Rapport de 2017 sur la mortalité par suicide dans les Forces armées canadiennes (de 1995 à 2016) (version abrégée)

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Rapport du médecin géneral
Programme de recherche en santé du médecin général
Numéro de document (SGR-2017-002)
october 2017

Auteur :

  • Elizabeth Rolland-Harris, MSc, PhD, Direction - Protection de la santé de la Force, Direction de la santé mentale

Révisé par :

  • Colonel S.F. Malcolm, Directeur, Direction - Protection de la santé de la Force
  • Colonel C.A. Forestier, Directrice, Direction de la santé mentale

Approuvé par :

  • Brigadier-général A.M.T. Downes, Médecin général

© Sa Majesté la Reine (en droit du Canada), telle que représentée par le ministre de la Défense nationale, 2017


Table des matières

Résumé

Introduction

Le suicide est une tragédie et un problème important de santé publique. La prévention du suicide constitue l’une des principales priorités des Forces armées canadiennes (FAC). Afin de mieux comprendre le suicide dans les FAC et de cibler les efforts continus en matière de prévention, la Direction Protection de la santé de la Force (DPSF) et la Direction de la santé mentale (DSM) mènent régulièrement des analyses pour examiner les taux de suicide et la relation entre le suicide, le déploiement et d’autres risques potentiels de suicide. Le présent rapport est une mise à jour couvrant la période de 1995 à 2016.

Méthodes

Le présent rapport décrit les taux bruts de suicide de 1995 à 2016, les comparaisons entre la population canadienne et les FAC au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM) et les taux de suicide selon les antécédents de déploiement au moyen des RSM et de la standardisation directe. Il examine également la variation du taux de suicide selon le commandement environnemental et, au moyen de données tirées des examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), la prévalence d’autres facteurs de risque en ce qui concerne les suicides survenus en 2016.

Résultats

Entre 1995 et 2016, il n’y a pas eu d’augmentation statistiquement significative des taux globaux de suicide. Le nombre d’hommes de la Force régulière décédés par suicide n’était pas statistiquement plus élevé que le taux prévu en fonction des taux de suicide observés chez les hommes dans la population canadienne. Bien que le taux de suicide chez les hommes ayant fait l’objet d’un déploiement ne soit pas beaucoup plus élevé que chez la population civile comparable, les ratios de taux indiquent que ceux qui ont des antécédents de déploiement présentent un risque accru de suicide comparativement à ceux qui n’ont jamais participé à un déploiement. Cela dit, l’écart observé n’est pas statistiquement significatif. Ces ratios de taux montrent par ailleurs que, de 2006 à 2016 inclusivement, le fait de faire partie du commandement de l’Armée de terre accroît de manière statistiquement significative le risque de suicide par rapport aux militaires relevant d’un autre commandement environnemental.

Les constatations les plus récentes révèlent que le taux de suicide chez les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement pourrait être inférieur que chez ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement (ratio de taux de suicide : 0,59). Ceci va à l’encontre de la tendance sur dix ans (2005 – 2014) qui semble indiquer que les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement présentent un risque accru comparativement à ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement. Cependant, l’écart observé n’est pas statistiquement significatif pour cette constatation récente. Les hommes de la Force régulière faisant partie du commandement de l’Armée de terre présentent un risque significativement plus élevé de suicide par rapport aux hommes de la Force régulière relevant d’un autre commandement (ratio de taux de suicide ajusté selon l’âge = 2,39, intervalle de confiance [IC] : 1,76, 3,25). L’écart entre les taux observés au cours des cinq dernières années chez les hommes de la Force régulière faisant partie du commandement de l’Armée de terre et ceux observés chez les hommes de la Force régulière relevant d’un autre commandement semble également se rétrécir, particulièrement en ce qui concerne la moyenne mobile sur trois ans. Au sein de la Force régulière de l’Armée de terre, les hommes appartenant aux groupes professionnels des armes de combat affichaient des taux de suicide significativement supérieurs sur le plan statistique (32,77/100 000, IC : 25,73, 41,62) par rapport aux hommes n’appartenant pas aux groupes professionnels des armes de combat (16,54/100 000, IC : 13,51, 20,21).

Les résultats des ETSPS de 2016 appuient la théorie d’un enchaînement de causalité multifactoriel (qui comprend des facteurs biologiques, psychologiques, interpersonnels et socio-économiques) plutôt qu’un lien direct entre des facteurs de risque individuels (p. ex. l’état de stress post-traumatique [ESPT] ou le déploiement) et le suicide. Ces résultats concordent avec ceux des ETSPS des années précédentes.

Conclusions

Les taux de suicide dans les FAC n’ont pas augmenté de façon marquée avec le temps et, une fois standardisés selon l’âge, ils ne sont pas plus élevés que ceux de la population canadienne. Toutefois, le nombre peu élevé de sujets pourrait limiter la capacité à détecter une signification statistique. Les antécédents de déploiement comme étant éventuel facteur de risque de suicide dans les FAC paraissent être en déclin, bien que les données à l’appui de cette observation ne sont pas statistiquement significatives. Le risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière faisant partie de l’Armée de terre comparativement aux militaires relevant d’un autre commandement est une constatation que les FAC continuent de surveiller.

Mots clés : Déploiement; Forces canadiennes; population canadienne; ratio de taux; ratio standardisé de mortalité; suicide; taux; taux ajusté selon l’âge.

