ARCHIVÉ - Lignes directrices pour la prévention et la lutte contre les atteintes méningococciques
7.0 Prise en charge des méningococcies invasives
La prise en charge des cas de MI comporte deux volets, l'un relié aux cas sporadiques et l'autre, aux éclosions.
7.1 Prise en charge des cas sporadiques
Les mesures de santé publique face à un cas sporadique de MI comprennent notamment la prise en charge du cas sporadique, la détermination et la recherche des contacts ainsi que le maintien de la surveillance d'autres cas.
7.1.1 Cas
Si l'on soupçonne fortement une MI et que la confirmation du diagnostic par le laboratoire risque d'être retardée, il faudrait, dans la mesure du possible, obtenir un prélèvement normalement stérile pour la réalisation d'une culture (ou toute autre méthode de détection en laboratoire de N. meningitidis) et amorcer le traitement empirique rapidement. Une entrevue avec le sujet atteint, ou son représentant, est nécessaire pour déterminer les contacts étroits (voir le tableau 3). En plus de l'antibiothérapie, le sujet devrait recevoir une chimioprophylaxie avant son congé de l'hôpital, à moins que l'infection n'ait été traitée par un antibiotique propre à éliminer efficacement N. meningitidis dans le rhinopharynx(29). Les cultures rhinopharyngées, utilisées pour déceler le portage de N. meningitidis, n'ont aucune utilité dans la détermination et la prise en charge des cas et des contacts.
7.1.2 Contacts
La prévention des cas secondaires de MI dépend de la recherche active des contacts en vue de cerner les personnes qui présentent un risque accru d'infection (c.-à-d., les contacts étroits). Les contacts étroits des sujets atteints de conjonctivite ou de pneumonie sont pris en charge de la même manière que les contacts étroits des cas d'infection invasive. Une chimioprophylaxie devrait être administrée aux contacts étroits afin d'éliminer les méningocoques chez tout porteur potentiel faisant partie des contacts et de réduire le risque de transmission à d'autres personnes vulnérables du réseau social (voir la section 10.0, Recommandations relatives à la chimioprophylaxie)(30). Le portage rhinopharyngé de méningocoques est courant : en tout temps, environ 10 % de la population est porteuse de méningocoques. Les motifs de l'administration de la chimioprophylaxie aux travailleurs de la santé qui représentent des contacts étroits (voir le tableau 3) ne sont pas les mêmes que pour les autres contacts étroits. Le moment de l'exposition peut facilement être déterminé; on s'attend à ce que les antibiotiques administrés peu après le moment approximatif de l'exposition éliminent le portage et préviennent l'installation éventuelle de l'infection chez les personnes ainsi traitées. Toutefois, aucune étude n'a encore porté sur l'efficacité de la chimioprophylaxie dans cette situation(31).
Les contacts étroits d'un cas de MI présentent un risque accru d'infection secondaire(9-11); ils devraient être informés au sujet des signes et des symptômes de l'infection à méningocoque et encouragés à consulter un médecin immédiatement s'ils présentent de la fièvre ou tout autre signe clinique d'une MI. Une chimioprophylaxie devrait être offerte à tous les contacts étroits du cas de MI durant la période de contagion (c.-à-d., de 7 jours avant l'apparition des symptômes chez le sujet jusqu'à 24 heures après le début d'un traitement efficace), indépendamment de leur état vaccinal (voir la section 10.0, Recommandations relatives à la chimioprophylaxie). La chimioprophylaxie des contacts étroits devrait débuter le plus tôt possible, de préférence dans les 24 heures qui suivent le diagnostic du cas index, mais elle reste recommandée jusqu'à 10 jours (période d'incubation) après le dernier contact avec le sujet contagieux. La chimioprophylaxie devrait être considérée pour les contacts étroits de sujets chez qui l'on soupçonne fortement une MI, même si la confirmation du laboratoire ne peut pas être obtenue dans l'intervalle de 24 heures.
Il faudrait déterminer l'état vaccinal des contacts étroits, notamment le type de vaccin antiméningococcique, le nombre de doses et l'âge au moment de l'immunisation. La vaccination des contacts étroits potentiels devrait être envisagée en plus de la chimioprophylaxie s'il existe un vaccin conférant une protection contre le sérogroupe en cause, puisque cette mesure réduirait davantage le risque d'infection à méningocoque subséquente. La vaccination devrait avoir lieu le plus tôt possible (voir la section 11, Indications et utilisation des vaccins antiméningococciques). Le risque accru d'infection persiste chez les contacts familiaux jusqu'à un an après l'installation de l'infection chez le cas index, soit bien plus longtemps que toute protection offerte par la chimioprophylaxie antibiotique(10,11,20,21).
