche.

De ces discussions sont ressortis plusieurs thèmes principaux. Inspirés de nos engagements, ces principes sont la vérité, le respect, le courage, la rigueur, l’autodétermination, la connexion, la flexibilité et l’inclusivité. De plus, six thèmes communs ont été relevés de ces dialogues incluant :

Sous chaque thème sont présentés divers courants sur le sujet ainsi que les points communs et les différences de chacun.

Enfin, ce rapport présente des points supplémentaires à prendre en compte pour les activités stratégiques à venir, ainsi que les principales prochaines étapes du parcours des organismes en vue d’élaborer un cadre pour l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones.

Comme l’a montré clairement le processus de consultation, la question de la citoyenneté autochtone et de l’affirmation de l’appartenance peut être délicate. Les multiples points de vue sur la meilleure façon d’aller de l’avant reflètent les nombreuses façons dont les gens s’identifient et se rattachent à leur communauté et à leur nation.

Introduction et objectif

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) a publié un rapport qui contenait 94 appels à l’action et qui soulignait le rôle important de la recherche pour faire progresser la compréhension de la réconciliation. Dans le Budget 2018, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 3,8 millions de dollars au CRSH pour appuyer cette priorité en élaborant un plan stratégique qui définit de nouvelles façons de mener des recherches par et avec les communautés autochtones.

Pour appuyer cette démarche, une occasion de financement a été créée en 2018. Ces subventions multidisciplinaires pour la capacité de recherche autochtone et la réconciliation ont financé les rassemblements, les ateliers et les événements communautaires qui visaient à mobiliser et échanger des connaissances sur la recherche et la réconciliation autochtones. De plus, entre juillet 2018 et mars 2019, une série de 14 activités de consultation régionales a été organisée en collaboration avec des partenaires autochtones. Parmi ces activités, on comptait des tables rondes et des ateliers, ainsi qu’un dialogue national qui a rassemblé des titulaires de subventions Connexion – Capacité de recherche autochtone et réconciliation, des membres de communautés autochtones et des représentantes et représentants des organismes et du Comité de coordination de la recherche au Canada. Trois cents personnes ont participé à ce dialogue, en plus de nombreuses contributions en ligne, pour donner lieu au plan stratégique intitulé Établir de nouvelles orientations à l’appui de la recherche et de la formation en recherche autochtone au Canada 2019-2022, qui veut trouver des solutions pour mieux appuyer les priorités de recherche autochtones et la décolonisation à travers les mandats respectifs des organismes.

Cette stratégie, dont la mise en œuvre a été prolongée jusqu’au 31 mars 2026, a permis de repérer les obstacles importants rencontrés par les organismes autochtones au sein de l’écosystème de financement de la recherche. De nombreuses personnes participant à ce travail ont demandé une plus grande transparence et une plus grande responsabilisation dans l’évaluation des propositions de financement, par exemple des mécanismes appropriés pour vérifier l’identité autochtone et veiller à ce que les occasions destinées aux chercheures et chercheurs autochtones le soient réellement.

À cette fin, les IRSC, le CRSNG et le CRSH avaient pour tâche d’établir un ensemble de lignes directrices et de principes communs afin de mieux comprendre et gérer les enjeux liés à la citoyenneté et à l’appartenance autochtones, pour veiller à ce que les occasions de financement destinées aux chercheures et chercheures autochtones offertes par les trois organismes le soient réellement.

​Le Groupe de travail ad hoc des organismes fédéraux de financement de la recherche sur la citoyenneté et l'appartenance autochtones (le « groupe de travail ») a été formé à la fin de 2022 avec pour mandat d’interagir avec différents partenaires clés, dont le Cercle de leadership autochtone en recherche, des organismes et des collectivités autochtones, des établissements universitaires, des chercheures, chercheurs ou spécialistes autochtones et des ministères fédéraux, pour recueillir des points de vue et d’autres renseignements utiles à la conception de la politique.

Ce rapport présente les résultats de ce travail, et les perspectives élaborées lors de conversations avec des partenaires sur des thèmes clés liés à l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance. De plus, le groupe de travail reconnaît les précieux efforts déjà faits en ce sens par les penseuses et penseurs autochtones, et a mis en référence des documents publiés sur le sujet (consulter la section Références). Finalement, l’objectif de ce rapport est de guider la création d’une politique interorganismes sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones dans le contexte de subventions, de bourses ou d’autres formes de financement de la recherche appuyées par l’un des organismes, et de communiquer, de façon transparente, ce que nous avons appris durant ce processus.   

Incitation au changement

Les trois organismes fédéraux de financement de la recherche maintiennent leur engagement à appuyer l’autodétermination autochtone en mettant l’accent sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance plutôt que sur l’évaluation de l’identité. Étant donné que le Canada a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), en plus de la plus récente Loi sur la Déclaration des Nations Unies, qui intègre la Déclaration au droit canadien, cette politique se concentre sur le droit des peuples autochtones à l’autodétermination. En particulier les articles 33 et 9 de la DNUDPA, qui renforcent le droit des peuples autochtones à « décider de leur propre identité ou appartenance » en plus de leur droit d’appartenir à une communauté ou à une nation.

Au sein des organismes, pour reconnaître le travail des partenaires autochtones sur la question, y compris les personnes ayant participé à la conception du plan stratégique, le groupe de travail a procédé à une analyse environnementale de la littérature existante. Cette dernière a révélé que les communautés autochtones revendiquent depuis longtemps un renforcement des politiques et des procédures pour éviter l’usurpation de leurs droits. Certaines situations récentes et en cours dans le cadre desquelles des chercheures et chercheurs se sont faussement déclarés autochtones illustrent la nécessité que les organismes adoptent un cadre sûr pour la validation de la citoyenneté et de l’appartenance, pour que les occasions de financement destinées aux Autochtones leur soient effectivement réservées.

Les concepts de l’identité, de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones sont complexes étant donné l’histoire du Canada et les présentes conditions qui entourent l’autochtonie dans les systèmes social, économique et politique du pays – des systèmes enracinés dans les normes, les valeurs, les idéologies et les lois dominantes, plutôt que fondées sur les approches, pratiques et lois autochtones. Cette situation est aggravée par les individus qui s’autodéclarent autochtones sans que leurs propos soient affirmés de façon formelle (selon les critères de citoyenneté des collectivités autochtones ou les critères d’admissibilité du gouvernement), ce qui a donné lieu à de fausses déclarations, dont plusieurs controversées provenant de deux établissements d’enseignement postsecondaire, qui ont été critiqués pour avoir encouragé le « déplacement identitaire » et  l’« imposture autochtone » (en anglais, « pretendianism »), définie comme le processus dans lequel une personne non autochtone revendique une identité autochtone. Des conséquences peuvent s’ensuivre, notamment l’iniquité en emploi et d’autres pratiques racistes (voir Hall, 1980; Omi et Winant, 1994; Foucault, 2003; Goldberg, 2002 et Wolfe, 2016, cités dans Stanley, 2016, p. 10).  Même si les demandes frauduleuses représentent une minorité de personnes qui s’identifient volontairement, l’importance de ce petit nombre de cas, notamment dans le contexte du financement de la recherche, est importante.

Dès 2016, Jorge Barrera, journaliste pour APTN, a écrit sur les déclarations du célèbre auteur et romancier Joseph Boyden. Plus il devenait connu, plus des questions sur son identité – il se disait Mi’kmaq et Métis – étaient soulevées. De même, la célèbre productrice Michelle Latimer, qui a réalisé la série Trickster et le documentaire Inconvenient Indian, a également été accusée d’avoir faussement prétendu avoir des liens avec la communauté de Kitigan Zibi. Dans ces deux cas, les personnes en question avaient obtenu des fonds et des prix destinés aux Autochtones.

