Fiche Technique Santé-Sécurité : Agents Pathogènes – Entamoeba histolytica
SECTION I ‑ AGENT INFECTIEUX
NOM : Entamoeba histolytica
SYNONYME OU RENVOI : Dysentérie amibienne, amibiase, amibiase invasiveFootnote 1.
CARACTÉRISTIQUES : Entamoeba histolytica est un protozoaire non flagellé émettant des pseudopodes. Ce parasite de l’humain fait partie de l’embranchement des Sarcomastigophora, du sous‑embranchement des Sarcodina, de la classe des Lobosa, de l’ordre des Amoebida et de la famille des Entamoebidae2Footnote 3. Au cours de son cycle évolutif, Entamoeba histolytica prend successivement deux formes, à savoir la forme d’un trophozoïte amiboïde et la forme kystique infectieuse1-3. À la suite de leur ingestion et de leur passage dans l’estomac, les kystes infectieux perdent leur coque protectrice et libèrent des trophozoïtes actifs dans le côlon. Les trophozoïtes se multiplient ensuite par simple division binaire et s’enkystent au fil de leur progression dans le côlon, leur mobilité étant assurée par des expansions cytoplasmiques appelées pseudopodes3-6. Les kystes sont finalement excrétés dans les selles; ils peuvent survivre dans un environnement humide pendant quelques semaines, voire des moisFootnote 6. Les trophozoïtes invasifs mesurent de 10 à 60 μm de diamètre; anaérobies facultatifs, ils sont dotés d’un noyau simple muni d’un caryosome central, et leur mise en culture nécessite des milieux de culture axéniques complexesFootnote 3. Des vacuoles alimentaires sont couramment observées dans le cytoplasme des trophozoïtes actifs; à l’examen des échantillons de selles diarrhéiques, elles contiennent parfois des érythrocytes de l’hôte. Les kystes, ronds et entourés d’une paroi chitineuse, mesurent entre 10 et 15 μm et contiennent entre un et quatre noyaux, du glycogène et des assemblages de ribosomes appelés corps chromatoïdesFootnote 5.
SECTION II ‑ DÉTERMINATION DU RISQUE
PATHOGÉNICITÉ ET TOXICITÉ : L’infection par E. histolytica peut être asymptomatique, ou symptomatique avec ou sans invasion tissulaireFootnote 2. La plupart (90 %) des cas d’infection par E. histolytica sont asymptomatiques et ne sont associés qu’à une excrétion de kystes dans les selles des sujets atteints2Footnote 7Footnote 8. Les sujets symptomatiques présentent pour leur part principalement une atteinte intestinale2Footnote 3. La dysenterie amibienne est caractérisée par une diarrhée associée à de fortes crampes abdominales, une douleur abdominale basse, une faible fièvre et une présence persistante de sang ou de mucus dans les selles2Footnote 3Footnote 8. L’apparition d’ulcères attribuables à l’invasion de la paroi intestinale par les trophozoïtes est possibleFootnote 2. Moins couramment, une colite amibienne fulminante (dysenterie) associée à une diarrhée sanglante profuse, une fièvre, une leucocytose prononcée, une douleur abdominale avec signes péritonéaux et une atteinte colique étendue pourra être observée chez la femme enceinte ou chez les sujets présentant un terrain débilité ou une immunodépression3Footnote 5. Dans de rares cas, l’infection peut se compliquer d’atteintes graves, notamment une perforation abdominale, une entérocolite nécrosante, un mégacôlon toxique, une péritonite ou un amoebome2Footnote 8. Les patients atteints d’une entérocolite nécrosante aiguë présentent une fièvre, une diarrhée sanglante mucoïde, des douleurs abdominales associées à une sensibilité au rebond et une irritation péritonéaleFootnote 8. L’amoebome est une lésion pseudo‑tumorale bénigne constituée de tissus granulomateux et secondaire à une ulcération chroniqueFootnote 2. Les manifestations extra‑intestinales de l’infection par E. histolytica comprennent les abcès du foie, les abcès du poumon, qui peuvent évoluer vers une pneumonie ou un empyème, et, rarement, les abcès cérébraux2Footnote 3Footnote 5. L’extension d’un abcès vers le péricarde constitue la manifestation la plus grave de l’atteinte; elle peut en effet causer une compression cardiaque menant au décès, ou encore une péricardite chronique2Footnote 3. Des cas d’amibiase cutanée ont aussi été décrits chez des enfants infectés par E. histolyticaFootnote 9.
