La bataille de Choucha de 2020 : une bataille urbaine unique en son genre, riche d’enseignements pour la guerre moderne
par John Spencer
Introduction : un conflit symbolique et stratégique
La seconde guerre du Haut-Karabakh (du 27 septembre au 10 novembre 2020) a marqué l’éclatement inattendu d’un conflit de longue date entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie concernant la région contestée du Haut-Karabakh, un territoire montagneux qui, pendant des décennies, a été le théâtre de violences, de discordes politiques et de griefs nationaux profondément ancrés. Ce territoire contesté incarne les aspirations, les craintes et les histoires des deux nations.Note de bas de page 1
Le conflit remonte au début du XXe siècle, lorsque les différends territoriaux et le déplacement des frontières sous le régime soviétique ont exacerbé les divisions entre les Arméniens et les Azerbaïdjanais. Perchée au sommet des montagnes du Karabakh, la ville de Choucha est devenue le point de convergence de ces tensions. Elle a joué le rôle de bastion clé dans la région en raison de sa position stratégique surplombant le corridor de Latchin et la ville de Stepanakert. Cela dit, l’importance de Choucha allait au-delà de son utilité militaire. Elle était un phare culturel, symbolisant les histoires entremêlées, mais souvent conflictuelles, des deux peuples qui la revendiquaient.Note de bas de page 2
Les Azerbaïdjanais tirent une immense fierté de la ville de Choucha. Le style architectural de la mosquée Yukhari Govhar Agha et le dynamisme des traditions musicales azerbaïdjanaises ont souvent valu à la ville d’être décrite comme le « berceau de la culture azerbaïdjanaise ». Son histoire en tant que capitale du khanat du Karabakh et ses contributions à la littérature et à la musique azerbaïdjanaises ont consolidé sa réputation de centre culturel.Note de bas de page 3 Aux yeux des Azerbaïdjanais, Choucha était un phare culturel, où se sont succédé des poètes, des musiciens et des architectes qui ont façonné l’identité de la nation. La ville a été le berceau de personnalités azerbaïdjanaises importantes telles que Vagif, un poète qui a contribué à définir les traditions littéraires azerbaïdjanaises, et Uzeyir Hajibeyov, le père de la musique classique azerbaïdjanaise. L’architecture de Choucha reflète son héritage persan et azerbaïdjanais. Sa perte aux mains des forces arméniennes en 1992, lors de la première guerre du Haut-Karabakh (1988-1994), a porté un coup dévastateur à l’Azerbaïdjan et a laissé une profonde cicatrice dans la psyché nationale.Note de bas de page 4 Pendant des décennies, la reconquête de Choucha est restée une aspiration nationale et un symbole central de la lutte pour la reconquête du Haut-Karabakh.Note de bas de page 5
Pour les Arméniens, Choucha revêt une signification religieuse et culturelle tout aussi profonde. La ville abrite la Cathédrale Ghazanchetsots, un monument symbolique de l’architecture religieuse arménienne.Note de bas de page 6 Après sa prise en 1992, Choucha est devenue un point essentiel du contrôle de l’Arménie sur le Haut-Karabakh, une victoire célébrée par les Arméniens comme une preuve de leurs liens historiques et culturels avec cette terre.Note de bas de page 7 Sa position stratégique a permis aux forces arméniennes de protéger le corridor de Latchin qui reliait le Haut-Karabakh à l’Arménie. Au fil du temps, Choucha est devenue un point d’ancrage culturel et politique de la présence arménienne dans la région. La perte de la ville lors de la seconde guerre du Haut-Karabakh n’a pas seulement été un revers militaire, mais aussi un coup dur pour la fierté nationale et les récits historiques de victoire et de résilience.Note de bas de page 8
Les enjeux du conflit de 2020 étaient donc existentiels pour les deux camps. Pour l’Azerbaïdjan, la reprise de Choucha représentait un renversement des défaites passées et la restauration de l’identité et de la souveraineté nationales.Note de bas de page 9 Pour l’Arménie, la défense de Choucha était essentielle pour garder le contrôle du Haut-Karabakh et préserver son lien historique avec la région. Pour les deux nations, Choucha est plus qu’une simple ville : elle est un lieu d’identité, de mémoire et de résilience.Note de bas de page 10 La bataille de Choucha a été décisive pendant la guerre en redéfinissant le paysage géopolitique du Caucase. Elle a également rappelé avec force le rôle central de la guerre urbaine dans les guerres modernes.