 

Le mouvement de dénonciation s’est transposé dans le milieu universitaire, visant des personnes qui pourraient faussement se réclamer d’une identité autochtone. En 2021, dans le rapport d’une enquête anonyme, on a dénoncé des déclarations douteuses faites par plusieurs membres du corps professoral et autres personnes de la Queen’s University. À la suite de ces révélations, la communauté ainsi que les chercheures et chercheurs autochtones ont remis en cause le discours colonial relevant du statu quo sur l’identité et la déclaration volontaire autochtones, et l’ont qualifié d’enraciné dans les « normes institutionnelles blanches » (Parsons, 2021). La même année, une enquête de la CBC a révélé que Carrie Bourassa, la principale scientifique canadienne spécialiste de la santé autochtone et alors directrice de l’Institut de la santé des Autochtones des IRSC, était d’ascendance entièrement européenne. Mme Bourassa a été suspendue de ses fonctions par l’University of Saskatchewan, son établissement d’attache, et a démissionné en 2022 à la suite d’une enquête indépendante approfondie.

Dans un autre cas, des allégations de plusieurs membres de la communauté ont incité la CBC à réaliser une enquête plus approfondie sur la célèbre avocate et professeure Mary Ellen Turpel-Lafond, âgée de 59 ans, formée à Harvard et à Cambridge, qui était à l’époque la première directrice des études de l’Indian Residential School History and Dialogue Centre de l’University of British Columbia. Mme Turpel-Lafond a maintenu publiquement qu’elle était d’origine crie par son père, qui a grandi dans la nation crie de Norway House, au Manitoba, et qu’elle a ensuite déménagé dans la communauté de son mari, la nation crie de Muskeg Lake en Saskatchewan, alors que ses dossiers indiquent qu’elle est née et a grandi à Niagara Falls, en Ontario, entre autres incohérences. En 2022, elle a quitté son poste de directrice des études à l’Indian Residential School History and Dialogue Centre, mais a conservé son poste de professeure à l’University of British Columbia. En décembre 2022, l’université a déclaré que Mme Turpel-Lafond n’y travaillait plus.

Également à l’automne 2022, un article de Maclean’s écrit par Michelle Cyca parlait du cas de Gina Adams, embauchée par l’Emily Carr University dans un effort de recrutement de professeures et professeurs autochtones. Mme Adams déclarait qu’elle était d’ascendance lakota et anishinaabe par son grand-père, qui avait supposément fréquenté la Carlyle Indian Industrial School en Pennsylvanie. Plusieurs personnes à l’intérieur et à l’extérieur du petit établissement postsecondaire de Vancouver ont émis des doutes et, comme l’a rapporté Maclean’s, ont provoqué des conflits entre le corps enseignant, la communauté étudiante et le personnel. Mme Adams a fini par démissionner.

En mars 2023, CBC News a rapporté que Vianne Timmons, ancienne doyenne de la Memorial University of Newfoundland, avait pris un congé volontaire rémunéré de six semaines et s’était excusée dans un contexte où l’université réunissait des leaders autochtones pour discuter de ses déclarations sur ses origines mi’kmaw. Lors de ses entretiens avec les journalistes, Mme Timmons a maintenu qu’elle avait toujours clairement fait savoir qu’elle n’avait jamais revendiqué l’identité mi’kmaw, mais seulement l’ascendance, et qu’elle n’avait tiré aucun avantage à parler de son ascendance ou à revendiquer son appartenance à une bande non reconnue de Nouvelle-Écosse, la Première Nation mi’kmaw de Bras d’Or, qu’elle a rejoint en 2009. La Première Nation mi’kmaq de Bras d’Or n’est reconnue ni par l’Union of Nova Scotia Mi’kmaq ni par le gouvernement fédéral. Moins d’un mois plus tard, elle a été démise de ses fonctions de doyenne.

Toujours en 2023, Indspire, un organisme de charité autochtone national qui a financé les études universitaires de deux sœurs jumelles de Toronto prétendant être inuites, a déclaré publiquement qu’elle voulait récupérer son argent. Amira et Nadya Gill, qui se sont publiquement déclarées membres de la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI) à partir de 2021, ont reçu des fonds du programme Building Brighter Futures d’Indspire pour financer leurs études à la Queen’s University de Kingston, en Ontario. Selon un communiqué de presse d’Indspire publié en mars, les sœurs avaient droit à un financement d’Indspire en utilisant leur inscription à la NTI comme preuve d’identité autochtone. Les deux sœurs ont été retirées de la liste d’inscription de la NTI en avril 2023 après que des renseignements sur leurs origines et leur identité ont été publiquement remis en question. En septembre 2023, des accusations de fraude ont été déposées par la Gendarmerie royale du Canada contre les deux sœurs et leur mère.

Ces controverses ont provoqué un débat public enflammé sur la déclaration volontaire autochtone. Ce débat tourne autour de quatre grandes questions :

  1. Est-il suffisant de se fonder sur la bonne foi pour déterminer l’identité autochtone?
  2. Qui sont les Autochtones et que signifie « être Autochtone »?
  3. Qui décide de l’appartenance à une collectivité?
  4. Qui est en mesure de vérifier l’identité, l’ascendance, la citoyenneté ou le statut autochtones?

Il existe diverses perspectives sur les rôles et responsabilités associés à cet enjeu. Des chercheurs, chercheures et communautés autochtones croient que les personnes peuvent et devraient déterminer leur propre identité autochtone par la déclaration volontaire. Toutefois, d’autres chercheures et chercheurs autochtones soutiennent que la responsabilité de déterminer les critères de l’identité autochtone appartient aux gouvernements autochtones (Castagno et Lee, 2007; Brayboy, 2005; Deloria 1970; Vizenor et Lee 1999; Warrior, 1995). Concernant le dernier argument, l’Organisation des Nations Unies, ainsi que ses organismes et comités affiliés, affirme que la déclaration volontaire est un critère fondamental (document PDF [en anglais], 196 Ko). Toutefois, ils soutiennent également que cela doit se faire dans le respect des pratiques et des institutions de chaque peuple autochtone. Cette divergence de points de vue révèle une tension entre la signification de l’identité autochtone et la validité de l’identité autoperçue ou autoattribuée selon la compréhension qu’une personne a d’elle-même, de son environnement, et de tout autre aspect de sa vie.

Selon Murray Sinclair, chancelier de la Queen’s University, ancien membre du Sénat canadien, avocat et membre des Premières Nations, « nous devons aller au-delà d’un système de confiance et impliquer davantage les communautés autochtones de toute l’île de la Tortue ». Ce mouvement pour aller au-delà d’un système de confiance provient de l’idée que l’identité autoperçue diffère de façon importante de l’identité issue de la déclaration volontaire et du statut légal autochtone (O’Donnell et Lapointe, 2019).

L’usurpation ethnique de l’identité autochtone par des colonisatrices et colonisateurs a été traitée de long en large dans le monde universitaire (Lawford et Coburn, 2019; Gaudry, 2018; Anderson, Sinclair, Battiste, MacDougall, Ballantyne, Teillet et Poitras [FNUC et NIUSLA, 2022]; Pewewardy, cité dans Doyle-Bedwell, 2008, p. 83). Souvent, elle est simplement caractérisée par la falsification délibérée de son identité pour gain personnel ou la déclaration inexacte de son appartenance raciale. Les données indiquent également des situations où des personnes croient sincèrement en leur histoire familiale ou en une autre preuve de nature anecdotique, mais ne possèdent souvent pas d’autre forme de lien communautaire ou culturel, de lien de parenté ou d’expérience vécue du racisme et de l’oppression à l’endroit des Autochtones, ce qui permet aux « nouvelles Indiennes et nouveaux Indiens » de se fondre plus facilement à la masse (Leroux, 2019; Gaudry et Andersen, 2016; Gaudry et Leroux, 2017; Pewewardy, cité dans Doyle-Bedwell, 2008, p. 83).

