Opération Scotch

Nom de l’opération internationale : Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR)

Dates de l’opération internationale : 1993/10/05 – 1996/03/08

Organisme responsable : Nations Unies

Nom de la région : Afrique                    

Lieu : Rwanda                                 

Nom de l’opération canadienne: opération SCOTCH                   

Dates de l’opération canadienne : 1994/04/09 – 1994/10/01

Mandat de la mission : Évacuer les ressortissants canadiens du Rwanda. Le mandat a ensuite été modifié et il a alors consisté à évacuer le personnel militaire belge et autre et, finalement, à assurer le transport aérien d’approvisionnements et de personnel jusqu’à la mission de l’ONU et à évacuer les cas spéciaux.    

Notes sur la mission :

Le Rwanda était un territoire divisé. Au cours de la période coloniale belge, la division entre les groupes ethniques hutu et tutsi est devenue évidente. Cette situation s’est poursuivie après que le pays est devenu indépendant. Les Hutus, majoritaires, dirigeaient le pays, mais non sans opposition. Le Front patriotique rwandais, qui représentait à la fois les Tutsis et les Hutus modérés, s’est opposé au gouvernement et, en octobre 1990, il a commencé à faire campagne contre celui-ci. Cette campagne a entraîné le déplacement de plus de 900 000 personnes (soit environ 13 p. 100 de la population) et a amené les Nations Unies à descendre dans l’arène dans le but de parvenir à un règlement pacifique. 

En août 1993, le gouvernement du Rwanda et le Front patriotique rwandais ont signé l’Accord de paix d’Arusha. Le 5 octobre 1993, l’ONU a autorisé une mission de maintien de la paix, baptisée Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), à l’appui de l’Accord de paix d’Arusha, ce qui a permis à quelque 600 000 personnes d’entamer le voyage de retour vers leur pays. L’Accord préconisait l’établissement d’un gouvernement de transition à base élargie et d’une assemblée nationale de transition. La mise en œuvre de ces dispositions a causé des tensions entre les parties, qui ont toutefois poursuivi leurs pourparlers. Mais tout a pris fin lorsque, le 6 avril 1994, l’avion transportant le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, et le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, s’est écrasé à l’aéroport de Kigali, ce qui a entraîné la mort de toutes les personnes à bord.

La mort du président Habyarimana a déclenché, à l’échelle du pays, des massacres qui comportaient une dimension politique et une dimension ethnique. Les Hutus modérés, l’intelligentsia et les membres de l’opposition hutus, ainsi que les Tutsis étaient tous visés par les Hutus radicaux – civils et militaires. Le Front patriotique rwandais a commencé à avancer vers Kigali à partir de Gitarama, à environ 40 km au sud-ouest de Kigali. La Belgique et la France ont envoyé des forces pour prendre le contrôle de l’aéroport et soutenir l’évacuation de leurs propres ressortissants et ceux d’autres pays. Tandis que la MINUAR s’efforçait d’appuyer le mieux possible le passage des évacués à l’aéroport de Kigali, d’autres évacués se sont rendus par convoi au Burundi.

C’est dans ces circonstances que les Forces armées canadiennes ont lancé l’opération SCOTCH.  Cette opération, qui s’est déroulée du 9 avril au 1er octobre 1994, a grandement contribué à l’initiative de l’ONU visant à stabiliser le pays et à apporter de l’aide humanitaire aux millions de personnes déplacées. Elle est passée par de nombreuses phases à mesure qu’elle changeait de nature. Alors qu’au départ, elle avait pour but d’évacuer les ressortissants belges et autres, elle s’est transformée en une opération d’appui à une mission de l’ONU en difficulté. Une fois l’évacuation achevée, la plupart des avions des autres forces militaires étrangères se sont retirés, et les appareils canadiens ont fini par être les seuls, pendant la majeure partie de la période difficile au Rwanda, à fournir du soutien à la MINUAR. Parallèlement, la mission a mis à l’épreuve les capacités et les compétences des éléments de commandement ainsi que des équipages et des équipes au sol appuyant l’opération, car des problèmes ont surgi, la plupart du temps plus d’un en même temps, et ont dû être réglés.

L’opération SCOTCH a commencé le 8 avril lorsque le Commandement du transport aérien a émis un ordre d’avertissement et, le lendemain, a ordonné que l’un des CC130 de l’opération AIRBRIDGE dotés d’un ensemble de contre-mesures se prépositionne à Nairobi, au Kenya. La mission visait à appuyer l’évacuation des ressortissants belges et d’autres étrangers et à apporter des approvisionnements de secours humanitaire à Kigali. L’opération se déroulerait sous la direction de la haute-commissaire du Canada à Nairobi, Mme Lucy Edwards. Le major J.E. Oliver, du 436e Escadron, était le commandant par intérim d’un groupe de 27 membres du personnel d’Ancône qui comprenait deux équipages – l’un du 429e Escadron, sous les ordres du major K.N. Pfander, et l’autre, du 435e Escadron, sous les ordres du capitaine Andrukow.

Au Canada, des appareils et du personnel supplémentaires ont été déployés le 11 avril. Sous le commandement du capitaine Barthel, un CC150 du 437e Escadron a transporté le nouveau commandant de l’Élément de contrôle du transport aérien, le lieutenant-colonel J. Roeterink, commandant du 429Escadron, ainsi que 23 autres membres du personnel. Un CC130 du 436Escadron, dont le capitaine J.D. Stevens était le commandant d’équipage, a aussi été déployé dans le cadre de l’opération, tandis qu’un deuxième CC130, provenant du 429Escadron et ayant comme commandant d’équipage le capitaine A. Lucas, a transporté des approvisionnements. Le CC150 est arrivé à Nairobi le 12, et les deux CC130, le lendemain.

