Distribution de la sensibilité des espèces pour les recommandations sur la qualité de l'eau et l'évaluation des risques écologiques

Série de fiches d'information : Sujets de l'évaluation des risques des substances en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)]

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Introduction

Les écosystèmes canadiens soutiennent une biodiversité importante, avec environ 80 000 espèces végétales et animales connues au Canada et possiblement plus encore à découvrir. Certaines espèces sont plus sensibles à des substances particulières, tandis que d'autres peuvent être moins touchées en raison de différences dans leur physiologie, leurs comportements ou leur répartition géographique.

Le gouvernement du Canada publie des recommandations pour la qualité de l'eau (recommandations) et élabore des concentrations estimées sans effet (CESE) dans ses évaluations des risques écologiques. Elles visent à déterminer la concentration d'une substance dans l'environnement en deçà de laquelle il est peu probable qu'il y ait des effets nocifs, habituellement après une exposition chronique ou à long terme.

Deux approches sont utilisées pour déterminer les concentrations de substances dans le but de protéger toutes les espèces. La première est l'approche du facteur d'évaluation, qui est utilisée dans les cas où une substance a été étudiée sur seulement quelques espèces. De plus amples renseignements sur cette approche sont fournis dans la fiche d'information sur l'utilisation des facteurs d'évaluation dans l'évaluation des risques écologiques pour calculer les concentrations estimées sans effet. La deuxième est l'approche de distribution de la sensibilité des espèces (DSE), qui est utilisée lorsque la toxicité d'une substance a été étudiée sur un plus large éventail d'espèces aquatiques représentant plusieurs catégories d'espèces (par exemple, poissons, invertébrés, plantes). Cette approche statistique peut être utilisée pour estimer la concentration d'une substance potentiellement dangereuse pour seulement un petit pourcentage d'espèces et utilisée comme CESE.

Parmi les 2 approches, le gouvernement du Canada utilise plus souvent l'approche des facteurs d'évaluation, particulièrement dans le contexte de l'évaluation des risques, puisque la plupart des substances comptent peu de données sur la toxicité. Cependant, lorsque les données sont suffisantes, les DSE sont l'approche privilégiée.

La présente fiche d'information résume l'approche adoptée par le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME) pour établir une DSE aquatique. Des explications avancées et des conseils détaillés sur l'établissement de DSE pour les eaux douces et marines se trouvent dans le Protocole d'élaboration des recommandations pour la qualité des eaux en vue de protéger la vie aquatique 2007.

L'approche de dérivation des DSE est généralement divisée en 3 étapes :

i) Compilation et évaluation des données des essais de toxicité

La première étape de la création d'une DSE consiste à déterminer les études de toxicité aquatique pour la substance d'intérêt et à en évaluer la fiabilité et la pertinence environnementale. Seules les études dont la qualité est jugée acceptable sont utilisées pour élaborer une DSE.

Une hypothèse clé de l'approche de la DSE est que l'ensemble de données contient un échantillon représentatif des espèces présentes dans l'environnement. Bien qu'il soit impossible de représenter toutes les espèces dans l'environnement canadien, il est important d'inclure toutes les données disponibles et acceptables dans la DSE pour mieux représenter la biodiversité du Canada et l'éventail des sensibilités aux substances. Le nombre minimum d'espèces nécessaires pour calculer la DSE varie en fonction du but précis. Pour la plupart des situations au Canada, il faut au moins 7 espèces distinctes pour obtenir une DSE. En règle générale, elles doivent comprendre au moins 3 espèces de poissons, 3 invertébrés aquatiques ou semi-aquatiques et 1 espèce de plante ou d'algue aquatique.

Les données sur la toxicité recueillies et évaluées peuvent être des mesures des effets à court terme (aigus) ou à long terme (chroniques), selon le but de l'établissement de la DSE. Par exemple, les données à court terme peuvent être utilisées pour établir un point de repère à court terme qui donne un aperçu des répercussions d'événements graves, mais transitoires comme les déversements dans le milieu aquatique. De même, les données à long terme peuvent être utilisées pour calculer une concentration qui protège la vie aquatique pendant de longues expositions. Les effets d'intérêt mesurés peuvent aller de la létalité à divers effets sublétaux, comme une croissance ou une reproduction altérée. Les données compilées devraient être cohérentes tant en ce qui concerne la durée de l'exposition (à court terme ou à long terme) que la gravité de l'effet (létal ou sublétal). En assurant cette uniformité dans l'ensemble des études compilées, les différences de concentrations dans les paramètres devraient principalement résulter de la variabilité de la sensibilité des espèces.

