Relayer le fardeau de la diphtérie au Canada au moyen des données hospitalières

RMTC

Volume 47-10, octobre 2021 : Vaccination contre l'influenza

Surveillance

Fardeau de la diphtérie au Canada de 2006 à 2017, selon les données administratives d'hospitalisations et les données sur les maladies à déclaration obligatoire

Dolly Lin1, Brigitte Ho Mi Fane2, Susan G Squires2, Catherine Dickson2

Affiliations

1 École d'épidémiologie et de santé publique, Université d'Ottawa, Ottawa, ON

2 Centre de l'immunisation et des maladies respiratoires infectieuses, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

Correspondance

vpd-mev@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Lin D, Ho Mi Fane B, Squires SG, Dickson C. Fardeau de la diphtérie au Canada de 2006 à 2017, selon les données administratives d'hospitalisations et les données sur les maladies à déclaration obligatoire. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2021;47(10):459–67. https://doi.org/10.14745/ccdr.v47i10a03f

Mots-clés : données sur les congés des patients, maladies à déclaration obligatoire, base de données sur les congés des patients, BDCP, Système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire, SCSMDO, surveillance, taux d'incidence, Corynebacterium diphtheriae, maladie évitable par la vaccination, MEV

Résumé

Contexte : Le Canada a maintenu une faible incidence de la diphtérie toxigène depuis les années 1990 grâce à un engagement continu envers les programmes de vaccination financés par l'État.

Objectif : Déterminer si les données d'hospitalisation, complétées par les données sur les maladies à déclaration obligatoire, peuvent décrire le fardeau de la diphtérie respiratoire et cutanée toxigène au Canada, ainsi qu'estimer si le Canada est en voie d'atteindre sa cible de réduction des maladies évitables par la vaccination pour la diphtérie, qui est de zéro cas par année de diphtérie respiratoire transmise localement.

Méthodes : Les données sur les congés des personnes hospitalisées liés à la diphtérie de 2006 à 2017 ont été extraites de la base de données sur les congés des patients (BDCP), et les données sur les cas de diphtérie pour la même période ont été extraites du Système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire (SCSMDO), afin de procéder à des analyses descriptives. Étant donné que les données de la province du Québec ne sont pas incluses dans la BDCP, les cas du SCSMDO du Québec ont été exclus de l'analyse.

Résultats : Au total, 233 hospitalisations liées à la diphtérie ont été enregistrées dans la BDCP. De ce nombre, la diphtérie était le diagnostic principal dans 23 cas. La moitié des patients étaient des hommes (52 %) et 57 % étaient âgés de 60 ans et plus. La région centrale (Ontario) comptait le plus grand nombre d'enregistrements de congés des patients (61 %), suivie de la région des Prairies (Alberta, Manitoba et Saskatchewan [23 %]). La diphtérie cutanée représentait 43 % des enregistrements, la diphtérie respiratoire 3 %, et le reste était d'autres complications liées à la diphtérie ou la diphtérie dont la localisation n'était pas spécifiée. Deux patients pour lesquels la diphtérie était le diagnostic principal ont entraîné le décès des patients hospitalisés. Dix-huit cas de diphtérie ont été déclarés par l'entremise du SCSMDO. Les cas étaient observés dans tous les groupes d'âge, dont la plus grande proportion de cas chez ceux de 20 à 59 ans (39 %) et ceux de 19 ans et moins (33 %). Les cas n'ont été rapportés que dans les Prairies (89 %) et les régions de la côte Ouest (Colombie-Britannique [11 %]).

Conclusion : Les données administratives des hôpitaux sont conformes à la faible incidence de diphtérie déclarée dans le SCSMDO et le faible fardeau de la diphtérie respiratoire au Canada. Bien que le Canada semble en bonne voie pour atteindre sa cible de réduction des maladies, l'information sur la transmission endémique n'est pas disponible.

Introduction

La diphtérie est une maladie évitable par la vaccination (MEV) désormais rare et associée à un large éventail de manifestations cliniques, selon le site d'infection et la toxigénicité de la bactérie. La diphtérie respiratoire classique se traduit par la maladie respiratoire pseudomembraneuse induite par une toxine, comportant une inflammation de la gorge, des taux de mortalité élevés et des complications graves au cœur et au système nerveuxNote de bas de page 1. Des séries de cas du Canada, cohérentes avec les données de surveillance mondiale, ont révélé que le fardeau de la maladie est de plus en plus attribuable à la diphtérie cutanée, respiratoire et non pseudomembraneuse et systémique, due aux souches toxigènes et non toxigènes de Corynebacterium diphtheriae et C. ulceransNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8. En plus du fardeau de la maladie, d'autres Corynebacteria toxigènes (C. ulcerans ou C. pseudotuberculosis) et C. diphtheriae non toxigènes peuvent servir à maintenir un réservoir pour la diphtérie respiratoire toxigèneNote de bas de page 2Note de bas de page 4Note de bas de page 8.