Le major Oliver et son groupe d’Ancône sont parvenus à Nairobi le 9 avril et, le soir même, ils ont effectué une mission jusqu’à Bujumbura, au Burundi, pour évacuer 75 Canadiens qui arrivaient par convoi. Toutefois, le convoi a accusé du retard et, à son arrivée, le Hercules était déjà rentré à Nairobi. Ce n’est donc que le lendemain que le groupe canadien a pu être évacué. Au cours des 11 jours suivants, les deux Hercules ont transporté 155,7 milliers de livres de fret et 303 passagers en 13 envolées. Ces vols étaient à destination de Kigali et de Bujumbura, à l’appui du mandat d’évacuation des ressortissants étrangers tandis que les approvisionnements transportés par la voie des airs étaient destinés à l’ONU et à Médecins Sans Frontières. Le CC150 est rentré au Canada le 14 avril avec à son bord des évacués canadiens et des orphelins rwandais. Le lendemain, un CC130 est parti avec l’équipage du capitaine Andrukow et sept passagers. L’Élément de contrôle du transport aérien était maintenant établi et comportait deux CC130 équipés d’ensembles de contre-mesures et trois équipages, ainsi que du personnel au sol, pour un total de 71 membres du personnel.

Le 17 avril, le lieutenant-colonel Roeterink a estimé que le rôle initial d’évacuation et de livraison d’approvisionnements de secours humanitaire était terminé; toutefois, les événements allaient amener l’Élément de contrôle du transport aérien à en jouer un nouveau. En réponse au déclenchement du génocide, la France a déployé des troupes à Kigali le 8 avril afin de prendre le contrôle de l’aéroport et de permettre l’évacuation de ses ressortissants et d’autres étrangers, les troupes belges arrivant pour leur part le 10 avril. Au 13 avril, la France avait terminé ses évacuations et retiré ses troupes. Dix soldats du maintien de la paix belges avaient été brutalement assassinés par les forces gouvernementales rwandaises le 7 avril et, à la mi-avril, le Front patriotique rwandais progressait vers Kigali. Ces événements ont contribué à convaincre le gouvernement de la Belgique d’évacuer toutes ses troupes du Rwanda ainsi que celles qui participaient à la MINUAR. Parallèlement, l’ONU a décidé que la majorité des soldats du maintien de la paix de la MINUAR devraient être évacués et que seule une force minimum devrait encore se trouver sur place au 22 avril. Le gouvernement du Canada a donc ordonné à l’Élément de contrôle du transport aérien d’évacuer les troupes belges et bangladaises de la MINUAR, à la demande de l’ONU.

Le premier vol de l’Élément de contrôle du transport aérien à l’appui de l’évacuation des Belges a eu lieu le 18 avril (une seule mission de transport), tandis que l’Élément demeurait par ailleurs en attente en vue des évacuations des derniers Canadiens à Kigali et à Bujumbura, dont la dernière s’est déroulée le 20. Le contrôle des Hercules canadiens a alors été transféré au commandant de la Force de la MINUAR, le major-général Roméo Dallaire. Le 22, 350 des 500 membres du personnel de la MINUAR qui devaient être évacués l’ont été, et les autres ont été retirés le lendemain. Ce n’était pas uniquement des approvisionnements qui étaient transportés par avion jusqu’à Kigali; il y avait aussi des dignitaires de l’ONU, comme M. P. Hansen, sous-secrétaire général pour les affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, qui devait rencontrer le major-général Dallaire et les trois premiers observateurs militaires de l’ONU canadiens supplémentaires que les Nations Unies avait demandés pour la MINUAR. Des renforts additionnels des Forces armées canadiennes à l’intention de l’Élément de contrôle du transport aérien étaient arrivés la semaine précédente lorsque du personnel du 8Escadron de transmissions et contrôle (Air) (8 ETCA) avait atterri dans le théâtre le 12 avril à bord d’un Hercules venu de Trenton, afin de fournir du soutien en matière de communication à l’Élément de contrôle du transport aérien et au Haut-Commissariat du Canada à Nairobi. 

Au 24 avril, l’Élément de contrôle du transport aérien avait assuré le transport aérien de 1 080 passagers et de 204,5 milliers de livres de fret, toute la marchandise ayant été chargée à la main étant donné qu’il n’y avait pas de chariots élévateurs. Le mauvais temps et le brouillard ont retardé les opérations, mais le facteur le plus irritant a été l’obligation de palettiser de nouveau certaines des fournitures destinées à Kigali afin de satisfaire aux exigences de la réglementation douanière à Nairobi. Les vols à destination de Kigali devenaient plus dangereux, car le Front patriotique rwandais commençait à avancer pour prendre la ville. Le 25, plusieurs tirs de mortiers ont touché l’aéroport peu de temps avant et après le déchargement et le chargement du Hercules. Les fenêtres du terminal ont volé en éclats, mais l’aire de trafic et la piste n’ont pas été endommagées. Le lendemain, l’aéroport a fait l’objet d’autres attaques, car les Forces gouvernementales rwandaises l’utilisaient comme position stratégique, ce qui a entraîné l’annulation du vol alors qu’il approchait de Kigali.

Entre-temps, le lieutenant-colonel Roeterink devait composer avec un échéancier incertain pour l’opération SCOTCH, des problèmes imminents concernant les heures de vol et la maintenance planifiée pour les appareils 315 et 324, qui approchaient de la période de vérifications supplémentaires, ainsi que la perte des logements en raison d’un congrès déjà prévu, du 7 au 13 mai. Le Grand Regency Hotel se révélant insatisfaisant, les membres de l’Élément de contrôle du transport aérien ont déménagé au Safari Club Hotel, où ils sont demeurés pendant le reste de l’opération. Quant à l’avion 315, il a effectué des vols jusqu’à la dernière minute avant de rentrer au Canada pour son inspection périodique. Il est retourné à temps pour effectuer deux missions de transport le 21 juin.

