Comité d'enquête national mixte du SCC et de la CLCC

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Titre officiel : Comité d'enquête nationale conjointe Service correctionnel Canada – Commission des libérations conditionnelles du Canada sur la mise en liberté et la surveillance d'un délinquant en libération d'office qui était illégalement en liberté depuis le 24 mai 2022 et été impliqué dans une série d'incidents tragiques dans plusieurs endroits de la province de la Saskatchewan qui a eu lieu 4 septembre 2022, et signalée au Service correctionnel Canada le 5 septembre 2022

Sommaire Exécutif

Le 4 septembre 2022, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de la Saskatchewan a divulgué le nom du délinquant Myles Brandon SANDERSON (Section des empreintes digitales [SED] (EXPURGÉ), comme ayant été impliqué dans les attaques massives à l'arme blanche qui ont fait 11 morts et 17 blessés, lesquelles se sont produites tôt le matin du 4 septembre 2022, dans la Nation crie de James Smith (NCJS) et le village de Weldon, tous deux situés dans la province de la Saskatchewan. Le 7 septembre 2022, SANDERSON a été arrêté par la GRC, près de la ville de Rosthern, en Saskatchewan, et il a été rapporté qu'il est par la suite décédé alors qu'il se trouvait sous la garde de la police.

Au moment des incidents, SANDERSON était un délinquant autochtone âgé de 32 ans qui purgeait une première peine de ressort fédéral de quatre ans, quatre mois et 19 jours. Les infractions à l'origine de sa peine incluaient : Voies de fait, Agression armée (x3), Voies de fait contre un agent de la paix, Vol qualifié, Méfait à l'égard des biens d'autrui (x2), Menace de causer la mort ou des lésions corporelles et Menace de destruction de biens. SANDERSON avait initialement été admis au Pénitencier de la Saskatchewan (sécurité moyenne) le 21 mai 2019. Il a par la suite été transféré au Pavillon de ressourcement Willow Cree (sécurité minimale) le 11 février 2021, puis libéré d'office le 26 août 2021. Sa libération d'office (LO) a été suspendue le 3 novembre 2021. SANDERSON a été détenu temporairement au Pénitencier de la Saskatchewan (sécurité moyenne) jusqu’à l'annulation de la suspension de sa LO par la Commission des libérations conditionnelles du Canada le 2 février 2022, puis a été de nouveau mis en liberté. La LO de SANDERSON a été suspendue une seconde fois le 24 mai 2022, et un mandat d’arrestation et de suspension a alors été délivré; il est toutefois demeuré illégalement en liberté (IEL) jusqu’au 7 septembre 2022, lorsqu'il a été arrêté par la GRC.

Le 23 septembre 2022, le Service correctionnel Canada (SCC) et la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) ont convoqué un Comité d'enquête nationale conjointe (CE) sur les incidents afin de faire preuve d'imputabilité, de responsabilité et de transparence, ainsi que pour améliorer leur capacité à contribuer à la sécurité du public, du personnel et des délinquants. Le 19 décembre 2022, l'ordre de convocation a été modifié pour tenir compte d'une nouvelle date de remise du rapport à la suite de la création du CE. Le CE a reçu le mandat d'analyser plus particulièrement les domaines d'enquête liés au cas et de fournir ses constatations ainsi que toute recommandation jugée appropriée et susceptible de contribuer à la résolution efficace ou à la prévention d'incidents semblables dans l’avenir. Pour ce faire, le CE a procédé à un examen exhaustif du dossier de SANDERSON et de tous les documents utilisés pour la prise de décisions. Plus précisément, le CE a analysé :

En outre, le CE a examiné :

Voici un résumé des constatations du CE.

Le CE a constaté qu'il n’y avait pas d’indicateurs préalables à l'incident ou d'événements déclencheurs connus du personnel, ou auxquels le personnel aurait pu donner suite pour prévenir ces incidents. Il existait des facteurs de risque contributifs aux incidents, notamment les lourds antécédents criminels de SANDERSON et sa propension à la violence, ainsi que sa relation turbulente et souvent violente avec sa conjointe de fait. Le personnel était au courant de ces facteurs de risque contributifs et tentait d'y remédier dans le cadre du plan correctionnel de SANDERSON.

