Rapport annuel du juge-avocat général 2022-2023

Communiqué

J'ai le plaisir de présenter au ministre de la Défense nationale mon premier rapport annuel sur l'administration de la justice militaire depuis ma nomination au poste de juge-avocat général des Forces armées canadiennes le 28 juin 2023. Le présent rapport couvre la période allant du 1er avril 2022 au 31 mars 2023, au cours de laquelle j'ai exercé les fonctions de juge-avocat général par intérim.

Conformément au paragraphe 9.3(2) de la Loi sur la défense nationaleNote de bas de page 1, le juge-avocat général est tenu de présenter un rapport annuel au ministre de la Défense nationale sur l'administration de la justice militaire dans les Forces armées canadiennes.

Le thème du rapport annuel de l'année dernière portait sur l'évolution du système de justice militaire en vue d'améliorer la discipline, l'efficacité et le moral des Forces armées canadiennes. Il retraçait l'évolution continue de ce système, lequel s'est adapté aux changements des normes sociales et juridiques du Canada afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des Forces armées canadiennes, et ce, d'une manière fondamentalement juste et équitable. Le rapport de cette année se concentrera sur une étape importante de ce parcours : la mise en œuvre des dispositions du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres loisNote de bas de page 2. Alors que beaucoup de choses ont déjà été écrites sur l’un des aspects de cette loi, soit la Déclaration des droits des victimes, le présent rapport se concentrera quant à lui sur le fondement du système de justice militaire: le nouveau système d'audiences sommaires des Forces armées canadiennes.

Le nouveau système d’audiences sommaires

En date du 20 juin 2022, le nouveau système d'audiences sommaires a remplacé l'ancien système des procès sommaires. Ce nouveau système est conçu en vue d’améliorer la réactivité du système de justice militaire au niveau de l'unité en fournissant un processus disciplinaire simplifié et sans conséquences pénales, pour répondre aux actes répréhensibles commis par les membres des Forces armées canadiennes. Ce nouveau système permet aux commandants et à leurs délégués de traiter rapidement et équitablement les manquements mineurs à la discipline militaire, en tenant les membres fautifs responsables tout en respectant les principes fondamentaux d'équité.

La mise en œuvre du nouveau système d'audiences sommaires représente une refonte complète du système de justice militaire au niveau de l'unité. Un changement d'une telle ampleur a nécessité le travail et la contribution de tous les partenaires de l'Équipe de la défense. Depuis plusieurs années, le Cabinet du juge-avocat général (Cabinet du JAG) participe à un effort pangouvernemental pour y parvenir. Cet effort comprend des consultations avec les parties prenantes de la justice militaire de l'ensemble des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, la préparation de documents de politiques et de formation, et une collaboration avec le ministère de la Justice pour rédiger des amendements législatifs et réglementaires.

Comme plusieurs changements récents apportés au système de justice militaire, notamment la Déclaration des droits des victimes, les fondements juridiques du système d'audiences sommaires ont été posés par le projet de loi C-77. Toutefois, l'ampleur des changements a nécessité plus que de simples modifications législatives. Il a également fallu apporter les modifications les plus importantes aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennesNote de bas de page 3 en plus de cinq décennies, pour mettre en œuvre le nouveau processus de manière efficace. Les modifications sont entrées en vigueur le 20 juin 2022, et la première audience sommaire a eu lieu le 11 juillet 2022.

L’ancien système des procès sommaires était un élément essentiel du système de justice militaire canadien depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la défense nationale en 1950. Conçus pour être tenus partout où se trouve une unité, que ce soit en garnison, dans un secteur d’entraînement ou pendant un déploiement à l’étranger, les procès sommaires ont représenté plus de 80% de tous les procès des tribunaux militaires au cours d’une période de référence typiqueNote de bas de page 4. Ils constituaient un outil inestimable pour la chaîne de commandement, servant de procédure pénale efficace pour traiter des infractions relativement mineures, tout en offrant à l’accusé de solides garanties procédurales. Le système des procès sommaires a joué un rôle essentiel dans le maintien de la discipline au sein des Forces armées canadiennes dans l’ensemble de ses activités d’entraînement ainsi que dans les opérations menées pendant la période de la guerre froide et dans le cadre des missions de paix et de sécurité internationales des Nations unies et de l'OTAN qui ont suivi.

Toutefois, le système de justice militaire doit suivre l'évolution des normes juridiques et sociales. Afin de mieux s'aligner sur les valeurs canadiennes contemporaines, un nouveau tribunal administratif non pénal a été conçu en vue de répondre aux besoins avérés des intervenants de la justice militaire tout en offrant à la chaîne de commandement des options souples et efficaces pour traiter les manquements mineurs à la discipline.  En conséquence, les fautes plus graves continuent d'être traitées en renvoyant les infractions d’ordre militaire en cour martiale, mais les cas moins graves peuvent être traités rapidement d'une manière qui répond aux objectifs distincts du système de justice militaire en dehors du système pénal.

