Fiche Technique Santé-Sécurité : Agents Pathogènes – Vibrio cholerae
FICHE TECHNIQUE SANTÉ-SÉCURITÉ: AGENTS PATHOGÈNES
SECTION I - AGENT INFECTIEUX
NOM : Vibrio cholerae, sérogroupe O1, sérogroupe O139 (Bengale)
SYNONYME OU RENVOI : Choléra
CARACTÉRISTIQUES : Vibrio cholerae est un bacille Gram négatif en forme de bâtonnet incurvé et oxydase-positif(Note de bas de page 1,Note de bas de page 2,Note de bas de page 3). Il est doté d'une grande motilité et d'un seul flagelle polaire(Note de bas de page 1). Cette bactérie de 1 à 3 µm par 0,5 à 0,8 µm est un anaérobie facultatif de la famille des Vibronaceae(Note de bas de page 1,Note de bas de page 3). Les sérogroupes O1 (biotypes classique et El Tor) et O139 sont les principaux agents pathogènes en cause dans les épidémies de choléra(Note de bas de page 1,Note de bas de page 3). Les sérogroupes pathogènes produisent la toxine cholérique (CT), alors que les souches non pathogènes peuvent ou non produire cette toxine(Note de bas de page 2). Récemment, on a isolé des souches du sérogroupe O75 de V. cholerae doté du gène de la toxine CT chez des patients atteints de diarrhée grave, et le sérogroupe O141 a été associé à une diarrhée sporadique de type cholérique et à des bactériémies aux États-Unis(Note de bas de page 4,Note de bas de page 5). Certains sérotypes peuvent servir de réservoir pour le génome du bactériophage codant la toxine CT(Note de bas de page 6,Note de bas de page 7). Les sérotypes qui ne produisent pas la toxine CT peuvent tout de même provoquer des maladies chez l'humain (p. ex. une entérite)(Note de bas de page 8).
SECTION II - DÉTERMINATION DU RISQUE
PATHOGÉNICITÉ ET TOXICITÉ : Vibrio cholerae peut entraîner des syndromes allant de cas asymptomatiques au cholera gravis(Note de bas de page 3 ). Dans les régions d'endémicité, 75 % des cas sont asymptomatiques, 20 % sont légers à modérés, et 2 à 5 % sont des formes graves comme le cholera gravis(Note de bas de page 3 ). Les symptômes comprennent une diarrhée liquide (sous forme de liquide gris trouble) soudaine, des vomissements occasionnels et des crampes abdominales(Note de bas de page 1 ,Note de bas de page 3 ). Une déshydratation s'ensuit, accompagnée de signes et symptômes tels que soif, sécheresse des muqueuses, turgescence cutanée réduite, yeux creux, hypotension, pouls radial faible ou absent, tachycardie, tachypnée, raucité de la voix, oligurie, crampes, insuffisance rénale, crises convulsives, somnolence, coma et décès(Note de bas de page 1 ). Le décès attribuable à la déshydratation peut survenir en quelques heures ou quelques jours chez les enfants non traités. La maladie est dangereuse pour la femme enceinte et le fœtus au cours du dernier trimestre de la grossesse; un avortement spontané, une naissance prématurée et la mort du fœtus peuvent survenir(Note de bas de page 3 ,Note de bas de page 9 ,Note de bas de page 10 ). Dans les cas de cholera gravis accompagnés d'une déshydratation grave, le décès peut survenir chez jusqu'à 60 % des patients; ce taux chute à moins de 1 % lorsque les patients reçoivent une thérapie de réhydratation. La maladie dure habituellement de 4 à 6 jours(Note de bas de page 3 ,Note de bas de page 11 ). Dans le monde entier, la maladie diarrhéique causée par le choléra et bien d'autres pathogènes est la deuxième principale cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans; on estime qu'au moins 120 000 décès sont attribuables au choléra chaque année(Note de bas de page 12 ,Note de bas de page 13 ). En 2002, l'OMS a estimé que le taux de létalité du choléra était d'environ 3,95 %(Note de bas de page 3 ).
ÉPIDÉMIOLOGIE : Au cours des 200 dernières années, on a recensé 8 grandes pandémies de choléra, la maladie touchant plus souvent les régions tropicales et subtropicales(Note de bas de page 2,Note de bas de page 14). La majorité des cas sont survenus dans le sous-continent indien et en Afrique (en 2002, l'OMS a estimé que 97 % des cas de choléra survenaient en Afrique)(Note de bas de page 2,Note de bas de page 3). Plusieurs millions de cas de choléra sont recensés chaque année et, dans les régions d'endémicité, ces cas sont en général plus fréquents chez les enfants de 2 à 9 ans et chez les femmes en âge de procréer(Note de bas de page 3,Note de bas de page 12). Les épidémies observées dans les régions d'endémicité surviennent généralement pendant la saison chaude(Note de bas de page 1).
GAMME D'HÔTES : L'agent infectieux a été observé chez les humains, les oiseaux aquatiques, les mollusques et crustacés, les poissons et les herbivores(Note de bas de page 1).