Sommaire

La perte tragique de vie par suicide des membres des forces armées canadiennes (FAC) requiert notre attention continue afin de mieux comprendre le suicide et guider nos efforts de prévention. Le présent rapport décrit le phénomène du suicide au sein des Forces armées canadiennes (FAC). On y décrit l’épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière entre 1995 et 2016 et on accorde une attention particulière aux facteurs de risque associés aux suicides survenus en 2016 chez les hommes de la Force régulière.

Le rapport est produit par la section d’épidémiologie de la Direction – Protection de la santé de la Force.

Méthodes

Les données décrites dans la section 3.1 [résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS), hommes de la Force régulière, pour 2016 seulement] sont recueillies pendant le processus d’ETSPS, à la suite d’un suicide. L’ETSPS est un outil d’assurance qualité pour les services de santé des Forces canadiennes (SSFC) lancé par le médecin général adjoint dès que tout suicide est confirmé dans la Force régulière ou dans la Première Réserve. Chaque ETSPS est généralement mené par une équipe composée d’un professionnel de la santé mentale et d’un médecin militaire généraliste.

La Direction – Gestion du soutien aux blessés a fourni les données épidémiologiques décrites dans les sections 3.2 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2016 inclusivement) et 3.3 (Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement environnemental, de 2002 à 2016 inclusivement) pour la période allant jusqu’à 2012. Depuis septembre 2012, les données sur le nombre de suicides ont été obtenues auprès de la DSM, qui en assure le suivi. Enfin, les données utilisées en guise de dénominateur (taux de suicide au Canada en fonction de l’âge et du sexe) ont été obtenues auprès de Statistique Canada.

Les fréquences, les ratios standardisés de mortalité (ratio du nombre observé de suicides dans les FAC et du nombre de cas escomptés dans les FAC, si les FAC correspondaient à la population générale canadienne, d’un point de vue de l’âge et du sexe), et les taux standardisés de façon directe ont été calculés.

Résultats

Diagnostic de maladie mentale chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2016

Au nombre des troubles mentaux connus au moment du décès figuraient les troubles dépressifs (35,7 %), l’état de stress post-traumatique (7,1 %) ou un trouble anxieux (21,4 %). Aucun autre type de trouble lié à un traumatisme ou au stress n’a été déclaré. Dans 42,9 % des cas de décès par suicide survenus en 2016 chez les hommes de la Force régulière, les membres présentaient un trouble connu lié à l’utilisation de substances. Au moment du décès, de nombreux cas (64,3 %) présentaient au moins deux diagnostics liés à la santé mentale.

Facteurs de stress professionnel et personnel chez les hommes qui sont décédés par suicide en 2016

Au moment du décès, au moins un des facteurs de stress professionnel et personnel était présent dans 85,7 % des cas de suicide survenus en 2016 chez les hommes de la Force régulière (y compris, les facteurs suivants : déclin des relations, suicide d’un ami ou d’un membre de la famille, décès d’un ami ou d’un membre de la famille, maladie personnelle ou d’un membre de la famille, dettes, problèmes professionnels, problèmes juridiques). Plus de la moitié des cas présentaient au moins trois facteurs de stress concomitants avant le décès.

Taux bruts de suicide, 1995 – 2016

Au cours de la période de 2015 à 2016, le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière s’élevait à 24,8 (16,5, 36,0) pour 100 000, soit le taux brut de suicide le plus élevé jamais enregistré. Toutefois, les intervalles de confiance de toutes les périodes se chevauchent, ce qui laisse entendre qu’il n’y a pas de variation statistiquement significative quant aux taux bruts de suicide dans le temps. De plus, les résultats de la dernière période portent seulement sur deux années (2015 et 2016) et devraient donc être examinés plus en détail pour déterminer si cette tendance se maintient.

Comparaison des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et au sein de la population canadienne au moyen des ratios standardisés de mortalité, 1995 – 2016

Comme pour les taux bruts, les intervalles de confiance des ratios standardisés de mortalité (RSM) des périodes de cinq ans (quatre ans pour 2010 à 2013) se chevauchent entre eux, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas eu de changement significatif entre les RSM au fil du temps.

Répercussions des déploiements sur le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

La comparaison des ratios standardisés de mortalité des cas ayant des antécédents de déploiement et de ceux n’ayant aucun antécédent de déploiement (1995 – 2013) n’a révélé aucune différence statistiquement significative entre les taux de suicide des groupes avec ou sans antécédent de déploiement. Au moyen de la méthode de standardisation directe pour la période de dix ans (2005 – 2014), on a établi un ratio de taux de suicide en comparant les cas ayant des antécédents de déploiement à ceux n’ayant aucun antécédent de déploiement d’une dont la valeur s’approche d’une variation statistique significative (1,48 [intervalle de confiance à 95 % : 0,98, 2,22]). Cela donne à penser que le risque de suicide pourrait être plus élevé chez les hommes de la Force régulière ayant déjà fait l’objet d’un déploiement que chez ceux n’ayant jamais participé à un déploiement. Toutefois, les résultats liés aux déploiements pourraient être faussés par d’autres variables inexpliquées. En outre, on ne sait pas très bien pourquoi cette tendance continue d’être significative au fil du temps, puisque le ratio de taux (non significatif) pour 2015 – 2016 était inférieur à un pour la première fois depuis que l’on procède à l’analyse des données sur la mortalité par suicide au sein des FAC.

