Section 4 : Le soutien de la profession

Le maintien des normes de professionnalisme les plus élevées constitue un défi permanent qui exige un solide engagement et beaucoup d’efforts de la part de tous les professionnels militaires. Les facteurs essentiels qui permettent de releverce défi sont : un leadership exemplaire, des politiques et des programmes de soutien, un système de perfectionnement professionnel ciblé, le respect de l’histoire, du patrimoine et des traditions, ainsi qu’une auto réglementation efficace et crédible.

Leadership

Dans les Forces canadiennes, le leadership est défini comme la capacité de diriger, motiver et habiliter de manière à ce que la mission soit accomplie avec professionnalisme…, et chercher en même temps à développer ou à améliorer les capacités qui contribuent au succès de la mission. Les chefs forts et efficaces sont les piliers du professionnalisme militaire. La présence de tels chefs garantit l’amélioration constante de l’efficacité et du rendement de la profession. Ces chef sétablissent et maintiennent les normes de la profession et, grâce à leur exemple et à leurs encouragements, ils incitent les militaires à refléter ces normes dans leur comportement. À chaque niveau, les chefs contribuent au professionnalisme en exerçant une influence sur l’éducation, la formation et l’auto perfectionnement, de façon à ce que tous les aspects de l’expérience militaire soient instructifs et gratifiants sur le plan professionnel. Ils exigent l’excellence et, en général, créent un milieu de nature à mettre tout le monde à contribution.

Par-dessus tout, les chefs efficaces incarnent l’éthos militaire, et surtout, les valeurs fondamentales du professionnalisme militaire. Ils veillent à ce que les militaires comprennent que leur devoir envers leur pays et leurs compagnons est au cœur de la profession militaire. Les chefs montrent également que la loyauté peut et doit s’exprimer aussi bien envers les supérieurs et les autorités civiles qu’envers les subordonnés. Or, seule une intégrité inattaquable peut assurer une telle loyauté, en particulier lorsque la tension entre la réalisation de la mission et la garantie du bien-être des subordonnés est forte. Tous les militaires doivent savoir que les décisions prises reflètent une évaluation honnête et fidèle de la réalité. Les chefs professionnels rendent compte de leurs décisions et y restent fidèles.

Enfin, les chefs agissent courageusement sur le plan physique, mais plus particulièrement sur le plan moral. En résumé, toutes ces valeurs consistent à agir de façon appropriée compte tenu des circonstances.

En somme, l’accomplissement du devoir en fonction des informations disponibles résume toutes ces valeurs. Dans la profession des armes au Canada, on différencie la direction de personnes décrite dans Le leadership dans les Forces canadiennes : Diriger des personnes de la direction de la profession et des FC, qui est davantage axée sur la stratégie et qui est décrite dans Le leadership dans les Forces canadiennes : Diriger l’institution.

Politiques et programmes

Les politiques et les programmes institutionnels qui concernent le personnel, l’éthique, l’éducation, la formation, les doctrines, les carrières ou la qualité du milieu de travail doivent appuyer et renforcer l’éthos militaire ainsi que les caractéristiques du professionnalisme militaire. Toutes ces politiques doivent promouvoir les valeurs militaires fondamentales, soit le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage, ainsi que la discipline, l’esprit combatif, le travail d’équipe, et la condition physique. Les politiques en matière de ressources humaines et les programmes de qualité de vie devraient être fondés sur les caractéristiques pertinentes — responsabilité et expertise — et refléter le rôle, le grade et les responsabilités des militaires au sein de la profession. C’est seulement par la diffusion de politiques alignées sur ces principes que l’identité des militaires professionnels demeurera distincte de celle de leurs homologues civils et reflétera entièrement leur but premier.

Les hauts dirigeants de la profession orientent les politiques et le CPM y joue un rôle spécial puisqu’il a la responsabilité de s’assurer que les politiques touchant le personnel militaire appuient pleinement les normes les plus élevées de professionnalisme dans l’ensemble des Forces canadiennes.