Les pays qui ont une couverture vaccinale contre la diphtérie semblable au Canada ont déclaré une activité sporadique de la diphtérie respiratoire toxigène associée principalement aux voyages dans des pays endémiquesNote de bas de page 2Note de bas de page 5Note de bas de page 9Note de bas de page 10. Le dernier décès dû à la diphtérie connu au Canada, décrit dans un rapport de cas publié en 2021, s'est produit chez un voyageur dont la vaccination n'était pas complèteNote de bas de page 10.

Le Canada a maintenu une faible incidence de diphtérie toxigène, tant respiratoire que cutanée, depuis les années 1990, avec 0 à 5 cas de diphtérie respiratoire ou cutanée toxigène déclarés annuellement de 1991 à 2017Note de bas de page 11. Les programmes d'immunisation universelle contribuent sans doute au faible fardeau de la diphtérie. En 2017, 76 % des enfants canadiens de deux ans et 81 % des enfants de sept ans ont été complètement vaccinés contre l'anatoxine diphtériqueNote de bas de page 12. Conformément à son engagement à l'égard des objectifs en matière d'élimination des maladies de l'Organisation mondiale de la Santé, les cibles canadiennes de réduction des MEV visent à atteindre zéro cas annuel de diphtérie respiratoire résultant d'une exposition au Canada d'ici 2025Note de bas de page 13. Toutefois, l'information sur les sites d'infection et les antécédents de voyage ne sont pas disponibles dans les données nationales sur les maladies à déclaration obligatoire actuelles. Il est donc difficile de déterminer si le Canada a atteint sa cible de réduction du nombre de cas de diphtérie respiratoire.

Cette étude vise à déterminer si les données administratives d'hospitalisation, incluant l'information sur le site d'infection, peuvent complémenter aux données du Système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire (SCSMDO) afin de mieux comprendre le fardeau de la diphtérie respiratoire et cutanée toxigène au Canada. Cela nous permettrait d'estimer plus efficacement si le Canada est en voie d'atteindre sa cible de réduction des MEV pour la diphtérie.

Méthodes

Sources de données

Hospitalisations

Les enregistrements sur les congés des patients admis pour la diphtérie dans un hôpital canadien de soins de courte durée, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2017, ont été extraits en janvier 2020 de la base de données sur les congés des patients (BDCP) de l'Institut canadien d'information sur la santé. Ces dates ont été sélectionnées pour couvrir la période allant de la mise en œuvre complète des codes de la Classification statistique internationale des maladies, dixième révision (CIM-10-CA) par l'ensemble des provinces et des territoires jusqu'en 2017, et ainsi correspondre à la période pour laquelle les données sur les maladies à déclaration obligatoire sont actuellement disponibles. La BDCP couvre environ 75 % de toutes les sorties des patients ayant reçu des soins de courte durée au Canada puisque les données provenant du Québec ne sont pas inclusesNote de bas de page 14.

Les hospitalisations en raison de la diphtérie ont été définies comme celles ayant un diagnostic posé au congé d'hôpital correspondant à la diphtérie, conformément à la CIM-10-CA (A36.0, A36.1, A36.2, A36.3, A36.8 ou A36.9). Tous les niveaux de diagnostic ont été utilisés dans cette étude, y compris le diagnostic principal (le diagnostic qui contribue le plus à la durée du séjour à l'hôpital) et d'autres diagnostics (diagnostics secondaires, comorbidités avant ou après admission). La diphtérie respiratoire correspond aux codes A36.0 à A36.2, et la diphtérie « sans autre indication » correspond au code A36.9 associé aux codes de maladie des voies respiratoires supérieures (J00 à J06 et J30 à J39). La diphtérie cutanée correspond au code A36.3. La diphtérie associée à d'autres complications correspond au code A36.8. Les complications comprennent la cardiomyopathie diphtérique, la radiculomyélite, la polyneuropathie, la néphropathie tubulo-interstitielle, la cystite, la conjonctivite et autres complications diphtériques.

Les codes de la CIM-10-CA ont été attribués à partir de notes de congé de l'hôpital et réalisés par des personnels médicaux formés en matière de codage. Ces codes ne distinguent pas la maladie toxigène de celle non toxigène.

