Rapport de surveillance externe - Deuxième rapport d’étape

Jocelyne Therrien – 7 novembre 2023

Lettre au ministre de la Défense nationale

7 novembre 2023

L’honorable Bill Blair, C.P. C.O.M., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice Major-général George R. Pearkes
101, promenade du Colonel-By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Monsieur le Ministre,

Conformément au mandat de mon engagement en tant que surveillante externe, j’ai le plaisir de vous remettre mon second rapport d’étape, dans les deux langues officielles.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Jocelyne Therrien

Pièce jointe : Rapport de surveillance externe — Second rapport d’étape

Introduction

  1. En 2021, à la demande du gouvernement, l’ancienne juge Louise Arbour a lancé un examen de grande envergure du problème de l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Son rapport de 2022 porte le titre de L’examen externe indépendant et complet (EEIC). Il comprenait 48 recommandations axées sur les réformes en lien avec les « lacunes institutionnelles et les obstacles structurels » qui ont permis à cette situation problématique de perdurer.
  2. Dans son rapport, l’ancienne juge Arbour recommandait qu’un contrôleur externe fasse un rapport semestriel des progrès réalisés par le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces armées canadiennes (FAC). Mon premier rapport d’étape a été publié en mai 2023 et comprenait mes observations quant à environ la moitié des recommandations de l’EEIC.
  3. Dans ce rapport, je remarquais que l’organisation tentait clairement de résoudre le problème et que plusieurs initiatives étaient amorcées en réponse aux recommandations de l’EEIC ainsi qu’aux recommandations d’autres intervenants et revues externes. Des conversations individuelles avec plusieurs hauts dirigeants des FAC ont démontré un engagement manifeste des échelons supérieurs. L’ancienne juge Arbour l’avait souligné en 2022 et je peux dire que c’est toujours le cas aujourd’hui.
  4. En dépit d’un engagement manifeste à donner suite aux recommandations, j’ai constaté que l’organisation n’avait pas de plan pluriannuel pour la priorisation et l’enchaînement des activités en réponse aux recommandations. Les priorités semblaient être déterminées davantage en fonction de la disponibilité des ressources que selon une vision institutionnelle globale concernant l’atteinte de résultats après un an, après deux ans et ainsi de suite. Pourtant, un tel cadre pourrait indiquer comment l’organisation progresserait vers son objectif de changement culturel en fonction d’un ensemble de principes qui guiderait son travail au fil du temps et comment elle résisterait au roulement de personnel qui peut parfois mettre en péril les progrès.
  5. Au cours de l’été, le MDN et les FAC ont présenté un tel plan pluriannuel. L’organisation du Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC) était responsable de son élaboration en fonction de consultations avec des intervenants internes. À ce titre, je crois qu’il pose les bases d’une vision commune à l’échelle de l’organisation, et au ministre une vision plus globale des progrès accomplis. De plus, il fournira des renseignements aux parties prenantes externes lorsqu’il sera rendu public.  
  6. Point crucial, il est énoncé dans le plan que les résultats, plutôt que la réalisation des activités, seront mesurés et dévoilés. L'année prochaine montrera l'impact de ce plan et permettra potentiellement à l'organisation de se rapprocher de son objectif de changement de culture.
  7. Ce second rapport d’étape comprend mes observations sur toutes les recommandations de l’EEIC. Tout comme dans le premier rapport, j’y ai inclus des constatations d’autres sources en lien avec l’inconduite sexuelle, telles que le rapport de 2021 de l’ancien juge Fish sur le système de justice militaire et les rapports de consultation découlant de l’accord de règlement Heyder-Beattie. Mon but est d’offrir un point de vue externe sur ce qui a été fait jusqu’à présent, particulièrement en ce qui a trait à l’intention qui sous-tend les recommandations. Ce rapport contient mes observations, lesquelles sont fondées sur une revue de la documentation et des discussions de suivi avec les personnes responsables de la mise en œuvre. Toutes les recommandations de l’EEIC ont été mises en œuvre dans une certaine mesure.

Constatations du second rapport

Clarification des définitions et des politiques connexes

  1. Les définitions et les termes en lien avec l’inconduite sexuelle dans les FAC ont fait l’objet de bien des commentaires d’observateurs externesFootnote 1, ce qui a mené à de nombreuses modifications des politiques au cours des années. L’EEIC a conclu que l’utilisation du terme « inconduite sexuelle » ne faisait pas suffisamment la distinction entre ce qui constitue un crime et ce qui constitue une forme de harcèlement, et toute autre activité interdite. Il a donc été proposé que les FAC abolissent la définition de l’inconduite sexuelle et se concentrent plutôt sur l’agression sexuelle, le harcèlement sexuel et l’interprétation des politiques actuelles quant aux relations personnelles et à la fraternisation.
  2. Le CCPC m’a informée que les changements nécessaires en lien avec les recommandations no 1 et no 2 seront soumis à des fins d’approbation d’ici la fin de l’année civile. Les FAC aboliront la définition de l’inconduite sexuelle, et l’agression sexuelle fera l’objet d’une définition autonome qui établira un lien avec le Code criminel. Le Spectre d’inconduite sexuelle des FAC, un outil servant à renseigner tous les membres sur ce qui constitue un comportement inacceptable, fait l’objet de changements. Il répondra à une gamme de questions qui ont été soulevées et identifiera clairement ce qui constitue un milieu de travail inclusif et sécuritaire, quels comportements sont inappropriés et ce qu’est un acte criminel. Le Spectre d’inconduite sexuelle révisé sera complété et publié d’ici la fin du mois de décembre. Toutefois, la directive et ordonnance administrative de la défense (DAOD) 9005-1 sera mise à jour ultérieurement, car elle implique davantage de processus.
  3. La recommandation no 3 conseillait aux FAC de modifier toute politique pertinente en utilisant expressément la définition du harcèlement du Code canadien du travail. L’ancienne ministre de la Défense nationale, dans sa mise à jour au Parlement en décembre dernier, déclarait que le MDN et les FAC aligneraient leurs politiques et processus en matière de harcèlement sur le Code canadien du travail par le biais de la politique de prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail (PHVLT) et des règlements connexes, qui sont déjà en vigueur dans le reste de la fonction publique. La ministre Anand avait convenu que ces recommandations allaient définir plus clairement le harcèlement et l’agression sexuelle et éviter que les deux notions ne soient confondues. Le travail effectué en réponse à cette recommandation est en cours et sa conclusion est prévue pour l’automne 2024.
  4. La recommandation no 4 de l’EEIC proposait de maintenir la définition actuelle des relations personnelles et d’abolir le concept de « relation personnelle préjudiciable. » Comme stipulé dans le rapport au Parlement de décembre 2022, les FAC ont déterminé qu’elles combineraient des éléments tant de l’EEIC que des conclusions de 2015 de l’ancienne juge Deschamps à ce sujet. Les FAC peaufinent le concept existant d’une relation personnelle préjudiciable en citant des exemples qui décrivent un déséquilibre de pouvoir et qui créent une présomption administrative selon laquelle une relation qui n’est pas correctement divulguée doit être considérée comme étant préjudiciable.
  5. La politique révisée en est actuellement à l’état d’ébauche. Elle donne des exemples de cas où les membres des FAC doivent informer leur chaîne de commandement et précise qu’il incombe au plus haut gradé de réfuter la présomption d’une relation personnelle préjudiciable. Elle offre aussi des directives aux commandants sur la manière de gérer diverses situations qui pourraient se présenter à eux. Ce changement de politique exige la modification d’une Directive et ordonnance administrative de la défense (DOAD), ce qui est un long processus. La politique révisée devrait être officiellement adoptée dans environ un an.

