ARCHIVÉE - Analyse des options en vue du maintien en puissance de la capacité des forces armées canadiennes en matière de chasseurs

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Tâche 2 : Analyse des besoins des missions du chef – développement de la force

Rapport final

Sommaire rapport sur les besoins des missions du chef – développement de la force évaluation des options en vue du maintien en puissance de la capacité des fac en matière de chasseurs

Le présent rapport sert à examiner les besoins des missions d’ensemble que l’appareil de remplacement du CF188 doit satisfaire. La planification fondée sur les capacités (PFC) a été utilisée comme méthode de planification stratégique pour étudier les besoins des Forces armées canadiennes (FAC) dans les missions nationales ou expéditionnaires qu’elles auront à accomplir dans les 5 à 30 ans à venir afin de prévoir les capacités dont le Canada aura besoin pour parer à une panoplie de menaces possibles. D’un point de vue de la politique de défense, la PFC aide à répondre à trois questions importantes : selon les estimations des FAC, que devront-elles accomplir à l’avenir, dans quelle mesure y parviendront-elles avec les capacités dont elles disposent maintenant ou qui sont prévues, et que peuvent-elles faire pour améliorer leur performance? Les conclusions clés du rapport sont les suivantes :

Le Canada aura besoin d’un chasseur avec pilote encore très longtemps, principalement en raison de son unique capacité de protéger l’espace aérien canadien. Aucune autre plateforme ou combinaison de plateformes ne peut satisfaire à ce besoin de mission nationale décisif.

Un appareil avec pilote offre une option polyvalente et visible pour les contributions du gouvernement du Canada aux opérations expéditionnaires de coalition. Le gouvernement pourra choisir ou non de déployer l’appareil, et en cas de déploiement, de choisir les tâches précises qu’il accomplira selon les exigences et les menaces de la mission. Dans la perspective du développement de la force, il est prévu que dans un scénario de combat, les chasseurs canadiens interviendraient après les premières frappes des alliés.

Alors que les capacités actuelles du CF188 suffisent à court terme, ce niveau de capacité est relatif et s’affaiblira pendant les années 2020, à mesure que les technologies et les capacités militaires des autres pays et acteurs non étatiques s’amélioreront. Au-delà de cette échéance, une capacité supérieure au CF1888 sera requise sinon les risques liés à la mission s’accroîtront.

Les menaces futures sont considérées en terme de probabilité et d’intention des ennemis; quels moyens disposent-ils maintenant, et de quelle manière entendent-ils les utiliser? De plus, quelle est la probabilité d’exposition à cette menace? Au pays, n’importe quel remplacement au CF1888 doit être capable de défendre le Canada contre les capacités militaires sophistiquées des pays étrangers, notamment les bombardiers avec pilote; toutefois, l’usage malveillant des capacités de ce genre contre le Canada est jugé faible. Les missions expéditionnaires futures auront probablement à affronter des moyens de défense aérienne moins sophistiqués que ceux des pays modernes, mais ces moyens auront un potentiel de destruction substantiel et des intentions hostiles.

Missions nationales. Le rôle prédominant du remplacement au CF1888 sera de nature nationale. Cette mission est obligatoire, fondée sur la nécessité de protéger notre souveraineté et de s’acquitter de nos obligations binationales en application du traité de défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Non seulement 90 % de l’emploi historique du chasseur est-il lié à des missions nationales ou continentales, on prévoit que, dans la période visée, près de 80 % de l’emploi de ces capacités (ou utilisation) sera lié à des fonctions de contrôle aérospatial, en particulier de défensive contre le potentiel aérien (DCA) – la capacité de protéger l’espace aérien. On prévoit également que la DCA nationale demeurera, avec un niveau élevé de certitude, le plus important rôle du chasseur. Aucune autre ressource des FAC, seule ou en combinaison, ne peut se substituer au rôle crucial d’intercepteur aéroporté. Le Canada aura besoin d’un chasseur avec pilote encore très longtemps, principalement pour son unique capacité de protéger l’espace aérien canadien. L’état actuel de la technologie des appareils sans pilote ne laisse pas croire que cette option serait un remplacement viable au CF188 à court ou à moyen terme.

Missions expéditionnaires. Les opérations expéditionnaires sont manifestement facultatives. Non seulement le gouvernement du Canada a-t-il le choix de participer ou non à ces opérations, mais il peut également choisir de quelle manière il compte y participer. Historiquement, le Canada emploie sa capacité de chasseur à l’étranger environ une fois par décennie. De plus, un élément de chasse est parmi l’une des capacités les plus rapidement déployables dans les FAC, lorsqu’il est accompagné de ravitailleurs aériens.

Il est prévu que les chasseurs canadiens seront employés dans le cadre d’un ensemble aérien de coalition de grande envergure après les premières frappes initiales de la force d’intervention, qui viseraient à affaiblir les défenses aériennes et les systèmes de commandement et de contrôle. À ce moment dans l’intervention, les menaces les plus sophistiquées contre les chasseurs seraient très affaiblies. De plus, dans de nombreux contextes d’État défaillant ou en déroute, il y a peu de menaces aéroportées à contrer. Dans ces situations de suprématie aérienne, les résultats escomptés du chasseur tendent plutôt à produire des effets sur des cibles au sol. Dans ce cas, et lorsque la situation permet de déployer des forces au sol, les FAC disposent d’autres systèmes, comme l’artillerie, qui peuvent produire les mêmes effets (dans certaines circonstances), ce qui signifie que le nouveau chasseur serait moins essentiel au succès à la mission à l’étranger qu’au pays.

La capacité est relative. Sans aucun doute, constatations antérieures renforce le besoin d’un remplacement au chasseur avec pilote. CFD a évalué que les niveaux relatifs de capacité actuels suffiraient comme niveau opérationnel dans le futur. Pour conserver ces niveaux relatifs dans le futur, il faudra disposer d’un chasseur qui a un meilleur rendement que le CF1888. C’est particulièrement vrai lorsqu’on examine la durée de vie estimée du chasseur de remplacement, qui se compte en décennies. On juge que les technologies sans pilote actuelles n’ont pas assez de maturité pour être envisagées comme un remplacement dans les années 2020; il ne reste ainsi que les appareils avec pilote comme option viable à court terme. Alors que les capacités actuelles du CF1888 sont suffisantes à court terme, ce niveau de capacité est relatif et s’affaiblira pendant les années 2020, à mesure que les technologies et les capacités des autres pays et acteurs non étatiques s’amélioreront. Au-delà de cette échéance, une capacité supérieure au CF1888 sera requise sinon les risques liés à la mission s’accroîtront.

En résumé, on recommande dans ce rapport que le Canada remplace le CF188 par un autre appareil avec pilote

Rapport sur les besoins des missions du chef – développement de la force — évaluation des options en vue du maintien en puissance de la capacité des fac en matière de chasseurs

Références :

  1. Dossier d’exposé (classifié) : « Plan de travail relatif à l’évaluation des options, Étape 4 », 17 octobre 2012.
  2. Chef – Renseignement de la Défense, « CF Fighter Capability Intelligence Assessment » (SANS CLASSIFICATION), 4 janvier 2013.
  3. Chef – Développement de la force, « Rapport final de la planification fondée sur les capacités » (CLASSIFIÉ), juin 2012.
  4. Programme de coopération technique, « Analyse à l’appui de la planification stratégique, » October, 2012.
  5. Recherche et développement pour la défense Canada, « Scenario Frequency and Concurrency Analysis », 16 mai 2012.
  6. Commandement de défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, « NORAD Capability Gaps » (CLASSIFIÉ), 4 mars 2013.
  7. Gouvernement du Canada, « Stratégie de défense Le Canada d’abord », juin 2008
  8. Chef – Développement de la force, Manuel de planification fondée sur les capacités, v6.3, 15 janvier 2011.

Aperçu

Orientation

Le présent rapport a été rédigé par des officiers des Forces armées canadiennes (FAC) qui travaillent dans l’organisation du Chef – Développement de la force (CDF); ce sont des militaires issus de divers milieux professionnels dont la tâche est de fournir des conseils aux dirigeants sur les options pour la définition, la conception et la construction des capacités pour les 5 à 30 années à venir. Le développement de la force est une combinaison d’art militaire et de science. Il s’agit d’un art militaire, parce que tout comme l’application et la gestion de la violence en soi, la planification de la force n’a pas de modèle qui donne de résultats précis et il est impossible de prévoir l’avenir avec certitude. Il est toutefois possible d’employer de la rigueur et de l’analyse, lorsque les experts militaires : a) travaillent avec des experts en science et en technologies pour la défense, et b) reçoivent de l’information des experts des milieux universitaires et des alliés. Les conseils en matière de développement de la force sont fondés sur des évaluations bien étayées (la science) des exigences futures de capacités et sur des jugements (l’art) à cet égard.

Les responsables du développement de la force offrent un appui à la prise de décision fondée sur des données probantes aux hauts dirigeants pour les choix difficiles qu’ils ont à faire. Cet appui est maintenant offert au moyen d’une méthode généralement reconnue, intitulée planification fondée sur les capacités (PFC)[1]. Cette méthode de planification privilégie la capacité, ou l’habileté d’atteindre un résultat final escompté. La capacité est dérivée d’une combinaison de plateformes individuelles (un char, un chasseur, un avion ravitailleur, etc.) qui sont employées par les militaires de la manière appropriée (selon l’objectif désiré et les conditions qui prévalent) et qui forment un système de systèmes. La capacité se définit comme « ...l’effet combiné de multiples sources. Ce n’est pas la somme... mais la synergie... qui détermine le niveau de capacité »[2]. Les responsables du développement de la force utilisent une approche de PFC pour élaborer une connaissance approfondie de ce qui doit être accompli dans l’avenir et des choix disponibles pour y parvenir. Cette tâche requiert une analyse stratégique pour déterminer les capacités futures requises, puis pour déterminer les changements requis afin de modifier la force actuelle en vue de cet avenir. Cette méthode offre une autre perspective que celle des personnes qui cherchent à maintenir ou à améliorer les systèmes actuels et les moyens d’atteindre les résultats requis par les Canadiens.

But

Le présent rapport a pour but d’évaluer les besoins de mission de l’appareil de remplacement au CF188 dans le contexte des exigences probables de mission (menaces, facteurs environnementaux et résultats militaires escomptés). Pour ce faire, le CDF a puisé dans un corpus substantiel d’analyses du développement de la force dans l’ensemble des FAC qui ont été menées de 2011 à 2012 dans le cadre de l’examen du portefeuille des capacités stratégiques. Les besoins de mission seront analysés dans l’optique des scénarios de développement de la force qui sont utilisés dans la PFC, et qui recouvrent les trois rôles et les six missions décrits dans la Stratégie de défense Le Canada d’abord (SDCD).