Répercussions du commandement environnemental sur les taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC

La comparaison du ratio de taux de suicide ajusté selon l’âge chez les hommes faisant partie du commandement de l’Armée de terre à celui des hommes relevant d’un autre commandement pour la période de 2002 à 2016 a révélé une variation statistiquement significative [2,39 (1,76, 3,25)]. Cette constatation a été étayée par un RSM significativement plus élevé au sein du commandement de l’Armée de terre au cours des périodes allant de 2007 à 2011 [173 % (123, 236)] et de 2012 à 2013 [187 % (109, 299)]. Le taux de suicide dans la population de la Force Régulière faisant également partie des professionnels des armes de combat semble être plus élevé que le taux global du suicide parmi les hommes de la Force Régulière ne faisant pas partie des professionnels des armes de combat [32,77 (intervalle de confiance à 95 % : 25,73 , 41.62) versus 16,54 (intervalle de confiance à 95 % : 13,51 , 20,21)].

1. Introduction

Le suicide est une tragédie et un problème important de santé publique. La prévention du suicide constitue l’une des principales priorités des Forces armées canadiennes (FAC). La surveillance et l’analyse des cas de suicide chez les membres des FAC fournissent de précieux renseignements qui servent à guider et à cibler les efforts continus en matière de prévention du suicide. Les données probantes amassées dans les rapports annuels servent :

  1. S’assurer que les programmes cliniques et de prévention ciblent les individus à haut risque, et de manière optimale ; et
  2. Déterminer pourquoi certains individus ne se servent pas des ressources de prévention et cliniques disponibles avant de s’enlever la vie

Depuis le début des années 1990, des inquiétudes ont été soulevées au sujet du taux de suicide observé dans les FC et de ses éventuels liens avec les déploiements. Les FAC ont donc lancé un programme de surveillance active de la mortalité par suicide en vue de comparer, d’une part, le taux de suicide de l’ensemble des FAC à celui de la population canadienne en général, et d’autre part, le taux de suicide chez les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement à celui des autres militaires.

Par le passé, les rapports sur les suicides produits par la section d’épidémiologie de la Direction – Protection de la santé de la Force portaient avant tout sur la surveillance et l’épidémiologie des suicides au sein des FAC. Depuis 2015, le rapport a été élargi de manière à comprendre l’ensemble des données probantes qui ont trait aux suicides dans les FAC, en plus de décrire l’évolution du phénomène du suicide au cours des 21 dernières années. Le présent rapport fournit une analyse plus approfondie de la variation des taux de suicide selon le commandement environnemental ainsi que de l’information sur les mécanismes et les facteurs de risque sous-jacents qui pourraient avoir contribué aux suicides survenus en 2016 chez les hommes de la Force régulière d’après les examens techniques des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS).

Le présent rapport d’analyse, tout comme les rapports précédents, ne porte que sur l’analyse des suicides survenus chez les hommes de la Force régulière. Les raisons sont les suivantes :

  1. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (0 à 2 cas par année), ce qui empêche de réaliser des analyses des tendances. Si nous présentions séparément leurs caractéristiques, cela porterait atteinte aux principes relatifs à la protection des renseignements personnels des personnes concernées (divulgation de « l’identité » et « d’attributs » 1). Le regroupement des données sur les femmes avec les données sur les hommes permettrait de régler les questions liées à la divulgation des renseignements personnels. Toutefois, les différences entre les facteurs de risque liés aux suicides, les comportements et les mécanismes chez les deux sexes justifient une évaluation propre à chaque sexe des données probantes liées au suicide. [1], [2]
  2. En ce qui a trait aux données de la Réserve, on remarque aussi des problèmes au sujet de l’intégralité des données, en plus de ceux concernant divulgation de l’identité et d’attributs. Les dossiers de la Réserve peuvent être incomplets en ce qui concerne les cas de suicide et l’information sur la taille et les caractéristiques de la Réserve, et ces deux aspects sont nécessaires pour calculer des taux de suicide fiables. Le taux de départs est élevé chez les réservistes de classe A, et les suicides au sein de ce groupe ne sont pas nécessairement signalés au Ministère de la Défense nationale (MDN) puisque c’est principalement le secteur civil qui se charge d’enquêter sur eux. Le nombre précis de personnes à risque est aussi incertain.
  3. Puisque les données sur les tentatives de suicide sont souvent incomplètes, comme c’est le cas dans d’autres études portant sur la santé au travail, le présent rapport ne traite que des décès par suicide, et exclut les tentatives. De plus, les données utilisées dans l’analyse ne concernent que les militaires qui sont morts par suicide alors qu’ils étaient en service actif dans la Force régulière, et non les militaires qui se sont suicidés après avoir quitté les FAC.

En raison de ces limites, les données présentées dans le rapport ne s’appliquent qu’aux hommes de la Force régulière.

2. Sources de données et méthodes

2.1 Sources de données

2.1.1 Examen technique des suicides par des professionnels de la santé

Les données sur les méthodes et les facteurs de risque de suicide (facteurs psychosociaux et liés à la santé mentale) sont recueillies à partir des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé (ETSPS). Le rapport d’ETSPS est ordonné par le médecin général adjoint lorsqu’il est probable qu’un suicide soit à l’origine d’un décès, et est réalisé par une équipe formée d’un professionnel de la santé mentale et d’un médecin militaire généraliste (MMG ou MM). Ensemble, ils examinent tous les dossiers de santé pertinents et réalisent des entrevues avec le personnel médical, les membres de l’unité, les membres de la famille et d’autres personnes pouvant avoir connaissance des circonstances du suicide en question. Les ETSPS ont commencé en 2010 comme outil d’assurance de la qualité au sein des services de santé des forces canadiennes (SSFC) afin fournir le médecin chef avec des observations et recommandations liées à l’amélioration des efforts de prévention du suicide au sein des SSFC. Tous ces renseignements sont recueillis et gérés par la Direction de la santé mentale (DSM).