Du point de vue des échéances, il avait été approuvé au départ que l’opération SCOTCH se déroulerait jusqu’au 24 avril. Le 22 avril, le ministre de la Défense nationale, David Collenette, en a approuvé la prolongation jusqu’au 30 avril pour qu’on ait le temps d’évacuer les forces de la MINUAR. La mission a ensuite été prolongée jusqu’au 8 mai, puis jusqu’au 16 mai, au 23 mai, au 6 juin et enfin au 30 juin. Par la suite, l’opération a été prolongée à peu près mensuellement. À l’approche de chaque échéance, il y avait du travail supplémentaire à accomplir pour se préparer à une éventuelle réduction progressive de la mission.

Une fois la seconde échéance (30 avril) fixée, les CC130 ont continué à effectuer des vols – les besoins étaient tout simplement trop grands, selon les preuves à l’appui fournies par le major‑général Dallaire dans un télégramme envoyé au siège des Nations Unies. En fait, après le bombardement de l’aéroport de Kigali le 24 avril, les CC130 étaient les seuls appareils qui se rendaient à Kigali, étant donné que les assureurs des avions de l’ONU refusaient de continuer à les couvrir.

Les CC130 canadiens sont donc devenus essentiels pour terminer l’évacuation du personnel de la MINUAR et fournir des approvisionnements aux personnes qui restaient une fois que l’ONU n’a plus été en mesure de trouver un assureur pour ses appareils et que, le 4 juin, ces derniers ont été interdits de vol par les autorités kényanes parce que l’ONU avait omis de payer deux années de redevances d’atterrissage et de taxes d’aéroport à Nairobi lorsqu’elle avait utilisé cet aéroport pour appuyer les opérations en Somalie en 1992-1993. (Les appareils canadiens ont été exemptés de cette interdiction de vol lorsque, utilisant tout son pouvoir de conviction, le commandant canadien a convaincu les autorités de l’aéroport que les Hercules de l’Élément de contrôle du transport aérien n’étaient pas des aéronefs de l’ONU.) Il n’était guère surprenant que les avions de l’ONU ne puissent être assurés. Les combats autour de l’aéroport de Kigali avaient commencé dès le 21 avril, et il arrivait que des obus de mortier atterrissent près des pistes. En fait, le 5 mai, un obus a atterri à 800 mètres d’un CC130 canadien qui s’apprêtait à partir pour effectuer une évacuation sanitaire et, tandis qu’il roulait pour décoller, un deuxième obus a atterri exactement à l’endroit où il avait été stationné. Un shrapnel provenant de l’un des obus a grièvement blessé un autre soldat, qui a été traité par le personnel médical de l’Élément de contrôle du transport aérien se trouvant à bord de l’avion.

Le lendemain, l’aéroport a été complètement fermé en raison des combats. Les vols ont repris le 7, et l’on a aussi appris que la mission était prolongée jusqu’au 16 mai. Les combats près de l’aéroport dans la nuit du 8 au 9 mai ont empêché le CC130 d’atterrir, car l’aéroport a été la cible  d’une violente attaque alors que l’avion se trouvait à une heure de route. Apparemment, le Front patriotique rwandais avait lancé l’attaque en vue d’arracher l’aéroport des mains des Forces gouvernementales rwandaises. Les deux camps ont finalement autorisé la reprise des vols le 10 mai.

Au cours de la semaine suivante, le CC130 a en général effectué deux missions de transport par jour à destination de Kigali, où il livrait des approvisionnements de secours humanitaire essentiels, ainsi que de la nourriture et de l’eau aux troupes de la MINUAR encore sur place. Grâce à un arrangement avec l’ONU, ces vols étaient presque également répartis entre le soutien à la MINUAR et la livraison d’approvisionnements de secours humanitaire. Les combats à l’aéroport ont repris le 19 mai, ce qui a entraîné la fermeture des installations pendant les trois jours suivants. À ce stade, les combats avaient endommagé l’aéroport au point où le radiophare omnidirectionnel VHF (VOR – un outil de navigation), l’équipement de mesure de distance (DME) et le radiophare non directionnel (NDB, un radioémetteur à basse fréquence basé au sol utilisé comme aide d’approche aux instruments dans les aéroports) étaient hors service tandis que le fonctionnement du système d’atterrissage aux instruments (ILS) était douteux. Les vols vers Kigali ont recommencé dans l’après-midi du 23 mai, après la prise de l’aéroport par le Front patriotique rwandais, le premier ayant servi à transporter du personnel de la MINUAR en rotation. La tour de contrôle était lourdement endommagée, mais la piste était intacte; toutefois, il n’y avait aucun personnel au sol pour faire fonctionner le matériel de déchargement.

En dépit des promesses faites par les deux camps, ce n’était qu’une question de temps avant que des dommages soient infligés à l’un des CC130. Le 24 mai, le Hercules 324 est retourné à Nairobi, où l’on a découvert un trou de balle dans l’aile gauche, ce qui avait endommagé l’élément structural connectant la section extérieure de l’aile à la demi-voilure interne. L’équipage n’avait rien noté d’inhabituel et il soupçonnait que les dommages avaient été causés alors que l’appareil arrivait à Kigali ou en partait. Ce n’est que le 28 que l’appareil a été déclaré utilisable, ce qui était malheureux, car dans l’intervalle, une période de calme a régné dans le secteur de l’aéroport, et les conditions auraient été idéales pour acheminer des approvisionnements ou assurer la rotation du personnel.

Ce n’était pas uniquement les tirs aux armes légères qui préoccupaient les planificateurs et les équipages canadiens. L’avion du président Habyarimana avait été abattu par un petit missile sol‑air (MSA), ce qui soulevait la question de savoir si une telle arme serait utilisée contre les Hercules. Le Canada avait récemment doté plusieurs Hercules d’un ensemble de contre-mesures qui avertissait l’équipage du tir de tout missile sur l’appareil et qui déployait ensuite des mesures de défense active. De plus, on avait muni de blindage le poste de pilotage et les portes parachutistes afin de protéger l’équipage.