Dans le cadre de la PFC et dans les scénarios de développement de la force, l’examen de la menace potentielle est réalisé selon les aspects de capacité, d’exposition et d’intention. Par conséquent, il faut étudier quelle capacité le Canada aurait à affronter, la probabilité d’être exposé à cette menace, et finalement, l’intention des ennemis possibles. On peut se renseigner sur les capacités au moyen d’évaluations de source publique ou classifiées. L’exposition renvoie à la question « Si l'intervention ne se déroule pas au Canada, les FAC seront-elles tenues d’y aller? » L’intention est un aspect fondamental important, puisque sans un contexte de niveau plus élevé, il est possible de parvenir à des conclusions erronées concernant la profondeur et l’étendue des capacités requises des FAC pour protéger les intérêts du Canada dans le futur. Le contexte pour évaluer le chasseur de remplacement au CF1888 repose sur l’évaluation du Chef – Renseignement de la Défense[3], la publication des FAC sur l’environnement de la sécurité future[4] et des documents supplémentaires de la Direction de l’intégration des capacités. Une compréhension de la menace, des capacités des alliés et de la gamme complète des capacités des FAC définit l’environnement probable de capacités dans lequel l’appareil de remplacement au CF1888 devra évoluer. En sa qualité d’autorité centrale des FAC en matière de développement de la force, le CDF a la position unique de faire abstraction des projets et des plateformes uniques et de les voir dans un contexte plus général; ce qui constitue la proposition de valeur du présent rapport. Cette perspective est importante en raison du chevauchement à l’occasion des effets entre les diverses plateformes participantes aux missions opérationnelles. Les résultats militaires escomptés sont liés à ce qui est attendu de l’appareil de remplacement au CF188.

Le présent rapport est structuré en cinq sections. Tout d’abord, la section sur l’approche décrit la méthode analytique. La deuxième section fournit du contexte dans le but de définir l’environnement de sécurité de l’avenir (ASE), par la description d’un modèle scientifique qui tient compte des opérations antérieures pour déterminer la probabilité à venir, et pour répartir les divers scénarios dans l’ensemble du spectre du conflit. Cette section se termine par les tendances communes chez les alliés et elle établit le contexte général pour comprendre les besoins de mission. La troisième section présente un résumé de l’analyse des besoins de mission. La quatrième section fournit une autre analyse sur les facteurs de menace, d’équilibre, de flexibilité et de risque. La section cinq présente la conclusion au rapport.

Ce rapport présente donc une évaluation des exigences pour l’appareil de remplacement au CF1888 (les besoins de mission) aux niveaux stratégique et opérationnel dans le contexte des menaces futures. L’accent est mis sur les exigences militaires au niveau opérationnel dans un contexte interarmées – plus précisément, l’application d’une capacité en matière de chasseur aux missions décrites dans la Stratégie de défense Le Canada d’abord. L’analyse des besoins de mission de la tâche 2 sera étayée par des documents de PFC. L’évaluation de la capacité du chasseur à un niveau tactique de la tâche 3 et l’analyse de la menace de la tâche 1 mettent l’accent sur les tendances technologiques ainsi que sur les intentions géopolitiques et de prolifération. Dans son analyse, le CDF n’émet aucun commentaire sur les options de plateformes de chasseur individuelles. Il tente plutôt de définir ce que le chasseur devrait accomplir dans le cadre des Forces armées canadiennes, au pays et à l’étranger.

Section 1 – Méthode analytique

Approche

La PFC est une méthode analytique fondée sur les systèmes qui sert à répondre à trois simples questions :

  • Selon les prévisions, que devra-t-on accomplir à l’avenir?
  • Dans quelle mesure pourra-t-on y parvenir avec les moyens dont on dispose maintenant?
  • Que devra-t-on changer pour mieux y parvenir?

Pour arriver aux réponses, la méthode préconise une approche à trois étapes :

  • Première étape. Définir les capacités des Forces armées canadiennes à partir des grands éléments constituants, puis progressivement en détail pour permettre aux déductions d’émerger. Ce concept est connu comme le Cadre de capacités des FAC (dont un extrait est présenté à la figure 1). Il permet d’utiliser une approche par système lorsque l’on considère les plateformes individuelles. Ce cadre débute à l’échelon 1, dans ce cas les « capacités dans l’environnement aérospatial », puis on tient compte dans l’échelon 2 des différentes capacités aérospatiales requises pour la conduite des opérations militaires (p. ex. le contrôle aérospatial de la force aérienne). À l’échelon 3, on subdivise les différentes activités telles que l’offensive contre le potentiel aérien, qui est le dernier niveau stratégique utile à considérer pour les experts du développement de la force. Un examen plus en détail relèverait du domaine du développement de la force environnementale; dans ce cas, de celui de l’Aviation royale canadienne.

    Figure 1 : Cadre de capacités des FAC (extrait) (SC)

    Figure 1 : Cadre de capacités des FAC (extrait) (SC) : Extrait du tableau du Cadre des capacités des Forces armées Canadiennes montrant le plus haut échelon I « capacités dans l'environnement aérospatial » et en dessous les deux catégories de échelon II qui s'appliquent. Dans échelon II, dessous « contrôle aérospatial de la force aérienne » il ya deux échelon III activités « défensive contre le potentiel aérien (DCA) » et « Offensive contre le potentiel aérien (OCA), » et dessous « application de la force par la force aérospatiale » il y a un échelon III activité « Attaque stratégique. »

     
  • Deuxième étape. Appliquer le Cadre de capacités des FAC, comme illustré à la Figure 1, aux scénarios de développement de la force qui définissent les résultats escomptés de toutes les missions. En d’autres mots, le CDF utilise ce cadre dans l’analyse de chacune des missions de la SDCD. Les scénarios du développement de la force fournissent le contexte pour l’analyse du cadre de capacités. Ils représentent des concepts opérationnels fictifs mis en scène dans le monde réel. Chaque capacité est ensuite classée dans quatre grands groupes :

Décisive à la mission. Une capacité qui produit l’effet direct escompté dans la cadre de sa fonction primaire. Cet effet est évalué comme décisif au succès de la mission. Si cette capacité n’était pas employée, il pourrait y avoir un risque grave au succès de la mission.

Essentielle à la mission. Une capacité qui est essentielle pour l’emploi des capacités décisives à la mission; l’absence d’une ou de plusieurs capacités essentielles à la mission poserait un risque au succès de la mission.

Courante à la mission. Une capacité qui est requise pour l’exécution de la mission, mais qui a une fonction d’appui courant ou une très faible probabilité d’emploi. Seul le cas où de multiples capacités courantes à la mission causent une panne de système pourrait-il y avoir un risque modéré au succès de la mission.

Non attribuée. Une capacité qui, selon l’évaluation, n’est pas requise pour la mission examinée dans le contexte du scénario[5].

  • Troisième étape. Évaluer dans quelle mesure les FAC peuvent satisfaire à l’heure actuelle aux exigences futures de capacités. Il faut noter qu’aux fins de la PFC, le portefeuille actuel des FAC comprend les ressources que les FAC utilisent à l’heure actuelle et les ressources qui devraient être acquises dans les 20 prochaines années dans le cadre du Programme des services de la défense. Ainsi, l’évaluation comprend les navires, les véhicules et les aéronefs qui ne sont pas encore en possession des FAC, mais qui sont mandatés dans les capacités du CDF; ces ressources forment le fondement des évaluations des prévisions. Cette étape prévoit que le CDF évalue les capacités comme elles seraient employées dans des situations opérationnelles; et non à titre de plateformes individuelles ou de petites unités, mais plutôt comme partie d’un système. Cette étape exige aussi de tenir compte des trois grandes phases d’emploi d’une mission, à savoir les phases de façonnage, d’intensification et d’opérations soutenues[6]. Conformément, des groupes de forces sont créés, tels que la Force opérationnelle interarmées canadienne pour l’Afghanistan en 2009, qui comprend des forces terrestres et aériennes. Ces forces opérationnelles sont constituées d’éléments individuels de la force, comme des compagnies d’infanterie, une escadrille de chasseurs, des services de soutien au combat, un élément d’activation du théâtre, etc. À l’aide de ces éléments structurels, à l’étape 3, un groupe composé de divers analystes de défense militaire et d’experts en science et en technologie attribue un code de couleur qui informe dans quelle mesure chaque capacité évaluée peut répondre aux besoins des missions futures :

Bleu. Il existe un surplus de capacité pour satisfaire aux exigences de la mission. Cette indication désigne une capacité que l’on pourrait réduire pour permettre des investissements ailleurs[7].

Vert. Il n’existe aucun risque d’échouer à satisfaire aux exigences de mission.

Jaune. Il existe un risque modéré d’échouer à satisfaire aux exigences de mission. Ce risque provient d’un manque de capacité pour produire des résultats ou de la formulation et de la production improvisée d’une capacité.

Rouge. Il existe un risque élevé d’échouer à satisfaire aux exigences de mission. Ce risque provient de l’absence complète de la capacité dans les ressources des FAC ou d’une insuffisance de capacité pour répondre à une demande attendue.

Après avoir examiné les niveaux détaillés du Cadre des capacités dans les étapes 1, 2 et 3, on a récapitulé l’évaluation à l’échelon 1, en examinant comment chaque élément de la force (dans ce cas, une escadrille de six chasseurs) comme une partie d’un système qui contribue à chaque domaine de capacité. On a poussé cette analyse plus loin, en mesurant la contribution de chaque élément de force au domaine de capacité. On a aussi examiné les autres éléments de force dans le portefeuille des FAC qui pourraient produire des effets à la place du chasseur (p. ex., un missile lancé à partir d’un navire contre un aéronef ou contre des cibles terrestres, au contraire d’un chasseur qui engagerait les mêmes cibles). En regroupant ces analyses de système de systèmes, on peut mieux évaluer le risque dans un contexte plus général à l’égard de chaque mission, puis à l’égard des FAC dans leur ensemble.

L’analyse contenue dans le présent rapport se limite aux domaines de capacités auxquels contribuera l’appareil de remplacement au CF188. Dans l’analyse des capacités du chasseur de remplacement, les domaines de capacités suivants s’appliqueront :

  • Contrôle aérospatial

Opération défensive contre le potentiel aérien (DCA). Désigne l’ensemble des mesures destinées à supprimer ou à réduire l’efficacité d’une action aérienne hostile. Il s’agit d’une opération visant à neutraliser des forces aérospatiales adverses qui menacent des forces amies ou leurs installations grâce à l’exécution de patrouilles aériennes de combat (CAP), de missions d’escortes (ESC) et de missions d’interception aérienne (AI).[8]

Opération offensive contre le potentiel aérien. Opération visant à détruire, à perturber ou à limiter une puissance aérienne ennemie le plus près possible de sa source. Cette catégorie comprend les opérations d’attaque de surface (SA), de suppression de la défense aérienne ennemie (SEAD) et d’exploration (SWP).[9]

Attaque stratégique. Vise à détruire ou à désintégrer progressivement la capacité de l’adversaire ou sa volonté de faire la guerre (comme ce fut le cas dans les phases initiales des deux campagnes dirigées par les États-Unis en Irak). Une mission de ce type est normalement menée contre un centre de gravité ennemi (c.-à.-d., sur des cibles dont la perte entraînera des effets démesurés sur l’ennemi, comme un centre de commandement ou une installation de communication).