2.1.2 Surveillance épidémiologique

Les renseignements sur le nombre de suicides et les caractéristiques démographiques des militaires jusqu’en 2012 ont été fournis par la Direction – Gestion du soutien aux blessés (DGSB). Depuis septembre 2012, les données sur les suicides ont été obtenues auprès de la DSM, qui en assure le suivi. La DSM vérifie aussi ses données par renvoi croisé avec celles du Centre de soutien pour les enquêtes administratives (CSEA), qui fait partie de la Direction – Enquêtes et examens spéciaux (DEES).

Les renseignements sur les antécédents de déploiement et sur le nombre de militaires des FAC (selon l’âge, le sexe et les antécédents de déploiement) proviennent de la Direction – Gestion de l’information des ressources humaines (DIRHG). Les antécédents de déploiement sont fondés sur les codes d’identification d’unité (CIU) de la DIRHG. Il convient de souligner que le nombre de militaires ayant déjà fait l’objet d’un déploiement varie parfois par rapport aux données antérieures en raison de mises à jour des dossiers de la DIRHG.

Les taux de suicide enregistrés au Canada en fonction de l’âge et du sexe ont été obtenus auprès de Statistique Canada. Au moment de la préparation du présent rapport, les données étaient disponibles jusqu’en 2013. Les taux de suicide sont tirés des données des certificats de décès recueillies par les provinces et les territoires et assemblées par Statistique Canada. Les codes utilisés dans le cadre du rapport sont ceux de la CIM-9, de E950 à E959 (suicide et blessures auto-infligées) dans les tableaux standards produits par Statistique Canada pour la période de 1995 à 1999. Pour la période de 2000 à 2008, le nombre de décès par suicide a été tiré du tableau 102-0540 du Système canadien d’information socio-économique (CANSIM) de Statistique Canada d’après les codes de la CIM-10 X60 à X84 et Y87.0. Pour les décès par suicide survenus au cours de la période de 2009 à 2012, les données sont tirées du tableau CANSIM 102-0551. Les décès de cause indéterminée (CIM-9, de E980 à E989; CIM-10, de Y30 à Y34) sont exclus par Statistique Canada, mais sont couramment inclus dans les statistiques sur le suicide publiées dans d’autres pays (p. ex. au Royaume-Uni, tant dans le contexte civil que dans le contexte militaire). Les règles d’exclusion de Statistique Canada ont été respectées dans la présente analyse en vue de permettre la réalisation de comparaisons valides. Tous les dénominateurs de la population générale sont tirés du tableau CANSIM 051-0001 de Statistique Canada. Jusqu’en 2010 inclusivement, les dénominateurs représentent les données intercensitaires définitives, tandis que pour 2011, 2012 et 2013, il s’agit des données post censitaires définitives.

2.2 Méthodes

Les taux bruts de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC ont été calculés pour la période de 1995 à 2016. Les taux de suicide pour les années antérieures à 1995 n’ont pas été calculés, car la méthode de détermination des décès par suicide dans les FAC n’était alors pas bien définie.

Pour pouvoir comparer les taux chez les hommes faisant partie de la Force régulière à ceux de la population canadienne en général, les ratios standardisés de mortalité (RSM) ont été calculés pour les suicides jusqu’à 2013, en fonction d’une méthode indirecte de standardisation selon l’âge. Cette méthode permet de neutraliser l’effet des écarts de distribution selon l’âge entre les hommes de la Force régulière des FAC et ceux de la population canadienne en général. Un RSM représente le nombre de cas observés divisé par le nombre de cas escomptés dans une population normale à risque (en l’occurrence, la population canadienne), selon l’âge et le sexe, exprimé sous forme de pourcentage. Par conséquent, un RSM de moins de 100 % signifie que le taux de suicide est moins élevé dans la population étudiée que dans la population canadienne, tandis qu’un RSM de plus de 100 % signifie que le taux de suicide est plus élevé dans la population étudiée.

Les RSM ont été calculés séparément pour les hommes de la Force régulière qui ont fait l’objet d’un déploiement et pour ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement.

Le calcul des intervalles de confiance (IC) pour les données relatives à la population est présenté ici pour ceux qui souhaitent généraliser les résultats à d’autres années. Les intervalles de confiance des taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et des RSM ont été calculés directement au moyen des limites de confiance à 95 % de la distribution de Poisson, exactement selon la méthode décrite par Breslow et Day [5].

Pour pouvoir comparer directement le risque de suicide chez les hommes de la Force régulière ayant déjà fait l’objet d’un déploiement à celui des hommes qui n’ont pas d’antécédents de déploiement, une standardisation directe a été effectuée en utilisant la population masculine totale de la Force régulière des FAC comme référence. Le taux de suicide ajusté selon l’âge des hommes de la Force régulière qui ont déjà participé à un déploiement a été comparé à celui des militaires n’ayant aucun antécédent de déploiement au moyen de ratios de taux.