Au cours du processus d'évaluation initiale au Pénitencier de la Saskatchewan, on n'a pas tenté de recueillir toute l'information pertinente, comme l'exige la politique.

Dans l'ensemble, la préparation du cas menant à la mise en liberté de SANDERSON était raisonnable et adéquate, y compris la prise en considération des antécédents sociaux des Autochtones de SANDERSON dans le processus décisionnel.

Le CE a constaté que, même si SANDERSON avait été évalué et traité par le personnel et les contractuels des Services de santé à de multiples occasions pendant sa peine de ressort fédéral, la manière dont la santé mentale de SANDERSON a été évaluée et gérée comportait certaines lacunes.

La qualité de la surveillance de SANDERSON pendant sa LO, y compris la surveillance des conditions spéciales, était raisonnable et adéquate. Les antécédents sociaux des Autochtones de SANDERSON ont été pris en considération dans le processus décisionnel.

La LO de SANDERSON a été suspendue à deux occasions : une première fois le 3 novembre 2021, pour avoir enfreint à une condition spéciale de « ne pas avoir de relations intimes, sexuelles ou non sexuelles, ni d'amitiés avec des femmes sauf si vous avez reçu une autorisation préalable écrite de votre surveillant de libération conditionnelle » et une seconde fois le 24 mai 2022, pour avoir enfreint à une condition spéciale de « ne pas entrer en contact avec Vanessa Burns ou vos enfants, sauf si cela est nécessaire pour assumer vos responsabilités parentales et pour suivre du counseling ou des programmes liés à la violence conjugale ou aux compétences parentales, et ce, avec l'autorisation préalable de votre surveillant de libération conditionnelle ».

La communication et le partage d'informations entre les personnes concernées au sein du SCC et parmi les contacts sociaux connus de SANDERSON étaient raisonnables et appropriés. Les contacts avec les services de police avant les deux mises en liberté et pendant la surveillance étaient raisonnables et appropriés. L'agent de libération conditionnelle dans la collectivité (ALCC), l'agent du renseignement de sécurité dans la collectivité (ARSC) et l'analyste du renseignement de sécurité ont communiqué fréquemment avec les services de police et les tiers alors que SANDERSON se trouvait IEL; toutefois, du point de vue du personnel du SCC, la police et les tiers n’ont fourni que peu de rétroaction ou de renseignements utiles à l'ALCC, à l'ARSC ou à l'analyste du renseignement de sécurité.

Le CE a constaté que la communication apparemment limitée d'information par les services de police constituait un problème sous-jacent qui a empêché le personnel chargé de la libération conditionnelle de potentiellement s'impliquer davantage dans les efforts des forces de l'ordre pour retrouver SANDERSON alors qu'il se trouvait IEL.

Le CE a constaté que les antécédents de violence conjugale de SANDERSON constituaient un facteur important de son historique criminel et que la documentation de la manière dont ce risque influait sur son risque global aurait pu être mieux détaillée par le personnel, à tous les niveaux, qui devait formuler des recommandations et prendre des décisions relatives à l'attribution de cotes de sécurité inférieures ou à la mise en liberté sous condition.

D'après ses constatations, le CE a formulé quatre recommandations pour optimiser les politiques et les pratiques du SCC visant à réduire la probabilité qu'un incident similaire se reproduise dans l'avenir :

Le CE a constaté que l'audience de la CLCC du 11 février 2021 a été tenue de manière à respecter le devoir d'agir équitablement ainsi que la législation et les politiques. L'enregistrement sonore de l'audience était de qualité adéquate, ce qui permettait un examen complet des procédures.

Le CE a constaté que les motifs écrits de la décision de la CLCC (décision écrite) du 11 février 2021 de refuser la semi-liberté et la libération conditionnelle totale et d'imposer des conditions à la LO démontraient une analyse et une évaluation des aspects pertinents du cas. Les commissaires de la CLCC étaient des décideurs qualifiés, formés et expérimentés. La décision était bien rédigée, s'enchaînait de façon logique et était conforme aux principes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ainsi qu'aux exigences des politiques. Toutefois, le CE a relevé des renseignements discordants entre les évaluations actuarielles et le jugement clinique du psychologue du SCC qui n'ont pas été abordés. Le CE a constaté qu'une partie de la politique 2.1, Évaluations en vue de décisions prélibératoires (21 juin 2019), du Manuel des politiques décisionnelles à l'intention des commissaires n’était pas claire.