  • Effets terrestres – Puissance de feu

Appui aérien rapproché (CAS). Attaque aérienne d’une cible si près de forces terrestres amies que chaque mission doit être coordonnée avec soin avec le feu et le mouvement de ces forces.[10]

Frappe terrestre. Opération antisurface employant la puissance aérospatiale, en collaboration avec les forces de surface et sous-marines amies, pour dissuader, contenir ou vaincre les forces terrestres et maritimes de l’ennemi dans le littoral.[11]

  • Effets maritimes

Appui aérien tactique aux opérations maritimes (TASMO). Emploi d’un aéronef ne faisant pas partie de l’unité requérante pour fournir un appui aérien à une opération maritime.[12]

  • Renseignement, surveillance et reconnaissance (RSR). Activité qui synchronise et intègre la planification et le fonctionnement de toutes les capacités de collecte, y compris l’exploitation et le traitement des données, en vue de diffuser l’information qui en résulte à la bonne personne, au bon moment, dans le format approprié, en appui direct aux opérations actuelles et futures.[13] Souvent, ce sont les véhicules aériens sans pilote (UAV) qui ont pour mission principale de mener des activités de RSR, mais on peut aussi employer des avions de chasse (ainsi que d’autres aéronefs) pour recueillir des renseignements, soit au moyen de capteurs ou par l’intermédiaire du pilote, pour ajouter un avantage tertiaire à la mission principale. La ligne séparant les chasseurs et les UAV de RSR est de plus en plus floue; les premiers sont équipés de capteurs plus perfectionnés, tandis que les derniers sont armés.

L’appareil de remplacement du CF188 a été évalué en fonction des six missions de la SDCD et au moyen des scénarios de développement des forces décrits ci-dessous[14] :

  • Mission nº 1 de la SDCD – Exécuter quotidiennement des opérations nationales et continentales, y compris dans l’Arctique et sous les auspices du NORAD;
  • Mission nº 2 de la SDCD – Appuyer un événement international majeur au Canada;
  • Mission nº 3 de la SDCD – Intervenir en cas d’attaque terroriste majeure;
  • Mission nº 4 de la SDCD – Appuyer les autorités civiles pendant une situation de crise au Canada, par exemple en cas de catastrophe naturelle (ceci a été analysé conjointement avec la mission nº 2, puisque les chasseurs jouent un rôle mineur dans cette mission);
  • Mission nº 5 de la SDCD – Diriger et/ou mener une opération internationale majeure pendant une période prolongée. Cet élément a été analysé au moyen des scénarios de mission secondaires suivants :
    1. Mission 5a – Opérations de soutien de la paix – On a déterminé que l’emploi de chasseurs ne s’applique pas à ce type d’opération;
    2. Mission 5b – Opérations d’imposition de la paix – Le scénario utilisé met en scène des éléments des FAC menant une mission de stabilisation dans un État en déroute de la Corne de l’Afrique, où la prépondérance des menaces est sous la moyenne;
    3. Mission 5c – Opérations menées dans le cadre d’un conflit régional – Ce scénario était basé sur un conflit interétatique dans la péninsule coréenne auquel les FAC prenaient part dans le cadre d’une opération coalisée.
  • Mission nº 6 de la SDCD – Déployer des forces en cas de crise à l’étranger pendant de courtes périodes.

Section 2 – Contexte

L’environnement de la sécurité future

Le but de l’environnement de la sécurité future (ESF) est de cerner les enjeux auxquels le Canada pourrait devoir faire face plutôt que ce que le Canada devra être en mesure d’accomplir à l’avenir. L’ESF laisse entrevoir que les forces militaires devront évoluer dans un contexte opérationnel intrinsèquement difficile.[15] Selon l’analyse des tendances susceptibles d’influencer l’ESF, d’ici l’année 2030 et au-delà, nous traverserons une période de transition caractérisée à la fois par un haut degré d’instabilité dans de nombreuses régions du monde et par une présence accrue d’acteurs non étatiques. Les Forces armées canadiennes (FAC) devraient alors planifier leurs capacités en fonction de ce contexte, qui diffère considérablement de celui de l’époque de la guerre froide, lorsque prévalait une seule menace clairement définie et bien connue. Les responsables du développement des forces d’aujourd’hui et de demain doivent tenir compte de variables plus nombreuses et plus disparates, donc plus problématiques, que leurs prédécesseurs.

De nombreux facteurs pourraient mettre en péril la stabilité internationale. Les plus importants sont la mauvaise gouvernance, la disparité économique dans le monde, la croissance rapide de la population, la rareté accrue des ressources, l’extrémisme, la prolifération des armes perfectionnées (y compris possiblement les armes de destruction massive), les organisations criminelles et l’imprévisibilité des effets des changements climatiques sur l’avenir. Parallèlement, la situation internationale continuera d’évoluer en fonction du rééquilibrage du pouvoir géostratégique, puisqu’il est probable que le monde unipolaire dominé par les États-Unis dans lequel nous vivons actuellement devienne un monde multipolaire. Il demeurera primordial de continuer d’employer tous les instruments de pouvoir national (diplomatiques, informatifs, militaires et économiques) à notre disposition pour garantir la sécurité nationale. Étant donné la situation du Canada en tant qu’acteur international avec des intérêts nationaux, il est presque certain que les FAC devront déployer leurs ressources partout dans le monde, souvent dans des régions instables, afin de contribuer à la réalisation des objectifs stratégiques du pays et des visées de sa politique étrangère. Pour produire les effets escomptés, les FAC devront compter sur des capacités d’envergure mondiale comme une capacité de C4ISR à l’échelle mondiale, l’accès à des bases et le transport stratégique. Les États-Unis demeureront sans doute la principale puissance militaire au cours des prochaines décennies et seront toujours en mesure de projeter leur puissance partout dans le monde, tandis que les FAC continueront de mener leurs opérations expéditionnaires principalement dans un contexte coalisé. En raison des contraintes économiques, il faudra se pencher attentivement sur la portée et l’ampleur des capacités essentielles. Dans un contexte expéditionnaire, il est impossible de prévoir avec certitude dans quelles régions et dans quels environnements évolueront les FAC. Cependant, ces dernières doivent être capables de mener des opérations dans tous les types d’environnement que l’on retrouve sur le territoire canadien.

Au niveau national, on juge que la menace conventionnelle directe envers le Canada demeurera faible.[16] On continuera de faire appel aux FAC pour appuyer les autorités civiles en cas de catastrophe naturelle, d’attaque terroriste ou d’épidémie de maladie infectieuse, ou encore pour contribuer à la sécurité dans le cadre d’événements internationaux hautement médiatisés. Les opérations nationales comme celles menées sous les auspices du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et les opérations de recherche et de sauvetage demeureront obligatoires. Le Canada et les États-Unis continueront de collaborer à la défense et la sécurité du continent. À l’échelle continentale, les FAC doivent maintenir leur interopérabilité avec les forces armées des États-Unis afin d’accomplir le mandat du NORAD. Par ailleurs, pour assurer l’efficacité de la défense continentale, cette interopérabilité ne doit pas s’articuler seulement autour d’un service en particulier, mais doit englober tous les environnements et les domaines (les forces aériennes, la marine, les domaines spatial et cyberspatial, etc.). Tout en continuant de remplir ses engagements au sein du NORAD, le Canada doit veiller à ce que le développement de ses forces futures se fasse de manière à garantir qu’elles soient en mesure de faire respecter la souveraineté canadienne sans dépendre continuellement des États-Unis. De plus, l’évolution de la situation dans l’Arctique devrait entraîner un accroissement de l’activité économique et de l’intérêt international à l’égard de cette région, en particulier de la part des autres pays arctiques. Cela augmentera la nécessité de mettre en place des mesures de démonstration et de maintien de la souveraineté canadienne et de la primauté du droit.[17] En outre, la convergence des activités criminelles et terroristes transnationales pourrait accroître le besoin de soutien militaire aux autorités civiles, puisqu’une variété de menaces pourraient être associées à de telles activités.[18]

Ce que le passé peut nous apprendre à propos des engagements potentiels futurs des FAC. L’analyse de l’ESF indique que la fréquence des événements pouvant inciter le gouvernement du Canada à employer des instruments de puissance nationale, en particulier les instruments militaires, est à la hausse. L’analyse rétrospective constitue aussi un excellent outil dont on peut se servir pour l’évaluation de l’emploi des FAC dans l’avenir.

Pour estimer la fréquence et la longueur probables de l’emploi des forces, on a examiné des opérations des FAC qui se sont déroulées de 1945 à 2011 qui englobent tous les éléments constituant les trois rôles et les six missions de la Stratégie de défense Le Canada d’abord (SDCD). On s’est penché sur l’ampleur, la portée, le but dans lequel les forces ont été employées et la durée des opérations en question. En tout, plus de 600 opérations ont été trouvées et 333 ont été retenues comme étant des opérations importantes[19] que l’on a ensuite catégorisées en fonction des six missions de la SDCD.

Pour obtenir des données significatives, la fréquence d’observation annuelle de chacun des scénarios a été calculée en divisant le nombre d’occurrences des opérations qui y sont associées par 67 années (de 1945 à 2011, inclusivement). Pour établir la durée des scénarios, on a enregistré les durées minimale et maximale.

On a ensuite analysé les scénarios représentatifs à l’aide du modèle stochastique[20] de planification Tyche, qui a généré aléatoirement des déploiements des FAC sur une période de cinq ans à partir des données de probabilité et de durée recueillies. Le système Tyche a ainsi généré aléatoirement 1 000 opérations simulées de cinq ans à partir de la fréquence et de la durée attendues des scénarios obtenues grâce aux données des missions ayant eu lieu de 1945 à 2011. On a ensuite procédé à une analyse de sensibilité en utilisant seulement les données de l’époque suivant la guerre froide, soit les années 1990 à 2011. Les calendriers des opérations produits par le modèle ont permis de calculer le pourcentage du temps consacré aux différents types d’opération et la probabilité qu’un ou plusieurs événements aient lieu au même moment. Les résultats de l’analyse effectuée dans le cadre de cette étude Tyche[21] indiquent, dans une certaine mesure, combien les ressources des FAC seront en demande au cours des prochaines années si l’on peut se fier aux tendances observées. L’étude indique que les missions nationales se produisent fréquemment, soit à une ou deux années d’intervalle. D’un point de vue expéditionnaire, les résultats obtenus indiquent qu’il est très peu probable que le Canada soit impliqué dans des conflits interétatiques (aucune occurrence dans la modélisation).[22] Par contre, il est bien plus probable qu’il participe à des opérations militaires se situant, dans le spectre des conflits, quelque part entre les conflits interétatiques et les missions d’aide humanitaire à proprement parler. En effet, selon le modèle, les opérations de ce genre se produiraient une fois tous les 1,7 à 2 années, tandis que les escalades de conflits régionaux avec de petits pays auraient lieu une fois par décennie. Bien que les opérations expéditionnaires aient un caractère facultatif, pour les besoins du présent rapport, on s’appuie sur la présomption que les FAC doivent être prêtes à servir les intérêts du Canada dans le monde de manière crédible. Le Chef – Développement des forces demeure silencieux sur la question des choix stratégiques. L’analyse Tyche réitère ce que disaient les évaluations des tendances de l’ESF, à savoir que les capacités militaires seront probablement appelées à intervenir plus souvent tant au pays qu’à l’étranger, et dans le dernier cas, ce sera surtout dans un contexte coalisé.