Lors du National Indigenous Citizenship Forum de 2022, qui s’est tenu à la First Nations University, des chercheures et chercheurs, des aînées et aînésNote de bas de page 2  et des membres du personnel autochtones ont réaffirmé l’importance de ne pas utiliser le terme « identité », soulignant que pour elles et eux, il s’agit d’un mot codé qui peut soit servir à exclure des personnes de certaines conversations, soit devenir un moyen de « délimiter un territoire parmi un ensemble de personnes qui supposent qu’elles se comprennent entre elles » (Newton et Tuck, cités dans Spady, 2017). Au contraire, elles et ils ont fait valoir que l’identité autochtone est liée à la citoyenneté et à l’autodétermination (FNUC et NIUSLA, 2022). Les personnes participant au forum étaient convaincues que, si les individus font une déclaration volontaire, ils doivent être prêts à justifier qui ils sont, d’où ils viennent et à décrire leurs liens de parenté ou identifier leurs proches (FNUC et NIUSLA, 2022). Ces approches sont conformes à la vision de l’identité autochtone défendue par l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. L’Instance permanente (document Word, 196 Ko) estime que le critère de l’identité autochtone va au-delà de la déclaration volontaire à l’échelle individuelle, car une identité autochtone ne peut exister que s’il y a continuité historique et acceptation par la communauté de la personne en tant que membre.

Comme ces perspectives le montrent clairement, les organismes ont la responsabilité, dans ce domaine, de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un processus d’affirmation qui respecte le droit à l’autodétermination et qui tient compte de la façon dont la colonisation a cherché à rompre les liens. Malgré le travail considérable accompli et en cours, aucun consensus ne s’est dégagé sur les lignes directrices ou les politiques les mieux à même de garantir que les principales occasions de financement et autres possibilités destinées aux chercheures et chercheurs et aux organisations autochtones leur soient réservées. Comme l’ont souligné bon nombre de participants et participantes, cet espace est dynamique et de nombreuses politiques en cours d’élaboration seront adaptées en fonction des besoins. En outre, des discussions importantes ont lieu sur la nécessité d’adopter une approche fondée sur le respect des traditions autochtones tout en tenant compte de l’histoire coloniale du Canada, qui a affecté la manière dont les membres de la communauté sont identifiés (appréhension des enfants, privation des droits et autres processus coloniaux imposés).

Progrès récents

Au cours des dernières années, certains établissements d’enseignement postsecondaire ont progressé dans ce domaine, en créant des comités, des lignes directrices et des politiques pour établir leurs propres systèmes afin de s’assurer que les occasions destinées aux chercheures et chercheurs autochtones leur sont effectivement accordées. Bien que les politiques et les processus des établissements soulignent la nature délicate des documents générés dans le contexte colonial, ils reconnaissent, de diverses manières, les nombreuses façons dont on peut avoir besoin de vérifier sa citoyenneté ou son appartenance et l’importance d’établir des processus pour protéger les occasions de financement destinées chercheures et chercheures et aux étudiantes et étudiants autochtones.

Par exemple, en juillet 2022, l’University of Saskatchewan a approuvé une nouvelle politique sur l’affirmation de l’appartenance et la citoyenneté autochtone, à la suite des travaux d’un groupe de travail dirigé par des aînées et aînés et des leaders autochtones. Le nom de cette politique, « deybwewin (saulteaux) | taapwaywin (mitchif) | tapwewin (cri) » signifie « vérité » – vérité envers soi-même, envers les autres, envers les ancêtres et envers le territoire. La nouvelle politique, selon le communiqué de presse, « reflète l’engagement de l’université en faveur d’une décolonisation et d’une réconciliation transformatrices », a déclaré Peter Stoicheff, doyen de l’université.

L’objectif de cette nouvelle politique est ancré dans la vérité et dans un engagement à « protéger les cultures et l’intégrité des peuples autochtones, les valeurs autochtones et les langues autochtones dans le cadre des activités de l’université ». Désormais en train d’être mise en œuvre, la politique prévoit un processus d’affirmation des documents à remplir par toutes les personnes qui occuperont un emploi, ou qui détiendront des bourses d’études ou d’autres formes d’avantages matériels créés pour les chercheures et chercheurs autochtones, en précisant que dans certaines circonstances, une affirmation peut également être requise pour celles et ceux qui occupent déjà de tels postes.

La Wilfrid Laurier University, avec l’aide du Bureau des initiatives autochtones, a également lancé un nouveau processus pour « vérifier l’identité autochtone afin de confirmer l’admissibilité aux postes d’enseignement et autres et aux possibilités d’études destinés aux Autochtones à l’université ». Dans le cadre de ce processus, les candidates et candidats aux postes désignés doivent désormais présenter des documents écrits attestant de leur identité autochtone ou une déclaration volontaire comprenant « des renseignements précis sur leur relation permanente avec une communauté, une nation ou un peuple autochtone légalement reconnu et inhérent à l’Amérique du Nord ».

Élaboré en consultation avec l’Indigenous Education Council et le corps enseignant autochtone de la Wilfrid Laurier University, le processus mis en place est conçu pour éviter la fraude d’identité. Le processus est ainsi fondé sur la revendication de la candidate ou du candidat par la communauté autochtone ainsi que sur l’expérience vécue de l’autochtonie par cette personne, plutôt que sur la revendication d’appartenance autochtone en tant que telle.

L’University of Alberta s’est également dotée d’une nouvelle politique, aux côtés de nombreux autres établissements, qui se concentre principalement sur les populations étudiantes. En septembre 2022, la personne responsable du recrutement des Autochtones au bureau du registraire a participé à une table ronde avec le personnel du CRSNG. Bien que l’université ait fait remarquer que le processus était encore relativement nouveau, les premières indications montrent qu’un pourcentage élevé de candidates et candidats autochtones sont en mesure de fournir des documents, alors que très peu ont des difficultés à le faire. On a noté que le nombre de personnes revendiquant la citoyenneté ou l’appartenance autochtone ne pouvant pas fournir de documents était en baisse, ce qui semble confirmer l’importance d’une telle politique pour prévenir la fraude. Cela reflète plusieurs conversations tenues au cours de la consultation, où des personnes participantes ont noté que les progrès pour les populations étudiantes sont plus rapides que pour le personnel, compte tenu des considérations relatives aux associations syndicales et de personnel enseignant.

Plus récemment, l’Université du Manitoba a publié neuf recommandations et un rapport final (document PDF [en anglais], 1,6 Mo) sur ses activités de consultation sur la question. Alors que l’université avait précédemment adopté des pratiques pour honorer la déclaration volontaire autochtone comme moyen d’inclure de manière flexible les façons propres aux Métis, aux Premières Nations, aux non-inscrits ou aux Inuit de reconnaître les membres de la communauté, son nouveau travail se concentre sur la nécessité, constatée dans son processus de consultation, « d’établir des politiques, des lignes directrices et des processus qui traitent de l’affirmation et de l’identité autochtone et qui ne créent pas d’obstacles supplémentaires pour les peuples autochtones ». Les prochaines étapes de ce processus seront notamment la nomination d’un comité d’élaboration des politiques composé de membres des communautés des Premières Nations, des nations métisse et inuite, ainsi que de citoyennes et citoyens travaillant en collaboration avec la direction de l’université pour élaborer une politique transparente qui établit un processus d’affirmation de l’identité ainsi qu’un processus d’examen des plaintes pour fraude. Ces activités sont en cours.