Le CE a remarqué l'existence d'une culture liée à l'utilisation, par les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), de leur pouvoir de rendre certains types de décisions. Le CE a constaté qu'il était nécessaire d'apporter des clarifications quant au pouvoir des commissaires de la CLCC de décider s'ils examineront ou non une décision, plus particulièrement l'imposition de condition(s) spéciale(s) dans le cadre de la LO, en même temps qu'une décision relative à la libération conditionnelle.

Le CE a constaté que les commissaires de la CLCC ont appliqué les critères prévus de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) lorsqu'ils ont imposé des conditions spéciales à la LO, et qu'ils ont bien documenté les motifs de l'imposition de ces conditions spéciales. Toutefois, le CE a déterminé qu'aucune justification relative à la durée des conditions spéciales imposées n'avait été fournie dans les motifs écrits de la décision (décision écrite) comme l'exige la politique.

Le CE a constaté que les motifs écrits de la décision de la CLCC (décision écrite) du 1er février 2022 d'annuler une suspension de la LO et de modifier les conditions de la LO démontraient une analyse et une évaluation des aspects pertinents du cas. Le commissaire de la CLCC qui a rendu la décision était un décideur qualifié, formé et expérimenté. La décision était bien rédigée, s'enchaînait logiquement et était conforme aux principes et aux critères de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et à la plupart des exigences des politiques; toutefois, le CE a relevé des renseignements discordants entre les mesures actuarielles et le jugement clinique du psychologue du SCC, ce qui n'a pas été abordé dans les motifs écrits de la décision (décision écrite).

Le CE a constaté que l'audience du 1er février 2022 a été tenue de manière à respecter le devoir d'agir équitablement ainsi que la législation et les politiques. Bien que l'audience ait été tenue par téléconférence plutôt que par vidéoconférence, le CE était d’avis que l'audience ne pouvait être tenue en personne ou par vidéoconférence en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 qui étaient alors en vigueur. L'enregistrement de l'audience était de qualité adéquate, ce qui permettait un examen complet des procédures.

À l'issue de l'audience tenue le 1er février 2022, la suspension de la LO de SANDERSON a été annulée, un avertissement a été émis et une condition spéciale additionnelle a été imposée. Le CE a soulevé plusieurs préoccupations relatives à l'émission d'un avertissement, notamment : sa signification, son intention et les critères législatifs à l'appui dans les motifs écrits de la décision (décision écrite) ainsi qu'une lacune dans les politiques, soit la correspondance des politiques aux critères législatifs pour émettre un avertissement. Le CE a aussi constaté une disparité entre la décision rendue de vive voix à SANDERSON lors de l'audience et l'information figurant dans les motifs écrits de la décision (décision écrite).

Le CE a constaté que les motifs écrits de la décision de la CLCC (décision écrite) expliquaient comment la condition spéciale imposée à SANDERSON était liée à son comportement criminel. Toutefois, le CE a relevé un problème de conformité avec la législation et les politiques dans la mesure où les motifs écrits de la décision (décision écrite) n'indiquaient pas le critère pour l'imposition de la condition spéciale et ne justifiaient pas la durée de la condition spéciale.

Bien que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) permette une augmentation du quorum (le nombre minimal de commissaires de la CLCC requis pour former un comité, tel que le prévoit la LSCMLC), le CE a constaté qu'il n'y avait aucune politique, procédure ou directive écrite émise à l'intention du personnel et des commissaires de la CLCC sur le processus, la procédure et les critères pour augmenter le quorum pour tout type d’examen.

Le CE a constaté que les audiences postsuspension sont de nature complexe et exigent des efforts, du temps et des responsabilités supplémentaires de la part des commissaires de la CLCC en vue de la préparation de ces cas. Du point de vue du CE, si un délinquant n'a pas respecté une condition de sa mise en liberté dans la collectivité, son cas est aussi important, voire plus important que le cas d'un délinquant présentant une demande de mise en liberté.