Les scénarios de développement des forces. On se sert de scénarios pour évaluer les capacités dans le cadre de la planification fondée sur les capacités. Pour les besoins des activités de développement des forces et du présent rapport, on a utilisé huit scénarios approuvés par le chef d’état-major de la Défense en 2008 (figure 2). Ces scénarios se situent dans ce que les spécialistes militaires appellent « le spectre des conflits ». Cela ne signifie pas que des opérations nationales élémentaires sont menées dans le cadre d’un conflit, au contraire. Cependant, l’emploi d’un continuum est utile lorsqu’on veut visualiser la gamme disparate d’activités que les FAC pourraient être appelées à exécuter au nom du gouvernement du Canada et de la population canadienne.

Figure 2 : Les scénarios de développement des forces dans le spectre des conflits (SC)

Figure 2 : Les scénarios de développement des forces dans le spectre des conflits (SC) : L’image illustre l’échelle de conflits possibles en allant du moins conflictuel au plus conflictuel en passant par une zone trouble. Le moins conflictuel à l’extrême gauche du spectre sont les opération routinières domestique, suivi du support aux événement internationaux, du soutien en temps de crise au Canada, du soutien en temps de crises humanitaires à l’étranger, une attaque terroriste majeure, support à la paix à l’étranger, renforcement de la paix à l’étranger et guerre entre États. La zone trouble débute aux opérations d’aide humanitaires et se termine tout près mais n’inclus pas la guerre entre les États.

 

Les scénarios proposent des problèmes opérationnels réalistes, plausibles et complexes qui permettent d’évaluer le rendement des FAC sous divers horizons temporels.[23] En théorie, chaque scénario se situe quelque part dans le spectre des conflits, qui englobe les opérations menées quotidiennement au Canada en temps de paix jusqu’aux opérations de combat pendant les conflits entre États de force comparable. Ces scénarios permettent de reproduire la gamme complète des situations que les FAC doivent être en mesure d’affronter. Il est à noter que, parmi les scénarios en place, aucune opération expéditionnaire menée exclusivement par des chasseurs (c.-à.-d., l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne) n’est représentée. Cependant, la mission de défense du Canada menée par des chasseurs s’est avérée une source d’information suffisante pour les besoins de cette analyse.

La zone trouble indiquée dans la figure 2 est la zone se situant au milieu du spectre des conflits armés et qui englobe les missions militaires difficiles à caractériser. Ce cadre conceptuel s’appuie sur la conclusion de l’analyse de l’environnement de la sécurité future selon laquelle les conflits traditionnels dont le but est de vaincre de façon décisive un État de force comparable ont en grande partie fait place aux opérations ponctuelles ou de longue durée impliquant des acteurs non étatiques difficiles à identifier et encore plus ardus à situer dans le temps et dans l’espace. De telles opérations comportent des objectifs militaires finaux relativement opaques et leur réussite s’évalue le plus souvent par le niveau de gouvernance et d’autosuffisance de la nation hôte. L’évolution des tendances mondiales indique que les conflits dits « hybrides »[24] devraient demeurer la principale forme d’emploi de forces militaires dans l’avenir. De tels conflits exigence des effets militaires étroitement liés. Il s’ensuite que les officiers d’état-major responsables du développement des forces mettent tout en œuvre pour établir le meilleur équilibre possible entre les capacités et la structure des FAC dans un contexte de forces interarmées[25] de manière à assurer la réussite dans la portion la plus difficile de la zone trouble (indiquée par une flèche rouge dans la figure 2). Cette approche se distingue par le fait qu’on ne s’arrête pas à l’optimisation des structures et des capacités futures pour l’ensemble du spectre des opérations de combat, c’est-à-dire la guerre industrielle interétatique classique. En d’autres mots, une force conçue pour prendre part à un conflit régional impliquant des forces comparables ou supérieures comportera des différences subtiles, mais considérables par rapport à une force optimisée pour des opérations de la zone trouble menées en Afghanistan ou en Libye. Les opérations de cette catégorie sont si complexes que le vieil axiome « s’entraîner pour la guerre de manière à être toujours prêts pour les opérations moindres » ne tient plus. Pour réussir dans la zone trouble, le point de référence du développement d’une force doit être les conflits de type hybride. Cela ne veut pas dire que les forces ne peuvent pas participer à tous les types de mission de combat, mais qu’elles acceptent de composer avec un certain niveau de risque dans un espace à très faible degré de probabilité. Il est à noter que la primauté accordée aux opérations nationales demeure intacte.

Bien qu’il soit extrêmement improbable que l’on doive conduire cinq ou six missions majeures différentes de la SDCD à la fois, les FC doivent être capables de participer à de multiples missions (parfois du même type) simultanément.[26] Cela signifie que les responsables du développement des forces doivent veiller à offrir des capacités soigneusement calibrées et à formuler des recommandations qui respectent la primauté des missions nationales, tout en tenant compte des besoins en matière de capacités des opérations expéditionnaires, qui sont d’importantes contributions canadiennes sur la scène mondiale.

Alliés. Le Canada n’est pas le seul pays à tenter de déterminer l’équilibre approprié de ses capacités militaires afin d’être en mesure de répondre à la demande future. Les tendances et les trajectoires indiquées dans les orientations stratégiques nationales des principaux alliés montrent des similitudes frappantes avec celles du Canada sur le plan des besoins futurs en matière de capacités. Ces similitudes s’observent dans un certain nombre d’aspects, dont le besoin de garantir l’abordabilité des capacités, la nécessité de conserver l’avantage qualitatif pour être en mesure de répondre aux menaces militaires prévues, le besoin d’avoir des capacités et des structures flexibles, l’accent mis sur le développement de forces interarmées améliorées, et le désir de partager le fardeau avec d’autres pays. Dans ce contexte (ainsi que dans le contexte plus large des exigences industrielles et politiques nationales), chaque pays continue de revoir la place de ses avions de chasse dans son portefeuille de capacités en fonction surtout de contraintes budgétaires et du besoin de remplacer, dans des délais raisonnables, ses flottes actuelles dont il aura besoin pendant les prochaines décennies.

Section 3 – Sommaire de l’analyse des besoins de la mission

Il est important de voir le portefeuille des capacités des FAC comme un grand système de systèmes que la Défense cherche à ajuster de façon relativement symétrique aux ambitions des FAC et à un niveau abordable. Dans certains cas, cela signifie qu’il faut investir dans de nouvelles capacités dans des domaines comme les cybertechnologies et les systèmes C4ISR (commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance). Dans d’autres cas, cela signifie qu’il faut moderniser ce que l’on possède déjà. L’évaluation effectuée durant le cycle de PFC de 2011-2012 a été revisitée afin d’en tirer des leçons s’appliquant au remplacement du CF188.[27] Dans les prochains paragraphes, on présente les messages importants tirés de cette évaluation en les appliquant aux trois rôles et aux six missions de la SDCD.

Chasseur des FAC comme exigence globale en capacités

Les analyses de planification fondée sur les capacités (PFC) indiquent clairement que le Canada et les FAC ont besoin d’un chasseur comme élément essentiel du système de systèmes des FAC qui aura une incidence sur les éventuelles missions. Même si l’analyse a révélé un moins grand nombre d’utilisations décisives à la mission, les chasseurs canadiens s’avèrent essentiels pour protéger la souveraineté du Canada et respecter les obligations aux termes du traité binational du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).

Avec ou sans pilote. La technologie des véhicules aériens sans pilote (UAV) a évolué au cours des dernières années et ceux-ci ont fait leur preuve dans le cadre de diverses opérations. À titre d’exemple, le Canada a utilisé des UAV pour effectuer des missions de renseignement, surveillance et reconnaissance au pays et à l’étranger. Nos alliés ont, quant à eux, déployé des UAV afin de lancer des frappes de prévisions contre des cibles au sol dans une portée restreinte d’environnements tactiques. La technologie des UAV permet de contrôler les appareils à distance ou de les programmer pour effectuer des tâches particulières.

Nos alliés continuent d’investir dans la technologie des UAV et d’étudier leur utilisation possible. Le Canada surveille le développement de cette technologie puisqu’elle semble très prometteuse.

Toutefois, dans un avenir rapproché, les UAV n’ont pas toutes les capacités nécessaires pour remplacer un appareil avec pilote et ils ne constituent pas une solution viable pour remplacer le CF188. Par exemple, ils ne peuvent pas servir lors de situations de combat air-air. Malgré le contrôle à distance, les UAV n’ont pas la vitesse, la portée, l’agilité et les systèmes de défense nécessaires pour assumer ce rôle et ils seraient très vulnérables dans un environnement de combat aérien. Dans la plupart des contextes militaires, leur capacité d’attaquer une cible précise est également restreinte. Les systèmes logiciels de ces véhicules ne sont pas suffisamment fiables pour identifier correctement une cible, décider d’engager le tir, évaluer la situation après une attaque ou prendre des décisions tactiques dans un environnement de combat. En résumé, la technologie des UAV n’est pas assez avancée pour égaler la flexibilité d’un appareil avec pilote dans des environnements de combat.

La technologie ne peut pas remplacer un pilote à bord ayant la capacité de connaître, en temps réel, les situations qui évoluent rapidement. L’être humain est le mieux placé pour porter un jugement prompt en temps réel. Il demeure essentiel pour effectuer des missions nationales et continentales de défense contre le potentiel aérien (DCA), de même que pour livrer de façon fiable une offensive contre le potentiel aérien (OCA) et des effets cinétiques air-sol dans un milieu exigeant de combat expéditionnaire à risque élevé.

Par conséquent, une capacité sans pilote ne permettra pas, au moins d’ici 2030 et probablement bien plus tard, d’acquitter les tâches décisives à la mission que l’appareil de remplacement au CF188 devra accomplir. Ainsi, il est jugé que l’appareil de remplacement au CF188 doit avoir un pilote pour répondre aux demandes essentielles liées à la souveraineté nationale et aux obligations de défense du continent, de même que pour fournir une option de puissance aérienne expéditionnaire adaptable.

Le Canada doit posséder un chasseur avec pilote

Difficulté liée à la capacité. Ces observations indiquent qu’un éventuel élément de force de chasse des FAC sera une exigence importante dans l’avenir des FAC. Selon la planification fondée sur les capacités (PFC), cet élément sera fréquemment utilisé avec les capacités essentielles à la réussite de la mission.[28] Il est jugé avec une très grande confiance que les FAC auront éventuellement (2020-2030 +) besoin d’un élément de force de chasse fondé sur la souveraineté et les missions du NORAD, de même qu’en rapport avec un milieu expéditionnaire. En outre, il est irréaliste de songer à acquérir un nouveau chasseur qui sera en service pendant plus de trois décennies sans chercher une plateforme ayant une capacité au-delà du CF188 le jour de l’achat. La question pertinente est : combien et dans quels domaines? Même si la fin de la durée de vie prévue du CF188 approche, une méthode équilibrée concernant la nature des investissements liés à l’appareil de remplacement est suggérée.