DOSE INFECTIEUSE : La dose infectieuse se situe entre 106 et 1011 vibrions ingérés(Note de bas de page 1). La dose infectieuse dépend de l'acidité gastrique (plus l'acidité est faible, moins le nombre de vibrions requis pour provoquer l'infection est élevé)(Note de bas de page 1).
MODE DE TRANSMISSION : Le choléra se transmet habituellement par la consommation d'eau contaminée par des matières fécales infectées(Note de bas de page 1,Note de bas de page 2). On a signalé des épidémies causées par l'ingestion de poissons et de fruits de mer crus infectés(Note de bas de page 1).
PÉRIODE D'INCUBATION : La période d'incubation varie entre quelques heures et 5 jours après l'infection(Note de bas de page 1).
TRANSMISSIBILITÉ : Les patients symptomatiques peuvent excréter des vibrions avant l'apparition des signes cliniques de la maladie et jusqu'à 2 semaines après celle-ci; chez les patients asymptomatiques, l'excrétion de vibrions ne dure habituellement qu'une journée(Note de bas de page 12). Une personne peut être porteuse de l'agent infectieux (être infectée sans présenter de manifestations cliniques) pendant plusieurs semaines et excréter des vibrions de façon intermittente en petites quantités(15), (16).
SECTION III - DISSÉMINATION
RÉSERVOIR : Les humains sont un réservoir de la maladie, tout comme les animaux vivant en milieu aquatique ou à proximité d'un tel environnement(Note de bas de page 1). La bactérie a été détectée chez des oiseaux et des herbivores vivant près des lacs et des rivières d'eau douce ainsi que dans des algues, des copépodes (zooplancton), des crustacés et des insectes(Note de bas de page 1,Note de bas de page 3).
ZOONOSE : Aucune.
VECTEURS : Aucun.
SECTION IV - VIABILITÉ ET STABILITÉ
SENSIBILITÉ AUX MÉDICAMENTS : Sensible aux antibiotiques. La tétracycline est le médicament de choix, bien que la résistance à cet agent soit de plus en plus fréquente(Note de bas de page 17 ,Note de bas de page 18 ). La ciproflaxine, la doxycycline et le co-trimoxazole peuvent aussi être utilisés(Note de bas de page 1 ). Une épidémie survenue en 1979 au Bangladesh avait été causée par des souches du biotype El Tor résistant à plusieurs médicaments(Note de bas de page 18 ); 36 % des souches à l'origine de cette épidémie résistaient à la tétracycline, l'ampicilline, la kanamycine, la streptomycine et le triméthoprime-sulfaméthoxazole(Note de bas de page 18 ).
RÉSISTANCE AUX MÉDICAMENTS : On a observé une résistance à l'acide nalidixique, au furazolidone et au co-trimoxazole. Des isolats de V. cholerae O1 sérotype lnaba se sont révélés résistants à plusieurs antibiotiques, et on a observé une résistance croissante à la ciprofloxacine(Note de bas de page 19).
SENSIBILITÉ AUX DÉSINFECTANTS : Sensible au phénol à 2-5 %, à l'hypochlorite de sodium à 1 %, au formaldéhyde à 4 %, au glutaraldéhyde à 2 %, à l'éthanol à 70 %, au propanol à 70 %, à l'acide peracétique à 2 %, au peroxyde d'hydrogène à 3-6 % et à l'iode à 0,16 %(Note de bas de page 14).
INACTIVATION PHYSIQUE : Vibrio cholerae est sensible au froid (perte de viabilité après un choc thermique à 0 ºC)(Note de bas de page 20).
SURVIE À L'EXTÉRIEUR DE L'HÔTE : Le microorganisme peut survivre dans l'eau de puits pendant 7,5 ± 1,9 jours, et le biotype El Tor peut survivre 19,3 ± 5,1 jours(Note de bas de page 21). La bactérie peut survivre de 1 à 14 jours dans une grande diversité d'aliments et de boissons à température ambiante et de 1 à 35 jours dans une glacière(Note de bas de page 21). Elle a également été décelée sur des vecteurs passifs à température ambiante après 1 à 7 jours(Note de bas de page 21).
SECTION V - PREMIERS SOINS ET ASPECTS MÉDICAUX
SURVEILLANCE : Surveiller l'apparition de symptômes; confirmer le diagnostic par examen bactériologique des selles, PCR ou dosage immunoenzymatique (ELISA)(Note de bas de page 1 ,Note de bas de page 3 ,Note de bas de page 11 ).
Remarque : Les méthodes de diagnostic ne sont pas nécessairement toutes disponibles dans tous les pays.
PREMIERS SOINS ET TRAITEMENT : Le traitement recommandé de la déshydratation comprend une rééquilibration hydroélectrolytique et une réhydratation de base par voie IV, suivis de l'administration de la solution de réhydratation par voie orale recommandée par l'OMS (90 mmol/L de Na+, 20 mmol/L de K+, 80 mmol/L de Cl- et citrate (10 mmol/L et 110 mmol/L de glucose)(Note de bas de page 1). On peut réduire la durée de la maladie par l'administration d'un antibiotique comme la ciproflaxine, la doxycycline ou le co-trimoxazole(Note de bas de page 1).