Justice militaire : éliminer les champs de compétence concurrents concernant les infractions sexuelles en vertu du Code criminel

  1. L’EEIC recommande de soustraire les infractions sexuelles visées par le Code criminel au champ de compétence des FAC. Celles-ci devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites exclusivement sous juridiction civile.
  2. Depuis décembre 2021, 275 dossiers d’infractions sexuelles visées par le Code criminel ont été signalés à la police militaire (PM)Note de bas de page 2. De ceux-ci, 142 ont été transférés ou adressés pour enquête à un corps policier civil et 101 dossiers ont été acceptés. Les 41 autres dossiers ont été rejetés et l’enquête a donc été menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes ou un détachement de la PM. En ce qui concerne les 133 dossiers qui n’ont pas été transférés, les raisons principales étaient que les incidents avaient eu lieu hors du Canada ou les victimes ne voulaient pas d’une enquête ou préféraient que l’affaire soit traitée dans le système de justice militaire.
  3. Les FAC ont impliqué tous les intervenants provinciaux, territoriaux et fédéraux dans ce dossier et ont tenu des consultations concernant la meilleure façon de donner suite à cette recommandation de la juge Arbour. Quelques options ont été fournies au ministre pour aller de l’avant. Je suis d’avis qu’il sera important de mettre en place un mécanisme de retour d’information pour suivre les résultats des membres de la CAF dont les cas font l’objet d’une enquête et de poursuites sous juridiction civile et pour s’assurer qu’ils bénéficient systématiquement de services d’aide aux victimes.

Examens administratifs en lien avec la libération de membres pour cause d’inconduite

  1. La recommandation no 6 traite des mesures administratives en lien avec l’inconduite sexuelle. L’EEIC propose une évaluation externe des 52 dossiers administratifs portant sur l’inconduite sexuelle entre 2015 et août 2021 à la suite desquels le commandant a recommandé la libération et où le directeur — Administration (Carrières militaires) (DACM) a tranché pour le maintien en poste sans restrictions professionnelles. Comme le conseille l’ancienne juge Arbour dans son rapport : « Je comprends le souci qu’a le DACM de vouloir s’assurer de la cohérence des normes appliquées dans l’ensemble des FAC.Tout compte fait, je crois que le DMCA devrait accorder beaucoup de poids à la recommandation du commandant si ce dernier détermine que le contrevenant, membre de son unité, ne devrait pas poursuivre son service. »
  2. La direction responsable de cette recommandation estime que l’examen et l’analyse des 52 dossiers seront terminés d’ici juin 2024. Nous espérons que cette évaluation externe pourra expliquer l’écart apparent et la profonde divergence d’opinions concernant le maintien en poste ou le renvoi d’un membre des FAC par suite d’une inconduite sexuelle.

Plaintes concernant le harcèlement sexuel et la discrimination fondée sur le sexe

  1. Les recommandations no 7 et no 9 portent sur la civilianisation des processus de plaintes de harcèlement sexuel non criminel et proposent de permettre à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de gérer ces cas. Cette modification signifie qu’il n’est plus nécessaire qu’un membre des FAC ait épuisé tous les mécanismes de plainte internes avant de faire appel aux services de la CCDP. Cette nouvelle approche a été communiquée à grande échelle et de différentes façons, y compris par le Cabinet du ministre, sur les médias sociaux et par le biais d’un message CANFORGENFootnote 3. Le plan de communication a été conçu avec la CCDP afin d’informer les membres des FAC de cette modification. Certaines séances de formation ont été offertes conjointement avec la CCDP aux personnes qui gèrent les plaintes.
  2. De plus, l’EEIC recommandait (no 8) que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée pour permettre l’octroi de frais de justice et pour augmenter le montant des dommages-intérêts qui peut être accordé. On recommandait aussi (no 7) que le ministre demande l’aide de ses collègues pour s’assurer que la CCDP et le Tribunal canadien des droits de la personne disposent de ressources suffisantes pour soutenir l’administration des plaintes en temps utile. Ces points ont fait l’objet de discussions entre les sous-ministres du MDN et du ministère de la Justice puisque la CCDP relève du portefeuille de la Justice.

Griefs concernant le harcèlement sexuel et la discrimination fondée sur le sexe

  1. Le système de griefs actuel des FAC accuse un important arriéré et suscite une méfiance généralisée concernant le traitement des plaintes. Le délai nécessaire à la résolution d’une plainte peut être de plusieurs mois, ce qui ne fait qu’aggraver la situation et causer beaucoup d’inefficacité. Dans son rapport de 2021 sur la justice militaire, l’ancien juge Fish déclarait que le système de griefs des FAC était « brisé. » Depuis, les FAC ont commencé à transformer entièrement le processus de traitement des nombreuses plaintes qu’elles reçoivent. Comme le dit un message CANFORGEN de 2022 : « Le CCPC s’engage à diriger cette transformation fondamentale pour améliorer le signalement, le suivi et le traitement des plaintes. » À l’heure actuelle, les plaintes des membres des FAC sont gérées par des systèmes distincts et disparates. Le suivi des résultats est ardu, et il en résulte une responsabilité limitée quant à la résolution des problèmes.
  2. Concernant les griefs liés spécifiquement à l’inconduite sexuelle, l’EEIC affirme ce qui suit : « Ces types de griefs sont uniques, et les traiter rapidement contribuera grandement à réparer — ou du moins à éviter — les répercussions néfastes qui découlent des incidents d’inconduite sexuelle ». L’ancienne juge Arbour soulignait que de tels griefs devraient outrepasser la chaîne de commandement pour être plutôt abordés par des spécialistes du domaine.
  3. Donc, l’EEIC recommandait (no 10) que ces griefs soient traités rapidement et qu’ils soient soumis au Comité externe d’examen des griefs militaires (CEEGM). L’ancienne juge Arbour souligne qu’un des avantages de cette méthode est qu’elle augmente la visibilité des griefs auprès des hauts dirigeants, et suggère que les FAC envisagent d’étendre un tel processus à d’autres types de comportements dommageables.
  4. Le CCPC m’a informée que ces griefs sont désormais accélérés et que le nouveau processus comprend une évaluation par un spécialiste du domaine du bureau du CCPC. De plus, ces griefs sont déjà soumis au CEEGM, sous réserve de changements réglementaires. Dans le cadre de la transformation du système de griefs, un système plus officiel sera mis en place.