Le CE a constaté que la CLCC possédait la plupart des informations disponibles et pertinentes, ou un résumé de ces informations, ayant une incidence sur son évaluation du risque; toutefois, les informations pertinentes n'ont pas toutes été recueillies pendant le processus d'évaluation initiale et tout au long de la peine du délinquant. Ces informations incluaient les rapports de police, les documents du tribunal et les sources d'information officielles liées aux infractions criminelles autres que les infractions à l'origine de la peine de SANDERSON.

Le CE a constaté que les motifs écrits de la décision (décision écrite) rendue le 1er février 2022, d'annuler la suspension de SANDERSON faisaient état de ses antécédents sociaux des Autochtones; toutefois, un problème de conformité a été relevé puisque les motifs écrits ne démontraient que partiellement la prise en compte par le commissaire de la CLCC des facteurs systémiques ou historiques ayant pu contribuer aux démêlés de SANDERSON avec le système de justice pénale.

Le CE a constaté que le déroulement des audiences tenues les 11 février 2021 et 1er février 2022, démontrait que les commissaires de la CLCC s’étaient penchés sur les considérations particulières aux délinquants autochtones. Le CE a constaté que tous les commissaires de la CLCC ayant pris part au processus décisionnel dans le cas de SANDERSON avaient participé à de nombreuses séances de formation nationales et régionales portant sur les peuples autochtones et les délinquants autochtones. En outre, le CE a constaté que la politique de la CLCC était conforme aux responsabilités qui lui sont conférées par la législation à l'égard des Autochtones au sein du système canadien de justice pénale.

À la suite de la publication dans les médias du nom de SANDERSON relativement aux attaques massives à l'arme blanche, de nombreuses demandes ont été présentées au moyen du Registre des décisions de la CLCC par des médias afin d'obtenir des copies de la plus récente décision postsuspension datée du 1er février 2022. Suivant la publication de la décision, (EXPURGÉ). Les bureaux de la CLCC ont également fait l'objet de menaces. Le personnel de la CLCC a consigné l'information et la police a été avisée. Un plan a été élaboré pour renforcer les mesures de sécurité accrues alors que la situation évoluait.

Le CE a constaté que les agents régionaux des communications de la CLCC n’avaient pas reçu suffisamment de directives en ce qui concerne la diffusion des décisions à partir du Registre des décisions de la CLCC (EXPURGÉ).

Le CE a reconnu que l'équipe de gestion avait pris des mesures appropriées en temps opportun pour appuyer le personnel et les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) dans le bureau régional de la CLCC en réaction à l'incident survenu dans la collectivité. Le CE a constaté qu'il n'existait aucun (EXPURGÉ) permettant de guider la haute direction quant à (EXPURGÉ).

Le CE a constaté qu'il faudrait envisager d'offrir une formation additionnelle aux commissaires de la CLCC fondée sur des données actuelles et empiriques relativement à l'intégration de la violence conjugale dans l'évaluation globale du risque.

Le Comité d'enquête (CE) a cerné un problème sous-jacent concernant le temps alloué aux commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) pour l'étude de cas. Au cours des entrevues, le CE a obtenu des preuves à l'appui de l'allégation selon laquelle il existait un écart entre le temps prévu au calendrier des commissaires de la CLCC pour étudier un cas et le temps réel que consacrent les commissaires de la CLCC et dont ils ont besoin pour se préparer en vue des audiences et rédiger les motifs écrits de la décision (décision écrite) par la suite. Le CE a conclu que cette sous-estimation du temps nécessaire pour l'étude des cas pouvait nuire à la capacité des commissaires de la CLCC d'examiner les cas de manière approfondie avant les audiences. Les contraintes de temps ont été soulevées de façon constante et constituent un aspect qui semble désormais être considéré comme normal et acceptable dans la culture de travail.

En se fondant sur les constatations du CE, dix recommandations ont été formulées en vue d'améliorer les politiques et les pratiques de la CLCC, ainsi que l'esprit/la mission de la mise en liberté sous condition :

En plus du présent CE nationale conjointe du SCC et de la CLCC, le coroner en chef de la Saskatchewan tiendra deux enquêtes publiques sur ces incidents à compter de janvier 2024. Une enquête portera sur les événements ayant mené au décès de 11 victimes ainsi que les causes médicales de leur décès, tandis que l'autre enquête portera sur les événements ayant entraîné le décès de SANDERSON, ainsi que les causes médicales de son décès.

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