En raison du faible nombre de cas de suicides enregistré chaque année dans les FAC, on observe une grande variabilité aléatoire d’une année à l’autre. Les moyennes mobiles, c’est-à-dire la moyenne des résultats d’une année cible combinés à ceux de l’année précédente et de l’année suivante 2, ont été utilisées par d’autres chercheurs dans le cadre d’études sur les suicides chez les militaires [3]. La méthode vise à limiter l’effet des variations attribuables au faible nombre de cas et à refléter d’éventuels changements dans les tendances au fil du temps.

3. Résultats

3.1 Résultats des rapports d’examen technique des suicides par des professionnels de la santé, hommes de la Force régulière, année 2016 seulement

3.1.1 Facteurs liés à la santé mentale

Environ le tiers des hommes (35,7 %) présentaient un trouble dépressif documenté, et trois hommes (21,4 %) souffraient d’un trouble anxieux (Tableau 1). Un homme (7,1 %) avait reçu un diagnostic d’ESPT avant son décès; aucun autre type de trouble lié à un traumatisme ou au stress n’a été déclaré. Près des deux tiers de tous les hommes (64,3 %) présentaient un trouble connu lié à l’utilisation de substances. En plus des facteurs liés à la santé mentale, trois des hommes (21,4 %) avaient reçu plus d’un an avant leur décès un diagnostic de traumatisme cérébral (remarque : l’étiologie des traumatismes cérébraux n’était pas définie dans le rapport d’ETSPS; les traumatismes pourraient ou non être reliés au combat). Dans l’ensemble, neuf hommes (64,3 %) présentaient au moins deux facteurs de risque liés à la santé mentale au moment de leur décès. Le rapport d’ETSPS ne précisait pas si ces facteurs de risque étaient associés au stress opérationnel 3.

Tableau 1 : Facteurs liés à la santé mentale *
Facteur 2016 (N (%))
Troubles dépressifs 5 (35,7 %)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (état de stress post-traumatique) 1 (7,1 %)
Troubles liés à des traumatismes et des facteurs de stress (autre) 0 (0,0 %)
Troubles anxieux 3 (21,4 %)
Troubles liés à l’utilisation de substance 9 (64,3 %)
Lésion cérébrale traumatique 3 (21,4 %)
Troubles de personnalité 1 (7,1 %)

* Le total n’est pas de 100 %, car 64,3 % des personnes avaient plus d’un facteur de santé mentale.

Des données indiquant des idées suicidaires et/ou des tentatives de suicide antérieures avaient été consignées dans 5 cas (35,7 %).

3.1.2 Facteurs de stress professionnel et personnel

Parmi les 12 hommes (85,7 %) de la Force régulière qui sont décédés par suicide en 2016 et pour lesquels des facteurs de stress avaient été déclarés, tous présentaient au moins deux des facteurs de stress figurant au Tableau 2. Huit des hommes (57,1 %) avaient déclaré au moins trois facteurs de stress concomitants avant leur décès.

Tableau 2 : Prévalence des facteurs de stress professionnel et personnel attestés avant le suicide *
Facteur 2016 (N (%))
Échec avéré ou probable d’une relation conjugale 7 (50,0 %)
Échec d’une autre relation (p.ex. famille ou amis) 2 (14,3 %)
Suicide réussi d’un conjoint, d’un membre de la famille ou d’un ami 6 (42,9 %)
Décès d’un membre de la famille ou d’un ami (autres que les suicides) 3 (21,4 %)
Problème de santé physique 6 (42,9 %)
Maladie d’un membre de la famille 2 (14,3 %)
Dettes 5 (35,7 %)
Problèmes liés à l’emploi, au superviseur ou au rendement au travail 7 (50,0 %)
Problèmes juridiques 4 (28,9 %)

* Le total n’est pas de 100 % étant donné que dans 78,6 % des cas le militaire a fait preuve de plus d’un facteur de stress.

Au cours de leur vie, 4 des hommes (28,9 %) en question avaient été victimes de violence physique, sexuelle ou émotionnelle, et 4 (28,9 %) avaient commis des actes de violence physique ou émotionnelle.

Dans les deux années précédant leur décès, 6 des hommes (42,9 %) avaient eu des problèmes juridiques ou disciplinaires (p. ex. une enquête de police, une action en justice, une absence sans permission, une incarcération). Au moment de leur décès, 2 hommes (14,3 %) étaient sur le point de recevoir leur congé des FAC (raisons disciplinaires, administratives ou médicales); ils avaient tous deux eu des problèmes juridiques ou disciplinaires au cours des douze derniers mois.

3.2 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière de 1995 à 2016 inclusivement

Le Tableau 3 présente le nombre annuel de suicides chez les hommes de la Force régulière, de 1995 à 2016 inclusivement, de même que le taux brut sur cinq ans correspondant. Le taux brut de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC n’a pas évolué de manière sensible entre 1995 et 2009. Si le taux semble avoir augmenté quelque peu au cours des cinq dernières années, les intervalles de confiance de toutes les périodes, y compris celles de 2010 à 2016, se chevauchent, ce qui signifie que l’augmentation n’est pas statistiquement significative.