Obligation de signaler et obstacles au signalement

  1. Comme je le mentionnais dans mon premier rapport, plusieurs revues externes et intervenants voyaient le règlement appelé « obligation de signaler » comme un obstacle au signalement d’un incident, cars plusieurs étaient réticents à l’idée de passer par un processus officiel de plaintes pour diverses raisons. En 2022, l’EEIC recommandait (no 11) d’abolir l’obligation de signaler et une décision en ce sens a été rendue plus tôt cette année. L’abolition entrera en vigueur en hiver 2023-2024. Entretemps, les règlements et politiques connexes sont en cours d’analyse afin de déterminer les modifications nécessaires. Dans les mois à venir, je vérifierai si cette modification de politique importante a bien été communiquée à tous les membres des FAC et à la chaîne de commandement.

Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle

  1. Dans mon premier rapport, j’ai noté des progrès importants pour ce qui est des recommandations relatives au Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS). Plusieurs initiatives ont déjà été menées à terme, telles que le changement de nom pour mieux faire ressortir le rôle principal du CSRIS, en tant que centre de ressources et soutien aux victimes, ainsi que le retrait des rôles de surveillance et d’éducation dans son mandat (recommandations no 12, no 13, no 15 et no 16). Certains programmes de soutien ont été élargis, tant dans leur portée géographique que par rapport aux personnes qui y sont admissibles. Un tout premier programme de soutien par les pairs a par ailleurs été lancé par le MDN et Anciens Combattants Canada (ACC). Ce type de programme était souvent recommandé par les survivants. Il a été offert en premier sous forme de groupe de discussion animé sur plateforme en ligne par des spécialistes cliniques. Plus récemment, le CSRIS a lancé des séances de soutien par les pairs en personne. Ces séances sont coanimées par une personne formée ayant une expérience vécue, ainsi que par un praticien en santé mentale.
  2. De plus, le CSRIS a dernièrement lancé un programme de remboursement des frais de justice engagés par les personnes touchées par un cas d’inconduite, avec effet rétroactif à 2019. Il s’agissait d’une première étape. L’objectif à long terme est de mettre en place un « programme de conseil juridique indépendant […] permettant aux victimes d’accéder à des informations, des conseils et une représentation juridique ». La prochaine étape consiste à instaurer une nouvelle ressource : un conseiller ou une conseillère juridique dont le rôle sera de diffuser de l’information et des conseils à tous ceux et celles qui communiquent avec le CSRIS, principalement en ce qui concerne le système de justice militaire, en plus d’assurer la liaison avec les juristes du secteur privé. L’objectif est de nommer une personne à ce poste d’ici mars 2024. Une mesure qui a été envisagée en réponse à la recommandation no 14 de l’EEIC consistait à établir une liste d’avocats civils vers qui on peut orienter les gens. Cependant, la viabilité de cette approche soulève maintenant certaines préoccupations. Entretemps, les frais de justice continueront d’être remboursés.
  3. Pour ce qui touche la structure administrative du CSRIS, la recommandation no 18 indiquait qu’il faudrait revoir cette structure « afin d’accroître son indépendance, son efficacité et sa juste place dans l’Équipe de la défense ». L’ancienne juge Arbour recommande que le CSRIS demeure au sein du MDN (recommandation no 17), car il pourrait en bénéficier, mais il serait crucial de veiller à ce qu’il puisse fonctionner de façon autonome. Plusieurs efforts ont été consacrés à cette question dans les derniers mois, mais il reste encore du travail à faire pour atteindre le but de la recommandation. Diverses options sont envisagées. Puisque la prise de mesures entraînera des coûts, il est nécessaire de poursuivre les discussions. J’apporterai de plus amples précisions à ce sujet lors du prochain rapport d’étape.
  4. La recommandation no 19 indique qu’il faudrait revoir le rôle, la composition et la gouvernance du Comité consultatif externe du CSRIS pour veiller à ce qu’il y ait une « représentation adéquate des groupes en quête d’équité et des groupes minoritaires qui sont touchés de manière disproportionnée par l’inconduite sexuelle ». Ces travaux sont presque terminés et on s’attend à ce que le mandat soit parachevé d’ici la fin de l’exercice.
  5. L’un des programmes offerts par le CSRIS est l’initiative de démarches réparatrices, qui découle de l’entente de règlement définitive Heyder-Beattie. Les personnes inscrites à ces recours collectifs qui souhaitent s’impliquer ont différentes options à leur disposition, y compris une rencontre avec les dirigeants du MDN et des FAC pour discuter de leurs expériences. L’objectif des représentants de la Défense est de reconnaître et d’écouter ces expériences, puis d’apprendre de celles-ci. Je mentionne ce programme parce qu’il permet aux victimes de s’exprimer et, fait tout aussi important, qu’il a le potentiel de renseigner l’organisation sur les causes fondamentales du problème, ainsi que d’éclairer l’élaboration de politiques.
  6. Le CSRIS offre explicitement des services de soutien essentiels aux personnes touchées. Il est encourageant de constater que le CSRIS reçoit plusieurs demandes de présentations sur ses programmes et services de la part de diverses parties du MDN et des FAC. En septembre, le CSRIS a offert un aperçu de ses programmes lors d’une séance de discussion ouverte des commandants et, au cours des derniers mois, il a donné des présentations à diverses bases et escadres pour parler de son mandat.

Droits des victimes

  1. La Déclaration des droits des victimes (DDV) est entrée en vigueur en juin 2022. Les dispositions de la DDV précisent que les victimes ont plusieurs droits, notamment le droit d’accès à l’information et le droit à la protection. La DDV prévoit également que la victime a le droit de demander un agent de liaison avec les victimes (ALV) et que les commandants divisionnaires ont le devoir de leur en accorder un. Plusieurs personnes ont reçu la formation requise et sont prêtes à offrir leur soutien. À ce jour, 21 victimes d’infraction militaire ont eu droit à un ALV à leur demande.
  2. L’ancien juge Fish recommandait que les acteurs du système de justice militaire reçoivent une formation appropriée sur la DDV (no 66 et no 69), dont une formation propre à leur rôle portant sur les problèmes vécus par les victimes, comme l’incidence du traumatisme et la meilleure façon d’interagir avec les victimes.
  3. Un officier tenant une audience sommaire doit être qualifié en vertu de la certification Justice militaire – niveau de l’unité (JMNU). L’un des modules de ce cours, qui traite de l’application de la Déclaration des droits des victimes, renseigne les participants sur les droits des victimes en vertu de la DDV, les personnes qui ont la responsabilité d’assurer le respect de ces droits, la façon dont les victimes peuvent se prévaloir de leurs droits ainsi que les mesures que la chaîne de commandement peut prendre pour favoriser l’exercice des droits prévus par la DDV. La réussite de l’examen final du cours JMNU fait l’objet d’un suivi. La police militaire reçoit une formation supplémentaire en raison de son implication particulière dans le processus de la DDV. Bien que ce ne soit pas le CSRIS qui a conçu la formation, comme le prescrivait l’ancien juge Fish dans sa recommandation no 66, il a néanmoins contribué à son élaboration.