En raison de la menace, les membres d’équipage endossaient leurs gilets pare-éclats et leurs casques pour traverser la frontière tanzanienne et se préparaient à une vérification d’entrée du combat. Ils éteignaient les radars, et des guetteurs étaient postés dans la partie supérieure du fuselage et aux portes parachutistes. L’approche de Kigali et le départ s’effectuaient de deux façons. La première consistait à s’approcher à haute altitude et à descendre en flèche, mais elle exposait l’appareil aux tirs de MSA. La deuxième exigeait que l’avion vole le long d’une vallée, puis qu’il surgisse à la dernière minute, afin de réduire le risque d’exposition. En outre, l’Élément de contrôle du transport aérien n’effectuait les missions de transport qu’après en avoir reçu l’autorisation des deux parties; toutefois, il est arrivé, notamment les 3, 9 et 15 mai, que des combats à l’aéroport aient obligé un vol à rebrousser chemin, ou que l’appareil subisse des dommages, comme dans le cas du 324. Si aucune autorisation n’était reçue, le vol était annulé. 

À ce stade, les missions de transport visaient non seulement à faire sortir divers membres du personnel civil et militaire de l’ONU et d’organisations non gouvernementales et à effectuer des évacuations sanitaires, mais aussi à amener des dignitaires pour qu’ils constatent par eux-mêmes les problèmes au Rwanda et peut-être qu’ils aident à y remédier. Parmi ceux-ci se trouvait le ministre néerlandais du développement, qui a été déposé à Kigali le 14 mai, pour en repartir le lendemain, et le 30 mai, c’était le président de l’Agence canadienne de développement international qui rendait visite à l’Élément de contrôle du transport aérien. Le 1er juin, c’était au tour du sous-ministre du MDN, Robert Fowler, et du sous-chef d’état-major de la défense, le vice‑amiral Larry Murray, de se rendre à Kigali en avion pour en revenir plusieurs jours plus tard. Parmi les évacuations aériennes, l’une des plus gratifiantes a peut-être été celle de 31 enfants le 4 juin. On planifiait cette mission de transport depuis environ une semaine, car 15 des enfants reposaient sur des civières. Une équipe de Médecins Sans Frontières et l’équipe médicale de l’Élément de contrôle du transport aérien ont surveillé les enfants pendant le vol à partir de Kigali, et les Canadiens ont aidé à leur transfert.

Le lendemain, un CC130 qui venait tout juste de se stationner à Kigali était en train d’abaisser sa rampe lorsqu’un obus d’artillerie a atterri à environ 150 mètres de l’appareil. Se rendant compte qu’ils étaient la cible d’une attaque, les membres d’équipage ont immédiatement commencé à faire rouler l’avion sur la piste en prévision du décollage. Un deuxième obus a touché le sol, suivi de deux autres. Le vol, qui transportait 8 membres d’équipage et 13 passagers, dont 6 diplomates italiens, 3 membres du personnel médical et 1 reporter, ainsi que 20 000 livres de nourriture et de fournitures médicales, avait été autorisé par les deux camps. On ne savait pas quel camp avait tiré, mais l’équipage et les troupes de la MINUAR à l’aéroport étaient convaincus qu’il s’agissait d’une tentative délibérée de destruction de l’avion. Cette attaque a entraîné la fermeture de l’aéroport de Kigali pendant plusieurs semaines. L’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, qui avait fait l’objet d’une reconnaissance lors d’une fermeture antérieure de l’aéroport de Kigali, remplacerait ce dernier, le premier vol y atterrissant le 6 juin.

Le recours à un nouvel aéroport supposait qu’on recommence à zéro sur le plan du soutien logistique et autre. Une entreprise canadienne d’hélicoptères utilisant trois Bell 212 à l’appui de la MINUAR a garanti au commandant de l’Élément de contrôle du transport aérien qu’elle pouvait fournir de l’aide d’urgence bien qu’elle n’ait aucune expérience en recherche et sauvetage de combat. La Section mobile des mouvements aériens/logistique de l’Élément de contrôle du transport aérien a réglé les problèmes d’approvisionnement et d’infrastructure tandis que le commandant et le major-général Dallaire ont sécurisé l’aire de trafic et un espace dans le hangar pour le CC130 canadien. Cependant, au début, les Hercules ne fonctionnaient pas à pleine capacité, car seuls l’ONU et Médecins Sans Frontières avaient choisi de transborder des approvisionnements par voie terrestre d’Entebbe au Rwanda. Les autres organisations non gouvernementales ont préféré conserver leurs approvisionnements à Nairobi jusqu’à la réouverture de l’aéroport de Kigali.

Le 14 juin, le commandant de l’Élément de contrôle du transport aérien a accompagné le major‑général Dallaire à une réunion avec divers organismes de l’ONU et l’Organisation de l’aviation civile internationale (OAIC). L’un des points portés à l’ordre du jour était la nécessité de disposer de services de transport aérien afin de fournir de l’aide au plus de 500 000 réfugiés déjà arrivés à Goma, au Zaïre. On a demandé que le CC130 canadien soit autorité à se rendre à cet endroit. Autre point à l’ordre du jour : la réouverture de l’aéroport de Kigali. Celle-ci avait été reportée plusieurs fois, sans jamais survenir. Le commandant a indiqué qu’il serait prêt à fournir au besoin de l’assistance à l’OAIC pour rouvrir l’aéroport, assistance effectivement nécessaire. L’Organisation de l’aviation civile internationale prévoyait visiter Kigali la semaine du 21 juin. Bien sûr, il fallait toutefois pour ce faire que les combats dans la région de Kigali cessent. Même rendu au 15, les mortiers des Forces gouvernementales rwandaises qui avaient été tirés sur le Hercules étaient toujours là.