À peu près au même moment, la Queen’s University a annoncé une politique provisoire pour la dotation de postes réservés aux Autochtones, à la suite de sa propre consultation décrite dans le rapport final du projet d’identité autochtone de l’université en juillet 2022 : « Gii-Ikidonaaniwan » • « It has been said » (document PDF [en anglais], 8,6 Mo). Cette politique provisoire vient compléter la politique d’embauche ciblée de l’université et exige que les candidates et candidats autochtones fournissent soit des documents émis par le gouvernement confirmant leur citoyenneté ou leur appartenance, soit une déclaration volontaire de « leurs expériences vécues et leur relation continue avec une communauté, une nation ou un peuple autochtone légalement reconnu et titulaire de droits ». De plus, dans le cadre d’une procédure d’entrevue supplémentaire, les personnes candidates qui parviennent à ce stade peuvent être interrogées sur leur expérience des communautés autochtones, leur relation avec ces communautés ou l’incidence de leur expérience vécue sur leur travail ou leur recherche.

Dans les derniers mois, l’University of Regina a également annoncé qu’elle était en train d’élaborer des politiques et des processus pour traiter la question des représentations erronées de l’autochtonie par des chercheures et chercheurs et des étudiantes et étudiants non-Autochtones. D’autres établissements consultés dans le cadre du processus des organismes ont également fait référence à des travaux en cours ou à venir dans ce domaine, soulignant la nécessité d’agir, même si les politiques mises en œuvre devront peut-être être mises à jour en fonction des dialogues en cours avec les communautés et les nations dans un esprit d’autodétermination.

S’inspirer des leçons tirées

Bien qu’il n’existe pas de cadre d’affirmation officiel que les organismes pourraient directement mettre en œuvre à ce stade, les travaux menés à ce jour dans divers contextes et les occasions de financement ont également contribué à éclairer l’approche. Les trois organismes fédéraux de financement de la recherche bénéficient déjà des points de vue exprimés par plusieurs comités consultatifs autochtones et lors d’initiatives pilotes, qui ont permis d’élaborer certains mécanismes préliminaires à mettre à l’essai en l’absence d’une politique officielle. Par exemple :

Ces processus, y compris le travail qui les a alimentés et les enseignements qui en ont été tirés, ont contribué à encadrer la conversation avec d’autres partenaires, dont les points de vue sont illustrés dans la section qui suit.

Méthodologie

À la suite de ce travail et de la consultation des établissements partenaires clés et du Cercle de leadership autochtone en recherche, un plan de consultation a été créé pour solliciter davantage de perspectives sur le fait d’aller au-delà de la déclaration volontaire d’une manière qui se concentre sur la citoyenneté et l’appartenance, mais qui ne constitue pas une évaluation de l’identité par les organismes. Ces derniers ont notamment cherché à discuter avec des partenaires se trouvant à différentes étapes de leur propre processus, allant de ceux qui n’effectuaient activement alors aucun travail dans ce domaine, à ceux qui avaient déjà mis en place des politiques ou des processus pour vérifier la citoyenneté ou l’appartenance.

De mars à août 2023 se sont tenues des consultations sous forme de discussions officielles et non officielles avec des chercheures et chercheurs, administratrices et administrateurs postsecondaires et autres personnes œuvrant dans la recherche ou son financement, membres des Premières Nations et des communautés inuit ou métisses. Ces discussions ont généré un dialogue substantiel sur des points majeurs et des pratiques prometteuses dans le domaine. En outre, le groupe de travail a également approché des organismes nationaux autochtones, des communautés de recherche à but non lucratif et des organismes de l’extérieur du monde universitaire, ainsi que d’autres organismes représentant les Autochtones, pour mesurer leur intérêt à participer à ce dialogue. Une invitation a été envoyée à toute partie prenante ayant manifesté son intérêt.

Les questions clés suivantes ont été formulées comme point de départ général :

  1. Quelle est votre compréhension de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones et des complexités qui y sont liées?
  2. Comment votre établissement traite-t-il les questions de citoyenneté et d’appartenance autochtones?
  3. Quelles stratégies d’atténuation mettez-vous en application? Quelles sont les structures et les procédures existantes dans votre établissement et qui pourraient aider à surmonter certains des obstacles actuels (p. ex. les comités d’éthique de la recherche, les règles de conduite universitaires concernant la malhonnêteté, etc.)
  4. Comment les organismes peuvent-ils inclure les collectivités et les groupes autochtones dans leurs activités? Avez-vous des expériences ou des leçons à tirer de votre propre travail?
  5. Quelles pratiques traditionnelles et communautaires autochtones en matière de citoyenneté ont été utilisées dans les universités pour valider l’appartenance autochtone? Quel rôle les aînées et aînés et les membres de la communauté ont-elles et ils joué dans la recherche d’une voie à suivre?
  6. Comment les établissements peuvent-ils reconnaître les communautés autochtones authentiques?
  7. En ce qui concerne les organismes et les autres bailleurs de fonds de l’écosystème de recherche au sens large, quels conseils donneriez-vous pour réduire le fardeau administratif de l’affirmation pour les communautés autochtones ou les autres organismes?
  8. Quels processus peuvent être mis en œuvre pour éliminer ou minimiser les préjudices subis par les personnes qui dénoncent des cas de revendication frauduleuse au sein de leur établissement?
  9. Quelles sont selon vous les éléments à considérer concernant la collecte et le stockage des données dans ce contexte?
  10. D’un point de vue stratégique, comment les organismes devraient-ils aborder la question de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones de manière pertinente?

Bien que plusieurs points importants aient été soulevés au cours des entrevues, le processus prenait une forme itérative qui permettait aux personnes participant aux réunions de cibler d’autres enjeux qui n’avaient pas encore été traités ou inclus dans la liste officielle des questions. Il en est ressorti des suggestions et des idées qui n’avaient pas été directement abordées dans les questions déjà formulées.

Enfin, en mars 2023, les organismes ont apporté leur soutien au deuxième National Indigenous Citizenship Forum, une activité annuelle de la First Nations University of Canada, en partenariat avec la National Indigenous University Senior Leaders’ Association. Des représentantes et représentants du groupe de travail ont pu assister afin d’entendre ce qui se disait. Cet événement, tout comme le premier forum, a apporté d’autres réflexions et perspectives essentielles au contenu de ce rapport et à la recherche d’une voie à suivre. 

Des idées à l’action

Les trois organismes fédéraux de financement de la recherche sont reconnaissants des conseils reçus sur la marche à suivre proposée, soit une politique et un processus de vérification qui permettra de confirmer la citoyenneté ou l’appartenance autochtones. Afin de respecter la confidentialité de toutes les personnes interrogées, les déclarations n’ont pas été attribuées à des individus ni à des établissements.

Les personnes participant au processus de consultation ont noté, dans la plupart des cas, l’importance de cibler des principes clés pour guider la voie à suivre. Dans les établissements où des travaux ont déjà été menés sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance, l’importance des principes comme moyen de promouvoir la vérité et la transparence tout en minimisant les préjudices a été réitérée à plusieurs reprises, ce qui a conduit à l’élaboration des principes suivants, pour orienter la mise en place d’un processus solide dans ce domaine.