Groupes consultatifs de la Défense

  1. Dans son rapport, l’ancienne juge Arbour mentionnait les remarques formulées par le Groupe consultatif sur le racisme systémique et la discrimination de la ministre quant à l’importance des groupes consultatifs de la Défense (GCD). Le Groupe consultatif a fait remarquer : « Ils [les GCD] possèdent les expériences vécues qui doivent orienter les efforts visant à éliminer le racisme et la discrimination et à réaliser la vision d’une culture inclusive. En tant que membres de l’Équipe de la défense, les GCD sont des multiplicateurs de force ». Je me suis entretenue avec les coprésidentes de l’Organisation consultative des femmes de la Défense , qui m’ont assurée que les propositions qu’elles soumettent à la haute direction sur les changements qu’elles recommandent sont prises aux sérieux. Par conséquent, plusieurs politiques ont été modifiées et des programmes ont été ajoutés, comme par exemple, le remboursement des frais associés aux aides adaptés aux besoins des femmes.
  2. Un secrétariat, qui est maintenant entièrement opérationnel, a été constitué pour appuyer le travail de tous les GCD. Il relève du bureau du CCPC. Lors de mes discussions avec le CEMD, celui-ci a souligné l’importance des contributions des groupes consultatifs de la Défense. Le CEMD et le SM rencontrent régulièrement les coprésidents nationaux du GCD pour discuter des enjeux, ainsi que les représentants locaux lorsqu'ils se rendent dans une base ou une escadre.

Procédure de recrutement plus courte, évaluation et libération anticipée des candidats non convenables

  1. Plusieurs recommandations mettent l’accent sur un processus simplifié d’enrôlement et d’instruction de base afin de raccourcir la phase de recrutement, et de créer une période probatoire au cours de laquelle on peut effectuer une évaluation plus exhaustive et procéder à une libération anticipée (no 20). L’EEIC souligne l’importance de sous-traiter certaines fonctions pour réduire le fardeau des FAC tout en augmentant la compétence professionnelle de ses recruteurs (no 21), ainsi que de mettre en place des processus qui permettraient veiller à ce que « les attitudes problématiques en matière de culture et de genre soient traitées à un stade précoce » (no 22).
    Dans le cadre des efforts continus de reconstitution des FAC, une attention particulière a été accordée à la simplification des processus de recrutement et d’enrôlement, en particulier à la numérisation, en rendant le processus plus convivial pour les candidats et à l’augmentation de la capacité du personnel dans certaines étapes clés du processus. Les FAC collaborent également avec d’autres organismes pour exploiter les renseignements qui ont déjà été recueillis. Pour le moment, la sous-traitance comprend la vérification des références et des antécédents.
  2. Dans l’objectif d’améliorer la sélection des recrues, la direction générale du personnel militaire travaille en tandem avec son équipe de recherche de la Défense pour bâtir une boîte à outils plus robuste. Des travaux sont en cours sur les façons d’améliorer l’évaluation des capacités cognitives, du jugement et du caractère.
  3. Dans la recommandation no 25, l’EEIC réitère la nécessité d’un processus accéléré de libération anticipée des recrues en période d’essai lorsque leur attitude ne concorde pas avec les attentes des FAC.  Pour l’instant, l’approche sera fondée sur des mesures actuelles telles que le contrat d’engagement initial, qui durent normalement d’un à trois ans, comme un période probatoire de fait. On me dit qu’une nouvelle initiative d’essai de recrutement y contribuera, en plus de l’établissement d’un groupe de travail pour normaliser les comités d’examen de la conduite dans tous les établissements d’instruction des FAC.

Formation militaire et formation professionnelle

  1. Dans son rapport, l’ancienne juge Arbour a déclaré : « Dans une organisation comme les FAC, où la hiérarchie et le leadership sont de la plus haute importance, l’endoctrinement rapide et l’adhésion culturelle sont cruciaux. Ce n’est pas seulement le contenu de la formation à l’éthique qui contribuera à un changement de culture au sein des FAC, mais également la méthode de livraison ». L’ancienne juge Deschamps a mis l’accent sur le thème de l’éducation dans son rapport de 2015, soulignant que l’instruction devrait faire appel à une variété de techniques interactives et à des exemples concrets afin d’aider les militaires à comprendre les limites d’un comportement acceptable. Elle concluait que l’instruction dirigée par l’unité n’était pas appropriée, « parce que, de l’avis général, les personnes qui donne cette formation sont souvent complices des comportements interdits ».  À ce titre, la recommandation no 27 de l’EEIC préconise vivement que les FAC mettent pleinement en œuvre les recommandations du rapport Deschamps sur la formation liée aux infractions sexuelles et au harcèlement sexuel.
  2. La recommandation no 23 aborde la nécessité de fournir les meilleurs instructeurs à toutes les écoles militaires en donnant la priorité des affectations aux unités d’entraînement, en offrant des incitatifs et des récompenses aux personnes qui occupent un poste et en abordant les facteurs qui découragent les militaires d’accepter ces affectations. Elle mentionne également l’importance de bien sélectionner les instructeurs, à la fois sur le plan des compétences et sur le plan du caractère.
  3. Comme je l’ai décrit dans mon premier rapport d’étape, l’importance d’avoir des instructeurs adéquats avait été dûment notée par les FAC, et plusieurs initiatives ont été entreprises afin de nommer les candidats les plus prometteurs aux postes d’instructeurs à l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes (ELRFC). Un groupe de travail passe actuellement en revue ces initiatives pour établir des normes communes de sélection des instructeurs et de perfectionnement professionnel. Les FAC sont également en train de passer en revue les mesures incitatives qui les aideraient à attirer les meilleurs candidats.
  4. La recommandation no 24 préconise que les FAC évaluent les avantages et les désavantages de créer un bassin permanent d’instructeurs professionnels. Un groupe de travail examinera le tout en 2024. Entretemps, les FAC ont créé quelques programmes pour professionnaliser leurs instructeurs, dont certains seront exécutés en sous-traitance au cours des trois à cinq prochaines années. Je crois que les FAC sont résolues à améliorer la qualité globale de l’instruction et qu’elles perçoivent le bien-fondé d’investir dans cet objectif.
  5. Un programme a notamment été mis sur pied il y a quelques années pour professionnaliser le bassin d’instructeurs de l’Institut de la profession des armes adjudant-chef Robert-Osside, où les militaires du rang reçoivent une partie de leur formation en leadership. Dans le cadre de ce programme, jusqu’à 10 membres sont sélectionnés chaque année dans l’ensemble des FAC afin de participer à un programme d’enseignement supérieur de neuf mois. Les diplômés sont ensuite qualifiés pour donner une formation en leadership à l’Institut Osside ou à d’autres établissements d’instruction. Ce programme en est maintenant à sa quatrième année.
  6. Dans mon premier rapport d’étape, je faisais un retour sur les changements récemment apportés à l’entraînement militaire de base des recrues de l’ELRFC, en soulignant que le contenu et les méthodes d’enseignement avaient connu un changement substantiel. Au sein des FAC, c’est l’Académie canadienne de la Défense (ACD) qui est responsable du système de perfectionnement professionnel. L’année passée, l’ACD a élaboré un cadre de changement culturel après avoir revisité les récents événements en matière d’inconduite de certains de ses hauts dirigeants et les révélations apportées par les recours collectifs Heyder et Beattie. Après maintes conversations avec la direction de l’ADC, je peux confirmer que la nouvelle approche de l’ADC est fondée sur une analyse documentaire approfondie et sur les suggestions de plusieurs universitaires experts en la matière. L’approche est également synchronisée avec le continuum en éducation mis sur pied par le CCPC l’année passée pour définir les concepts à aborder à chaque période de perfectionnement dans la carrière d’un membre des FAC, comme la gestion de conflits, le harcèlement et la violence en milieu de travail, la diversité, l’équité et l’inclusion.
  7. En 2021, les FAC ont adopté le modèle du cadre du caractère des leaders de la Ivey Business School pour assurer le perfectionnement de leurs propres dirigeants. Ce modèle, que l’on appelle communément le leadership fondé sur le caractère, éclaire l’évaluation révisée des FAC ainsi que le processus de promotion. Son adoption a donné lieu à de nombreux changements dans les programmes de perfectionnement professionnel. Par exemple, l’Institut Osside a récemment lancé une version révisée de son programme intermédiaire en leadership pour les militaires du rang qui comptent environ 15 ans de carrière militaire. Il s’agit d’un programme de résidence de 15 jours utilisant une vaste gamme de méthodes interactives, dont des outils psychométriques qui facilitent l’introspection quant à son style de leadership. Ce programme repose essentiellement sur le concept de leadership fondé sur le caractère et le perfectionnement des aptitudes conformément à l’éthos des FAC.