En dépit de la menace pesant sur l’aéroport et du fait que celui-ci était officiellement fermé, les camps adverses convenaient parfois de permettre au Hercules canadien de se poser à Kigali. Le 17 juin, le QG MINUAR a communiqué avec l’Élément de contrôle du transport aérien et l’a informé que deux officiers de l’ONU avaient été grièvement blessés dans une attaque aux mines terrestres ou aux mortiers et qu’ils devaient faire l’objet d’une évacuation sanitaire. Tant le Front patriotique rwandais que les Forces gouvernementales rwandaises avaient déjà garanti que l’évacuation sanitaire pourrait avoir lieu. Moins de 10 minutes après la réception de la demande par l’Élément de contrôle du transport aérien, le commandant d’escadre à Trenton avait approuvé le vol et, moins de 3 heures après l’appel à l’aide, le Hercules se trouvait à Kigali. Malheureusement, l’un des officiers est mort avant même que le Hercules ait quitté Nairobi, mais le deuxième a pu être évacué et a survécu.

En prévision de la réouverture de l’aéroport de Kigali, la force aérienne avait envoyé un deuxième CC130 à Nairobi, à la demande du major-général Dallaire, ce qui a entraîné le retour de l’appareil 315. Selon le plan, il y aurait quatre missions de transport par jour à destination de Kigali, une fois l’aéroport rouvert, car plus de 340 tonnes d’approvisionnements se trouvaient à Nairobi. Toutefois, un autre retard a été accusé lorsque les Français ont lancé l’opération TURQUOISE, car le Front patriotique rwandais a alors érigé des barrières sur les pistes à Kigali le 20 juin pour empêcher tout avion français d’y atterrir.

Il n’y avait jamais de périodes tranquilles à l’Élément de contrôle du transport aérien. Alors qu’il y avait des missions de transport à planifier ainsi que du personnel et des soldats de l’ONU à transporter jusqu’à Entebbe et depuis cette ville pour affaires et périodes de repos et de détente, d’autres événements tenaient le commandant occupé. Le 23 juin, ce dernier a demandé un renforcement de la sécurité des autorités aéroportuaires à Nairobi en raison d’une augmentation des pillages mineurs. Tandis qu’on réglait cette question, l’équipe de reconnaissance canadienne destinée à l’escadron des communications de l’opération LANCE est arrivée le 26 juin et a été transportée par avion à Entebbe le lendemain, avec ses véhicules. En raison du report de la réouverture de l’aéroport de Kigali, le deuxième Hercules a été rappelé par la force aérienne, décision que le major-général Dallaire a tenté de faire annuler par l’entremise de l’ONU. Toutefois, en l’absence d’une date précise pour la réouverture de l’aéroport, l’avion 324 est rentré au Canada le 2 juillet. Par pure coïncidence, le départ du Hercules a été suivi d’une annonce par le Front patriotique rwandais selon laquelle il rouvrirait l’aéroport de Kigali le 7 juillet.

Le Front patriotique rwandais a rouvert l’aéroport de Kigali comme promis. Les troupes de la MINUAR ont assuré la sécurité tandis que le major-général Dallaire et un représentant du Front patriotique rwandais assistaient à l’arrivée du premier avion à l’aéroport, le CC130 canadien numéro 315. Les vols à destination d’Entebbe se sont poursuivis, car il y avait encore du personnel sur la route terrestre entre le Rwanda et Entebbe dont il fallait s’occuper. Il y avait maintenant deux missions de transport par jour, l’une vers Kigali et l’autre vers Entebbe pour la période suivante. S’intercalaient entre celles-ci des vols à destination de Bukavu et de Goma pour livrer des approvisionnements de secours humanitaire, tandis que d’autres vols effectuaient un circuit qui incluait Entebbe et Kigali. Le 9 juillet, le Front patriotique rwandais a donné une autorisation d’ensemble à l’Élément de contrôle du transport aérien pour atterrir à Kigali. À ce stade, les vols de l’Élément de contrôle du transport aérien servaient principalement au transport du personnel militaire et aux évacuations sanitaires à destination de la ville et en provenance de celle-ci, mais le transport de marchandises constituerait en moins d’une semaine une activité importante du pont aérien.

Par suite de la réouverture de l’aéroport de Kigali, l’Élément de contrôle du transport aérien allait assumer un autre rôle important, soit le transport des dignitaires jusqu’à Kigali et leur retour. Le premier groupe, composé de représentants du Front patriotique rwandais venant participer à des pourparlers de paix, est arrivé le 14 juillet. Ensuite, c’est l’ambassadeur des États-Unis qui a fait le voyage jusqu’à Kigali le 24 juillet, suivi le 25 par le sous-secrétaire général pour les affaires humanitaires [et coordonnateur des secours d’urgence] et le représentant spécial du secrétaire général pour le Rwanda, qui effectuaient une tournée éclair des camps de réfugiés. Le 30 juillet, un équipage du 429e Escadron a transporté le nouveau président du Rwanda, Pasteur Bizimungu, jusqu’à Bujumbura, au Burundi.

À ce stade, l’équipe de reconnaissance canadienne de l’opération LANCE était déjà venue et repartie; cependant, au cours de la première semaine de juillet, on a commencé à dresser des plans pour fournir d’autre soutien à l’ONU, dans ce cas aux troupes de la MINUAR devant être envoyées à Goma et à Bukavu, au Zaïre. La première mission de transport d’observateurs militaires de l’ONU et d’officiers de liaison français a eu lieu le 11 juillet. Le détachement précurseur de 40 membres du contingent canadien de la MINUAR a été transporté par avion jusqu’à Kigali le 20 juillet. Trois jours plus tard, le commandant de l’Élément de contrôle du transport aérien, le lieutenant-colonel Jacques Migneault, du personnel de la Section mobile des mouvements aériens et du 8 ETCA ainsi qu’une équipe de l’Organisation de l’aviation civile internationale sont arrivés pour évaluer l’aéroport et l’infrastructure. Ils se sont rendu compte que l’ensemble des systèmes de communication et des aides à la navigation étaient fonctionnels et que le besoin immédiat consistait à réparer le gros groupe électrogène. Il n’y avait pas d’équipement de lutte contre les incendies ni de matériel de déchargement (seul un petit chariot élévateur était utilisable; les trois plus gros ne l’étaient pas). Les lumières de l’aérodrome étaient endommagées et il n’y avait pas de contrôleurs de la circulation aérienne (la MINUAR ne comptait qu’une personne compétente en contrôle de la circulation aérienne). Ils ont aussi trouvé du sang et de la chair humaine sur les murs de la tour de contrôle de la circulation aérienne, rappels de l’une des batailles en mai. Le commandant a conclu que l’aérodrome pourrait être opérationnel si tous conjuguaient leurs efforts pour en combler les lacunes. 