Les principes directeurs inspirés du processus de consultation :

En outre, plusieurs éléments concernant la mise en œuvre et le contexte ont été soulevés dans le cadre des discussions avec les partenaires. Bien qu’ils ne soient pas exhaustifs, ces éléments sont importants pour l’élaboration et la mise en place de politiques. 

Grands thèmes

Les personnes participant au processus de consultation ont relevé les grands thèmes et éléments concernant l’élaboration et la mise en œuvre du cadre proposé. Ces thèmes sont présentés sans ordre particulier dans la section qui suit.

Thème 1 : Nécessité d’aller au-delà de la déclaration volontaire

Dans l’ensemble, les personnes interrogées ont souligné l’importance de comprendre que la déclaration volontaire seule est désormais insuffisante pour étayer les déclarations de citoyenneté ou d’appartenance autochtone lorsque ces revendications se traduisent par un avantage matériel, que ce soit sur le plan financier ou, dans certains cas, par des activités de consultation, sur le plan de la réputation. L’identité autochtone est une question distincte et personnelle pour chaque personne qui la revendique.

Si la citoyenneté ou l’appartenance est une identité politique, le fait de mettre l’accent sur cette dimension permet d’avoir une perspective plus claire sur la communauté ou la nation qui reconnaissent une personne, plutôt que sur la communauté ou la nation que cette personne revendique. Bien que les concepts biologiques d’identité soient moins clairs et plus facilement manipulables, l’idée des droits politiques issus de la citoyenneté ou de l’appartenance permet d’exprimer concrètement la manière dont une personne est reconnue. Dans les cas de « départs involontaires », tels que ceux imposés aux peuples autochtones par les politiques coloniales, les personnes participantes ont indiqué que les principes de la justice réparatrice s’appliqueraient, en faisant remarquer que les sociétés justes ne connaissaient pas de départs involontaires et possèdent également des moyens de rétablir les droits politiques ou les droits de citoyenneté et d’appartenance.

En outre, de nombreuses personnes participantes ont souligné le lien entre un processus axé sur la citoyenneté et l’appartenance et d’autres processus de vérification, comme la vérification des compétences universitaires ou professionnelles des personnes par divers moyens. Beaucoup ont fait remarquer que, même si les cas d’usurpation d’identité ne représentent qu’une fraction du travail légitime des chercheures et chercheurs autochtones, le préjudice causé par celles et ceux qui prétendent frauduleusement représenter les points de vue autochtones signifie que les organismes ont un rôle à jouer dans ce domaine. La majorité des personnes participantes ont exprimé leur soutien à l’élaboration d’une politique interorganismes en matière de citoyenneté et d’appartenance autochtones. De plus, de nombreux établissements participant au processus ont fait part de leur intention de se conformer à la politique qui sera élaborée.

De plus, la plupart des personnes participantes ont exprimé leur appui à la mise en place d’un tel processus au moment de la candidature et non plus tard dans le processus. Certaines personnes ont exprimé faire leur propre travail en ce sens, à la fois du point de vue de l’admissibilité aux subventions de recherche et de leur distribution. Ces mesures peuvent être intégrées dans les politiques propres aux programmes ou faire partie d’une politique globale. Dans un cas comme dans l’autre, l’affirmation dès le départ est considérée comme un moyen de dissuader les candidates et candidats illégitimes d’essayer d’accéder à des occasions de financement réservées pour les Autochtones, ainsi qu’un moyen d’assurer la normalisation du processus. Certaines personnes ont indiqué qu’il s’agissait d’un moment critique dans le débat sur la citoyenneté et l’appartenance au Canada, et que ce type de processus en amont représenterait une voie importante à suivre.

D’importantes nuances ont été soulevées par les personnes qui n’appuyaient pas le travail des organismes dans ce domaine. Certaines personnes participantes soulignaient que les communautés de leur région ne considéraient pas cette question comme une priorité. Certaines personnes ont également souligné qu’il n’est pas du ressort ni de la responsabilité des institutions coloniales de déterminer la citoyenneté ou l’appartenance autochtones. Les communautés détiennent le droit de reconnaître leurs propres membres, en vertu de leurs propres lois. En particulier, la notion de coutume ou d’adoption communautaire a été citée comme une pratique importante pour certains, qui peut remettre en question les règles établies pour le « statut », par exemple. Ces messages importants seront également intégrés dans la politique, de manière précise, afin d’éviter des obstacles ou des préjudices supplémentaires, en mettant l’accent sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance plutôt que sur l’évaluation de la citoyenneté ou de l’appartenance. 

Thème 2 : Autodétermination autochtone et respect des titulaires de droits autochtones

Les personnes participantes ont toutes nommé l’importance de l’autodétermination dans ce travail et les conséquences nuisibles de la colonisation qui ont contribué à rompre les liens unissant les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux. Soulignant l’importance des conversations sur l’autodétermination dans le processus, la plupart des personnes participantes ont soutenu qu’une telle politique représentera une façon d’appuyer la réconciliation en reconnaissant les titulaires de droits et leur sentiment d’appartenance. De plus, l’accent sur la citoyenneté et l’appartenance fait partie du modèle « nation à nation » et permet la mise en application de la justice réparatrice et de la réinclusion des individus privés involontairement de leurs droits de citoyenneté et d’appartenance. Cette approche correspond également à la position du gouvernement du Canada, selon laquelle la reconnaissance des droits est une caractéristique essentielle de son travail de réconciliation. En particulier, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de sa loi connexe, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies, a été vue par plusieurs personnes comme le fondement d’une politique sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance, plutôt qu’une politique traitant de la question de l’identité.

Certaines personnes ont également souligné que le résultat d’une telle politique ne devrait pas être d’exclure les titulaires de droits qui peuvent ne pas avoir accès à des documents standard. En outre, plusieurs ont affirmé que les organismes devraient protéger les droits des peuples autochtones et des chercheures et chercheurs autochtones en protégeant les occasions de financement qui leur sont réservées, mais sans participer à la gestion de l’identité. Les organismes devraient plutôt se concentrer sur l’affirmation, et non l’évaluation, et la prévention de la fraude, plutôt que d’encadrer l’identité.

Plusieurs questions demeurent au sujet des communautés commençant à se réclamer de l’autochtonie d’un point de vue collectif par une plus grande revendication auprès du gouvernement du Canada. Dans ces cas, les personnes participantes ont mis en évidence l’importance de reconnaître les communautés détentrices de droits en vertu de l’article 35 de la Constitution canadienne, soient des droits ancestraux ou issus de traités sur leur territoire, plutôt que toutes celles qui sont à divers stades de revendication auprès du gouvernement du Canada et dont l’issue n’est pas encore déterminée. En outre, plusieurs personnes participantes ont attiré l’attention sur l’apparition de nouveaux organismes prenant la forme de sociétés sous l’apparence de communautés autochtones et ont recommandé d’adopter une approche prudente en ce sens. En outre, certaines personnes ont soulevé des questions sur la reconnaissance dans différents territoires, notamment les différences entre la reconnaissance fédérale et provinciale ou territoriale des collectifs autochtones et les différents « niveaux » de reconnaissance dans les domaines législatif et juridique, y compris la prise en compte des revendications territoriales, du précédent jurisprudentiel et d’autres facteurs contextuels.

À des fins d’atténuation, divers établissements créent actuellement des comités de gouvernance, des comités directeurs ou d’autres organismes de contrôle pour guider l’élaboration des politiques ou des processus de mise en œuvre, afin de garantir la présence de voix et de points de vue autodéterminés issus des communautés. 