Collèges militaires royaux

  1. L’EEIC a mis en lumière des motifs de préoccupation concernant les collèges militaires des FAC. Dans sa mise à jour au Parlement en décembre 2022, l’ancienne ministre Anand reconnaissait qu’un « changement culturel en profondeur s’imposait dans ces institutions » et elle convenait d’entreprendre un examen externe des collèges (recommandation no 29) au cours duquel elle se pencherait également sur la recommandation de l’EEIC relative à l’élimination de la structure de commandement d’autorité et de responsabilité de l’escadre des élèves-officiers (recommandation no 28). Cet examen est sur le point de commencer et le groupe aura 12 mois pour produire son rapport. Selon moi, le processus était objectif; il a notamment fait appel à une agence de recrutement de cadres réputée qui a offert une liste initiale de personnes qualifiées. Le conseil d’examen sera composé de cinq membres externes, dont les noms seront révélés après l’octroi des contrats. Deux membres internes du MDN et des FAC en feront également partie.
  2. Par ailleurs, la recommandation no 29 préconise qu’en attendant les résultats de l’examen externe, les FAC prennent des mesures provisoires comme l’utilisation d’un sondage de départ pour recueillir de l’information sur l’expérience des cadets sortants pour ce qui touche l’inconduite sexuelle. Ce sondage a été mené il y a quelques mois et ses résultats sont actuellement en analyse. Une publication scientifique y fera suite. Le taux de réponse au sondage de 2023 était de 40 % au Collège militaire royal du Canada (377 répondants sur 947) et de 25 % au Collège militaire royal de Saint-Jean (76 répondants sur 300). Les FAC réaliseront ce sondage annuellement pour tous les cadets au cours de chacune de leurs quatre ou cinq années passées aux collèges militaires.