Perfectionnement professionnel

Le perfectionnement professionnel est un élément central de la santé de la profession militaire. C’est d’abord le mécanisme par lequel les recrues s’initient à la profession. Elles sont sensibilisées à l’éthos militaire et commencent à assimiler cette philosophie de service. À mesure que les militaires s’imprègnent de leur identité professionnelle sous tous ses aspects et acceptent les responsabilités qui s’y rattachent, l’acquisition de l’expertise dont ils ont besoin s’accélère.

Au début, le perfectionnement est essentiellement fondé sur des règles. Les militaires acquièrent des compétences initiales pour lesquelles la solidité du jugement n’est pas encore une priorité absolue. Cependant, le perfectionnement doit rapidementé voluer vers une approche fondée sur les principes. Par la suite, les militaires professionnels doivent développer un esprit critique et apprendre à faire preuve d’innovation et à peser attentivement les options qui s’offrent. Les dilemmes intellectuels et moraux sont la norme dans les environnements opérationnels et socioculturels complexes où les militaires professionnels travaillent de nos jours et où ils travailleront dans le futur. Les normes les plus élevées de professionnalisme ne peuvent être maintenues que si le système de perfectionnement professionnel prépare les militaires à cette réalité tout au long de leur carrière.

Le perfectionnement professionnel est un processus cumulatif graduel permettant aux militaires de renforcer leurs connaissances et leurs qualifications professionnelles et d’affirmer leur identité. L’acquisition de la maîtrise des connaissances fondamentales qui unifient tous les membres de la profession s’échelonne sur toute la carrière. Les recrues sont d’abord exposées à cet ensemble de connaissances fondamentales dont l’ampleur et la portée s’accroissent au fil du temps. Les connaissances fondamentales nécessaires pour appliquer directement la force militaire sont enseignées à ceux qui sont responsables de cette fonction, selon une progression qui exige des capacités et une compréhension de plus en plus grandes. Le perfectionnement des spécialistes et deceux qui occupent des postes de soutien s’effectue de la même manière. Au sommet de sa carrière professionnelle, le militaire est un véritable expert ayant développé un jugement sûr dans l’application de la force militaire.

Il relève le défi complexe de la gouvernance en misant sur la centralisation du processus de planification et d’élaboration de concepts et sur la décentralisation du processus d’exécution. Le CPM est globalement responsable de l’orientation et de la coordination du perfectionnement professionnel dans les FC. Le commandant de l’Académie canadienne de la Défense est responsable de l’ensemble du perfectionnement professionnel commun et s’acquitte de ses fonctions principalement par l’entremise des Collèges militaires royaux, du Collège des Forces canadiennes et du Centre de perfectionnement professionnel des MR. Chaque armée participe à l’enseignement d’une partie des connaissances fondamentales en se concentrant sur les piliers suivants : éducation, formation et expérience au niveau tactique.

Histoire, patrimoine et traditions

La connaissance de l’histoire, du patrimoine et des traditions militaires du Canada renforce la profession en soulignant l’importance des valeurs immatérielles.

En sont des exemples la fierté que l’on éprouve à commémorer les batailles remportées et les conflits évités et l’effet motivant des traditions et du cérémonial militaires. Il faut donc célébrer les réalisations passées et préserver les coutumes uniques des trois armées. Il est essentiel pour le maintien du professionnalisme militaire canadien de commémorer les exploits des Forces canadiennes et de préserver les coutumes et les traditions qui favorisent la cohésion et l’esprit de corps.

Autoréglementation

Une des caractéristiques essentielles de toute profession, y compris la profession militaire, est d’exercer un contrôle sur ce qui se fait en son nom.

Ce contrôle est accordé à la profession parla société parce que sa fonction est essentielle au bien-être de cette société et qu’elle est la seule à pouvoir l’exercer. Les membres de la profession militaire doivent donc s’auto réglementer afin d’inspirer confiance au Gouvernement et à la société qu’ils servent.

Les diverses étapes professionnelles — entrée, progression, sortie — sont réglementées en fonction des dispositions des lois fédérales en matière d’égalité et des principes du mérite ayant cours dans la société démocratique canadienne. Ainsi, les candidats aptes peuvent s’enrôler tandis que ceux qui ne satisfont pas aux normes de la profession sont éliminés légitimement dans le respect des normes constitutionnelles et des obligations légales.