Au Royaume-Uni, il est recommandé de vacciner, à la suite de la chimioprophylaxie, les contacts étroits de sujets infectés par une souche de N. meningitidis contre laquelle il existe un vaccin(32). Cependant, la définition de « contact étroit » n'est pas la même au Royaume-Uni qu'au Canada. Le CCNI est d'avis que la vaccination des contacts familiaux et sociaux intimes non immunisés peut réduire le risque de cas secondaires dans une plus grande mesure que ne le fait la chimioprophylaxie(33).
7.1.3 Cadavres et risque d'infection
Les cadavres présentant l'infection à méningocoque ont longtemps été considérés comme une source potentielle de contagion. Toutefois, si le sujet a reçu un antibiotique efficace au moins 24 heures avant son décès, le risque de contagion est très faible. Si la personne n'a pas reçu de traitement antibiotique efficace avant son décès, il est recommandé aux personnes appelées à travailler sur le cadavre de respecter les pratiques courantes de prévention des infections, et de prendre également des précautions contre les gouttelettes et les contacts(30,34,35).
En général, lorsqu'on travaille sur un cadavre, il suffit de mettre en œuvre les pratiques courantes de prévention et de lutte contre l'infection, particulièrement les pratiques relatives à l'hygiène des mains, à la protection des yeux et du visage et au port de gants et de blouses. Le corps de personnes décédées à la maison devrait être emballé dans une toile (idéalement, à l'aide d'un sac de plastique, de manière à protéger le matelas et à retenir les liquides organiques) et, si possible, conservé dans un lieu frais et sec jusqu'à ce qu'il soit recueilli par les services funéraires(35).
7.1.4 Méningococcies invasives chez les voyageurs
Si une MI est diagnostiquée chez un sujet qui était contagieux durant un voyage, il faut évaluer la nécessité de rechercher les contacts et de leur administrer une chimioprophylaxie, selon les moyens de transport utilisés, l'intervalle durant lequel d'autres voyageurs peuvent avoir été exposés au sujet et le type d'exposition. Toute décision devrait être prise en collaboration avec le médecin hygiéniste ou l'épidémiologiste provincial ou territorial.
À ce jour, il n'existe aucun cas connu de MI contractée à bord d'un avion. Cependant, on a déjà signalé des cas de transmission de la tuberculose durant un voyage aérien(36,37). Il est possible que les systèmes de surveillance actuels ne détectent pas les cas secondaires dus spécifiquement à un voyage aérien; par conséquent, le risque théorique de transmission durant ces voyages devrait être pris en considération. La recherche de certains passagers est recommandée par les Centers for Disease Control and Prevention (États-Unis) et par le Communicable Diseases Network (Australie)(30,36). La prophylaxie des passagers assis dans un siège voisin de celui du cas index n'est toutefois pas conseillée au Royaume-Uni, à moins que ces personnes ne soient déjà considérées comme des contacts étroits(32).
À la suite des consultations d'experts et de l'extrapolation effectuée à partir des données sur la transmission secondaire de la tuberculose à bord d'un avion, il est recommandé de rechercher les contacts si :
- le cas a voyagé durant la période de contagion (c.-à-d., de 7 jours avant l'apparition des symptômes chez le sujet jusqu'à 24 heures après le début d'un traitement efficace);
- le vol a eu lieu au cours des 10 derniers jours (c.-à-d., prophylaxie toujours possible);
ET
-
le temps total passé à bord de l'avion, y compris le temps au sol dans l'aire de trafic, est d'au moins 8 heures.
Il importe de noter que les listes de passagers sont rarement conservées plus de 48 heures après le vol et que la recherche des contacts peut devenir compliquée après cette période.
Il faut tenter de trouver les personnes ci-dessous et de communiquer avec elles pour leur offrir une chimioprophylaxie antibactérienne et une immunisation :
- personnes qui ont voyagé avec le cas index et qui ont eu un contact étroit prolongé avec celui-ci (p. ex., cochambreurs);
- passagers assis dans un siège voisin de celui du cas index (non séparés par une allée);
- passagers et agents de bord qui ont eu un contact direct avec les sécrétions respiratoires du cas index.
Ces personnes peuvent présenter un risque accru, car les bactéries transmises par les gouttelettes respiratoires peuvent être propulsées sur de courtes distances (< 1 m) lorsque le sujet tousse et éternue(35).
7.2 Détection et prise en charge des éclosions
Les éclosions sont classées selon qu'elles touchent une organisation ou une collectivité (voir le tableau 4). Peu importe le type d'éclosion, il faut rechercher les contacts des cas liés à cette éclosion, déterminer les contacts étroits et administrer une chimioprophylaxie aux contacts étroits de la même manière que pour les cas sporadiques (voir la section 7.1). Rien ne démontre qu'il est avantageux d'administrer une chimioprophylaxie aux personnes qui ne sont pas des contacts étroits. L'utilisation sur une large échelle de la chimioprophylaxie pourrait entraîner l'élimination de souches inoffensives de Neisseria qui confèrent des anticorps protecteurs, l'apparition de souches pharmacorésistantes et l'augmentation du nombre d'effets indésirables liés aux médicaments(38).