Thème 3 : Éviter les obstacles et les préjudices supplémentaires

Les personnes participant au processus de consultation ont souvent parlé de l’importance de la flexibilité en tant que principe fondamental dans la politique pour reconnaître le besoin potentiel d’une approche graduelle et de modifications à ladite politique ou au plan de mise en œuvre, en particulier concernant l’intention de tenir compte de différents processus pour les chercheures et chercheurs et la population étudiante. De plus, ces personnes ont mentionné l’importance de la flexibilité dans la manière dont les candidates et candidats prouvent leur citoyenneté ou leur appartenance, étant donné les conséquences à long terme des politiques et processus coloniaux. Éviter les préjudices supplémentaires pour les citoyennes et citoyens ou membres de communautés autochtones dont les droits ont été bafoués, tout en comprenant que des exigences trop strictes peuvent en fait imposer de nouveaux obstacles à ces personnes, était une caractéristique importante mentionnée lors de plusieurs consultations. Comme l’a fait remarquer une personne participante, « c’est de la vie des gens qu’il est question, y compris de la vie des enfants qui ne sont pas encore là ». Dans le même ordre d’idées, certaines personnes ont indiqué que cette politique pourrait créer un précédent susceptible d’inspirer d’autres politiques à l’intention d’autres groupes qui méritent l’équité, soulignant ainsi le risque d’accroître les obstacles pour certaines populations plus tard. En résumé, toute politique des organismes concernant la citoyenneté et l’appartenance devrait se concentrer sur la méthode de validation la moins intrusive possible, tout en faisant preuve de rigueur.

En outre, certaines personnes participantes ont exhorté les organismes à tenir compte des principes des enseignements et des systèmes de connaissances traditionnels lorsqu’elles évaluent l’adéquation de tout processus, et à inclure les aînées et aînés, les gardiennes et gardiens du savoir et les personnes issues de milieux de recherche non institutionnels qui représentent des communautés urbaines et pour qui les normes et les règles relatives à la citoyenneté et à l’appartenance peuvent être interprétées ou appliquées différemment. Tout en soulignant l’importance d’inclure les communautés autochtones dans le processus, plusieurs ont également évoqué le problème de la lassitude quant aux consultations, ainsi que les obstacles administratifs qui peuvent accompagner les demandes de confirmation d’appartenance à une communauté par les organismes. C’est pourquoi certaines personnes ont suggéré un mode de déclaration reconnaissant les conséquences d’une fraude dans la revendication de faux liens communautaires. Certaines personnes participantes ont également soulevé le risque de manipulation par des personnes se faisant passer pour des Autochtones, qui pourraient par exemple adopter des comportements douteux afin de rallier les aînées et aînés et les gardiennes et gardiens du savoir de la communauté à leur cause et défendre leurs revendications frauduleuses. Ces personnes ont aussi noté l’importance du respect pour les enseignements des aînées et aînés sur l’inclusion et la gentillesse.

De plus, dans certaines conversations, les différences générationnelles ont également été ciblées comme une importante façon de repenser la politique durant sa mise en œuvre, notamment le fait qu’une génération de personnes plus âgées est aux prises avec la blessure et la honte d’avoir appris à avoir peur de ce qu’elle est, contrairement aux plus jeunes générations. Comme il a déjà été mentionné, la mobilité géographique et la question des communautés autochtones urbaines sont également considérées comme des éléments clés de la mise en œuvre.

Enfin, plusieurs parties intéressées travaillant à concevoir leurs propres politiques ou processus ont encouragé les organismes à réfléchir aux façons dont la politique interorganismes pourrait correspondre, ou s’opposer, à d’autres politiques mises en œuvre dans des établissements qui gèrent le financement de la recherche. Plusieurs parties prenantes ont également mentionné que les professeures et professeurs autochtones portent le plus souvent le fardeau des processus actuels de vérification, et la nécessité que les organismes évitent l’adoption d’une politique qui viendrait exacerber ce problème. Bien qu’aucune de ces préoccupations n’ait été une raison suffisante de ne pas aller de l’avant, les personnes participantes ont souligné l’importance de la mobilisation en cours et de la prise en compte des chevauchements ou contradictions possibles entre plusieurs politiques, pour éviter les obstacles supplémentaires donnant lieu à des politiques contradictoires néfastes pour les équipes de recherche. Dans certains cas, les personnes participantes ont suggéré que l’affirmation par l’établissement d’attache, si sa politique correspond à celle des organismes, devrait suffire pour considérer le processus de vérification comme complet. Le processus des organismes ne devrait entrer en ligne de compte qu’en l’absence d’une politique similaire dans l’établissement d’attache.  

Thème 4 : Mettre l’accent sur les relations et la connexion

En ce qui concerne le rôle des organismes dans ce domaine, les personnes participantes ont souligné l’importance de se concentrer sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance, et non sur l’évaluation de l’identité. Bien qu’il s’agisse d’un domaine complexe comprenant de nombreux contextes et conceptions différents, plusieurs personnes ont souligné l’importance de se concentrer sur la reconnaissance d’une personne par un groupe, plutôt que sur l’identité que la personne peut revendiquer. Ces façons relationnelles de se connaître et de se comprendre sont toujours vivantes dans la communauté et représentent la question dynamique de l’appartenance qui caractérise de nombreux espaces et conversations communautaires. Comme il a été souligné à plusieurs reprises au cours du processus de consultation, le rôle du gouvernement du Canada dans la création de politiques, de lois et de pratiques coloniales visant à définir l’appartenance autochtone par le « statut » ou d’autres moyens, sape d’une certaine manière l’autodétermination authentique et les liens de parenté. Si la communauté a besoin d’un soutien quelconque pour participer au processus d’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance, les organismes devraient s’engager dans une consultation supplémentaire pour veiller à ce que le processus ne devienne pas trop lourd.

Dans certains cas, les personnes participantes ont dit qu’elles considéraient que l’expérience vécue était importante, tout en notant que les candidates et candidats dont les liens avec la communauté étaient rompus ou effilochés, ou qui étaient en train de les reconstruire, devraient tout de même avoir accès à des occasions de financement fédéral de la recherche. Certaines personnes ont également évoqué le fait que l’affiliation, la citoyenneté ou l’appartenance peuvent changer en fonction de l’évolution de la société, de la législation ou des codes et décisions des communautés en matière d’appartenance et de citoyenneté. Bref, pour de nombreuses personnes touchées par les processus de la colonisation, il peut y avoir une mobilité au sein des catégories d’identité autochtone.

En outre, la prise en compte des personnes ciblées par des pratiques telles que la rafle des années 1960, ainsi que de celles qui ne vivent pas dans leur communauté d’origine ou qui ont noué de nouveaux liens communautaires dans de nouveaux lieux, a également été abordée par les parties prenantes, qui ont souligné l’importance de laisser de l’espace à celles et ceux qui sont encore en train d’apprendre ou de renouer des liens, afin de remettre en question l’approche « diviser pour régner » qui a servi à rompre les liens entre les communautés et les familles. Ainsi, même si les documents peuvent varier, les personnes participantes ont souligné que les organismes devraient prendre en compte toutes les façons dont les personnes pourraient devoir vérifier leur citoyenneté et leur appartenance, tout en établissant des normes à cet effet.

Comme il a déjà été fait à plusieurs reprises dans le contexte de l’enseignement postsecondaire et comme l’ont fait remarquer les personnes concernées, les organismes ont été invités à envisager, le cas échéant, de demander des références axées sur des compétences et connaissances qui s’appuient sur le savoir et les traditions autochtones. Pour les nominations et les embauches, les organismes ont également été encouragés à envisager d’intégrer dans le processus d’entrevue et de sélection des questions axées sur la parenté, les liens avec la communauté ainsi que les connaissances et les traditions autochtones. Toutefois, étant donné que le cadre proposé sera axé sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance plutôt que sur l’évaluation de l’identité, les questions de cette nature sont considérées comme extérieures à cette question. 