Le principal contingent du 8 ETCA est arrivé le 30 juillet et a commencé à se préparer aux opérations à un rythme effréné. Les réparations ont été rapidement effectuées et, le 1er août, l’aérodrome de Kigali a été ouvert aux vols civils. Les services du personnel canadien de contrôle de la circulation aérienne ont certainement été appréciés et requis, car l’aérodrome fonctionnait désormais 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et le nombre de vols était passé de 16 par jour en moyenne à 60. (Les contrôleurs de la circulation aérienne ont en fait été déployés dans le cadre de l’opération LANCE.) Tandis que le personnel du 8 ETCA contrôlait les airs, une équipe de six techniciens des mouvements du 3e Groupe de soutien du Canada était en place le 31 juillet pour aider à décharger les appareils. Le personnel américain accomplissait la majorité des tâches au sol à Kigali, et les forces britanniques fournissaient aussi du soutien.

Il y avait eu un sentiment d’urgence concernant les travaux à effectuer pour que l’aérodrome de Kigali redevienne pleinement opérationnel. Un grand nombre de réfugiés se dirigeaient vers Kigali, une épidémie de choléra s’était déclarée dans la région de Goma, où l’aérodrome fonctionnait au-delà de sa capacité, et les organisations non gouvernementales s’efforçaient d’obtenir des places à bord des vols du Hercules à destination de Kigali. Par conséquent, l’Élément de contrôle du transport aérien a recommandé que deux membres du personnel de contrôle de la circulation aérienne devant arriver dans le théâtre le 28 juillet soient détachés auprès de la cellule des opérations aériennes de l’ONU afin d’aider à coordonner le grand nombre de vols prévus. Le service de transport aérien prenait aussi de l’expansion grâce à des avions des services militaires d’Australie, d’Allemagne, de Nouvelle‑Zélande, du Royaume‑Uni et des États-Unis qui se joignaient aux Canadiens. Il y avait également de très nombreux avions civils qui effectuaient des vols pour les organisations non gouvernementales. ercHerc

À la fin de juillet, l’initiative canadienne au Rwanda a pris de l’ampleur. Le 28 juillet, l’équipe de reconnaissance de l’opération PASSAGE, la mission de soutien médical au Rwanda, a été transportée en avion jusqu’à Kigali. Le 1er août, le détachement du Quartier général et Régiment de transmissions de la 1re Division du Canada affecté à l’opération LANCE a entrepris son déploiement à Kigali, au cours duquel seraient effectuées plus de 22 missions de transport au moyen d’Antonov 124 et de Boeing 747. Le fonctionnement du détachement exigerait un vol de maintien en puissance par semaine de la part de l’Élément de contrôle du transport aérien. Parallèlement, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait savoir qu’il serait nécessaire de mener des missions de transport à destination et en partance de Mombasa (Kenya), de Bujumbura (Burundi) et de Bukavu (Zaïre), car ces villes constituaient des zones d’étape pour les approvisionnements de secours humanitaire destinés aux réfugiés. L’Élément de contrôle du transport aérien effectuait déjà des vols vers Goma, où il transportait chaque fois des fournitures médicales, souvent pour le compte de l’Agence canadienne de développement international. Toutefois, l’aérodrome et les aires de trafic à cet endroit étaient si occupés qu’à plusieurs reprises, le CC130 canadien a dû tourner en rond pendant plus d’une heure en attendant l’autorisation d’atterrir, pour finalement être obligé de rentrer à Nairobi ou de se rendre à Kigali, car le carburant avait atteint le niveau minimal.

Tandis que les événements commençaient à s’accélérer en vue d’une présence plus importante de l’ONU et d’une initiative humanitaire élargie, l’arrivée d’un second Hercules, numéro 337, en provenance du Canada était très attendue et a été très appréciée par l’Élément de contrôle du transport aérien et les organisations non gouvernementales. En effet, l’Élément de contrôle du transport aérien pouvait ainsi soutenir des missions de transport à destination tant de Goma que de Kigali, à l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de la MINUAR. Une telle mission à Goma le 28 juillet a permis de livrer des fournitures médicales provenant du Canada, notamment des vaccins contre le choléra, tandis qu’une autre, effectuée par le capitaine Bernie Castonguay le 1er août, a assuré le transport d’une importante pièce d’équipement jusqu’à Goma – un système de purification d’eau par osmose inverse. Comme l’épidémie de choléra avait été causée par le manque d’eau propre, le système de purification d’eau par osmose inverse aiderait à combattre cette maladie mortelle. Au cours du mois d’août, il y avait généralement quatre missions de transport par jour, la plupart à destination de Kigali; toutefois, des vols du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés se rendaient souvent à Goma et parfois à Bukavu. Les missions de transport étaient habituellement réparties également entre la MINUAR et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Dans le cas des vols à destination de Goma, le temps de déchargement variait selon le matériel disponible, et on voyait souvent des enfants sur la piste, qui causaient des distractions, mais n’étaient pourtant pas considérés comme un danger menaçant la sécurité des vols, puisqu’ils semblaient comprendre que les avions avaient priorité de passage. Bien qu’au cours de la première moitié du mois d’août, on ait continué de se concentrer sur les opérations humanitaires, en particulier compte tenu de la situation à Goma, le mouvement des troupes a repris à la mi‑août, et huit vols transportant des troupes éthiopiennes ont été effectués.