Pour cerner et prendre en charge les éclosions, il faut prendre des décisions complexes qui tiennent compte d'une variété de facteurs. Si des données portent à croire qu'une éclosion est en train de se produire en raison de la transmission accrue d'un même sérogroupe de N. meningitidis contre lequel il existe un vaccin, la vaccination des personnes à risque élevé devrait être envisagée. Le type de relation entre les cas aide à définir le groupe à risque. Les décisions concernant la vaccination dans les collectivités présentant un taux d'infection plus élevé que normalement devraient être prises en consultation avec le médecin hygiéniste ou l'épidémiologiste provincial ou territorial.
Les observations ci-dessous peuvent être utiles pour déterminer s'il y a une transmission accrue de N. meningitidis au sein d'une population donnée.
- L'incidence de la maladie augmente, tel qu'indiqué au tableau 4.
- Dans les petites populations, les cas se concentrent dans un groupe d'âge donné; dans les grandes populations, il est possible qu'on observe une modification des groupes d'âge touchés;
- Les cas sont dus au même sérogroupe. Pour les MI attribuables au sérogroupe B ou C, la probabilité que deux souches soient reliées est plus grande si elles ont le même sérotype et encore davantage si elles ont le même type électrophorétique. Il faut consulter un microbiologiste médical ou un expert de laboratoire pour confirmer la relation entre les deux souches.
Les critères de vaccination devraient être assez larges pour permettre de freiner l'éclosion. La surveillance continue est essentielle pour évaluer l'efficacité des mesures de lutte contre l'éclosion; elle peut entraîner la modification des groupes ciblés par les campagnes de vaccination.
La présence, observée en laboratoire, d'un sérogroupe contre lequel il existe un vaccin est le critère le plus important lorsqu'il s'agit d'évaluer la nécessité de l'immunoprophylaxie (p. ex., sérogroupe C, W135, Y ou A). Les facteurs ci-dessous devraient aussi être pris en compte pour déterminer si une campagne de vaccination est indiquée.
- La population à risque d'infection doit être clairement définie. Les groupes cibles et les limites des programmes de vaccination (p. ex., âge, lieu de résidence ou activité) peuvent être déterminés selon les caractéristiques de la collectivité et les caractéristiques épidémiologiques des cas.
- Le risque d'infection doit être suffisamment élevé pour justifier une campagne de vaccination (les techniques de modélisation statistique peuvent s'avérer utiles).
- La population à risque devrait recevoir le meilleur vaccin disponible (voir la section 11.0).
- Des mécanismes d'acquisition et d'administration des vaccins doivent être établis.
- Pour lutter le mieux possible contre l'éclosion, le programme de vaccination devrait viser à assurer une couverture vaccinale élevée dans les groupes cibles(39).
- Les facteurs environnementaux pouvant influer sur la vulnérabilité d'une population (p. ex., épidémie de grippe) devraient être pris en considération.
7.3 Prise en charge d'un taux élevé persistant d'infections à méningocoque
La prise en charge efficace des cas et des éclosions à l'échelle locale représente le fondement de la prévention et de la lutte contre les MI. Il peut être nécessaire d'établir une stratégie régionale ou provinciale/territoriale de vaccination systématique si les taux d'infection et de mortalité restent indûment élevés en dépit des interventions régionales.
La prise en charge d'une éclosion consiste habituellement en une mesure d'urgence qui entraîne la perturbation des activités habituelles, l'augmentation du coût d'administration du vaccin, le recours anormalement élevé à la chimioprophylaxie et une demande soudaine pour de grandes quantités de vaccins. Si une grande partie de la population est vaccinée à la suite de plusieurs éclosions localisées mais que l'infection n'est toujours pas enrayée, on peut envisager de vacciner le reste de la population à risque.
Bien qu'il ne soit pas possible de formuler des recommandations générales relatives à la vaccination systématique à l'échelle régionale ou provinciale/territoriale, cette stratégie peut être envisagée dans les circonstances décrites ci-dessus. Toutes les autorités de santé publique devraient s'assurer qu'elles disposent d'un plan d'urgence prévoyant une vaccination de masse. Les décisions à ce sujet doivent tenir compte des préoccupations du public et des réalités politiques, sans se limiter à ces facteurs.
L'efficacité des mesures de lutte contre les éclosions devrait être évaluée afin de déterminer si la persistance de la maladie après une campagne de vaccination de masse est due à l'échec de la vaccination, à une mauvaise couverture vaccinale, au mauvais ciblage de la population à immuniser ou encore à d'autres facteurs.
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