Les numéros de carte de santé ont servi à identifier les hospitalisations répétées.

Nombre de cas à l'échelle nationale

Le SCSMDO collecte les données nationales sur les maladies à déclaration obligatoire auprès des autorités de santé publique provinciales et territoriales, qui à leur tour obtiennent les données des autorités locales et régionales de santé publiqueNote de bas de page 15. Les cas confirmés de diphtérie de 2006 à 2017 ont été extraits de la base de données du SCSMDO en décembre 2019Note de bas de page 11, et les cas rapportés par le Québec ont été exclus.

Avant 2008, la définition nationale d'un cas de diphtérie se limitait à l'isolement de l'espèce C. diphtheriae d'un échantillon clinique appropriéNote de bas de page 16. En mai 2008, la définition nationale des cas a été révisée afin de limiter la confirmation en laboratoire à l'espèce toxigène C. diphtheriae ou autres espèces de Corynebacterium (C. ulcerans or C. pseudotuberculosis) isolées d'un spécimen clinique approprié, qui comprend désormais les blessures et autres zones cutanéesNote de bas de page 17Note de bas de page 18. Consulter l'appendice A pour les deux versions des définitions de cas confirmés.

Les données de chaque observation provenant de la BDCP et du SCSMDO ne comprennent pas de renseignements sur les résultats de l'enquête sur les cas pour déterminer la source de l'exposition.

Analyse

Les enregistrements ont été regroupés par année d'admission dans la BDCP et par année de déclaration dans le SCSMDO. Nous avons effectué des analyses descriptives des enregistrements d'hospitalisation et des rapports de cas par année, groupe d'âge, sexe et région. Les données ont été regroupées par région : côte Ouest (Colombie-Britannique), Prairies (Alberta, Manitoba et Saskatchewan), Centre (Ontario), Atlantique (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et Île-du-Prince-Édouard) et Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut). En raison du faible nombre de cas, les groupes d'âge étaient limités à 0 à 19 ans, 20 à 59 ans et 60 ans et plus.

Les dénominateurs pour le calcul des taux ont été obtenus à partir des projections du recensement et intercensitaires publiées par Statistique Canada, et excluent les estimations de la population du QuébecNote de bas de page 19. La moyenne des taux annuels bruts d'hospitalisation et la moyenne des taux annuels bruts de l'incidence des cas ont servi à comparer l'hospitalisation associée à la diphtérie et les cas selon l'âge, le sexe et la région. Le taux annuel d'hospitalisation et le taux d'incidence des cas ont été utilisés pour la comparaison temporelle, selon la source de données. La situation à la sortie du patient (vivant ou décédé) et l'admission à une unité de soins spéciaux (comme une unité de soins pour malades hautement dépendants, une unité de soins intensifs ou une unité de soins critiques) ont été utilisées pour décrire la sévérité de la maladie pour les enregistrements où la diphtérie était le diagnostic principal. Les réadmissions ont été définies comme des hospitalisations qui se sont produites plus d'une fois pour le même patient de 2006 à 2017. L'analyse a été effectuée à l'aide de Microsoft Excel. Les petits nombres sont plus susceptibles de changer et ainsi les taux correspondants doivent donc être interprétés avec prudence.

Résultats

Distribution des cas

Au total, 233 hospitalisations liées à la diphtérie pour 230 patients ont été enregistrées dans la BDCP de 2006 à 2017. Environ la moitié des enregistrements étaient des hommes (52 %) et 57 % étaient des patients âgés de 60 ans et plus. Au cours de la période d'étude, la région centrale (excluant le Québec) a représenté 61 % (n = 141) de tous les enregistrements, suivie de la région des Prairies (23 %, n = 54), de la côte Ouest (8 %, n = 19) et de l'Atlantique (7 %, n = 16) (tableau 1).