Le 6 août, deux appareils Hercules sont arrivés du Canada avec à leur bord des fournitures destinées à la Croix-Rouge. Ils sont tous deux demeurés à Nairobi pour transporter d’Entebbe à Kigali l’équipement et les approvisionnements de l’opération LANCE et de l’opération PASSAGE qui s’étaient accumulés, soit 30 palettes pour l’opération PASSAGE et 66, pour l’opération LANCE. Le transport aérien a commencé le 11 août et il s’est poursuivi jusqu’au 15; au total, 10 missions de transport ont été effectuées. Une fois accomplie cette tâche spéciale, les deux Hercules sont rentrés au Canada. Le rythme soutenu a causé de la fatigue aux équipages, et certains vols ont dû être annulés pour leur donner du repos, avant l’arrivée de nouveaux équipages le 24 août.

Un ensemble de missions de transport de premier plan devait commencer le 15 août, date à laquelle des orphelins réfugiés étaient censés être ramenés par avion de Bukavu à Kigali. Malheureusement, rien n’était prêt à Bukavu, et le Hercules est rentré à Nairobi. L’évacuation a ensuite été reportée jusqu’« au retour à la normale de la situation à Kigali ». D’autres vols, non planifiés, ont servi au transport de membres du personnel. Le 20 août, une mission de transport a été annulée afin qu’on puisse évacuer d’urgence un sergent de la 2e Ambulance de campagne qui faisait une hémorragie intestinale. Un hélicoptère civil canadien a transporté le sergent à Kigali, où on l’a placé à bord du Hercules, qui l’a emmené à Nairobi. Sept membres de l’Élément de contrôle du transport aérien ont donné du sang pour le patient. Le même jour, du personnel d’entretien et du personnel médical de la Section mobile des mouvements aériens ont aidé trois travailleurs de l’aéroport blessés dans un accident de véhicule sur l’aire de trafic.

Les membres de l’Élément de contrôle du transport aérien avaient d’autres de sujets de préoccupation à part les blessures du personnel de soutien local. En effet, les membres du premier groupe de Canadiens venant de la 8Escadre Trenton n’avaient pas reçu tous les vaccins nécessaires tant il était urgent qu’ils parviennent au Kenya. Ainsi, plusieurs ont attrapé la malaria, et le personnel médical de l’Élément de contrôle du transport aérien devait demeurer aux aguets de symptômes d’autres maladies exotiques qui ne se manifestaient généralement pas au Canada. La reprise des vols vers Kigali en juillet a aussi entraîné presque quotidiennement des évacuations sanitaires sans préavis. Le personnel médical de l’Élément de contrôle du transport aérien était donc en attente ou, par la suite, à bord des missions de transport.

Pour leur part, les équipes de la Section mobile des mouvements aériens devaient composer avec les questions de la palettisation et de la repalettisation des chargements et des approvisionnements à mesure qu’ils arrivaient. Il pouvait s’agir de palettes provenant du Canada ou destinées à une organisation non gouvernementale ou encore, parfois, d’approvisionnements en vrac à l’intention d’une organisation non gouvernementale. Les vols en provenance du Canada présentaient en fait certaines difficultés pour le personnel de l’Élément de contrôle du transport aérien. En effet, les palettes destinées aux organisations non gouvernementales provenant du Canada comportaient souvent du fret devant être livré à deux destinations différentes. Il fallait donc séparer le chargement des palettes et le remballer. Le courrier destiné à l’opération LANCE et à l’opération PASSAGE a aussi été perdu quelque part entre les transporteurs commerciaux allant jusqu’à Nairobi et le système de la MINUAR, et il a fallu déployer d’importants efforts pour le retrouver, puis corriger le système.

Les palettes devaient ensuite être chargées à bord des Hercules. En août, il n’était pas rare qu’il y ait cinq ou six missions de transport en une seule journée, bien que la norme ait été de quatre. On a également eu recours au personnel de la Section mobile des mouvements aériens pour coordonner les opérations logistiques de l’ONU à Entebbe et pour les opérations de l’ONU menées depuis Dar-es-Salaam en septembre.

Le 23 août, l’Élément de contrôle du transport aérien a été informé que l’ONU ne souhaitait pas prolonger les opérations des CC130 au-delà du 31 août en raison des coûts. Le Centre des opérations de la Défense nationale a accepté cette décision le 25 août, et on a commencé à dresser des plans afin de procéder au redéploiement de l’un des appareils, le numéro 337, le 1er septembre, et du second, le numéro 334, le lendemain. Toutefois, ces plans ont eux aussi été modifiés à la dernière minute, car l’ONU s’est rendu compte qu’elle avait en fait besoin d’un Hercules canadien. L’appareil n337 a donc été redéployé le 2 septembre, tandis que le n334 a poursuivi les opérations.

Au début de septembre, deux missions de transport étaient effectuées quotidiennement jusqu’à Goma pour le compte du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, mais la deuxième semaine du mois, les vols ont repris vers Kigali, car les réfugiés retournaient dans cette ville, et il fallait y acheminer des approvisionnements. Les vols de maintien en puissance qui devaient être effectués pour l’opération LANCE et l’opération PASSAGE ne se sont pas concrétisés. Des avions en provenance du Canada ont pu atterrir directement à Kigali, d’où les approvisionnements ont ensuite été acheminés par camions à ces missions.

Lorsque les Américains ont décidé de quitter Kigali, on s’est considérablement inquiété de la possibilité qu’il n’y ait plus de personnel au sol pour décharger les avions. Toutefois, du personnel de Rwanda Air est intervenu et, le 2 septembre, a déchargé un Boeing des Forces armées canadiennes en 50 minutes, ce qui a mis un terme aux doutes quant au déchargement du fret. Le Boeing est rentré au Canada avec la rotation sortante, laissant l’Élément de contrôle du transport aérien avec des effectifs de 44 membres au lieu des quelque 60 dont il disposait auparavant. 