D’ici la fin des années 2020, les capacités des chasseurs des FAC devront être augmentées pour maintenir une aptitude relative contre les éventuelles menaces

Observations concernant l’emploi

Afin d’obtenir une image de l’emploi du chasseur, l’état-major du développement des forces utilise un système qualitatif de critères de mesure appelé « mesures des capacités » (MC).[29] L’équilibre de ces caractéristiques individuelles détermine l’utilité de l’élément de force dans un système de systèmes pour générer une capacité. L’analyse du développement des forces favorise les éléments de force efficaces et efficientes. Le meilleur élément peut répondre à l’exigence des MC (efficace) sans être surestimé ou sous-estimé (efficient). Dans le domaine des affaires militaires où les responsabilités peuvent se traduire en vies perdues, il est foncièrement difficile de trouver cet équilibre qui nécessite un mélange prudent de modélisation (sciences) et de jugement militaire professionnel (art). Pour l’élément de force de chasse des FAC, les critères suivants sont pris en considération :

  • Létalité. La capacité d’un élément de force de détecter, de cibler, d’attaquer et de détruire des menaces. Dans le cadre du processus de PFC, on tient compte de cet aspect en lien avec les types de menaces et les niveaux de précision des armes de faible puissance nécessaires pour réduire au minimum les dommages collatéraux, selon la situation;
  • Capacité de survie. La capacité de maintenir en puissance les opérations dans le théâtre d’opérations d’une mission. Cet aspect tient compte du degré de menace que présente l’adversaire et des menaces environnementales pour un élément de force, et de sa capacité de les prendre en charge;
  • Portée. La capacité d’un élément de force de fonctionner de façon autonome à distance;
  • Persistance. L’endurance opérationnelle d’un élément de force. En ce qui concerne la plateforme de chasseur des FAC, cette MC est liée à l’autonomie de vol de l’appareil;
  • Capacité d’intervention. La capacité d’être efficace au moment ou à l’endroit voulu, cela comprend la capacité d’un élément de force de modifier les tâches (rythme) et de se réorienter en cours d’opération (synchronisation);
  • Interopérabilité. L’interopérabilité décrit dans quelle mesure un élément de force peut mener à bien son rôle et échanger de l’information. Dans le contexte d’une mission, cela pourrait comprendre d’autres éléments de force (p. ex., ravitailleurs en vol) et quartiers généraux des FAC, d’autres ministères et d’autres forces alliées (principalement les États-Unis dans le contexte du NORAD, mais également pour des opérations de coalition);
  • Connaissance de la situation. La capacité de recueillir, de fusionner et de diffuser de l’information. Cela porte sur la capacité de détection d’un appareil où une multitude de capteurs recueillent de l’information dans divers domaines. Dans le contexte de la mission, il pourrait s’agir d’information propre au domaine ou de données de type environnemental.

Ce rapport ne peut pas assigner avec exactitude la pondération de la mesure des capacités (MC) uniquement en fonction des résultats de la PFC. Toutefois, cela est possible avec celle d’un aéronef à soumissionnaire unique à la tâche 3. Puisqu’elles s’appliquent à des missions particulières de la SDCD, ces MC serviront de mesure pour n’importe quelle option de remplacement au CF188 utilisant un système de pondération par mission.[30] Ce travail d’analyse des MC permettra d’amorcer, de rationaliser et d’harmoniser les besoins des missions opérationnelles et tactiques. Aux fins de cette analyse, l’utilisation de l’élément de force de combat des FAC peut être séparée en deux grandes catégories : opérations nationales et opérations expéditionnaires.

Emploi dans les opérations nationales. Il existe une perspective différente utile entre les utilisateurs tactiques de chasseurs et les responsables du développement de la force interarmées stratégique en ce qui concerne les risques pour la souveraineté nationale. Cette saine tension est normale et même souhaitable. La fonction critique du Chef – Développement des Forces permet aux utilisateurs tactiques de chasseurs et les responsables du développement de la force interarmées stratégique de comparer leurs évaluations des risques particulières, de vérifier leurs hypothèses et de rechercher les similitudes. En ce qui concerne les missions nationales, la similitude porte sur le fait que la protection de la souveraineté canadienne est non discrétionnaire et, de ce fait, le premier facteur d’ordre pour la capacité de défense aérospatiale. La figure 3 ci-dessous illustre, de manière représentative, l’espace des décisions auquel font face les responsables du développement de la capacité de défense aérospatiale. À partir du haut, de gauche à droite, il y a trois contextes éventuels pour l’utilisation de la capacité : souveraineté sous pression, souveraineté en péril et souveraineté attaquée. Dans la partie inférieure de la figure, trois petits graphiques représentent ces contextes en fonction de la capacité et de l’intention de l’adversaire. Le graphique de gauche décrit une situation où la capacité de l’adversaire ayant l’intention de se mesurer à la sécurité du Canada est très restreinte, voire inexistante. Celui du centre correspond à une intention et une capacité plus équilibrées tout en reconnaissant que les états ayant la plus grande capacité (complexité et masse) ont peu d’intention d’attaquer le Canada. Le graphique de droite présente un autre contexte où des ressources militaires ayant une capacité d’attaque sont combinées à cette fin.

Le contexte le plus à gauche (souveraineté sous pression) illustre la position de l’avenir qui est généralement acceptée par le Chef – Renseignement de la Défense (CRD) et l’environnement de sécurité de l’avenir – où des effets de l’élément de force de chasse sont nécessaires périodiquement pour renforcer la souveraineté. C’est là qu’ont eu lieu les missions 1 et 2 de la SCDC par le passé.[31] Ce contexte est jugé comme l’avenir le plus probable sur lequel fonder les décisions de développement des forces. Le contexte du centre (souveraineté en péril) correspond à l’espace où un certain niveau de capacité de défense aérospatiale supplémentaire (supérieur aux niveaux actuels) doit être développé pour lutter contre toute éventualité (mais peu probable) de menace complexe. La zone ombragée au centre du deuxième graphique illustre cet espace au-delà des capacités du CF188 tenant compte d’une flexibilité supplémentaire, des changements dans l’Arctique, de l’évolution qualitative de la technologie de l’adversaire, des changements d’intention géopolitique, de l’atteinte d’une capacité semblable à celle d’un État par des acteurs non étatiques, etc. Le contexte de la « souveraineté attaquée », où un agresseur enverra probablement in nombre important de plateformes complexes contre le Canada, représente une situation bien au-delà des hypothèses de la SDCD pour ne pas constituer un fondement crédible pour le développement des forces. Un tel défi futur provoquerait un changement complet dans la planification de la défense des États-Unis et du Canada.

Figure 3 : Capacité et menace nationale – Contextes opérationnels

Figure 3 : Capacité et menace nationale – Contextes opérationnels : Le graphique indique l’exigence de la capacité de combat dans une opération nationale pour les Forces armées canadiennes. La moitié supérieure de l'image montre trois futurs contextes d'emploi de gauche à droite « souveraineté sous pression », « souveraineté en péril » et « souveraineté attaquée. » La moitié inférieure de l'image montre trois graphiques de traçages des capacités de la menace versus l'intention de la menace pour chacun des contextes ci-dessus.

 

Le Chef – Développement des Forces est d’avis que la « souveraineté sous pression » demeurera le principal contexte stratégique du Canada pour les décennies à venir. Les capacités du CF188 sont jugées convenables pour rencontrer ce mandat, mais le temps empiètera de manière négative sur l’évaluation de la pertinence des capacités. D’autres avancées technologiques (combinées à l’incapacité de prédire avec assurance les conditions géostratégiques) nécessitent une étude attentive de l’amélioration des capacités à la question du remplacement du CF188. Cela est illustré dans la zone ombragée au centre du deuxième graphique de la figure 3. Le fait d’aller au-delà de la zone d’amélioration des capacités, vers des capacités conformes au milieu de « souveraineté attaquée », entraîne de nombreuses questions. Tout d’abord, le coût lié au passage vers un niveau d’amélioration des capacités considérablement plus élevé aurait d’importantes répercussions pour tous les éléments habilitants du système de systèmes de contrôle aérospatial avec la réaffectation proposée de ressources provenant d’ailleurs au sein du portefeuille des capacités. Alors que la souveraineté nationale est la principale préoccupation en matière de capacités, le Canada est le mieux placé pour envisager d’assumer certains risques par rapport à un défi national de niveau plus élevé, en raison de sa posture de défense collective binationale pour la défense du continent. Le fait de se concentrer sur le scénario tactique le plus exigeant/dangereux pourrait mener à un investissement disproportionné dans une solution tactique qui ne répond pas à l’ensemble des difficultés à surmonter dans le contexte évalué le plus probable et qui exerce une pression sur les capacités prioritaires des FAC. Comme pour toutes les décisions stratégiques, cela est fondé sur l’acceptation des risques en fonction de la prépondérance des probabilités. Une approche asymétrique du développement des forces privilégiant des plateformes sur mesure risque de justifier une capacité tactique ne pouvant être soutenue par des ressources stratégiques et opérationnelles dans un contexte plus vaste de l’environnement opérationnel futur.

Au pays, le remplacement du CF188 est, sans contredit, essentiel à la mission de souveraineté non discrétionnaire du Canada. La planification fondée sur les capacités (PFC) a permis de déterminer qu’un aéronef de type intercepteur avec un rayon d’action, une vitesse et une autonomie suffisants est nécessaire pour répondre au problème militaire de rapidité, de temps et de distance devant des menaces mobiles. Aucune autre combinaison d’éléments de force ne peut être utilisée pour assumer le rôle d’intercepteur. Toutefois, cela doit être revu dans le contexte d’un concept d’opérations de la puissance aérienne qui a établi des bases d’opérations avancées (dans le sud du Canada et dans les stations d’opérations avancées dans le nord du pays[32]) afin que les chasseurs puissent effectuer des déploiements sur signaux ressemblant davantage à la menace perçue. Dans un langage courant, pour faire face aux menaces nationales, les chasseurs doivent se rendre dans une zone d’intérêt, être sur place, détecter la menace et agir. La zone d’intérêt pourrait inclure les grandes villes près du 49e parallèle ou celles les plus éloignées des voies d’accès est, ouest ou nord du Canada.

Dans le cadre d’opérations au pays ou à l’étranger, aucune autre ressource des FAC, seule ou combinée, pourrait agir à titre d’intercepteur aéroporté

Ils sont essentiels au sens où un accès direct à ces capacités est nécessaire à la base pour une utilisation fréquente. En résumé, un chasseur est limité non seulement par ses propres caractéristiques, mais également par la disponibilité des éléments clés lui permettant d’accomplir sa tâche principale.[33] À cette fin, une symétrie de la vaste capacité des FAC est essentielle. Des lacunes dans l’un de ces domaines compromettraient la capacité de l’appareil de remplacement au CF188 à effectuer une intervention tactique et présenteraient des risques stratégiques et opérationnels élevés pour les missions des FAC et du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), de même que pour les intérêts du Canada.