Tableau 3 : Taux pluriannuel de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC (de 1995 à 2016) *
Année Nombre d’années-personnes pour les hommes de la Force régulière 4 Nombre de suicides chez les hommes de la Force régulière Taux de suicide pour les hommes de la Force régulière des FAC pour 100 000 personnes (IC : 95 %)
1995 62 255 12
1996 57 323 8
1997 54 982 13
1998 54 284 13
1999 52 689 10
1995-1999 281 533 56 19,9 (15,1, 26,0)
2000 51 537 12
2001 51 029 10
2002 52 747 9
2003 54 137 9
2004 53 873 10
2000-2004 263 323 50 19,0 (14,1, 25,1)
2005 53 648 10
2006 54 301 7
2007 55 140 9
2008 55 704 13
2009 56 813 12
2005-2009 275 606 51 18,5 (13,8, 24,4)
2010 58 723 12
2011 58 622 21
2012 57 940 10
2013 57 687 9
2014 56 699 16
2010-2014 289 866 68 23,5 (18,4, 29,9)
2015 56 284 14
2016 56 561 14
2015-2016 112 845 28 24,8 (16,5, 36,0)

* Le nombre de suicides confirmés chez les hommes de la Force régulière des FAC en 2009 a augmenté de un depuis le rapport « Le suicide dans les Forces canadiennes de 1995 à 2012 ».

Le taux de suicide chez les femmes de la Force régulière n’a pas été calculé, car les suicides chez les femmes sont peu courants. En effet, de 1995 à 2002, il n’y a eu aucun suicide chez les femmes, tandis qu’il y en a eu deux en 2003, aucun en 2004 et 2005, un par année de 2006 à 2008, deux en 2009, aucun en 2010, un en 2011, trois en 2012 et un par année de 2013 à 2016.

Une comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière et du taux de suicide chez leurs homologues civils est présentée dans le Tableau 4. Pour la période de 2005 à 2009, les données indiquent que le taux de suicide dans la population d’hommes de la Force régulière des FAC est inférieur de 14 % à celui de la population canadienne, une fois neutralisé l’effet des différences dans la distribution des âges. Ce RSM n’est pas statistiquement significatif, puisque l’intervalle de confiance comprend 100 %. Pour les années 2010 à 2013, même si le RSM est de plus de 100 %, l’intervalle de confiance comprend 100 %, ce qui signifie que les résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Enfin, les intervalles de confiance des RSM de toutes les périodes se chevauchent, ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas d’écart statistiquement significatif entre les RSM des différentes périodes de cinq ans.

Tableau 4 : Comparaison du taux de suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC et du taux de suicide chez les hommes canadiens au moyen des ratios standardisés de mortalité (RSM), de 1995 à 2013)*
Année RSM par suicide (intervalle de confiance à 95 %)
1995-1999 72 % (55, 94)
2000-2004 80 % (59, 105)
2005-2009 87 % (64, 114)
2010-2013** 120 % (91, 157)

* Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

** Fondé sur quatre années d’observation seulement.

† Statistiquement significatif.

Dans une analyse plus approfondie, le Tableau 5 présente une comparaison du RSM des hommes ayant des antécédents de déploiement et du RSM des hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement. Au fil du temps, le RSM plus élevé passe en alternance d’un groupe à l’autre. Toutefois, aucun des RSM figurant dans le tableau (quelle que soit la période) n’est statistiquement significatif.

Tableau 5 : Ratio standardisé de mortalité par suicide chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, de 1995 à 2013)*
Année RSM (IC à 95 %) des hommes ayant des antécédents de déploiement RSM (IC à 95 %) des hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement
1995-1999 68 % (42, 105) 74 % (52, 103)
2000-2004 81 % (53, 120) 79 % (51, 118)
2005-2009 99 % (67, 141) 74 % (46, 113)
2010-2013** 81 % (51, 122) 103 % (64, 158)

* Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

** Fondé sur quatre années d’observation seulement.

Le taux sur dix ans pour la période de 1995 à 2004 affiche un RSM légèrement inférieur chez les hommes ayant des antécédents de déploiement (RSM : 75 % [IC à 95 %, 54 % – 100 %]) que chez les hommes n’en ayant pas (RSM : 77 % [IC à 95 %, 60 % – 100 %]); ces deux estimations approchent, mais n’atteignent pas, une valeur statistiquement significative.

Une analyse comparative des mêmes groupes au moyen d’une autre méthode statistique (standardisation directe) n’a pas non plus permis d’établir un lien statistiquement significatif entre les hommes ayant des antécédents de déploiement et les hommes n’en ayant pas. Les taux sur dix ans (de 1995 à 2004 et de 2005 à 2014) ne sont pas non plus significatifs.

Tableau 6 : Comparaison des taux de suicide sur cinq ans chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon les antécédents de déploiement, au moyen de la standardisation directe (de 1995 à 2016)*
Année Hommes ayant des antécédents de déploiement Hommes n’ayant pas d’antécédents de déploiement Ratio des taux de suicide (IC à 95 %)
1995-1999 19,83 19,90 1,00 (0,57, 1,75)
2000-2004 18,97 17,89 1,06 (0,60, 1,88)
2005-2009 24,85 15,60 1,59 (0,86, 2,97)
2010-2014 24,41 18,75 1,30 (0,77, 2,19)
2015-2016 15,09 25,57 0,59 (0,23, 1,52)

* Certaines estimations pourraient avoir légèrement changé comparativement aux rapports précédents en raison de mises à jour concernant la population d’hommes dans la Force régulière des FAC.