Au début de septembre, on a commencé à dresser des plans en vue d’une éventuelle réinstallation à Dar-es-Salaam, en Tanzanie. On procédait à la réduction des stocks de l’ONU à Nairobi tandis que ceux qui se trouvaient à Dar-es-Salaam étaient très importants (de 30 à 40 missions de transport). Les options consistaient soit à réinstaller l’ensemble de l’Élément de contrôle du transport aérien à cet endroit, soit à effectuer des vols de Nairobi à Dar, puis jusqu’à Kigali. C’est la dernière option qui a été retenue, et l’officier responsable de la Section mobile des mouvements aériens de l’Élément de contrôle du transport aérien est parti pour Dar-es-Salaam avec trois autres membres du personnel. Le premier vol en provenance de Dar-es-Salaam a eu lieu le 16 septembre, mais l’initiative s’est accompagnée de multiples problèmes étant donné que les autorités aéroportuaires à cet endroit ne voulaient pas accepter l’autorisation de vol fournie par le Haut-Commissariat de Tanzanie au Kenya. Il y a également eu des problèmes relatifs à la priorisation des palettes, que l’officier responsable de la Section mobile des mouvements aériens a rapidement réglés.  

Les vols se rendaient donc désormais de Nairobi à Dar-es-Salaam, puis à Goma, ensuite à Kigali et, plus tard, à Bukavu. Étant donné la distance à parcourir, il n’était possible d’effectuer qu’une seule mission de transport par jour. La Force aérienne des États-Unis a effectué quelques missions additionnelles, ce qui a aidé à réduire rapidement les stocks. La question de l’autorisation diplomatique à Dar-es-Salaam n’a pas été aussi facile à régler, car lors du vol du 20 septembre, il y a de nouveau eu des problèmes à cet égard. Le vol depuis cet endroit a donc été annulé le 21, et c’est le trajet de Nairobi à Kigali et à Bukavu qui a plutôt été emprunté. Le 22, il y a eu reprise des vols à partir de Dar-es-Salaam, qui se sont déroulés sans problème pendant tout le reste de la mission. Le dernier vol depuis Dar-es-Salaam a eu lieu le 27 septembre. Il a servi à transporter les derniers approvisionnements de l’ONU et le chariot élévateur que le contingent américain à Nairobi avait eu l’amabilité de prêter, en plus de ramener  le détachement de la Section mobile des mouvements aériens. 

À la mi-septembre, l’Élément de contrôle du transport aérien fonctionnait depuis cinq mois et il avait géré toute une gamme de pressions et d’enjeux. Le 16 septembre, le commandant a appris d’un représentant de l’Agence canadienne de développement international que le mandat de l’opération SCOTCH se terminerait probablement le 27 septembre. D’autres dates d’achèvement de la mission avaient été avancées auparavant dans les premiers jours de l’opération, mais dans ce cas-ci, c’était finalement la vraie, et la dernière mission de transport a eu lieu le 27 septembre. Des vols militaires en provenance du Canada ont permis de ramener de Kigali les 45 membres du 8 ETCA et leur matériel le 29 septembre, et l’Élément de contrôle du transport aérien a quitté Nairobi plusieurs jours plus tard.

 

Au total, environ 350 membres du personnel ont servi dans le cadre de l’opération SCOTCH. En fin de compte, l’Élément de contrôle du transport aérien avait effectué 312 missions ayant assuré le transport de 5 871 200 livres (2 663 000 kg) de fret et de 6 340 passagers. Du 24 avril au 31 juillet, il a constitué le seul réseau vital jusqu’à Kigali. Les membres de l’Élément de contrôle du transport aérien ont été en mesure d’accomplir ce travail en n’annulant que très peu de missions en raison de l’indisponibilité d’appareils et de conditions d’exécution éprouvantes. Ils avaient surmonté les obstacles administratifs et opérationnels et avaient fièrement représenté le Canada et appuyé l’ONU au cours des jours les plus sombres au Rwanda. La souplesse s’est révélée un élément clé pour être en mesure de réagir rapidement aux changements concernant les rôles, les chargements et les passagers et, de toute évidence, il était nécessaire d’avoir le sens de l’humour pour traiter les nombreux problèmes qui sont survenus.

Le personnel de l’Élément de contrôle du transport aérien avait appuyé la MINUAR en lui fournissant de la nourriture, du carburant, de l’eau, du transport pour son personnel et des véhicules, mais d’abord et avant tout, de l’espoir. Le fait de savoir qu’un Hercules canadien pouvait rapidement apporter ces éléments lorsque personne d’autre ne pouvait ou ne voulait le faire aidait de toute évidence à remonter le moral des troupes. Le transport de dignitaires, en particulier pour assister à des réunions, a constitué une partie importante du processus visant à retourner à ce qu’on pourrait considérer comme une certaine normalité et à fournir de l’aide aux réfugiés. L’évacuation des ressortissants canadiens du Rwanda et du Burundi a appuyé l’engagement du gouvernement envers les Canadiens et les Canadiennes. Même au niveau individuel, les membres du personnel de l’opération SCOTCH ont pu apporter une importante contribution. L’officier canadien de la Section mobile des mouvements aériens a aussi joué un rôle important pour ce qui était d’aider l’ONU à organiser ses opérations d’approvisionnement à partir d’Entebbe, lorsque l’aéroport de Kigali a été fermé.

La décision de décerner une médaille ONU pour une mission de l’ONU particulière appartient uniquement à l’organisation intéressée — et non au gouvernement du Canada ou aux Forces armées canadiennes. Le Canada autorise, selon les règles et règlements qui s’appliquent, le port des médailles qui sont jugées appropriées par l’ONU pour le service dans le cadre de ses missions. De plus, le Canada attribue sa propre Médaille canadienne du maintien de la paix.

Les membres du personnel militaire qui ont servi dans le cadre de cette opération avaient droit à la médaille de la MINUAR de l’ONU ainsi qu’à la Médaille canadienne du maintien de la paix.

https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/medailles/medailles-tableau-index/mission-nations-unies-assistance-rwanda.html

https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/medailles/medailles-tableau-index/medaille-canadienne-maintien-paix-mcmp.html

 

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