Thème 5 : Confidentialité des données et protection des renseignements personnels

Étant donné l’historique du gouvernement du Canada dans la collecte de renseignements ayant été ultimement dommageable pour les Autochtones, plusieurs personnes participantes ont exprimé que la méfiance envers les systèmes et processus gouvernementaux pourrait avoir une influence sur la capacité des organismes à obtenir de tels renseignements. Elles ont donc invité les organismes à adopter une approche transparente, claire et sûre pour la collecte et le stockage de données et à en mentionner clairement l’objectif. Elles ont aussi souligné l’importance de limiter l’accès aux renseignements personnels aux personnes qui en ont absolument besoin dans le cadre du processus. Certaines personnes participantes ont également exprimé l’importance de mettre en place un processus de souveraineté des données pour respecter les principaux engagements actuels et s’assurer que la protection de la capacité à modifier ou à retirer des informations personnelles et la protection éthique de ces données.

Certaines parties intéressées s’étant déjà dotées de politiques et qui en sont à différentes étapes de mise en œuvre ont également suggéré qu’une fois l’affirmation faite, les candidates et candidats pourraient avoir une mention à ce sujet dans leur dossier, pour indiquer que les renseignements personnels fournis peuvent être détruits. Cependant, d’autres ont fait remarquer que le fait de détruire des renseignements vérifiés pourrait rendre plus difficile la tâche de bien comprendre le dossier de candidature d’une personne pour d’autres occasions de financement.

Des personnes participantes ont également fait remarquer que si un individu a déjà fait l’objet d’une vérification en vertu de la politique de son établissement, selon les paramètres, l’affirmation pourrait être considérée comme valide avec la confirmation de l’établissement, afin de réduire la pression sur les candidates et candidats et la transmission répétée ou redondante de renseignements personnels. Toutefois, d’autres personnes ont noté que les deux politiques devraient s’appliquer, mais que la politique des organismes devrait être intégrée, lorsque nécessaire, aux lignes directrices d’admissibilité aux programmes, pour veiller à ce que les candidates et candidats ayant accès à un financement précis destiné aux Autochtones passent sans exception par les processus d’affirmation des organismes.

En outre, de nombreuses personnes participantes ont souligné la nécessité de tenir compte des systèmes, des fonds de données, ou de la capacité que doivent posséder la communauté et l’établissement pour mettre en place les politiques adéquates, et pendant leur mise en œuvre. En particulier, les personnes participantes ont mentionné les discussions au sein d’établissements sur les associations de membres du corps professoral, d’autres syndicats et les implications qui peuvent faire partie du processus dans les domaines de la confidentialité et des considérations juridiques. Les personnes participantes ont noté le besoin d’une confidentialité stricte tant dans le processus de collecte de renseignements et que dans un éventuel processus de plainte ou d’appel, étant donné les conséquences potentielles qui pourraient s’ensuivre.

Enfin, des personnes ayant donné une rétroaction ont souligné que la production de rapports pourrait être touchée, puisque la nécessité que les candidates et candidats se conforment à la politique pourrait diminuer l’investissement en recherche dans cet environnement si des personnes choisissent de ne pas valider leur identité selon le nouveau processus. En outre, ces personnes pourraient ne plus avoir droit à certaines sommes allouées à la recherche autochtone menée par des chercheures et chercheurs autochtones, ce qui pourrait se refléter dans les données et les rapports des organismes sur leurs investissements dans la recherche autochtone. Lorsque les données sont utilisées dans le contexte d’un rapport, les candidates et candidats ont souligné l’importance de le faire de manière à indiquer clairement les candidates et candidats « vérifiés » et ayant fait une déclaration volontaire, ainsi que la nécessité de produire les rapports d’une manière fondée sur les distinctions qui pourrait aider à fournir plus de renseignements sur la façon dont le financement est alloué aux chercheures et chercheurs et les projets financés.  

Thème 6 : Conséquences des demandes frauduleuses

Étant donné les facteurs de l’élaboration d’un tel cadre stratégique et le fait que, comme l’ont indiqué les personnes participantes, les demandes frauduleuses causaient des dommages irréparables aux communautés et à la légitimité de la recherche même, les personnes participantes ont souligné la nécessité de procédures et de règles claires sur l’application de la politique et les conséquences de la découverte de demandes frauduleuses effectuées dans le but de frauder.

Actuellement, le principal instrument des organismes pour répondre aux allégations liées à la conduite responsable de la recherche est le Cadre de référence des organismes sur la conduite responsable de la recherche (2021). Ce cadre énonce les procédures que les établissements et les organismes doivent suivre lorsqu’une allégation de non-conformité à une politique de l’organisme est reçue. Le cadre ne peut être utilisé que lorsque l’allégation concerne une politique de l’organisme clairement articulée. À l’heure actuelle, les organismes n’ont pas de politique sur la citoyenneté ou l’adhésion autochtone.

Pour ce qui est des conséquences concrètes des demandes frauduleuses, nombre de personnes participantes ont évoqué la nécessité de réfléchir au fait que, dans le contexte des occasions de financement, ces demandes pourraient être considérées comme de la malhonnêteté et pourraient entraîner les mêmes conséquences déjà appliquées par les organismes, par exemple la révocation de la bourse ou d’autres pénalités, selon le cas. Les modalités des programmes, le Guide d’administration financière des organismes et l’Entente sur l’administration des subventions et des bourses des organismes par les établissements de recherche peuvent aussi donner des moyens d’appliquer la nouvelle politique sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones.

Des politiques visent déjà les titulaires d’une bourse étudiante; par exemple, ces personnes sont assujetties au Guide des organismes à l’intention des titulaires d’une bourse de formation en recherche. Conformément à ses conditions générales, les titulaires d’une bourse doivent :

Le Guide précise également que « [les] organismes se réservent le droit d’annuler toute bourse si la ou le titulaire ne respecte pas ces conditions ou si elle ou il ne maintient pas son admissibilité. Les versements effectués pendant toute période où la boursière ou le boursier n’était pas admissible à recevoir des fonds doivent être remboursés à l’organisme. Des intérêts peuvent être exigés si le paiement n’est pas reçu à la date d’échéance ».

En outre, la cessation de la bourse est également possible lorsque les titulaires n’y sont plus admissibles, quoi que les titulaires sont responsables de confirmer être toujours admissibles aux termes du Guide, des documents de décision et de l’occasion de financement elle-même. Il est important de rappeler que bien que les étudiantes et étudiants sont soumis aux politiques d’intégrité académique de leurs établissements, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres politiques et réglementations connexes peuvent empêcher les agences de partager les informations avec un tiers (y compris l’établissement de la candidate ou du candidat).

Outre les conséquences claires des demandes frauduleuses, des personnes participantes ont aussi fait état du besoin d’établir un processus de dénonciation et de suivi adéquat, précis et officiel connu du milieu de la recherche, y compris des bureaux de la recherche des établissements qui administrent des subventions ou des bourses. Plusieurs ont également souligné l’importance de mettre en place un mécanisme clair concernant les collectifs qui revendiquent une fausse identité autochtone, ainsi que les cas individuels de fraude d’identité, comme visent à le faire d’autres organismes et projets de financement de la recherche.