3.3 Épidémiologie des suicides chez les hommes de la Force régulière, selon le commandement environnemental, de 2002 à 2016 inclusivement

Au cours des 15 dernières années, il y a eu 103 décès par suicide parmi les hommes de la Force régulière du commandement de l’Armée de terre et 72 décès parmi les hommes de tous les autres commandements environnementaux (Marine, Force aérienne et Autres). Le taux brut de suicide du commandement de l’Armée de terre s’élève à 33,32 (IC à 95 %, 27,23, 40,72) tandis que celui des autres commandements s’établit à 13,34 (IC à 95 %, 10,50, 16,88). Les intervalles de confiance des taux de chaque catégorie de commandement environnemental ne se chevauchent pas, ce qui signifie qu’il existe un écart statistiquement significatif entre les deux groupes. Les taux de suicide ajustés selon l’âge sont comparables aux taux bruts (Armée de terre : 33,30; autres commandements : 13,94). De plus, le ratio des taux de suicide ajustés selon l’âge est significatif [2,39 (IC à 95 %, 1,76, 3,25)], ce qui signifie que le taux de suicide ajusté selon l’âge chez les hommes de la Force régulière est environ deux fois et demie plus élevé dans l’Armée de terre que dans les autres commandements.

Une analyse du RSM de chacun des commandements environnementaux pour chaque période (2002 à 2006, 2007 à 2011 et 2012 à 2013) a été réalisée (Tableau 7). Les RSM du commandement de l’Armée de terre pour les périodes de 2007 à 2011 et de 2012 à 2013 sont considérablement supérieurs à 100 %, alors que le RSM de la Marine/Autres pour la période de 2012 à 2013 est considérablement inférieur à 100 %. Tous les autres RSM ne sont pas statistiquement significatifs. Par ailleurs, les RSM de l’ensemble des commandements environnementaux sont systématiquement non significatifs pour les trois périodes.

Tableau 7 : Ratios standardisés de mortalité des suicides chez les hommes de la Force régulière des FAC, selon le commandement, de 2002 à 2013
Commandement RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2002 à 2006 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2007 à 2011 RSM des suicides (intervalle de confiance à 95 %), 2012 à 2013
Armée de terre 105 % (66, 159) 173 % (123, 236) 187 % (109, 299)
Force aérienne 68 % (33, 125) 81 % (39, 148) s/o
Marine/Autres 75 % (45, 117) 72 % (43, 114) 19 % (2, 70)
Tous les commandements 86 % (64, 113) 112 % (87, 143) 78 % (47, 122)

† Statistiquement significatif.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière de l’Armée de terre appartenant aux groupes professionnels des armes de combat a également été calculé. De 2002 à 2016, il y a eu 70 suicides dans cette population (hommes de la Force régulière dont l’IDSGPM indique une arme de combat). Chez les femmes des mêmes groupes professionnels, il n’y a eu aucun suicide pendant la même période.

Le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière appartenant aux groupes professionnels des armes de combat [32,77 (IC à 95 %, 25,73, 41,62)] semble plus élevé que le taux de suicide chez les hommes de la Force régulière qui n’appartiennent pas à ces groupes [16,54 (IC à 95 %, 13,51, 20,21)]. Les intervalles de confiance de ces deux taux ne se chevauchent pas, ce qui signifie que l’écart est statistiquement significatif et qu’il y a donc un risque accru de suicide chez les hommes de la Force régulière qui appartiennent aux groupes professionnels des armes de combat par rapport à ceux qui n’appartiennent pas à ces groupes.

La Figure 1 illustre l’évolution des moyennes mobiles pour l’ensemble des commandements environnementaux (triangles), le commandement de l’Armée de terre (losanges) et les commandements autres que celui de l’Armée de terre (carrés). La figure montre que même si le taux de l’Armée de terre reste toujours légèrement supérieur ou égal à celui des autres catégories de commandement jusqu’en 2008, à partir de 2009 l’écart se creuse. Cette hausse de la moyenne de l’Armée de terre semble s’être arrêtée après 2012, mais la moyenne est demeurée très supérieure aux niveaux antérieurs à 2010. De 2009 à 2013, la moyenne mobile du taux des commandements autres que celui de l’Armée de terre semble avoir diminué, mais par la suite elle est revenue au niveau d’avant 2011.

Figure 1 - Voir le texte suivant

Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement environnemental, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2016.

Figure 1 Text
Figure 1 : Moyennes mobiles sur trois ans selon le commandement environnemental, Forces armées canadiennes, de 2002 à 2016
Année (point median des moyenne mobiles sur trois ans) Tous commandements Armée Non-armée
2002 16,8 24,1 12,9
2003 17,4 24,8 13,4
2004 18,0 22,8 15,3
2005 16,7 22,9 13,4
2006 16,0 21,0 13,3
2007 17,6 24,1 14,1
2008 20,3 27,9 15,9
2009 21,5 30,8 15,9
2010 25,7 41,3 15,8
2011 24,4 43,9 12,1
2012 22,9 48,4 7,4
2013 20,3 40,4 8,3
2014 22,9 43,0 11,1
2015 26,0 43,5 16,6
2016 24,8 38,6 16,7

4. Limites des données

  1. Ces analyses sont fondées sur des nombres très petits et instables; il faut donc se montrer prudent dans l’interprétation des résultats.
  2. Les suicides chez les femmes sont peu nombreux (0 à 2 par année), ce qui empêche la réalisation d’analyses de tendances.
  3. Comme la dernière unité/base de la personne a été utilisée pour catégoriser le commandement environnemental, cette méthode ne tient pas compte du fait que la personne a peut-être été affectée depuis peu à ce commandement environnemental, sans avoir vraiment servi sous ce commandement environnemental pendant une période appréciable (par exemple dans le cas d’une personne qui reçoit une formation).
  4. Les dénominateurs de cette étude (nombre d’hommes de la Force régulière dans chaque commandement) peuvent aussi être inexacts, car le système de la DIRHG n’est pas systématiquement mis à jour. Par conséquent, les données utilisées en guise de dénominateur peuvent différer selon la date à laquelle le rapport a été produit par la DIRHG.
  5. L’absence de données de la DIRHG avant 2002 ne permet pas d’évaluer si les écarts entre le taux de suicide dans l’Armée de terre et celui dans les autres commandements présentaient un profil différent avant la guerre en Afghanistan.
  6. Enfin, les intervalles de confiance étendus pour plusieurs des taux obtenus signifient que les analyses n’avaient peut-être pas la puissance nécessaire pour détecter des écarts statistiquement significatifs.