Évaluations du rendement, promotions et planification de la relève

  1. Plusieurs des recommandations de l’EEIC portent sur la nécessité de sélectionner les dirigeants des FAC en fonction de renseignements complets, en accordant une importance particulière à leur caractère. L’ancienne juge Arbour fait remarquer que le processus d’évaluation du rendement met l’accent sur le rendement et que peu de renseignements portent sur la conduite et l’éthique. Tout en reconnaissant que les FAC ont pris des mesures concrètes pour améliorer la sélection de ses dirigeants, l’IECR a recommandé ce qui suit :
    • Qu’un examen externe soit réalisé concernant les outils d’évaluation utilisés aux fins de promotion des officiers généraux, que l’utilisation de ces outils soit étendue à d’autres rangs et qu’une assistance externe soit fournie au ministre pour ce qui est de l’approbation des promotions des officiers généraux (recommandations no 32, no 33 et no 34).
    • Que les superviseurs et membres des FAC attestent officiellement et systématiquement que le militaire évalué ne fait pas l’objet d’une enquête pour inconduite, ou n’en a pas fait l’objet par le passé (recommandations no 30 et no 35).
    • Que tous les comités de relève obtiennent une « liste d’examen des incidents » pour cerner les inquiétudes en matière de comportement, et que les comités de relève concernant les majors et grades supérieurs et les comités de nomination des adjudants-maîtres/premier maître de 2e classe incluent un membre civil indépendant provenant de l’extérieur du MDN et des FAC (recommandations no 38 et no 39).
  2. Le processus de promotion a récemment subi plusieurs changements fondés sur la recherche scientifique pour que la sélection des dirigeants ait lieu de manière plus objective, en commençant par le grade d’officier général. Quiconque est envisagé pour une promotion vers le grade d’officier général doit maintenant effectuer trois tests psychométriques distincts conçus pour évaluer ses capacités en leadership, ses aptitudes cognitives, ses capacités de raisonnement et les dimensions de son caractère. Les personnes retenues pour l’étape de sélection suivante doivent effectuer une autre évaluation fondée sur la rétroaction de divers évaluateurs (évaluation 360 degrés). Cette évaluation a pour but de mesurer les compétences cognitives en leadership, les compétences interpersonnelles en leadership, les qualités personnelles de leadership, ainsi que les aptitudes à occuper un poste de haute direction.
  3. Ces outils ont été utilisés lors des cycles de promotion annuels de 2022 et de 2023, puis pour le cycle de promotion en cours. Le CEMD a ordonné qu’un processus similaire soit appliqué aux grades de major ou de capitaine de corvette et de sergent/premier maître de 2e classe et grades supérieurs (recommandation no 34). Les FAC sont en train de préparer un contrat pour entreprendre un examen externe comme le recommande l’EEIC (recommandation no 33). Toutefois, cet examen ne pourra pas commencer avant que les FAC n’aient établi un nouvel ensemble d’outils d’évaluation. Les outils actuels expirent en mars 2024. On s’attend à ce que la trousse d’appel d’offres soit publiée avant la fin de la présente année civile. D’ici là, les FAC examineront d’autres outils fondés sur les données probantes qu’elles pourraient employer pour les grades inférieurs à celui d’officier général, comme le test de personnalité évolutif que l’équipe de recherche interne est en train de mettre au point.
  4. Pour ce qui touche la consignation des manquements à la conduite (recommandation no 30), en 2022, la ministre a ordonné aux FAC de tenir compte des enquêtes terminées dans leur processus d’évaluation du rendement et de prendre en compte les enquêtes en cours comme facteur d’admissibilité à une promotion. Plus tôt cette année, les FAC ont émis une directive sur le processus d’évaluation du rendement selon laquelle « des commentaires doivent être faits au sujet des militaires qui, au cours de la période d’évaluation, font l’objet de mesures administratives ou disciplinaires pour un ou plusieurs écarts de conduite, ou sont condamnés pour une infraction civile. »
  5. L’autocertification par un candidat de ses problèmes de conduite par le passé (recommandation no 35) sera rattachée au processus de promotion et de nomination plutôt qu’au processus d’évaluation du rendement. Les FAC ont déterminé que cette approche atteindra les objectifs de la recommandation tout en respectant leur engagement envers l’application régulière de la loi lorsque des allégations n’ont pas encore fait l’objet d’une enquête ou n’ont pas été classées. Le candidat aura alors deux options : Je désire divulguer proactivement… ou J’atteste ne pas avoir fait l’objet de… Le formulaire doit être attesté par l’autorité qui effectue la recommandation. Je crois que le fait de faire signer le militaire et les personnes qui recommandent sa promotion amènera plus de responsabilisation au processus. À tout le moins, il souligne l’importance de la conduite et du caractère du militaire et en fait des éléments notables du processus. Un formulaire de sélection pour les promotions et nominations est en rédaction et devrait être adopté à l’été 2024.
  6. La recommandation no 31préconise qu’une « fiche d’inconduite » soit préparée pour tous les candidats envisagés pour une promotion au grade de lieutenant-colonel/capitaine de frégate ou un grade supérieur ou au grade d’adjudant-chef/premier maître de 1re classe. Sur le formulaire utilisé, les commandants devront attester qu’ils ont passé en revue les dossiers et les fiches de conduite du personnel pour déterminer la présence ou l’absence de manquements à la conduite. La mise en œuvre réelle est prévue pour l’automne 2024. L’EEIC recommande par ailleurs que la politique pertinente comprenne des dispositions en matière de réhabilitation et de retrait des condamnations criminelles pour lesquelles une suspension du casier judiciaire a été accordée. Les FAC ont récemment mis sur pied un cadre pour orienter les dirigeants de tous les niveaux en ce qui concerne la réintégration d’un accusé. Ce cadre, qui a été créé en 2022, a été mis à jour cette année. De plus, la politique sur la suspension du casier a été modifiée en juin 2022.
  7. L’EEIC a également recommandé (recommandation no 32) que le ministre soit aidé d’un conseiller externe lorsqu’il doit approuver la promotion d’officiers généraux. On a évalué diverses options et le ministre a décidé de formaliser les changements apportés en 2021 au processus de promotion. Cette approche implique la participation de deux employés civils, à savoir l’un des membres votants hauts gradés de l’Équipe de la défense qui siège au comité de sélection national, et un interrogateur externe contractuel qui fournit ses constatations par écrit au CEMD. Le contrat prévoit que le ministre de la Défense nationale peut discuter avec le contractant de tout ce qui découle de processus d’entretien, au besoin.
  8. La recommandation no 36 de l’EEIC préconise également que les FAC établissent un système de cibles progressives pour la promotion de femmes en vue d’accroître leur proportion au-dessus de leur niveau de représentation dans les effectifs des FAC. Les FAC ont entrepris une analyse exhaustive des raisons pour lesquelles les femmes ne sont pas représentées équitablement dans la haute direction de l’organisation et examinent comment y remédier. De plus, les FAC ont mis sur pied un outil de prévision pour modéliser les résultats de diverses cibles de représentation. Le CEMD s’engage personnellement à réunir les conditions nécessaires pour augmenter la représentation des femmes aux grades supérieurs et il a lancé un exercice proactif avec ses commandants pour gérer sur une période de dix ans le talent des femmes qui ont le potentiel de devenir les prochaines dirigeantes des FAC.  Il est prévu de reproduire ce processus pour d’autres groupes minoritaires.
  9. L’EEIC a également encouragé vivement les FAC (recommandation no 26) à accroître le nombre de possibilités de détachement. Certaines mesures ont été prises à cet égard, comme la mise à jour de l’inventaire des détachements et le ciblage de postes spécialisés d’officiers généraux au sein du MDN et des FAC qui bénéficieraient d’une exposition à des organismes externes, qu’il s’agisse d’autres ministères fédéraux ou d’organismes du secteur privé. Bien que la demande actuelle à l’égard du bassin d’officiers généraux empêche d’atteindre le but de cette recommandation à court terme, les FAC cherchent d’autres solutions, comme le fait d’offrir des détachements à des officiers de moins haut niveau, plus tôt dans leur carrière.
  10. La recommandation no 40 propose que les FAC adoptent une politique sur la planification de la relève fondée sur l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS Plus) pour veiller à ce que les femmes ne fassent pas l’objet, directement ou indirectement, de pratiques discriminatoires. La politique devra en outre fournir une orientation aux personnes concernées, comme les gestionnaires de carrière et les membres du comité de relève. Les FAC ont passé en revue leurs politiques et procédures relatives à la carrière pour déterminer si elles contiennent des obstacles pour les femmes. Une nouvelle politique en matière de planification de la relève sera promulguée à la fin de 2024.
  11. Pour ce qui touche la « liste d’examen des incidents » (recommandation no 38), elle sera vraisemblablement incluse dans la nouvelle politique sur la planification de la relève mentionnée ci-dessus.
  12. L’EEIC a également recommandé (recommandation no 39) qu’une ressource externe provenant de l’extérieur de l’Équipe de la Défense participe aux comités de relève concernant les majors et grades supérieurs et les comités de nomination des adjudants-maîtres/premier maître de 2e classe. La mise en œuvre de cette recommandation est prévue en 2025. Entretemps, le chef du personnel militaire par intérim (CPM p.i.) a émis un CANFORGEN selon lequel les comités de relève devraient inclure au minimum une personne d’un environnement différent. Cette personne devrait par ailleurs avoir le même grade ou un grade supérieur à celui des autres membres du comité et ne devrait pas faire partie de la chaîne de commandement de l’un de ceux-ci. De plus, tous les comités de relève devraient inclure un employé civil de l’Équipe de la Défense qui n’a jamais été militaire.