Tableau 1 : Hospitalisations liées à la diphtérie et cas déclarés selon la source de données, de 2006 à 2017
Caractéristiques Hospitalisations liées à la diphtérie SCSMDO (n = 18)
Tous les diagnostics (n = 233) Diagnostic principal (n = 23)
n % Taux annuel brut moyen d'hospitalisation pour 100 000 habitants n % Taux annuel brut moyen d'hospitalisation pour 100 000 habitants n % Taux annuel brut moyen d'incidence pour 100 000 habitants
Âge médian (écart) 64 (< 1–97) 47 (1–92) 16.5 (< 1–42)Tableau 1 Note de bas de page a
Groupes d'âge en années 0 à 19 18 8 0,019 Tableau 1 Note de bas de page b Tableau 1 Note de bas de page b 6 33 0,006
20 à 59 82 35 0,035 11 48 0,005 7 39 0,003
60 ou plus 133 57 0,157 9 39 0,010 5 28 0,006
Sexe Femmes 112 48 0,054 11 48 0,010 7 39 0,005
Hommes 121 52 0,059 12 52 0,011 11 61 0,003
Région Côte Ouest 19 8 0,035 Tableau 1 Note de bas de page b Tableau 1 Note de bas de page b 2 11 0,004
Prairies 54 23 0,073 7 30 0,009 16 89 0,022
Centrale 141 61 0,089 12 52 0,008 0 0 0
Atlantique 16 7 0,056 Tableau 1 Note de bas de page b Tableau 1 Note de bas de page b 0 0 0
Nord Tableau 1 Note de bas de page b Tableau 1 Note de bas de page b 0 0 0 0 0 0
Type de diphtérie Respiratoire 8 3 s.o. Tableau 1 Note de bas de page b s.o. s.o. s.o.
Cutané 100 43 s.o. 5 22 s.o. s.o. s.o.
Autre (avec complications) 76 33 s.o. 6 26 s.o. s.o. s.o.
Non spécifié 49 21 s.o. 9 39 s.o. s.o. s.o.

Le nombre annuel d'hospitalisations se situait entre 13 et 31, avec une moyenne de 19 hospitalisations (tableau 1).

La diphtérie cutanée représentait la plus grande proportion des enregistrements d'hospitalisation (43 %, avec une moyenne annuelle de huit hospitalisations), suivie par la diphtérie autre avec complications (33 %, avec une moyenne annuelle de six hospitalisations) et diphtérie non spécifiée (21 %, avec une moyenne annuelle de quatre hospitalisations). Aucune diphtérie autre ou diphtérie non spécifiée n'était codée simultanément qu'un code de maladie des voies respiratoires supérieures. La diphtérie respiratoire représentait 3 % de toutes les hospitalisations liées à la diphtérie, avec une moyenne annuelle d'une hospitalisation (figure 1).

Figure 1 : Distribution des hospitalisations liées à la diphtérie pour tous les niveaux de diagnostic selon le site d'infection et l'année, de 2006 à 2017

Figure 1

Description textuelle : Figure 1
Diphtérie Diphtérie respiratoire Diphtérie cutanée Autre diphtérie, avec complications Diphtérie non spécifiée Total
2006 0 % 40 % 35 % 25 % 100 %
2007 0 % 40 % 20 % 40 % 100 %
2008 6 % 39 % 50 % 6 % 100 %
2009 0 % 30 % 39 % 30 % 100 %
2010 0 % 48 % 29 % 23 % 100 %
2011 0 % 60 % 27 % 13 % 100 %
2012 0 % 50 % 30 % 20 % 100 %
2013 14 % 27 % 41 % 18 % 100 %
2014 15 % 46 % 8 % 31 % 100 %
2015 0 % 47 % 37 % 16 % 100 %
2016 0 % 56 % 33 % 11 % 100 %
2017 14 % 36 % 36 % 14 % 100 %

Au cours de la période d'étude, trois patients ont eu deux enregistrements de congés d'hospitalisation liés à la diphtérie. Parmi ces trois patients, deux avaient un diagnostic de diphtérie cutanée et un, de diphtérie non spécifiée. Les codes de diagnostic pour chacun de ces cas et ainsi le type de diphtérie qui leur sont attribués n'ont pas changé entre les sorties de l'hôpital.

De 2006 à 2017, 18 cas de diphtérie ont été déclarés par le SCSMDO et 61 % étaient des hommes (tableau 1). Le nombre annuel de cas se situait entre 0 et 4, avec une moyenne de 1,5. La plus grande proportion de cas du SCSMDO a été observée chez ceux de 20 à 59 ans (39 %), suivie de ceux de 19 ans et moins (33 %). Bien que la plus faible proportion de cas du SCSMDO ait été observée chez ceux de 60 ans et plus (28 %), ce groupe représentait respectivement le plus élevé (57 %) et le deuxième plus élevé (39 %) des hospitalisations liées à la diphtérie pour tous les diagnostics et les diagnostics principaux. Contrairement aux données sur l'hospitalisation, les cas se sont surtout produits dans la région des Prairies, soit 89 % de tous les cas ayant été déclarés de 2006 à 2017. Les autres cas (11 %) ont été déclarés dans la région de la côte Ouest.