IMMUNISATION : La vaccination systématique du personnel de laboratoire et des voyageurs n'est pas recommandée(Note de bas de page 22,Note de bas de page 23). Des vaccins classiques par voie parentérale contenant des souches inactivées existent, mais leur emploi à grande échelle n'est pas recommandé car la protection qu'ils confèrent ne dure que de 3 à 6 mois(Note de bas de page 3,Note de bas de page 14). Il existe également des vaccins par voie orale offrant une protection de plusieurs années (maximum 3), mais leur efficacité dans les régions d'endémicité n'a pas été confirmée(Note de bas de page 3,Note de bas de page 13).
PROPHYLAXIE : La chimioprophylaxie au moyen d'antibiotiques ne s'est pas révélée efficace(Note de bas de page 1). Une bonne hygiène, des mesures sanitaires, l'épuration de l'eau et de bonnes techniques de préparation des aliments constituent les meilleures mesures de prévention dans les régions d'endémicité(Note de bas de page 1).
SECTION VI - DANGERS POUR LE PERSONNEL DE LABORATOIRE
INFECTIONS CONTRACTÉES AU LABORATOIRE : Douze cas d'infection et 4 décès ont été signalés jusqu'en 1979(Note de bas de page 24). Les décès étaient associés au pipetage à la bouche, au contact avec des fèces infectieuses et des linges de laboratoire contaminés(Note de bas de page 24).
SOURCES ET ÉCHANTILLONS : Les principaux échantillons contenant l'agent infectieux sont les fèces et les animaux infectés naturellement ou artificiellement dans le cadre d'expériences(Note de bas de page 22).
DANGERS PRIMAIRES : Les principaux risques associés à la manipulation de cet agent sont l'ingestion et l'inoculation parentérale accidentelles(Note de bas de page 9,Note de bas de page 14,Note de bas de page 22). Le risque d'exposition à des aérosols n'a pas été établi(Note de bas de page 22).
DANGERS PARTICULIERS : Le risque d'infection est plus élevé chez les personnes ne sécrétant pas d'acide gastrique (p. ex. en raison d'une gastrectomie ou d'une achlorhydrie)(Note de bas de page 2).
SECTION VII - CONTRÔLE DE L'EXPOSITION ET PROTECTION PERSONNELLE
CLASSIFICATION PAR GROUPE DE RISQUE : Groupe de risque 2(Note de bas de page 25).
EXIGENCES DE CONFINEMENT : Installations, équipement et pratiques opérationnelles de niveau de confinement 2 pour le travail avec des matières, cultures ou animaux infectieux ou potentiellement infectieux(Note de bas de page 26).
VÊTEMENTS DE PROTECTION : Sarrau. Gants, lorsqu'un contact direct de la peau avec des matières infectées ou des animaux est inévitable. Une protection pour les yeux doit être utilisée lorsqu'il y a un risque connu ou potentiel d'éclaboussure(Note de bas de page 12).
AUTRES PRÉCAUTIONS : Toutes les procédures pouvant produire des aérosols ou mettant en cause des concentrations ou des quantités élevées doivent s'effectuer dans une enceinte de sécurité biologique (ESB)(Note de bas de page 12). L'utilisation d'aiguilles, de seringues et d'autres objets tranchants doit être strictement restreinte. Des précautions supplémentaires doivent être envisagées pour les activités avec des animaux ou à grande échelle(Note de bas de page 12).
SECTION VIII - MANUTENTION ET ENTREPOSAGE
DÉVERSEMENTS : Laisser les aérosols se poser et, tout en portant des vêtements de protection, couvrir délicatement le déversement avec des essuie-tout et appliquer un désinfectant approprié, en commençant par le périmètre et en se rapprochant du centre. Laisser agir suffisamment longtemps avant de nettoyer (30 minutes)(Note de bas de page 12,Note de bas de page 13).
ÉLIMINATION : Décontaminer les déchets par stérilisation à la vapeur, incinération ou désinfection chimique(Note de bas de page 12).
ENTREPOSAGE : Dans des contenants étanches et scellés, étiquetés de façon appropriée et placés en lieu sûr(Note de bas de page 12).
SECTION IX - RENSEIGNEMENTS SUR LA RÉGLEMENTATION ET AUTRES
INFORMATION SUR LA RÉGLEMENTATION : L'importation, le transport et l'utilisation de pathogènes au Canada sont régis par de nombreux organismes de réglementation, dont l'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Environnement Canada et Transports Canada. Il incombe aux utilisateurs de veiller à respecter tous les règlements et toutes les lois, directives et normes applicables.
DERNIÈRE MISE À JOUR : Septembre 2010
PRÉPARÉE PAR : Direction de la règlementation des agents pathogènes, agence de la santé publique du Canada.
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