La capacité relative actuelle du CF188 par rapport à la menace perçue suffira jusque dans les années 2020

Exigences liées aux opérations expéditionnaires. Au cours de la discussion de fond au sujet du remplacement du CF188, il faut tenir compte du fait que cette plateforme participera presque certainement à des missions à l’étranger à un moment ou un autre de sa vie utile et que, lorsqu’ils sont conjugués à des ravitailleurs air-air, les groupes de chasseurs constituent les ressources des FAC capables de réaliser un déploiement dans les délais les plus courts. Par conséquent, l’appareil et son équipage risquent fort d’être exposés à des menaces provenant de systèmes aérobies et de systèmes terrestres. Ces derniers sont par ailleurs plus durables et plus nombreux. Les risques pour la vie des êtres humains et l’équipement sont plus élevés au cours des missions à l’étranger qu’au pays et, selon les prévisions, ils continueront de l’être. La figure 4 ci-dessous ressemble à la figure 3, mais elle représente le contexte expéditionnaire. Comme il a été mentionné précédemment, le contexte national est relativement facile à imaginer à l’aide d’un continuum où l’on trouve, à l’un des extrêmes, l’environnement actuel, et à l’autre, un assaut complexe à grande échelle de l’Amérique. En revanche, les opérations expéditionnaires comprennent un large éventail d’opérations qui présentent de multiples combinaisons de facteurs. Par conséquent, dans la figure 4, les environnements expéditionnaires sont regroupés dans trois grandes catégories, les plus probables placées à gauche et les moins probables à droite : opérations prolongées à la suite d’une frappe initiale, phase de frappe initiale et combat dans le cadre d’opérations dans l’ensemble du spectre. La défense de la souveraineté du Canada constitue un rôle obligatoire pour les FAC tandis que les opérations expéditionnaires sont plus facultatives. Le Canada peut choisir non seulement s’il y participe, mais également comment il envisage d’y participer. Ce type de décision est pris en fonction de conseils militaires stratégiques au sujet du risque associé à l’emploi de ressources dans certains contextes régionaux ou locaux.

Les opérations expéditionnaires sont facultatives tandis que les opérations nationales sont obligatoires

La catégorie Contribution à la coalition représente une situation où un État défaillant ou en déroute traverse une crise au cours de la phase des « opérations soutenues », soit les opérations de combat ou d’imposition de la paix après l’intervention ou la frappe initiale. Dans cette situation, l’État en déroute contribue directement à la détérioration des capacités militaires, et les forces opèrent donc dans un espace de combat hybride. On considère qu'il s'agit des conditions stratégiques et opérationnelles les plus probables et donc celles à partir desquelles on devrait tirer les exigences liées aux missions de chasseurs. Dans cette situation, l’environnement comporte une létalité inhérente et présente de nombreux dangers et il peut donner lieu aux missions nos 5 et 6 de la Stratégie de défense Le Canada d’abord (SDCD). La catégorie Contribution à la première frappe peut relever des missions nos 5 et 6 de la SDCD, mais elle représente les opérations offensives qui se déroulent dans les premières étapes de l’intervention d’une coalition et qu’on appelle communément des opérations intensifiées. Dans ce contexte, l’appareil de remplacement du CF188 se trouverait à opérer dans un environnement présentant des menaces plus importantes qu'au cours des opérations soutenues.[34] La catégorie de droite, Guerre entre États de force comparable, représente une guerre classique de longue durée contre un État muni de systèmes de défense aérienne sophistiqués (intégrés, réseautés et remplaçables). Dans ce contexte, l’ampleur et la sophistication sont à un niveau maximal. Les graphiques dans la partie inférieure de la figure 4 sont différents de ceux de la figure 3 puisque, dans le cadre d’opérations expéditionnaires où les appareils sont utilisés de manière offensive, le degré de menace est plus élevé que dans les opérations de défense de l’espace aérien canadien. Selon l’analyse de la planification fondée sur les capacités, qui est étayée par l’analyse réalisée à l’aide de Tyche,[35] le contexte d’opérations soutenues paraît de loin le plus vraisemblable.

Capacité expéditionnaire des chasseurs de l’ARC

Figure 4 : Menace et capacité expéditionnaires selon les environnements opérationnels

Figure 4 : Menace et capacité expéditionnaires selon les environnements opérationnels : Le graphique indique l’exigence de capacité de combat dans une opération expéditionnaire pour les Forces armées canadiennes. La moitié supérieure de l'image montre trois futurs contextes d'emploi. De gauche à droite : « Contribution à la coalition », « contribution à la première frappe » et « guerre entre États de forces comparables.« La moitié inférieure de l'image montre trois graphiques de traçages de la capacité de la menace contre l'intention de la menace pour chacun des contextes ci-dessus.

 

Les opérations expéditionnaires dont le degré de menace est plus élevé sont examinées selon l’hypothèse qu’elles seront menées dans le cadre d’une coalition. Il en a été ainsi pour le Canada depuis la guerre des Boers à l’aube du XXe siècle. Le Canada dispose donc d’une certaine marge de manœuvre par rapport à sa contribution, particulièrement en ce qui concerne les ressources maritimes et aérospatiales, qui, contrairement aux forces terrestres, tendent à exécuter leur mission en tant que sous-éléments intégrés d’une force de coalition. Compte tenu de l’étendue et de la profondeur des capacités de nos alliés principaux, tels que les États-Unis, il est essentiel de déterminer la manière dont le Canada peut apporter une contribution significative plutôt que de s’assurer que les chasseurs canadiens remplissent un rôle en particulier. Les exigences en capacités prévues sont semblables à celles que comble le CF188 en ce moment et elles permettent au Canada de fournir une contribution significative dans l’environnement jugé comme étant le plus probable. Manifestement, un chasseur plus performant offrirait au gouvernement du Canada une marge de manœuvre plus importante. Toute décision concernant la contribution du Canada à une opération expéditionnaire doit être motivée par une évaluation exhaustive de l’évolution de la capacité et de l’intention des menaces dans le contexte d’un État défaillant ou en déroute. Pour que la décision d’employer des capacités militaires soit prise, le degré de risque par rapport à l’atteinte des objectifs du gouvernement du Canada en vertu de ses politiques doit être acceptable.

Dans un contexte expéditionnaire, on tourne l’attention plutôt sur les effets terrestres de l’appareil de remplacement du CF188 tandis que le contrôle aérospatial passe à un rôle tertiaire.[36] Notre analyse laisse entendre que l’environnement asymétrique, qui devrait dominer dans l’environnement de la sécurité future, ne requiert pas toute la gamme de capacités de combat aérien dont disposent les chasseurs à la fine pointe à part dans les toutes premières étapes de conflit, car on passe aux ensuite effets air-sol. Les effets air-sol peuvent être produits par des chasseurs, mais, dans bien des cas, ils peuvent également être produits par d’autres plateformes qui, entre autres, peuvent poursuivre un engagement de plus longue durée, sont moins chers et exposent les êtres humains à moins de risque (p.ex. artillerie de campagne, UAV et tirs navals). Il convient de formuler une dernière réserve. Les opérations en Libye et, à un degré moindre, au Kosovo ont révélé des situations où les pays choisissent de ne contribuer qu’en utilisant la puissance aérienne afin de résoudre des crises internationales sans présence physique sur le terrain. Bien que le chef – Développement des Forces (CDF) le reconnaisse, l’évaluation de la PFC a été exécutée par des Équipes de planification des capacités interarmées qui comprennent des experts du domaine aérien. La planification fondée sur les capacités base l’analyse sur les leçons retenues au cours de l’histoire, mais elle ne s’en tient pas aux expériences passées dans l’évaluation des exigences futures en capacités.

Il ne s’agit pas de décider si les FAC requièrent un chasseur afin d’appuyer les opérations expéditionnaires, mais plutôt de déterminer les capacités dont l’appareil doit disposer et les rôles qu’il serait probablement appelé à jouer. La sagesse populaire veut que le maintien en puissance d’un chasseur expéditionnaire soit important, car cela donne aux FAC des options quant à la contribution du gouvernement du Canada aux opérations de paix et de sécurité internationales. Récemment, les opérations menées en Libye en sont un exemple concret. Or, il est important de déterminer la qualité et la quantité d’appareils nécessaires. Il faut tout d’abord tenir compte de la primauté des missions nationales. En ce qui concerne le seuil minimal quant à la performance sur le plan stratégique et opérationnel pour les missions nationales, on devrait prendre comme base de référence le CF188, sachant bien que les avances technologiques dégraderont la base de référence au fil du temps. En effet, chaque technologie a une demi-vie relative à la dégradation de sa capacité initiale en fonction du développement des technologies de riposte. À partir de cette base qualitative, la taille minimale de la flotte nécessaire pour assurer l’appui des missions nationales (y compris les exigences sous-jacentes en matière de mise sur pied d’une force) constitue la base de référence quantitative. Ensuite, il faut concilier les risques et les compromis qui permettent la mise sur pied d’une capacité expéditionnaire (en fonction des indications présumées et des préavis afin de préparer l’appareil à un déploiement). Voici en quoi consiste le conseil stratégique militaire : tenir compte des objectifs des politiques de défense établies par le gouvernement. Le présent rapport donne une idée des éléments relatifs à la conception de la force qu’il faut prendre en considération pour en arriver à ce conseil. Dans l’analyse finale, la planification fondée sur les capacités reconnaît qu’il est essentiel de s’assurer que les exigences des missions relatives au chasseur de remplacement du CF188 sont calibrées soigneusement dans le contexte du portefeuille de capacités élargi des FAC.

Section 4 – Autres considérations

Menace. La capacité, l’exposition et l’intention constituent les éléments d’une menace. Le passé et l’histoire plus récente prouvent que la riposte du Canada en ce qui concerne sa souveraineté est souvent mise à l’épreuve. Par conséquent, le Canada requiert que les FAC disposent de capacités crédibles et coercitives afin d’assurer sa souveraineté. Les obligations continentales en matière de défense viennent renforcer cet impératif. Il est possible de définir de manière précise les menaces auxquelles le Canada pourrait être confronté, mais si l’histoire est garante de l’avenir, le Canada ne sera probablement pas la cible d’une attaque militaire ouverte et hostile lancée par un autre État. Notre analyse en tire trois conclusions. Tout d’abord, le rôle principal de l’appareil de remplacement du CF188 consiste à défendre la souveraineté du Canada et à remplir les missions du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Il s’agit de missions principales, décisives et obligatoires qui requièrent un appareil de remplacement du CF188 doté d’un équilibre entre son rayon d’action, sa vitesse, son autonomie et ses caractéristiques en matière de connaissance de la situation auquel on ajoute la létalité optimisée à cette mission principale. Les FAC doivent également comprendre les risques quant à l’emploi de l’appareil de remplacement du CF188 au-delà de cette mission principale. La deuxième conclusion porte ainsi sur les opérations expéditionnaires, au cours desquelles le chasseur doit faire face à une série différente de menaces. Ces dernières sont souvent moins sophistiquées que celles qu’un état pourrait employer contre le Canada, mais sans pour autant s'avérer inefficaces (elles sont en fait très efficaces dans certains cas). De plus, les personnes aux commandes des systèmes voudront descendre l’appareil. Par conséquent les risques que comporte l’emploi d’un chasseur à l’étranger sont plus diversifiés et difficiles à généraliser. Bien que ce type d’emploi se déroule probablement dans un État fragile, en déroute ou défaillant où le niveau de sophistication de la majorité des systèmes de menace est inférieur à celui d’une puissance régionale importante ou d’une superpuissance mondiale émergente, il en reste qu’un nombre élevé d’armes moins sophistiquées constituent une menace mortelle. L’expérience de l’Armée canadienne en Afghanistan avec les engins explosifs improvisés démontre que, lorsqu’elles sont utilisées de manière créative, les vieilles armes peuvent produire un impact considérable sur des forces supérieures munies de toutes sortes de technologie. L’axiome militaire comme quoi « l’ennemi a son mot à dire » est bien vrai. La troisième conclusion indique que la prolifération de systèmes de défense aérienne terrestres et la capacité d’augmenter leur efficacité à l’aide d’une combinaison de technologies informatiques largement accessibles posent une menace plus létale à l’appareil. La planification judicieuse du remplacement du CF188 doit tenir compte de ces éléments.