Le passage du droit pénal au droit administratif se reflète dans de nombreux aspects du nouveau processus d’audience. Tout d'abord, les infractions d’ordre militaire ont été retirées de la compétence des audiences sommaires et remplacées exclusivement par des manquements d’ordre militaire. Les manquements d’ordre militaire couvrent une variété d'actes, d'omissions ou de conduites qui enfreignent les normes des Forces armées canadiennes et nuisent au moral, à l'efficacité et à la discipline de l'unité. Il s'agit notamment de l'utilisation non autorisée de biens publics, de la non-divulgation d'un conflit d'intérêts, du maniement dangereux d'une arme et d’avoir les facultés affaiblies dans l'exercice des fonctions.

La norme de preuve a également été modifiée. Les accusations entendues dans le cadre du système d'audiences sommaires sont déterminées sur la base de la prépondérance des probabilités applicable dans les procédures disciplinaires administratives en vigueur dans d'autres professions, et non sur la base de la norme criminelle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Enfin, une personne reconnue coupable d'un manquement d’ordre militaire fera l'objet d'une sanction plutôt que d'une sentence, allant de sanctions mineures comme des travaux et des exercices supplémentaires à des sanctions plus sérieuses comme une réduction en grade pour les infractions les plus graves.

Si les changements ont été importants, certains principes restent inchangés, comme le maintien du rôle central de la chaîne de commandement dans le processus. Dans la plupart des cas, ce sont les commandants ou les officiers délégués qui mènent les audiences sommaires. En outre, le nouveau processus maintien des garanties pour les personnes accusées de manquements d’ordre militaire, fondées sur les principes d'équité procédurale et de justice naturelle. Il s'agit notamment de l'accès à un officier désigné si souhaité, du droit de présenter des observations et du droit d'être entendu par un décideur impartial.

Le Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance

La mise en place du processus d'audiences sommaires s'est accompagnée d'un travail continu de la part du cabinet du JAG afin de renforcer la transparence et la reddition de comptes à travers le système de justice militaire en améliorant le suivi, l'analyse statistique et l'utilisation de la technologie. Ce travail se terminera au niveau de l'unité avec le Système de gestion de l’information et de l’administration de la justice dans le cadre du Projet d’évaluation et d’amélioration de la surveillance, qui inclura et intégrera le cadre de surveillance du rendement du système de justice militaire et les initiatives relatives aux normes de temps du système de justice militaire.

Ces efforts visent à maintenir une vue d’ensemble de l’efficacité et de l'efficience du système de justice militaire pour améliorer la prise de décisions en s’appuyant sur des statistiques et des données probantes. Ces nouvelles initiatives amélioreront également l'administration de la justice militaire au niveau de l'unité en fournissant aux autorités de l'unité un tableau complet des procédures disciplinaires au sein de leur unité, ce qui leur permettra de mieux s'impliquer dans le processus disciplinaire.

Déclaration des droits des victimes

L'entrée en vigueur du projet de loi C-77 a également transformé le système de justice militaire en introduisant la Déclaration des droits des victimes au sein de la Loi sur la défense nationale. En harmonisant le système de justice militaire avec son homologue civil, l’adoption de la Déclaration consacre dans la loi des mécanismes de soutien aux victimes d’actes criminels et leur fournit un certain nombre de droits, y compris des droits renforcés d'accès à l'information, le droit de participer à la prise de décisions, le droit à la protection et le droit au dédommagement. Le Cabinet du JAG a joué un rôle déterminant dans le développement de cette initiative et continue à soutenir sa mise en œuvre afin d'assurer que les victimes et les survivants d'infractions d'ordre militaire soient en mesure de participer efficacement à l'administration de la justice militaire.

Conclusion

La mise en œuvre du système des audiences sommaires marque une étape importante dans le parcours du système de justice militaire. Dans son rôle de surveillance de l'administration de la justice militaire, le juge-avocat général est résolu à soutenir le gouvernement du Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes dans l'évolution continue du système, en s’employant à renforcer son caractère équitable, son efficacité et sa capacité à répondre aux besoins de la discipline militaire. Comme par le passé, les efforts du juge-avocat général demeureront guidés par les impératifs de la primauté du droit, les droits de tous les participants et les exigences particulières des Forces armées canadiennes.

Fiat Justitia

Rob Holman, CD
Brigadier-général

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