5. Conclusions

Les conclusions suivantes tiennent compte du fait qu’il est possible qu’un écart réel n’ait pas été constaté lors de l’analyse statistique en raison du petit nombre de suicides (faible efficacité statistique de l’étude) :

  1. De 1995 à 2016, il n’y a eu aucun changement statistiquement significatif du taux de suicide parmi les hommes de la Force régulière.
  2. Le taux de suicide standardisé selon l’âge et le sexe ne diffère pas de manière significative du taux de suicide dans la population canadienne.
  3. Des taux élevés d’utilisation de substances, de troubles de l’humeur, de problèmes conjugaux ou de procédures professionnelles pourraient être des indicateurs de risque de suicide élevé chez les hommes de la Force régulière.
  4. Selon les analyses, le taux brut de suicide des hommes appartenant au commandement de l’Armée de terre serait plus élevé que celui des hommes des autres commandements environnementaux, et ce, de manière statistiquement significative. Cet effet pourrait être expliqué en partie par l’écart important entre le taux brut de suicide des hommes appartenant aux groupes professionnels des armes de combat et celui des hommes n’appartenant pas à ces groupes.

Références

[1] Moscicki, E.K., Gender differences in completed and attempted suicides, Ann Epidemiol. 1994;4(2):152-8.

[2] Canetto, S.S. et Sakinofsky, I., The Gender Paradox in Suicide, Suicide Life Threat Behav. 1998;28(1);1-23.

[3] Defence Analytical Services and Advice, Suicide and Open Verdict Deaths in the UK Regular Armed Forces 1984-2012, DASA (MoD): Bristol, UK, Date d'accès 27-fév-2014: http://www.dada.mod.uk/publications/health/deaths/suicide-and-open-verdict/2012/2012.pdf

[4] A Dictionary of Epidemiology, M. Porta, S. Greenland, J.M. Last, eds., Fifth Edition, New York (USA): Oxford UP, 2008.

[5] Breslow, N.E. et Day, N.E. (1987). Statistical Methods in Cancer Research. Vol. II, The Design and Analysis of Cohort Studies (IARC Scientific Publication No. 82). Lyon, France: International Agency for Research on Cancer.


1 Statistique Canada définit la divulgation de l’identité ainsi : « se produit lorsqu’une personne peut être identifiée dans un tableau, habituellement dans une cellule de faible valeur présentant une ou deux personnes et une caractéristique. Si aucun autre renseignement n’est publié, il ne s’agit pas nécessairement d’une violation de la confidentialité, mais la perception d’une telle violation est tout de même présente. Cela entraîne un problème de « cellule de faible valeur » où, aux fins des statistiques de l’état civil, une « faible valeur » correspond à des fréquences inférieures à cinq naissances, décès ou morts à la naissance. »

La divulgation d’attributs « se produit lorsque les attributs de personnes sont divulgués, et ce, même s’ils ne permettent pas d’identifier ces personnes. Par exemple, la divulgation d’une ligne de tableau dans laquelle toutes les unités ont le même attribut parce qu’elles se trouvent sur la même colonne. Cela entraîne des problèmes de « cellule nulle » et de « cellule complète ». Les cellules nulles ne sont pas toutes problématiques. En revanche, les cellules complètes, qui se produisent lorsqu’une seule cellule d’une ligne ou d’une colonne est non nulle, sont plus susceptibles de l’être. »

Tiré de : Statistique Canada. Stratégie de contrôle de la divulgation pour les données canadiennes des statistiques de l’état civil – Bases de données sur les naissances et les décès, ministère de l’Industrie, Ottawa, 2016.

2 Par exemple, la moyenne mobile de 2006 est la moyenne de 2005, 2006 et 2007. Pour 2002 et 2016, il n’y a pas d’années précédentes ou postérieures et, ainsi, la moyenne mobile se fondait sur des données de deux années (par exemple 2016 = moyenne de 2015 et 2016).

3 Tel que défini dans la stratégie de santé mentale du médecin chef, « … le terme « traumatisme lié au stress opérationnel » (TSO) n’est pas un diagnostic; il s’agit d’un regroupement de diagnostics qui sont reliés aux blessures qui se produisent suite aux opérations militaires. Les TSO les plus communs sont l’ESPT, la dépression grave, et l’anxiété généralisée. Ce terme a aidé à rompre les obstacles au traitement et diminue la stigmatisation des maladies mentales. »

4 Le temps-personne est une « mesure qui combine la personne et le temps à titre de dénominateur des taux d’incidence et de mortalité si, pendant diverses périodes, les sujets courent le risque de développer une maladie ou de mourir. Il s’agit de la somme des périodes à risque pour chacun des sujets. La mesure la plus utilisée est « année-personne » (caractères gras ajoutés) [traduction libre]. [4]

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