Équilibre. Puisque les FAC accomplissent des missions de nature diversifiée, leurs forces doivent être en mesure de fournir un vaste éventail de capacités. Il en est ainsi en raison de la position géostratégique du Canada, un pays de l’Arctique de grande dimension qui partage des responsabilités quant à la défense du continent avec les États-Unis et assume sa part des coûts militaires internationaux. Or, puisque la responsabilité principale des FAC est de protéger les intérêts du Canada au pays, la priorité est accordée aux missions défensives contre le potentiel aérien. Les distances stratégiques au Canada exigent un système de systèmes possédant des caractéristiques nécessaires afin de maximiser la probabilité de réussir les missions, surtout les missions nationales. La planification fondée sur les capacités montre que l’appareil de remplacement du CF188 doit posséder toutes les mesures des capacités. Par conséquent, les mesures des capacités de l’appareil de remplacement du CF188 doivent être soigneusement calibrées par rapport aux objectifs des politiques de la Défense et aux diverses menaces potentielles auxquelles il pourrait faire face en fonction de la prépondérance des probabilités. En combinant la perspective tactique de la Tâche 3 à cette évaluation stratégique et opérationnelle, il est possible de préciser davantage la combinaison optimale. Seule une approche fondée sur les capacités peut déterminer l’équilibre qui convient.

Flexibilité. Le Petit Robert définit la flexibilité comme étant « l’aptitude à changer facilement pour pouvoir s’adapter aux circonstances » ou « le caractère de ce qui est flexible, se ploie facilement ». Ces deux définitions s’avèrent instructives. La première parle d’elle-même : il est avantageux pour les FAC de disposer d’un appareil qui peut s’adapter. Cela offre une marge de manœuvre permettant de réagir aux besoins imprévus. La deuxième définition renvoie à la tyrannie des machines militaires complexes modernes. Les ressources incroyablement complexes sont parfois presque friables lorsqu’elles sont utilisées dans des conditions rigoureuses et elles peuvent être vaincues dans le cadre de la recherche incessante de la perfection, et ce, avant même de les avoir utilisées. La flexibilité s’applique également au nombre de plateformes disponibles, ou densité de la flotte, puisque la quantité peut compenser les problèmes que l’on s’attend à avoir avec les plateformes de haute technologie. La densité de la flotte constitue un attribut précieux puisqu’elle offre la flexibilité et la redondance nécessaires pour atténuer les effets des pertes imprévues et réagir aux éventualités. Le nombre d’appareils est un attribut aussi important que les capteurs, l’intégration et tout le reste. Le nombre d’appareils comporte une qualité particulière qui contribue à l’efficacité globale de la capacité, particulièrement compte tenu de la taille de notre pays. Il ne faut ménager aucun effort pour garder un nombre acceptable de chasseurs, et de capacités améliorées, dans l’équation permettant de résoudre la question de l’appareil de remplacement du CF188.

Risque. Il faut assurer l’équilibre entre de nombreux risques au moment de déterminer le chasseur qui répond le mieux aux exigences du Canada. Le risque stratégique principal est celui de l’abordabilité dans le contexte de la concurrence des domaines de capacité des FAC qui requièrent un investissement. C’est ce qui pose le risque opérationnel principal, c’est-à-dire de posséder une quantité de chasseurs et d’équipages suffisants pour accomplir les missions nationales de souveraineté et celles du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord.

  • Mise sur pied de la force. L’indispensable tâche de mise sur pied de la force sous-tend ces résultats. Les modèles de mise sur pied de la force sont tout aussi importants que les ravitailleurs air-air, qui constituent un élément inséparable de la question liée aux chasseurs. Le simulateur d’introduction au chasseur, conçu afin d’entraîner les pilotes qui font la transition d’un appareil de base à un chasseur perfectionné, constitue un élément important de la capacité de chasseurs. De plus, les risques opérationnels requièrent que l’on accorde la priorité aux missions nationales par rapport aux opérations expéditionnaires, sans toutefois compromettre ces dernières.
  • Interopérabilité. L’appareil de remplacement du CF188 doit être en mesure d’afficher une performance efficace à l’étranger. Il ne s’agit pas de participer à la bataille initiale de suppression de la défense aérienne ennemie, mais d’assurer le suivi à court terme en tant qu’élément essentiel crédible de soutien aux opérations terrestres et maritimes ou à titre de contributeur crédible à une coalition aérienne, si l’on se fie aux événements historiques. Il y a donc une exigence explicite en matière d’interopérabilité aussi bien à l’intérieur d’un système de systèmes canadien que dans le cadre des systèmes militaires américains afin d’appuyer la mission du NORAD et pour la réalisation d’opérations expéditionnaires particulières.

L’optimisation des capacités des chasseurs des FAC est n’est assurée que par les synergies conçues entre les plateformes et les capacités dans le contexte d’un système de systèmes.

Section 5 - Conclusion

La planification fondée sur les capacités (PFC) ne constitue pas une panacée pour toutes les questions liées aux capacités. Elle ne peut produire un algorithme qui permet de déterminer précisément l’appareil qui devrait remplacer le CF188. Cependant, ce rapport offre des perspectives clés dans le contexte d’un système de systèmes qui préconisent l’établissement d’un équilibre dans l’ensemble du portefeuille des capacités. Ce n’est pas dans l’intérêt militaire de disposer d’éléments de force spécialisés dans un domaine en particulier si les avantages ne peuvent être exploités en raison d’un manque de symétrie dans les éléents de force essentiels. Cela dit, il est certes difficile de prédire l’avenir et, pour ce qui est d’une plateforme comme l’appareil de remplacement du CF188, il faut prendre grand soin et s’assurer d’acquérir la meilleure capacité – et la plus raisonnable – en raison de son importance particulière et du fait qu’elle aura une durée de vie de plusieurs décennies.

L’analyse de la PFC corrobore fermement le fait que le Canada a besoin de se munir d’un appareil de remplacement du CF188. Combiné à l’expertise de défense scientifique et technologique, le jugement professionnel militaire permet une analyse rigoureuse qui démontre que le chasseur constitue la seule plateforme capable de réagir à toute la gamme de menaces aéroportées contre la souveraineté du Canada. Dans ce contexte, la majorité des fonctions du chasseur de remplacement du CF188 portent surtout sur la mission défensive contre le potentiel aérien. Compte tenu de la dimension du territoire canadien, il faut soupeser les caractéristiques du chasseur afin d’optimiser sa performance dans le cadre de ce type de mission. Puisque dorénavant le CF188 constitue la base de référence quant à la performance, l’appareil de remplacement du CF188 doit présenter certaines caractéristiques, soit la létalité, la connaissance de la situation, l’interopérabilité, la vitesse et le rayon d’action, en fonction des tâches nationales principales. Le fait d’avoir un appareil qui rend difficiles les opérations dans le contexte binational du NORAD ou dans le cadre d’une coalition menée par les États-Unis pourrait s’avérer problématique. Dans le contexte expéditionnaire, les menaces pourraient être d’un niveau technologique inférieur, mais d’un nombre supérieur et d’une intention ouvertement malicieuse. Par conséquent, la létalité, la connaissance de la situation et la surviabilité constituent des caractéristiques essentielles pour les missions à l’étranger. Le rapport préconise de tenir compte du nombre d’appareils à acquérir dans la cadre de la discussion sur les capacités. L’histoire des conflits démontre que la quantité de ressources contribue à réduire les frictions liées à la tâche compliquée qu’est la production d’effets militaires. Les capacités essentielles tertiaires doivent également faire l’objet d’un examen soigneux, car elles s’inscrivent dans la totalité des coûts et des avantages.

Fondé sur les trois rôles et les six missions de la Stratégie de défense Le Canada d’abord, le présent rapport offre un aperçu de la comparaison entre les coûts et les avantages des capacités stratégiques qui ressemble à une analyse de rentabilisation courante. De ce document, conjugué aux perspectives tactiques et financières, se dégagent les grandes lignes d’appui à la décision stratégique qui permettront d’établir les vrais coûts et avantages de l’appareil de remplacement du CF188 pour les Forces armées canadiennes, pour le Canada et pour la population canadienne.


Notes de bas de page

[1] La planification fondée sur les capacités a pour prédécesseur la planification en fonction de la menace. Au lieu d’examiner une gamme de situations futures afin de prendre des décisions sur les capacités comme la planification fondée sur les capacités le fait, la planification en fonction de la menace avait une démarche plus linéaire. Dans une ère de bipolarité, la planification en fonction de la menace servait à recenser les systèmes de menace de l’ennemi et à concevoir des plateformes pour les égaler, les contrer ou les surpasser. La flotte de char d’assaut T-72/80 de l’Union soviétique a entraîné la conception de l’hélicoptère d’attaque Apache et du char de combat principal M1 Abrams. Les Forces canadiennes ont utilisé la planification en fonction de la menace dans la plus grande partie du siècle dernier, et sont passées à la planification fondée sur les capacités en 2000. La planification fondée sur les capacités est sur le point d’être pleinement institutionnalisée et comprise dans l’ensemble des forces militaires et de l’industrie de défense.

[2] Ben Taylor. The Technical Cooperation Program (Australia, Canada, New Zealand, United Kingdom and United States of America): Analysis Support to Strategic Planning. Octobre 2012, 20.

[3] Chef – Renseignement de la Défense. CF Fighter Capability Intelligence Assessment (SANS CLASSIFICATION). 4 janvier 2013.

[4] Publication des Forces canadiennes. L’environnement de la sécurité future 2008-2030, Chef – Développement de la force. (sans classification) 27 janvier 2009.

[5] Le CDF a utilisé huit scénarios, qui ont été approuvés par le Chef d’état-major de la défense en 2008 pour cette analyse. Chaque scénario était assorti de plusieurs vignettes; ces sous-scénarios ont servi à ajouter des variations et de la profondeur aux scénarios, afin de fournir un examen plus complet des capacités.