Indicateurs de la sévérité de la maladie

Sur les 233 hospitalisations liées à la diphtérie, 23 (10 %) ont reçu la diphtérie comme diagnostic principal. Parmi les 23 hospitalisations, la diphtérie non spécifiée et la diphtérie autre représentaient la majorité (65 %, n = 15) (tableau 1). Toutes les hospitalisations liées à la diphtérie respiratoire et cutanée étaient des adultes de 20 ans et plus.

La durée médiane du séjour dans un établissement de soins de courte durée était de trois jours (allant de 1 à 24 jours) pour les hospitalisations avec diphtérie respiratoire et six jours (allant de 2 à 39 jours) pour les hospitalisations avec diphtérie cutanée comme diagnostic principal (tableau 2). Sur les 23 hospitalisations avec la diphtérie comme diagnostic principal, cinq ont été admises dans des unités de soins spéciaux et deux ont entraîné le décès de patients hospitalisés. Les deux décès se sont produits chez les adultes avec un diagnostic de diphtérie avec des complications ou une diphtérie non spécifiée.

Tableau 2 : Durée médiane du séjour à l'hôpital et nombre d'admissions aux unités de soins spécialisés pour les congés de l'hôpital dont la diphtérie constitue le diagnostic principal, selon le groupe d'âge et le type de diphtérie, de 2006 à 2017
Caractéristiques (nombre de cas) Durée moyenne du séjour à l'hôpital en jours Nombre d'admissions à une unité de soins spécialisés
Nombre Écart
Groupe d'âge en années 0 à 19 (n = 3) 3 3–5 Tableau 2 Note de bas de page a
20 à 59 (n = 11) 3 1–24 Tableau 2 Note de bas de page a
Plus de 60 (n = 9) 14 5–39 Tableau 2 Note de bas de page a
Total (n = 23) 6 1–39 5
Type de diphtérie Diphtérie respiratoireTableau 2 Note de bas de page a 3 1–24 Tableau 2 Note de bas de page a
Diphtérie cutanée (n = 5) 6 2–39 0
Autre (avec complications) (n = 6) 5,5 1–35 Tableau 2 Note de bas de page a
Diphtérie non spécifiée (n = 9) 8 2–37 Tableau 2 Note de bas de page a

De 2006 à 2017, le nombre d'hospitalisations avec diphtérie comme diagnostic principal se situait dans le même ordre de grandeur (moyenne annuelle de 1,9 cas, de 0 à 4 cas) que le nombre de cas de diphtérie déclarés par l'entremise du SCSMDO, bien que la distribution selon l'âge et la région diffèrent. En ventilant les données d'hospitalisation par type de diphtérie, le nombre d'hospitalisations liées à la diphtérie respiratoire pour tous les niveaux de diagnostic (0 à 3 hospitalisations par année) et comme diagnostic principal (0 à 1 hospitalisation par année) ne diffère pas considérablement. Cela se traduit par un taux d'incidence moyen de moins de 0,01 hospitalisation pour 100 000 personnes pour la diphtérie respiratoire. Le taux d'incidence moyen des cas de diphtérie déclarés dans le SCSMDO au cours de la même période était de moins de 0,01 cas pour 100 000 habitants (figure 2).

Figure 2 : Taux d'hospitalisation liée à la diphtérie pour tous les niveaux de diagnostic (A) et les diagnostics principaux (B) déclarés dans la BDCP ainsi que le taux d'incidence des cas de diphtérie dans le SCSMDO (C), par année, de 2006 à 2017

Figure 2

Description textuelle : Figure 2
Année Toute diphtérie : tous les diagnostics Diphtérie respiratoire : tous les diagnostics Diphtérie cutanée : tous les diagnostics Toute diphtérie : diagnostic principal Diphtérie respiratoire : diagnostic principal Diphtérie cutanée : diagnostic principal SCSMDO
2006 0,08 0 0,03 0,01 0 0 0
2007 0,08 0 0,03 0,00 0 0 0,01
2008 0,07 0,00 0,03 0,00 0,00 0 0,01
2009 0,09 0 0,03 0,00 0 0,00 0,01
2010 0,12 0 0,06 0,02 0 0,00 0,01
2011 0,06 0 0,03 0 0 0 0,00
2012 0,08 0 0,04 0,01 0 0 0
2013 0,08 0,01 0,02 0,01 0,00 0 0
2014 0,05 0,01 0,02 0,00 0,00 0 0,00
2015 0,07 0 0,03 0,01 0 0,00 0,01
2016 0,06 0 0,04 0,01 0 0,00 0,00
2017 0,05 0,01 0,02 0,01 0 0,00 0,01