La profession doit également réglementer les connaissances systématiques et théoriques sur lesquelles elle se fonde. De nombreux établissements d’enseignement et de formation au sein des Forces canadiennes travaillent continuellement à développer l’expertise professionnelle requise. Il s’agit notamment des écoles où se donnent les cours sur le leadership et les opérations à l’intention des officiers et des MR, de l’Académie canadienne de la Défense et de ses éléments subordonnés : le Collège des Forces canadiennes, le Collège militaire royal du Canada, le Collège militaire royal de Saint-Jean, l’Institut du leadership des Forces canadiennes et le Centre de perfectionnement professionnel des MR. Il existe également des bagages de connaissances propres à chacune des trois armées, grâce auxquels elles peuvent dominer dans leurs dimensions respectives de l’espace de combat contemporain, et qu’elles doivent tenir à jour.

Ces bagages de connaissances professionnelles sont normalement codifiés en diverses doctrines. Empruntant librement à un large éventail de disciplines externes, ces connaissances sont néanmoins intégrées à l’expertise centrale requise pour l’application de la force militaire. À cet égard, discussions et débats sont fortement encouragés afin d’éclairer les décisions, de maintenir un dialogue permanent entre les membres et d’améliorer la santé globale de la profession. De tels débats ont lieu dans l’ensemble de la profession par le truchement des revues professionnelles, des réunions des conseils de doctrine et d’autres comités, et des établissements d’enseignement supérieur.

La gestion courante de la profession repose principalement sur des documents internes tels que les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes et un éventail complet de politiques et de doctrines. Les questions internes liées à l’avancement, au statut, aux récompenses et aux grades sont habituellement susceptibles de révision par les hauts dirigeants de la profession. Quant au bon ordre et à la discipline, les normes en sont établies par le Code de discipline militaire de la profession sur lequel s’appuie la profession pour régler les cas d’infraction à la discipline traduits devant un tribunal militaire (procès sommaires et cours martiales). Ces instruments officiels existent certes, mais les professionnels militaires observent généralement une discipline personnelle rigoureuse qui minimise le recours aux tribunaux pour assurer le bon ordre.

En plus du Code, il existe divers instruments d’enquête au sein de la profession, comme les enquêtes sommaires et les commissions d’enquête qui soutiennent les décisions administratives et la gestion du personnel et du matériel. De plus, le CEMD participe à la réglementation de la profession en publiant des ordonnances et des instructions, telles que les Directives à l’intention des commandants d’unité, et en établissant et en contrôlant les règles d’engagement relatives aux opérations. Occasionnellement, le CEMD peut convoquer des conseils et des comités spéciaux chargés de préparer des rapports sur des questions relatives à la réglementation professionnelle. Le Chef du Service d’examen évalue les programmes et effectue des vérifications internes indépendantes. Il met l’accent sur l’éthique professionnelle et les conflits d’intérêts.

Si la profession possède une certaine latitude en matière d’autoréglementation, elle doit néanmoins rendre des comptes aux autorités civiles. Le Parlement exerce une importante fonction de surveillance et, en fait, le CEMD présente tous les ans un rapport sur l’état de l’institution et de la profession. Des militaires professionnels de haut niveau sont fréquemment appelés à témoigner devant des comités du Parlement afin de les renseigner sur une foule de questions institutionnelles et professionnelles.

Les Forces canadiennes et la profession sont en outre assujetties à la surveillance et à l’examen de certains organismes centraux dont l’indépendance par rapport aux ministères fédéraux est essentielle au bon fonctionnement du gouvernement. Ces organismes, qui ont qualité pour intervenir, au besoin, comprennent le Bureau du Conseil privé, le Conseil du Trésor et le Bureau du vérificateur général. Ce dernier présente tous les ans un rapport au Parlement sur son évaluation du ministère de la Défense nationale, y compris les Forces canadiennes. Ces rapports ont invariablement des effets plus ou moins grands sur la profession militaire.

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