Libérations pour raisons de santé

  1. La recommandation no 37 couvre la demande aux FAC d’examiner leur principe d’universalité du service sous le prisme de l’ACS Plus. L’ancienne juge Arbour fait état de la surreprésentation des femmes dans les catégories de libération pour raisons médicales, en ajoutant que les victimes d’inconduite pourraient être indûment touchées. On a demandé à des experts ministériels en la matière (scientifiques de la défense, personnel des sciences de la santé, Groupe de transition des FAC, conseiller en matière d’égalité des genres du CPM et expert externe) de donner leur avis sur les principaux secteurs d’intérêt en lien avec les prémisses de l’ACS Plus. Il y a récemment eu un exercice de deux jours pour l’évaluation d’une politique impliquant divers intervenants : divers scénarios étaient offerts pour remettre en question la formulation de la politique et déceler ses lacunes. Au moins l’un de ces scénarios impliquait un cas d’inconduite sexuelle. Les consultations et le travail de révision se poursuivent en vue de la rédaction de la politique.

Contribution et surveillance

  1. Les recommandations no 41, no 42 et no 43 de l’EEIC portent sur le rôle du groupe de Services d’examen lors des enquêtes administratives relatives à des irrégularités alléguées au sein du MDN et des FAC, indépendamment de la chaîne de commandement. Il semblerait que ces enquêtes sont rarement liées au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle ou à la culture du leadership au sein de l’Équipe de la Défense et lorsque c’est le cas, le sous-ministre adjoint (Services d’examen) (SMA[SE]) consulte le CCPC en sa qualité de centre d’expertise en la matière. Pour donner suite à la recommandation comme quoi le ministre devrait prendre directement connaissance de toutes les enquêtes relatives au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle et à la culture du leadership au sein de l’Équipe de la Défense, le CCPC inclura toutes les enquêtes administratives du SMA(SE) contenant un élément d’inconduite sexuelle dans ses rapports statistiques au ministre.
  2. De plus, le SMA(SE) fera un compte-rendu annuel au ministre pour ce qui touche les statistiques et activités relatives aux enquêtes menées en vertu de la DOAD 7026-1, en lien avec ce qui est exigé dans la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR). Le tout premier rapport annuel sur les enquêtes administratives, qui couvrait l’exercice de 2022-2023, a été soumis au ministre en août 2023. Le SMA(SE) fournit également au SM et au CEMD un tableau de bord trimestriel contenant les mêmes renseignements et il est prêt à informer le ministre immédiatement de toute enquête administrative si une décision est prise en ce sens.
  3. Pour donner suite à la recommandation de l’EEIC comme quoi le chef des opérations du CSRIS devrait pouvoir ordonner de manière indépendante au SMA(SE) de mener une enquête administrative sur des questions liées au mandat du CSRIS (recommandations no 16 et no 43), le CSRIS et le SMA(SE) travaillent ensemble à la création de procédures opérationnelles normalisées qui comprennent les types d’enquêtes pouvant être renvoyées et les mécanismes à utiliser pour faciliter leur renvoi.
  4. La recommandation no 44 de l’EECI indique que dans le cas des personnes nommées par le gouverneur en conseil, comme le CEMD et le juge-avocat général, il faudrait envisager d’éliminer tout obstacle juridique – comme les préoccupations relatives à la protection de la vie privée – qui empêche le Bureau du Conseil privé d’accéder aux dossiers personnels, y compris aux fiches de conduite. Le mécanisme utilisé par le MDN et les FAC pour éliminer tout obstacle juridique qui empêche le Bureau du Conseil privé de consulter des documents consiste à faire signer aux candidats un formulaire de consentement autorisant l’examen de leur dossier personnel et la vérification du casier judiciaire. De plus, les candidats des FAC sont maintenant tenus de divulguer proactivement toute mesure administrative ou disciplinaire (en plus de celles énoncées dans les états de service du demandeur), ainsi que toute condamnation pour une infraction civile.

Bases de données publiques en ligne

  1. En octobre dernier, en réponse à la recommandation no 45 de l’EEIC, le ministre a annoncé le lancement d’une base de données en ligne sur les recherches et politiques en matière de conduite et de culture. Comme annoncé, la base de données affiche environ 70 rapports de recherche et contient des liens vers 80 politiques et directives portant sur une vaste gamme de sujets, notamment l’inconduite sexuelle, la diversité et l’inclusion, ainsi que les femmes dans les forces armées. Les produits de recherche comprennent des rapports scientifiques et des documents de référence sur ces sujets. Je continuerai de surveiller les mises à jour apportées à cette base de données.
  2. La recommandation no 46 touche la facilitation de la recherche externe et propose de procéder à un examen des Ordonnances et règlements royaux énumérés dans l’article 5.2 de la DOAD 5062-1; l’ancienne juge Arbour croit que ces dernières pourraient avoir un effet restrictif sur la participation des FAC aux projets de recherche. On m’a avisée que la révision et la mise à jour des séries de DOAD 5061 (Recherche avec des sujets humains) et 5062 (Recherche en sciences sociales) sont en cours, mais impliquent un long processus de consultation. Entretemps, on prépare la publication d’un CANFORGEN qui donnera un peu plus de contexte aux membres des FAC afin d’appuyer leur pleine participation à la recherche externe.
  3. En plus d’un sondage destiné aux établissements d’enseignement supérieur, l’équipe de recherche du personnel militaire a récemment organisé une séance d’une demi-journée où des universitaires et d’autres chercheurs ont pu discuter de la façon d’améliorer le processus. Ainsi, l’une des options envisagées veut que le Conseil d’examen de la recherche en sciences sociales (CERSS) continue d’approuver les parties techniques des propositions, mais qu’on élimine le besoin de procéder à un examen déontologique lorsqu’un tel examen a déjà été effectué et approuvé par le comité d’éthique de l’organisation de recherche.

Recommandations no 47 et no 48

  1. L’EEIC no 47 précise que le ministre doit informer le Parlement, avant la fin de l’année, des recommandations que le gouvernement n’a pas l’intention de mettre en œuvre. Comme indiqué plus haut dans ma mise à jour, le 13 décembre 2022, l’ancienne ministre Anand a présenté au Parlement un rapport décrivant la manière dont le MDN/CAF mettrait en œuvre l’ensemble des recommandations. Le rapport a ensuite été discuté lors d’une audition devant le Comité permanent de la défense nationale.
  2. L’EEIC no 48 propose qu’un surveillant externe soit nommée pour superviser la mise en œuvre des recommandations et publier des rapports semestriels. J’ai été nommée surveillante externe en octobre 2022. En mai 2023, un premier rapport d’étape a été publié. Il s’agit du deuxième rapport.