Discussion

Avec la présente étude, nous avons tenté de décrire le fardeau de la diphtérie respiratoire et cutanée toxigène au Canada. Nous avons également tenté, en utilisant une combinaison de données administratives d'hospitalisation et de données sur les maladies à déclaration obligatoire, de déterminer si nous atteignons la cible de réduction des MEV du Canada pour la diphtérie. Dans l'ensemble, les taux de diphtérie sont demeurés constamment faibles au Canada, à moins de 0,06 pour 100 000 habitants par année. La base de données sur les congés des patients a enregistré 233 hospitalisations liées à la diphtérie. Parmi celles-ci, 23 présentaient la diphtérie comme diagnostic principal. La moitié des patients étaient des hommes (52 %) et la plupart (57 %) étaient âgés de 60 ans et plus. La région centrale comptait le plus grand nombre d'enregistrements (61 %), suivie de la région des Prairies (23 %). La diphtérie cutanée représentait 43 % des cas et la diphtérie respiratoire 3 %, le reste correspondant à la diphtérie autre avec complications ou dont la localisation n'était pas spécifiée. Dix-huit cas de diphtérie toxigène ont été déclarés par l'entremise du SCSMDO au cours de la même période. Les cas étaient représentés dans tous les groupes d'âge, et les 20 à 59 ans (39 %) et les 19 ans et moins (33 %) représentaient la plus grande proportion des cas. Les cas n'ont été déclarés que dans les Prairies (89 %) et les régions de la côte Ouest (11 %).

Le nombre d'hospitalisations liées à la diphtérie est beaucoup plus élevé que le nombre de cas déclarés par l'entremise du SCSMDO. La distribution selon l'âge et géographique diffère également. Cela suggère que ces ensembles de données n'incluent pas nécessairement les mêmes groupes de population, bien qu'une comparaison de la distribution géographique des cas laisse entendre que jusqu'à 50 % des cas du SCSMDO peuvent être représentés dans les hospitalisations de la base de données sur les congés des patients, pour lesquelles la diphtérie est le diagnostic principal. Savage et al. ont constaté que les données administratives sur la santé en Ontario étaient de 69 % à 86 % sensibles et de 0,3 % à 41,3 % de valeur prédictive positive pour l'hépatite A, la fièvre typhoïde et le paludismeNote de bas de page 20. La BDCP compte les cas de diphtérie en fonction des renseignements cliniques dans le dossier médical et peut inclure des maladies non toxigènes, qui ne sont pas à déclaration obligatoire, mais qui nécessitent une hospitalisation, ou encore dont le diagnostic a été établi avant ou pendant l'hospitalisationNote de bas de page 6Note de bas de page 7. En revanche, le SCSMDO est axé sur les espèces toxigènes de Corynebacterium dont la production de toxines est confirmée par des analyses de laboratoires spécialisées afin d'identifier les possibles MEV associées à la toxine diphtérique. Par conséquent, les hospitalisations dans la BDCP peuvent être moins spécifiques pour la diphtérie toxigène et inclure plus de personnes avec la diphtérie non toxigène, notamment les personnes âgées et les personnes présentant des comorbiditésNote de bas de page 14Note de bas de page 18. Ceci est illustré par le fait que les personnes de plus de 60 ans étaient surreprésentées, que les hospitalisations liées à une diphtérie cutanée ou diphtérie autre avec complications (myocardite, névrite) n'étaient pas catégorisées comme diagnostic principal (diagnostics secondaires, comorbidités avant ou après l'admission), et par l'absence de codes de diagnostic d'affectations des voies respiratoires concomitants (75,5 %; tableau 1). Le nombre plus élevé de cas de diphtérie enregistrés dans la base de données sur les congés des patients comparativement à celui dans le SCSMDO laisse entendre que ce système inclut les cas non toxigènes en plus des cas toxigènes capturés par le SCSMDO.

La plupart des cas de diphtérie enregistrés dans la BDCP et le SCSMDO sont des adultes (67 % et 92 %; tableau 1), ce qui est cohérent avec la couverture vaccinale nationale élevée pour les enfants. Une recherche plus approfondie sur les données d'immunisation relatives aux cas pourrait déterminer si la diminution de l'immunité chez les adultes constitue une préoccupationNote de bas de page 21Note de bas de page 22.