[6] Les activités de façonnage ont trait à la Stratégie d’engagement mondial du MDN et aux activités militaires qui appuient une influence positive en vue d’obtenir des résultats avant qu’il y ait crise dans divers endroits au monde. Que ce soit par l’entremise des attachés militaires ou du Programme d’aide à l’instruction militaire, les activités de façonnage peuvent avoir lieu avant l’arrivée d’une crise, s’il tel est le cas. D’autres activités de façonnage peuvent inclure l’exposition au grand jour des capacités militaires afin de signaler l’intention et la détermination nationale. La phase d’intensification renvoie à une intervention militaire dans un État hostile, fragile, défaillant ou en déroute et suppose des opérations qui sont conçues pour établir les conditions nécessaires afin de calmer le problème politique ou de préparer l’arrivée de forces de deuxième échelon. La phase d’opérations soutenues renvoie à des opérations de plus longue durée, auxquelles participent habituellement les forces terrestres, dans le but d’assurer un niveau de sécurité et de stabilité suffisant pour qu’une gouvernance locale puisse s’établir.

[7] L’analyse stratégique et les recommandations du CDF proposent les domaines de l’investissement, du maintien en puissance et de l’aliénation pour considération par la haute direction. Le domaine de l’investissement, d’un point de vue des capacités des FAC, représente la création d’une toute nouvelle capacité ou une amélioration marquée d’une capacité existante. Le domaine du maintien en puissance a trait à la gestion du cycle de vie, au remplacement des ressources par d’autres semblables, et à une grande diversité de fonctions de gérance qui sont requises pour garder une capacité en service. La majorité des capacités des FAC sont regroupées dans cette catégorie. Le domaine de l’aliénation regroupe les capacités dont les FAC n’ont plus besoin pour l’avenir ou des capacités à envisager si les ressources ne permettent pas un investissement suffisant, d’après l’évolution des besoins de capacités à l’avenir.

[8] Surgir du soleil : la doctrine aérospatiale des Forces canadiennes, 20 juillet 1997. La CAP vise à défendre (par défense ponctuelle, systèmes d’obstacles, défense de corridor ou défense de zone) des forces amies au sol contre les attaques de forces aérospatiales ennemies. L’ESC consiste à défendre des forces amies aéroportées contre les attaques de forces aéroportées ennemies. L’AI est une opération d’interception de forces aérospatiales ennemies menée à partir d’installations d’alerte, au moyen d’une CAP aéroportée ou à l’aide de ressources détournées d’autres missions.

[9] Idem. Une SA consiste à cibler la source de la puissance aérospatiale d’un ennemi, par exemple des installations d’avertissement et de contrôle, une base aérospatiale ou des installations de lancement. La SEAD cible les systèmes de défense aérospatiale ennemis, tandis qu’une opération de SWP s’intéresse aux aéronefs ennemis ou à des objectifs de circonstance dans une zone d’opérations déterminée.

[10] Idem.

[11] Idem.

[12] Idem.

[13] Vice-chef d’état-major de la Défense. Concept opérationnel de renseignement, surveillance et reconnaissance (version définitive 1.0), 26 septembre 2012.

[14] Certaines de ces missions (p. ex., la mission nº 3) ont été analysées en tenant compte des activités ayant cours aussi bien au pays qu’à l’étranger.

[15] L’environnement de la sécurité future 2008-2030, Chef – Développement des forces, 27 janvier 2009. Au cours du cycle de PFC de 2011-2012, on s’est appuyé sur une analyse à jour des forces alliées et des sources supplémentaires publiées depuis 2009. La version mise à jour comprenait le rapport final de PFC daté de juin 2012 et a reçu l’approbation du chef d’état-major de la Défense le 20 juin 2012.

[16] Chef du renseignement de la Défense. Évaluation du renseignement sur les chasseurs des FC (SANS CLASSIFICATION), 4 janvier 2013, 5.

[17] Idem, 4.

[18] Idem, 5.

[19] Une « opération importante » se définissait comme étant une opération à laquelle étaient affectés au moins 20 membres des FAC ou une plateforme majeure des FAC (navire, aéronef ou véhicule terrestre).

[20] Un modèle stochastique est un modèle avec un caractère aléatoire dans le but de prévoir comment fonctionnera une partie d’un système. Après avoir fait plusieurs essais successifs à partir de ce modèle, on obtient 2les données statistiques nécessaires pour déterminer la probabilité d’une occurrence donnée, par exemple une opération de secours à des sinistrés se déroulant au même moment qu’un événement international majeur au Canada.

[21] Recherche et développement pour la défense Canada. Rapport d’analyse de la fréquence et de la concurrence de scénarios (en appui aux activités du 1er volet de la planification fondée sur les capacités 2011-2012 du Chef – Développement des forces), 16 mai 2012.

[22] Idem.

[23] Horizon 1 : 0-5 ans, Horizon 2 : 5-15 ans et Horizon 3 : 15-30 ans.

[24] Pour les besoins du présent rapport, on emploie le terme « guerre hybride » pour illustrer une combinaison de méthodes conventionnelles et irrégulières (asymétriques) dans l’ensemble du spectre des conflits. Dans le milieu militaire occidental, le concept de guerre hybride n’est pas nouveau, mais on croit que les forces militaires équipées et entraînées sur mesure pour les conflits interétatiques conventionnels doivent devenir plus flexibles si elles souhaitent être capables d’évoluer dans le contexte opérationnel de l’avenir.

[25] On emploie le terme « forces interarmées » lorsqu’on fait appel à des ressources de plus d’un service (Marine, Armée ou Aviation). On cherche ainsi à produire des effets militaires multiples, ce qui demande un haut degré d’intégration interservices. Lorsqu’on parle d’opérations « combinées », on fait référence à la même notion, mais appliquée à des forces militaires de différents pays (p. ex., les FAC et l’armée américaine). Le terme « coalition » désigne explicitement l’aptitude à mener des opérations combinées.

[26] Gouvernement du Canada. La Stratégie de défense Le Canada d’abord”, juin 2008, 3.

[27] Pendant la PFC, on a évalué l’ensemble des capacités des FAC, soit 11 capacités de niveau 1, 39 de niveau 2 et 101 de niveau 3. Dans le cadre de cette évaluation, réalisée en 2011-2012, on n’a pas porté plus d’attention aux chasseurs qu’aux autres plateformes sur mesure. Durant la rédaction du présent rapport, on a réexaminé tous les documents de la phase d’évaluation afin d’en extraire les données sur les chasseurs et, plus particulièrement, les tendances liées à cette plateforme dans un contexte plus général.

[28] Le rôle prédominant de l’appareil de remplacement au CF188 sera de nature nationale. Environ 90 pour cent de son utilisation historique depuis 1990 est liée à des missions nationales et continentales. Selon la PFC, à l’intérieur de ce cadre, environ 80 pour cent de sa capacité produite (ou utilité) est liée à la fonction de contrôle aérospatiale, en particulier la défensive contre le potentiel aérien (la capacité de protéger l’espace aérien souverain). La défensive contre le potentiel aérien au pays est également demeurée, avec une grande confiance, la tâche la plus importante des chasseurs des FAC, ce qui en fait une unité décisive à la mission au sein des FAC.

[29] Chef – Développement des forces. Manuel de planification fondée sur les capacités, version 6.3, 15 janvier 2011, art. 943.

[30] Par exemple, la létalité de la défensive contre le potentiel aérien (DCA) lors de la mission 5 de la SDCD (milieu de combat entre États – opérations dans l’ensemble du spectre de la coalition) serait jugée très élevée. La même mission de DCA dans le cadre de la mission 2 de la SDCD (soutien lors d’une activité internationale importante telle que les Olympiques) aurait un plus faible risque de létalité.

[31] Il est possible de soutenir que les évènements du 11 septembre aux États-Unis faisaient partie de la catégorie « souveraineté attaquée ». Même s’il est admis que l’intervention des chasseurs des FAC sous l’égide du NORAD a placé la situation stratégie du pays dans la catégorie « souveraineté en péril », cela ne détourne pas l’attention de la déclaration du CRD selon laquelle les éventuelles opérations principales et probablement nationales demeureront dans la catégorie « souveraineté sous pression ».

[32] À l’appui de la mission du NORAD, l’Aviation royale canadienne maintient cinq stations d’opérations avancées, d’où elle peut déployer des chasseurs pour intervenir plus rapidement ou anticiper des activités aériennes accrues. Ces stations se situent à Inuvik (T.N.-O.), Yellowknife (T.N.-O.), Rankin Inlet (Nunavut), Iqaluit (Nunavut), ainsi qu’au 5e Escadre (T.-N.-L.). Réf. : http://www.rcaf-arc.forces.gc.ca/v2/page-fra.asp?id=1512 (accès le 25 janvier 2013).

[33] Le ravitaillement en vol est distinct, mais ne peut être dissocié de la question liée à la plateforme de chasseur de la prochaine génération. Le fait d’interdire la capacité de prolonger la portée en vol d’un chasseur sur le vaste territoire canadien accroît le problème de temps, de vitesse et de distance dans le cadre de la mission de défensive contre le potentiel aérien (DCA).

[34] Il est impossible de délimiter exactement les deux premières conditions, soit les opérations soutenues et les opérations intensifiées. Tout dépend de la situation du moment et de divers facteurs, notamment les capacités, la résilience et l’art opérationnel de l’ennemi ainsi que sa proximité aux lignes de communication vers les acteurs régionaux de soutien. Conformément aux objectifs du CDF, les opérations intensifiées renvoient, dans ce rapport, à la ou aux vagues initiales de missiles d’attaque terrestre Tomahawk ainsi que de frappes de suppression de la défense aérienne ennemie (SEAD), à l’aide de ressources pilotées ou téléguidées, spécialement conçues pour neutraliser les composantes essentielles de la défense aérienne d’un ennemi. Les opérations soutenues peuvent très bien se dérouler tout de suite après, et on pourrait donc se voir confrontés à des aspects des systèmes de défense aérienne de l’ennemi au cours de cette phase opérationnelle. Dans cette situation, même si les aspects « intégrés et réseautés » des systèmes ennemis sont détériorés, des systèmes individuels répartis ou réseautés à l’échelle locale peuvent s’avérer létaux. Les opérations que les chasseurs des FAC ont menées au Kosovo et en Libye ont certes eu lieu à grande proximité temporelle et spatiale des frappes de SEAD initiales, mais il est essentiel de ne pas embrouiller l’ambition des FAC quant à ses capacités en laissant entendre que le CF188 ou son appareil de remplacement constituent une ressource d’intensification dans le cadre de cette analyse.

[35] Recherche et développement pour la défense Canada. Scenario Frequency and Concurrency Analysis Report. (Étayant les activités de la spirale 1 de la planification fondée sur les capacités du Chef – Développement des Forces pour 2011-2012). Daté du 16 mai 2012.

[36] John Stillion et Scott Purdue. Dans Air Combat Past, Present and Future (RAND Corporation, 2008), les auteurs ont examiné le combat aérien et fait le compte des engagements, qui s’élèvent à 61 depuis la fin de la Guerre froide et dont la majorité est survenue au cours des deux guerres du Golfe et pendant les conflits au Kosovo. À partir de ce document et d’une diversité d’autres références, il est raisonnable de conclure que la majorité des effets que produisent les chasseurs dans l’espace de combat moderne relèvent du domaine des frappes terrestres et de l’appui aérien rapproché. Cependant, dans ce contexte, un chasseur doit tout de même posséder la capacité fondamentale d’entrée et de sortie du domaine de l’« appui », c’est-à-dire qu’il doit également être en mesure de combattre des menaces aérobies.

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