Bien que beaucoup s’entendent sur la nécessité d’une fonction de dénonciation ou d’application des règles, quelques personnes participantes ont appelé à la prudence en donnant des points de vue nuancés et partagés sur les dangers de l’encadrement de l’identité et l’importance de définir ce domaine comme un espace régi par les principes du respect, de la compassion et de la bienveillance, et comme un reflet des enseignements des aînées et aînés ainsi que des valeurs communautaires entourant le retour chez soi. Beaucoup ont aussi parlé des incidents de violence latérale qui peuvent découler d’une telle fonction. En outre, plusieurs personnes participantes ont mis l’accent sur l’importance de préciser les motifs pouvant justifier une plainte ou un appel, et de limiter les appels aux problèmes procéduraux plutôt qu’à la politique elle-même, qui peut être révisée au besoin sans égard aux appels, vu la nature dynamique de cet enjeu. Ces personnes participantes ont indiqué que la sécurité est importante autant pour la personne qui accuse que pour celle qui est accusée, car les conséquences des fausses allégations perdurent même longtemps après qu’on a découvert la vérité.

Globalement, les organismes ont été fortement incités à adopter le principe de « ne pas nuire », et des personnes participantes ont indiqué que bien que la fraude d’identité soit préjudiciable, les politiques peuvent avoir des répercussions préjudiciables également. L’accent mis sur l’idée d’une procédure régulière, y compris le droit de faire appel d’une décision, de fournir des documents supplémentaires ou de se défendre contre des allégations, et de garantir que ces allégations restent confidentielles, quelle que soit la perspective, sont autant de considérations importantes pour le fonctionnement de cette politique. Ces personnes participantes ont également partagé l’orientation de certains établissements d’enseignement postsecondaire de concentrer leur travail sur la détection des fraudes, plutôt que d’élaborer une politique détaillée au point de demande. Les exemples comprenaient l’intégration de questions pertinentes sur les liens ou l’appartenance à la communauté dans le processus d’entrevue pour les postes d’enseignement. 

Autres points à prendre en compte

Pendant les consultations, d’autres points complétant le travail actuel ou, dans certains cas, n’étant pas visés par celui-ci, ont été soulevés; ils constitueront des éléments importants à considérer dans la suite des choses. 
 

Une approche progressive 

Étant donné le fait que les organismes offrent du financement à des chercheures et chercheurs à diverses étapes de leur carrière, y compris à des étudiantes et étudiants, il faudra se pencher sur les répercussions de ce nouveau cadre sur différents groupes. L’élaboration d’un plan de mise en œuvre donnera la possibilité de réfléchir à ces réalités et d’adapter la mise en œuvre afin de soutenir le mieux possible les personnes qui pourraient être touchées.

En outre, l’existence de programmes interorganismes et de programmes propres à chaque organisme, qui comprennent souvent des lignes directrices distinctes, signifie que ce ne sont pas tous les programmes ni toutes les occasions qui seront touchés en même temps. Pour créer un plan de mise en œuvre, une fois la nouvelle politique élaborée, il faudra aussi comprendre où ils en sont dans l’examen des différents programmes et occasions. 

 

Communautés autochtones du monde

Comme il a été démontré dans la recherche et pendant les consultations, il n’existe aucune source complète sur les formes de normes documentaires qui s’appliquent généralement aux chercheures et chercheurs autochtones internationaux pour ce qui est de l’affirmation de la citoyenneté ou de l’appartenance autochtones en dehors de l’Amérique du Nord continentale. Cette lacune mérite que les organismes s’y attardent par la consultation de différentes contributrices et différents contributeurs. Dans certains cas, des personnes participantes ont encouragé les organismes à axer leurs efforts sur le soutien des Autochtones du Canada ou qui se trouvent désormais dans les États-Unis modernes, mais dont les territoires, l’histoire, les langues, les cultures et les traditions auraient été historiquement partagés avec ces communautés.

Par conséquent, il se peut que la mise en œuvre de la nouvelle politique ne s’applique pas immédiatement aux chercheures et chercheurs autochtones internationaux. Ce travail restera une grande priorité; les paramètres en la matière seront définis à la prochaine étape.

Conclusion et prochaines étapes

Le présent rapport, en tant que prolongement de ce processus, orientera l’élaboration d’une politique interorganismes sur l’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones, qui fera l’objet de l’examen rigoureux de contributrices et contributeurs et des têtes dirigeantes des organismes, y compris leurs présidences, ainsi que d’un examen des répercussions juridiques. Le Cercle de leadership autochtone en recherche, des personnes ayant contribué au présent rapport et d’autres identifiées pendant les consultations participeront à une consultation sur le contenu de la politique. À la suite d’une collaboration d’envergure sur le cadre stratégique même sera élaboré un plan de mise en œuvre axé sur la mise en place de la politique modifiée dans les organismes.

Les organismes sont reconnaissants du travail effectué jusqu’à présent et des riches conversations qui ont permis de tracer la voie à suivre, comme l’indique le présent rapport. Ils remercient sincèrement toutes les personnes qui ont pris le temps de les rencontrer pour exprimer leur avis sur la question et leur faire part de pratiques prometteuses dans ce domaine. Ils espèrent que le présent rapport reflète ce qu’ils ont entendu, c’est-à-dire l’importance d’avancer dans le respect, en comprenant qu’il se peut que des questions émergentes nécessitent d’apporter des ajustements ou des modifications aux perspectives décrites ici.

Bien que nous reconnaissions que l’élaboration de toute politique engendre de nouvelles questions et de nouveaux enjeux qui pourraient requérir une réévaluation ou un remaniement, cette politique, une fois élaborée, représentera un important pas en avant dans la reconnaissance des Autochtones titulaires de droits et du besoin d’honorer les relations avec les partenaires autochtones correctement. Pour ce faire, nous entendons mettre nos principes en pratique et rester ouverts aux conversations avec nos partenaires sur les répercussions de la politique.

Comme l’ont souligné plusieurs personnes participantes, en honorant la vérité, on appuie la réconciliation. Voilà l’intention et l’esprit qui nous guident.

 

Références pertinentes

Références pertinentes
 
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  • Warrior, R. A. (1995). Tribal secrets: recovering American Indian intellectual traditions. University of Minnesota Press.

Annexe A : Liste des engagements

Annexe A : Liste des engagements

Organes consultatifs

  • Cercle consultatif en matière de recherche autochtone du CRSH
  • Cercle de leadership autochtone en recherche
  • Groupe de référence sur les bonnes pratiques d’évaluation par les pairs pour la recherche autochtone
  • Sheila Nyman, aînée invitée, Institut de la santé des femmes et des hommes, IRSC
  • Mark Green, chercheur invité, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada


Ministères et organismes du gouvernement du Canada

  • Services aux Autochtones Canada (y compris la Direction de la recherche stratégique et de l'innovation des données)
  • Commission de la fonction publique du Canada
  • Conseil du trésor


Établissements d’enseignement postsecondaires

  • Brock University
  • Cape Breton University
  • First Nations University
  • Lakehead University
  • McMaster University
  • Queen’s University
  • University of British Columbia
  • Toronto Metropolitan University
  • Université Concordia
  • Université d’Ottawa
  • Université du Manitoba
  • Université McGill
  • University of Alberta
  • University of Calgary
  • University of Saskatchewan
  • Wilfrid Laurier University


Autres organismes de recherche

  • National Indigenous University Senior Leaders’ Association
  • Réseau de recherche sur les données de santé du Canada
  • 2 Spirits in Motion


Événements

  • Premier National Indigenous Citizenship Forum de la National Indigenous University Senior Leaders’ Association
  • Deuxième National Indigenous Citizenship Forum de la National Indigenous University Senior Leaders’ Association

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