La distribution géographique diffère entre les données sur l'hospitalisation et les données sur les maladies à déclaration obligatoire : toutes les régions (sauf le Nord) ont déclaré au moins une hospitalisation avec la diphtérie comme diagnostic principal, alors que tous les cas de diphtérie dans le SCSMDO ont été rapportés par les régions des Prairies et de la côte Ouest. Il peut également y avoir des différences dans la façon dont les codes de la CIM-10-CA pour la diphtérie sont appliqués entre les provinces ou entre les établissementsNote de bas de page 23. Le Laboratoire national de microbiologie a observé que la plupart des isolats de C. diphtheriae et C. ulcerans reçus de 2006 à 2019 pour des tests de toxigénicité provenaient de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du ManitobaNote de bas de page 4, ce qui concorde avec les données sur les cas du SCSMDO. La proportion élevée d'hospitalisations liées à la diphtérie rapportée en Ontario est quelque peu surprenante, malgré le très petit nombre d'isolats envoyés de l'Ontario au Laboratoire national de microbiologie pour des tests de toxigénicitéNote de bas de page 4. Des collègues de Santé publique Ontario ont confirmé que, à leur connaissance, leur laboratoire avait effectué la plupart, sinon l'ensemble, des tests de diphtérie de la province et que le nombre d'échantillons positifs pour la C. diphtheriae et la C. ulcerans qui en ont résulté ne correspondait pas à celui que les données sur les congés de l'hôpital de l'Ontario laissent entendre (communication personnelle, J. V. Kus et S. E. Wilson, janvier et mars 2021). Cette divergence suggère que la BDCP surestimerait les cas de diphtérie. Il est possible qu'un antécédent de diphtérie ou que la présence d'un diagnostic différentiel pouvant inclure la diphtérie malgré une culture négative, contribue à coder la diphtérie comme diagnostic dans la BDCP.

Cette étude est la première à décrire les données administratives sur la santé relative à la diphtérie au Canada. Étant donné que le SCSMDO ne fait pas de distinction entre la diphtérie respiratoire et la diphtérie cutanée, l'analyse des tendances des hospitalisations avec des codes de diphtérie de la CIM-10-CA au fil du temps à partir de la base de données sur les congés des patients est utile pour décrire la sévérité de la maladie. Cela permet aussi décrire la fréquence à laquelle les cas de diphtérie respiratoire sont observés dans les hôpitaux, même s'il n'est pas possible de distinguer les cas respiratoires qui sont toxigènes. L'inclusion de la base de données sur les congés des patients à cette analyse décrit également le fardeau des maladies non toxigènes, et présentant ainsi un portrait plus large que celui fourni par les données du SCSMDO.

Forces et faiblesses

Cette étude présente plusieurs limites. En premier lieu, le faible nombre de cas de diphtérie a limité la capacité de mener des analyses ajustées pour l'âge, le sexe, la distribution géographique et le temps, de façon simultanée. En deuxième lieu, la BDCP et le SCSMDO utilisent des définitions de cas différentes, ce qui mène à des estimations différentes du fardeau de la maladie. En troisième lieu, la représentativité de cette étude sur le fardeau national de la diphtérie pourrait être améliorée en incluant des données du Québec. Au cours de la période d'étude, de 2006 à 2017, un cas a été déclaré au Québec par l'entremise du SCSMDO. Il s'agissait d'un cas de diphtérie cutanée causée par la C. ulceransNote de bas de page 9.

L'étude a également été limitée par l'absence de lien au niveau individuel entre les ensembles de données. Par conséquent, nous n'avons pas pu procéder à l'attribution de la source de la diphtérie ou quantifier le fardeau de la maladie par l'entremise de la méthode «  capture-recapture  »Note de bas de page 20.

La surveillance de la diphtérie par l'entremise de la BDCP et le SCSMDO montre des taux faibles et stables dans le temps, sans effet important suite aux changements dans la définition des cas du SCSMDO en 2008–2009, aux changements apportés au système de codage de la CIM-10-CA dans la base de données sur les congés des patients de 2001 à 2005 ni aux des changements dans les méthodes de détection en laboratoire pour les CorynebacteriaeNote de bas de page 4Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 23. Zéro à une hospitalisation liée à la diphtérie respiratoire comme diagnostic principal par année a été observée, ce qui laisse entendre que le Canada est en voie d'atteindre la cible relative aux MEV de zéro cas annuel de diphtérie respiratoire résultant d'une exposition au Canada. Toutefois, comme ni le SCSMDO ni la base de données sur les congés des patients ne collectent les données sur les expositions, d'autres travaux sont nécessaires pour collecter l'information sur le contexte d'exposition afin de démontrer pleinement que le Canada atteint sa cible de réduction pour la diphtérie. Bien que les cas associés aux voyages n'aient pas été étudiés en détail, de nombreux pays où la diphtérie n'est pas endémique rapportent des cas sporadiques liés aux voyages dans des pays endémiquesNote de bas de page 3Note de bas de page 5Note de bas de page 8. Nous nous attendons à des tendances semblables au Canada malgré les rapports de petites grappes localisées de diphtérie cutanée au sein des populations vulnérables avec des comorbidités comme l'hépatite C, le diabète, l'alcoolisme, l'utilisation de drogues injectables, la pauvreté et l'insécurité sur le plan du logementNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8.