ÉPIDÉMIOLOGIE : E. histolytica est observé partout dans le monde et représente la deuxième cause en importance de décès par parasitose2Footnote 5Footnote 7. Selon les estimations, E. histolytica infecterait 500 millions de personnes par année, causant 50 millions de cas d’abcès du foie et de colite et 40 000 à 100 000 décès2Footnote 5Footnote 7. L’infection par E. histolytica est plus courante dans les régions tropicales et subtropicales, notamment au Mexique, en Afrique du Sud et de l’Ouest, en Amérique du Sud occidentale et en Asie du Sud2Footnote 3. Le taux d’infection est aussi élevé dans les régions tempérées où les pratiques d’hygiène laissent à désirerFootnote 2. Aux États‑Unis, la plupart des cas d’amibiase sont observés chez des immigrants venant de régions d’endémicité, chez des sujets infectés par le VIH et chez des habitants d’États limitrophes du Mexique2Footnote 5. Les voyageurs qui se rendent dans des régions d’endémicité sont aussi à risque de contracter E. histolyticaFootnote 5. Bien que les abcès amibiens du foie soient rares (moins de 5 % des cas), ils représentent la manifestation extra‑intestinale la plus courante de l’infection par E. histolyticaFootnote 10. L’infection est endémique au Mexique, dans le sous‑continent indien, en Indonésie, en Afrique subsaharienne et tropicale et dans certaines régions de l’Amérique centrale et de l’Amérique du SudFootnote 10.
GAMME D’HÔTES : Humain, primates non humainsFootnote 5.
DOSE INFECTIEUSE : La dose infectieuse moyenne est supérieure à 1 000 microorganismes; cependant, l’ingestion d’un seul kyste a déjà été liée à l’apparition de la maladieFootnote 3.
MODE DE TRANSMISSION : La transmission par voie fécale‑orale est possible (ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par des matières fécales contenant des kystes d’E. histolytica)1-3Footnote 8. La transmission sexuelle est aussi possible3Footnote 5.
PÉRIODE D’INCUBATION : L’atteinte intestinale causée par E. histolytica peut apparaître de quelques jours à plusieurs mois après l’ingestion de kystes infectieuxFootnote 2. Les abcès amibiens du foie associés à E. histolytica apparaissent quant à eux habituellement de 8 à 20 semaines après le départ d’une région où l’amibiase est endémiqueFootnote 10.
TRANSMISSIBILITÉ : L’amibiase peut se transmettre entre les membres d’une même familleFootnote 5. La transmission directe entre humains se produit par voie fécale‑orale en présence de mauvaises conditions d’hygiène (45 millions de kystes sont excrétés dans les selles chaque jour)Footnote 3. La transmission sexuelle se produit quant à elle principalement entre hommes homosexuelsFootnote 3.
SECTION III ‑ DISSÉMINATION
RÉSERVOIR : Humain et primates non humains3Footnote 5.
ZOONOSE : Aucune.
VECTEURS : Aucun.
SECTION IV ‑ VIABILITÉ ET STABILITÉ
SENSIBILITÉ AUX MÉDICAMENTS : Les trophozoïtes sont sensibles au métronidazole, aux dérivés nitro‑imidazolés comme le tinidazole, le secnidazole et l’ornidazole, à l’émétine et à la chloroquineFootnote 11. Les kystes sont quant à eux sensibles au furoate de diloxanide, à la diiodohydroxyquinoléine et à la paromomycine2Footnote 11.
RÉSISTANCE AUX MÉDICAMENTS : Une résistance au métronidazole induite en laboratoire a été signaléeFootnote 11.
SENSIBILITÉ AUX DÉSINFECTANTS : Les kystes d’E. histolytica présentent la plus grande résistance aux désinfectants après les spores bactériennesFootnote 12; ils sont toutefois susceptibles à l’ozone, au dioxyde de chlore, aux solutions iodées à 8 ppm et au chlore libre, en ordre décroissant12Footnote 13.
INACTIVATION PHYSIQUE : Les kystes amibiens peuvent être inactivés par une chaleur de 50‑56 °C, par le rayonnement solaire1 Footnote 14 ou par congélationFootnote 15. La pasteurisation et l’ébullition brève sont suffisantes pour éliminer le risque de transmission d’E. histolyticaFootnote 15.
SURVIE À L’EXTÉRIEUR DE L’HÔTE : Les kystes peuvent survivre dans l’eau, le sol et les aliments pendant des jours, voire des semaines1Footnote 2. Les trophozoïtes réussissent difficilement à survivre à l’extérieur du corps humainFootnote 5.
SECTION V ‑ PREMIERS SOINS ET ASPECTS MÉDICAUX
SURVEILLANCE : Surveiller l’apparition de symptômes. Le diagnostic repose sur 1) l’apparition de signes cliniques, 2) l’examen endoscopique et la mise en évidence d’abcès du foie, des poumons ou d’autres organes par échographie ou tomodensitométrie, 3) la mise en évidence de kystes et de trophozoïtes, y compris de trophozoïtes contenant des érythrocytes de l’hôte, à l’examen microscopique de spécimens cliniques, p. ex. de selles liquides ou de liquide d’aspiration prélevé à la sigmoïdoscopie, 4) la détection d’antigènes d’E. histolytica (p. ex. de lectine), 5) la détection d’anticorps spécifiques (p. ex. IgA dirigés contre la lectine) par des méthodes sérologiques comme le test ELISA ou les tests EIA), 5) la détection de l’ADN des trophozoïtes ou des kystes par PCR ou PCR en temps réel, 6) la culture in vitro des amibes, qui est utile en cas d’amibiase chronique associée à un faible nombre de kystes1-3.