Chaque espèce de la DSE est représentée par un seul point de données représentant au moins 1 résultat expérimental. En règle générale, le paramètre de toxicité le plus protecteur pour chaque espèce est choisi pour être ajouté à la DSE.

ii) Adapter une distribution statistique aux données

Après la collecte et l'évaluation des données, des outils logiciels statistiques sont utilisés pour adapter 1 ou plusieurs distributions statistiques (par exemple, log-normale, log-logistique, etc.) aux données de toxicité sélectionnées. La suite logicielle ssdtools, (disponible en anglais seulement), publiée par le gouvernement de Colombie-Britannique, est actuellement l'outil le plus fréquemment utilisé par le gouvernement du Canada pour l'élaboration de recommandations et d'évaluations des risques écologiques.

Les distributions statistiques sont souvent tracées pour donner une représentation visuelle du positionnement relatif des espèces en fonction de leur sensibilité à la substance et sont généralement représentées sous forme de courbes sigmoïdales (en forme de S) (voir la figure 1).

Une fois la DSE construite, des évaluations graphiques et statistiques de la qualité de l'ajustement sont requises. Elles sont nécessaires pour s'assurer que le modèle ajusté décrit adéquatement les données et que le résultat est statistiquement valable et scientifiquement défendable.

Figure 1 : Exemple conceptuel de distribution de la sensibilité d'une espèce
La figure 1 présente les concentrations d’une substance dans l’eau sur l’axe des x et le pourcentage d’espèces touchées sur l’axe des y.
Figure 1 - Description textuelle

La figure 1 est une représentation graphique des concentrations d'une substance dans l'eau sur l'axe des x et du pourcentage d'espèces touchées sur l'axe des y. Un point sur la distribution ajustée est souvent interprété comme le pourcentage d'espèces affectées ou potentiellement affectées à une concentration donnée de la substance dans l'eau. La figure montre une distribution de la sensibilité d'une substance (ligne rose) entourée de l'intervalle de confiance (zones ombrées entourant la ligne). Les noms d'espèces sont souvent indiqués à côté des points de données sur les distributions de sensibilité des espèces. Dans cette figure, des illustrations non à l'échelle de diverses espèces sont utilisées pour illustrer le concept : moucheron, algue verte, poisson-zèbre, truite arc-en-ciel, crapaud, crevette d'eau douce, lenticule mineure, puces d'eau, plante aquatique générique, crapet arlequin et escargot d'eau douce. Une ligne pointillée indique la concentration de la substance au 5e percentile des espèces potentiellement touchées.

iii) Interprétation des distributions de sensibilité des espèces

Les recommandations relatives à la qualité de l'eau et les CESE sont habituellement déterminées à partir du 5e percentile de la courbe de DSE ajustée (voir la figure 1).

Avec des ensembles de données plus petits, la valeur du 5e percentile peut être inférieure à la valeur de toxicité la plus faible dans la DSE. Cette valeur est jugée appropriée pour atteindre l'objectif de protection des recommandations et des CESE, car il peut y avoir des espèces plus sensibles que celles qui se trouvent dans l'ensemble de données plus petit. À l'inverse, lorsqu'une valeur de toxicité est inférieure à la valeur du 5e percentile, le point de données est examiné afin de déterminer si un percentile différent devrait être pris en considération pour la recommandation ou la CESE. Une attention particulière est accordée lorsque les valeurs de toxicité inférieures au 5e percentile représentent des données de létalité, impliquent des espèces en péril ou s'il y a plusieurs valeurs regroupées autour du 5e percentile. Dans le cas de la CESE utilisée pour l'évaluation des risques, la valeur du 5e percentile est le plus souvent utilisée directement, mais elle peut être divisée par un facteur d'évaluation si on le juge nécessaire. Par exemple, dans une situation où seules des données suffisantes pour construire une DSE avec des paramètres à court terme ou fondés sur la létalité pour une substance sont disponibles, la valeur du 5e percentile peut être divisée par un facteur d'évaluation pour calculer une CESE destinée à protéger les organismes contre les effets sous-létaux sur les expositions à long terme.

Orientations futures

Les DSE constituent une approche robuste pour l'établissement de recommandations et de CESE qui peuvent accroître la confiance que les valeurs protègent les espèces les plus sensibles dans l'environnement canadien. Les approches pour obtenir une DSE continuent de progresser et sont adaptables en fonction des meilleures données scientifiques disponibles. Par exemple, des approches de modélisation de la distribution mises à jour, comme l'ajustement de distributions multiples et le calcul d'une moyenne pondérée du 5e percentile, ont récemment été intégrées à la méthodologie canadienne. De plus, on tient maintenant compte des distributions bimodales (avec 2 pics) qui peuvent mieux caractériser les données de toxicité montrant de grandes différences de sensibilités. C'est particulièrement vrai pour les substances qui ont des modes d'action particuliers où la toxicité pour 1 catégorie d'espèces peut être très différente de celle d'une autre catégorie d'espèces. Le gouvernement du Canada étudie également l'intégration de données non traditionnelles sur la toxicité (à l'aide de nouvelles approches méthodologiques) puisqu'il s'agit d'un domaine particulièrement pertinent sur le plan scientifique pour l'avancement de l'évaluation des risques écologiques.

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