Conclusion

  1. Plus d’un an s’est écoulé depuis la publication du rapport d’examen externe indépendant et complet (EEIC) mené par l’ancienne juge Louise Arbour. Celle-ci y recommandait plusieurs modifications pour éliminer « les lacunes institutionnelles et les obstacles structurels » qui ont permis au problème d’inconduite sexuelle de perdurer.
  2. Dans ce deuxième rapport d’étape, je souhaite donner au lecteur un aperçu de la situation actuelle en matière de mise en œuvre. Certaines des recommandations de l’EEIC ont été réalisées. D’autres en sont à différentes étapes de leur mise en œuvre. Enfin, d’autres encore font l’objet d’une amélioration continue, comme c’est le cas du renvoi des plaintes de harcèlement sexuel ou de discrimination fondée sur le sexe à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) : la politique a été modifiée et la CCDP reçoit déjà ces plaintes. Cependant, à titre d’organisation apprenante, les FAC devront se pencher sur les constatations du CCDP et possiblement ajuster leurs programmes et politiques en conséquence. Il s’agira d’un processus continu.

Reddition de comptes

  1. Par le passé, les FAC ont été critiquées pour avoir déclaré publiquement qu’elles avaient mis en œuvre toutes les recommandations du rapport Deschamps de 2015, alors que ce n’était pas le cas. Cette fois-ci, la « clôture » des recommandations à lieu selon une meilleure reddition de comptes. Le processus prévoit maintenant un examen initial par un groupe au sein du CCPC qui surveille centralement toutes les recommandations. Cet examen est ensuite envoyé au sous-ministre et au chef d’état-major de la Défense pour qu’ils donnent leur approbation finale. Lorsque l’on juge que l’on peut déclarer achevé une recommandation, on la fait officiellement approuver par les deux plus hauts dirigeants de l’organisation.
  2. Le plan pluriannuel mis sur pied au cours de l’été permettra de soutenir cette reddition de comptes. Ce plan réunit les centaines de recommandations transmises par des ressources externes et les attribue pour qu’elles puissent être réalisées en un an, deux ans, etc. Les hauts dirigeants des FAC et le ministre pourront ainsi faire plus facilement le suivi des progrès. Jusqu’à ce jour, l’approche était plutôt fragmentée, ce qui permettait d’effectuer un examen moins systématique de la progression globale.

Sélection des dirigeants

  1. Les dirigeants peuvent potentiellement faire réussir ou échouer les tentatives d’éradiquer l’inconduite au sein d’une organisation. Les FAC ont sensiblement changé le processus de sélection de leurs dirigeants au cours des dernières années, et mettent maintenant l’accent sur le caractère d’une personne au lieu de se fier strictement au mérite ou aux compétences techniques. Le nouveau processus, fondé sur plusieurs années de recherche à l’externe comme à l’interne, a été perçu positivement lors de l’EEIC. Des suggestions concernant d’autres améliorations ont été formulées, comme l’attestation officielle des candidats concernant leurs problèmes de conduite par le passé, le cas échéant.
  2. L’importance accordée au caractère et à un comportement inclusif est constante dans toute l’organisation. Celle-ci véhicule fréquemment le message que les FAC cherchent à créer un meilleur environnement de travail pour tous ses membres. Il n’y a aucune garantie que cela éliminera le harcèlement et d’autres types d’inconduite, mais il est tout à fait clair qu’il peut y avoir des conséquences en terme de progression vers le niveau suivant.

Formation

  1. En 2021, à la suite de révélations concernant l’inconduite de plusieurs hauts dirigeants, l’Académie canadienne de la Défense des FAC s’est penchée sur la façon dont elle pourrait changer son approche. Elle a donc effectué des recherches et obtenu des conseils de la part d’experts externes.
  2. Dans mon premier rapport, je mentionnais que les FAC avaient apporté des changements substantiels à leur programme d’études et à leur approche de formation utilisée pour l’instruction militaire de base à l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes. Plus récemment, lors de ma visite à l’Institut Osside, où les militaires du rang suivent leur formation en leadership, on m’a informée de tous les changements apportés au cours de perfectionnement en leadership des gestionnaires intermédiaires. Comme c’est le cas pour l’évaluation du rendement et le processus de promotion maintenant en place, l’accent est placé sur le leadership fondé sur le caractère.
  3. Les changements récemment apportés au programme d’instruction et de formation des militaires sont importants. Selon moi, la nouvelle philosophie de l’ACD, jumelée au continuum en éducation du CCPC sur la conduite et la culture jouera un rôle fondamental, un peu comme l’installation d’un nouveau câblage dans une maison.
  4. Il s’agit là de certains des secteurs où je crois que les FAC ont amélioré leurs chances de progression dans la lutte contre l’inconduite sexuelle : une meilleure reddition de comptes en matière d’établissement des priorités et de mise en œuvre des recommandations, une plus grande utilisation des approches fondées sur les données scientifiques afin d’inculquer les valeurs et l’éthique dans le cadre de la formation, ainsi qu’une plus grande clarté concernant le type de dirigeants recherchés. Cependant, il reste beaucoup à faire. Par exemple, la modernisation du programme de perfectionnement en leadership pour les officiers n’est pas encore terminée. Les FAC reconnaissent qu’il s’agit d’un élément fondamental et l’ADC cherche à apporter les changements nécessaires le plus rapidement possible.

Surveillance de l’efficacité

  1. Les FAC ont mentionné dans leur plan de mise en œuvre qu’elles mettront l’accent sur les résultats plutôt que sur les activités pour mesurer leur rendement. Il en est également fait état dans la Stratégie d’évolution de la culture des FAC. Ce ne sera pas une tâche facile, mais ce travail est crucial. La panoplie d’ensembles de données qui existent actuellement au sein des FAC pour consigner les incidents d’inconduite ne facilite certainement pas ce travail. Comme mentionné dans l’EEIC : « l’absence d’un système consolidé de suivi des incidents au sein de l’Équipe de la défense est donc problématique ». Des efforts concertés sont déployés pour remédier à la situation, mais il s’agit d’une entreprise de taille. Jusqu’à ce que l’on atteigne cette consolidation, il sera difficile d’avoir un tableau complet en tout temps, ce qui complique la mesure du progrès au fil du temps.
  2. Enfin, sur une note générale, j’ai observé que le processus de modification de politiques est très exigeant en main-d’œuvre. Les FAC sont régies par une quantité impressionnante de règles et de règlements, et par une vaste gamme d’instruments de politique. On me dit que ceux-ci se contredisent parfois les uns et les autres. La cohérence est évidemment importante, mais plus on a d’instruments de politique, plus il est difficile d’y parvenir. Ainsi, même des modifications relativement simples peuvent prendre plusieurs mois de travail à plusieurs personnes. Dans une certaine mesure, le processus est alourdi par la variété des points de vue sollicités tout au long du processus aux fins de gestion des risques. On peut le comprendre. Après tout, les militaires sont entraînés pour considérer tous les risques concevables lorsqu’ils planifient une mission. Il ne s’agit toutefois pas nécessairement d’une approche durable lorsqu’il est question de gestion du changement.

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