Remarque : Les méthodes de diagnostic ne sont pas nécessairement toutes disponibles dans tous les pays.
PREMIERS SOINS ET TRAITEMENT : Les porteurs asymptomatiques peuvent être traités par des amoebicides de contact (inactivation des kystes) administrés par voie orale comme la paromomycine, le furoate de diloxanide et la diiodohydroxyquinoléine1Footnote 2Footnote 8. La dysenterie et la colite amibiennes ainsi que les abcès amibiens peuvent quant à eux être traités par des amoebicides tissulaires (inactivation des trophozoïtes) administrés par voie orale comme le métronidazole et le tinidazole1Footnote 8. La paromomycine, le furoate de diloxanide et la diiodohydroxyquinoléine par voie orale peuvent aussi être prescrits pour l’élimination des kystes à la suite d’un traitement par les amoebicides tissulaires1Footnote 2Footnote 8. L’aspiration et le drainage thérapeutique des abcès amibiens du foie peuvent être indiqués, seuls ou en association avec un traitement antiparasitaire, chez les patients ne répondant pas au traitementFootnote 8.
IMMUNISATION : Aucune
PROPHYLAXIE : Aucune
SECTION VI ‑ DANGERS POUR LE PERSONNEL DE LABORATOIRE
INFECTIONS CONTRACTÉES EN LABORATOIRE : Des cas d’infection parEntamoeba spp. ont été signalésFootnote 16.
SOURCES ET ÉCHANTILLONS : Selles, sécrétions provenant des ulcères, tissus prélevés par biopsie, aspirats d’abcès1Footnote 2Footnote 16.
DANGERS PRIMAIRES : IngestionFootnote 16.
DANGERS PARTICULIERS : Aucun.
SECTION VII ‑ CONTRÔLE DE L’EXPOSITION ET PROTECTION PERSONNELLE
CLASSIFICATION PAR GROUPE DE RISQUE: Groupe de risque 2.
EXIGENCES DE CONFINEMENT : Installations, équipement et pratiques opérationnelles de niveau de confinement 2 pour le travail avec des matières, cultures ou animaux infectieux ou potentiellement infectieux Footnote 18.
VÊTEMENTS DE PROTECTION : Sarrau. Gants, lorsqu’un contact direct de la peau avec des matières infectées ou des animaux est inévitable. Une protection pour les yeux doit être utilisée lorsqu’il y a un risque connu ou potentiel d’éclaboussure Footnote 18.
AUTRES PRÉCAUTIONS : Toutes les procédures pouvant produire des aérosols ou mettant en cause des concentrations ou des quantités élevées doivent s’effectuer dans une enceinte de sécurité biologique (ESB). L’utilisation d’aiguilles, de seringues et d’autres objets tranchants doit être strictement restreinte. Des précautions supplémentaires doivent être envisagées pour les activités avec des animaux ou à grande échelle Footnote 18.
SECTION VIII ‑ MANUTENTION ET ENTREPOSAGE
DÉVERSEMENTS : Laisser les aérosols se déposer et, tout en portant des vêtements de protection, couvrir délicatement le déversement avec des essuie‑tout et appliquer un désinfectant approprié, en commençant par le périmètre et en se rapprochant du centre. Laisser agir suffisamment longtemps avant de nettoyer 19Footnote 20.
ÉLIMINATION : Décontaminer toutes les matières à éliminer contenant l’agent infectieux ou ayant été en contact avec celui‑ci par stérilisation à la vapeur, désinfection chimique, rayonnement gamma ou incinération Footnote 18.
ENTREPOSAGE : L’agent infectieux doit être entreposé dans des contenants étanches étiquetés de façon appropriée Footnote 18.
SECTION IX ‑ RENSEIGNEMENTS SUR LA RÉGLEMENTATION ET AUTRES
INFORMATION SUR LA RÉGLEMENTATION : L’importation, le transport et l’utilisation de pathogènes au Canada sont régis par de nombreux organismes de réglementation, dont l’Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Environnement Canada et Transports Canada. Il incombe aux utilisateurs de veiller à respecter tous les règlements et toutes les lois, directives et normes applicables.
DERNIÈRE MISE À JOUR : Décembre 2011
Préparée par : Direction de la règlementation des agents pathogènes, Agence de la santé publique du Canada. Bien que les renseignements, opinions et recommandations présentés dans cette Fiche de renseignements proviennent de sources que nous jugeons fiables, nous ne nous rendons pas responsables de leur justesse, de leur caractère exhaustif ou de leur fiabilité, ni des pertes ou blessures pouvant résulter de l’utilisation de ces renseignements. Comme on découvre fréquemment de nouveaux dangers, il est possible que ces renseignements ne soient pas tout à fait à jour.
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