Conclusion

Une brève analyse des données administratives d'hospitalisation et des données sur les maladies à déclaration obligatoire confirme la faible et stable incidence de la diphtérie rapportée dans le SCSMDO, ainsi que le faible fardeau de la diphtérie respiratoire au Canada. Bien que cette étude indique que le Canada est sur la bonne voie pour atteindre sa cible de réduction de la maladie de zéro cas annuel de diphtérie respiratoire résultant de l'exposition au Canada, l'information sur la transmission endémique des cas de diphtérie est limitée.

L'étude plus approfondie des récentes souches de C. diphtheriae et l'amélioration des rapports pour inclure les antécédents de voyage et les sites d'infection pourraient améliorer notre compréhension de la situation actuelle au Canada et fournir un meilleur outil pour s'assurer que le Canada atteint ses cibles de réduction de MEV d'ici 2025.

Déclaration des auteurs

D. L. — Conceptualisation, rédaction–ébauche originale, rédaction–révision et édition

B. H. M. F. — Analyse formelle, rédaction–révision et édition

S. G. S. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition

C. D. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier K. A. Bernard, S. E. Wilson, J. V. Kus et T. Harris pour leur précieuse rétroaction et leur aide avec l'interprétation des données.

Financement

Ces travaux ont été soutenus par l'Agence de la santé publique du Canada.

Appendice A

Définition nationale de cas de diphtérie avant mai 2008Note de bas de page 11

Cas confirmé

Confirmation en laboratoire de l'infection :

  • Isolement de la Corynebacterium diphtheriae à partir d'un échantillon clinique approprié

OU

  • Diagnostic histopathologique de la diphtérie

OU

Lien épidémiologique (contact dans les deux semaines précédant le début des symptômes) à un cas confirmé en laboratoire EN PLUS d'au moins un des éléments suivants :

  • Infection des voies respiratoires supérieures (rhino-pharyngite, laryngite ou amygdalite) avec ou sans membrane et au moins une des manifestations suivantes :
    • Stridor de plus en plus marqué
    • Atteinte cardiaque (myocardite) ou neurologique (paralysie motrice ou sensorielle) 1 à 6 semaines après le début
    • Décès sans cause connue
  • Manifestations systémiques compatibles avec la diphtérie chez une personne atteinte d'une infection des voies respiratoires supérieures ou d'une infection à un autre site.

Définition nationale de cas de diphtérie à compter de mai 2008Note de bas de page 12

Cas confirmé

Maladie clinique (se reporter à la section Manifestations cliniques) ou manifestations systémiques évocatrices de la diphtérie chez une personne présentant une infection des voies respiratoires supérieures ou un autre site d'infection (e.g. plaie, peau, etc.), plus au moins un des critères suivants :

  • Confirmation en laboratoire de l'infection :
    • Isolement de la Corynebacterium diphtheriae avec confirmation de la présence de la toxine dans un échantillon clinique approprié, y compris la membrane exsudative
      OU
    • Isolement d'autres espèces toxigènes de la Corynebacterium (C. ulcerans ou C. pseudotuberculosis) dans un échantillon clinique approprié, y compris la membrane exsudative
      OU
    • Diagnostic histopathologique de la diphtérie

OU

  • Lien épidémiologique (contact dans les deux semaines précédant le début des symptômes) à un cas confirmé en laboratoire

Laboratoire – Commentaires

Pour l'isolement des espèces de Corynebacterium capables de produire la toxine diphtérique (C. diphtheriae, C. ulcerans ou C. pseudotuberculosis), il convient d'utiliser le test ELEK modifié OU le test de détection du gène tox de la diphtérie; si ce gène est détecté, il faut effectuer le test ELEK modifié afin de déterminer si le gène exprime la toxine diphtérique.

Manifestations cliniques

La maladie clinique se caractérise par une infection des voies respiratoires supérieures (rhino-pharyngite, laryngite ou amygdalite) avec ou sans membrane et au moins une des manifestations suivantes :

  • Stridor de plus en plus marqué
  • Atteinte cardiaque (myocardite) et/ou neurologique (paralysie motrice et/ou sensorielle) une à six semaines après le début
  • Décès sans cause connue
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