Contexte historique : l’héritage de Choucha et le chemin vers la bataille
Choucha est perchée à une altitude de 1 400 à 1 800 mètres dans les montagnes du Karabakh. Son histoire reflète les tendances plus larges des conflits, de l’empire et des frontières changeantes qui définissent la région du Caucase depuis des siècles. Fondée en 1752 par Panah Ali Khan,Note de bas de page 11 elle est devenue la capitale du khanat du Karabakh et s’est imposée comme un centre de pouvoir politique et de développement culturel. À la fin du XIXe siècle, Choucha était une ville cosmopolite, abritant des communautés arméniennes et azerbaïdjanaises qui ont contribué à son essor artistique et intellectuel. Cet héritage commun a également semé la division, puisque des récits contradictoires sur l’identité et la propriété de la ville ont commencé à se consolider.Note de bas de page 12
L’importance stratégique de la ville est devenue évidente au cours des guerres russo-persanes du XIXe siècle, lorsque la situation géographique de Choucha en a fait un avant-poste défensif clé pour l’empire russe en expansion.Note de bas de page 13 L’effondrement de l’Empire russe en 1917 et le chaos qui s’en est suivi ont fait de Choucha un foyer de violence interethnique. Lorsque les Arméniens et les Azerbaïdjanais se sont disputés le contrôle de la région du Caucase du Sud, Choucha est devenue un champ de bataille capital.Note de bas de page 14
Au début du XXe siècle, l’instauration du régime soviétique dans la région a temporairement interrompu les conflits. En 1923, l’Union soviétique a créé l’Oblast autonome du Haut-Karabakh au sein de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan (RSS), accordant une autonomie limitée à la majorité arménienne de la région tout en la maintenant sous la juridiction azerbaïdjanaise.Note de bas de page 15 La situation a suscité le mécontentement des deux parties. Alors que les Arméniens y voyaient un déni de leurs aspirations à l’autodétermination, les Azerbaïdjanais considéraient qu’il s’agissait d’une concession qui portait atteinte à leur intégrité territoriale.Note de bas de page 16
La dissolution de l’Union soviétique en 1991 a ravivé le conflit du Haut-Karabakh. Alors que les nouveaux États indépendants d’Arménie et d’Azerbaïdjan cherchaient à affirmer leur contrôle sur la région, Choucha est redevenue un point central du conflit. La prise de Choucha était essentielle pour permettre aux Arméniens de consolider leur emprise sur le Haut-Karabakh et de neutraliser les positions d’artillerie azerbaïdjanaises qui menaçaient Stepanakert, le centre administratif de la région.Note de bas de page 17
Le 8 mai 1992, les forces arméniennes ont lancé une attaque-surprise sur Choucha, exploitant les brèches dans les défenses azerbaïdjanaises et escaladant un terrain escarpé pour pénétrer dans la ville.Note de bas de page 18 Les forces azerbaïdjanaises ont été prises au dépourvu et ont manqué de leadership coordonné. Elles ont ainsi été submergées et Choucha est tombée en l’espace de quelques heures. Cette victoire a permis aux forces arméniennes de dominer le corridor de Latchin, qui reliait le Haut-Karabakh à l’Arménie, et a marqué un tournant dans la première guerre du Haut-Karabakh.Note de bas de page 19
Pour les Azerbaïdjanais, la perte de Choucha a été un traumatisme national.Note de bas de page 20 La population azerbaïdjanaise de la ville, qui était majoritaire avant le conflit, a rapidement été déplacée et la ville est devenue un bastion arménien fortement militarisé.Note de bas de page 21 La charge symbolique de cette perte a laissé une marque indélébile dans la conscience nationale azerbaïdjanaise, faisant de Choucha un cri de ralliement pour les futurs efforts militaires et politiques du pays.
Entre 1992 et 2020, Choucha est devenue une partie intégrante du Haut-Karabakh contrôlé par l’Arménie. La situation favorable de Choucha, qui surplombe Stepanakert et le corridor de Latchin, en a fait un élément central des défenses arméniennes. Au fil des décennies, les dirigeants arméniens ont cherché à renforcer l’identité de Choucha en tant que ville arménienne, en restaurant des monuments culturels tels que la cathédrale Ghazanchetsots, tout en conservant les fortifications militaires.Note de bas de page 22
Cependant, cette période a également révélé des vulnérabilités. Les forces arméniennes ont surestimé les défenses naturelles que constituaient les falaises de Choucha et les voies d’accès escarpées, supposant qu’elles étaient infranchissables pour les attaquants.Note de bas de page 23 Cette dépendance à l’égard des défenses statiques, combinée à des ressources limitées et à l’isolement sur le plan international, a créé des conditions qui ont été exploitées plus tard par les forces azerbaïdjanaises au cours de la seconde guerre du Haut-Karabakh.
En 2020, l’Azerbaïdjan avait transformé ses capacités militaires. Il avait investi massivement dans les technologies de pointe, modernisé ses forces et forgé des alliances stratégiques avec la Turquie et Israël.Note de bas de page 24 La reprise de Choucha est devenue un objectif central de la campagne azerbaïdjanaise en raison de sa valeur stratégique et de son importance symbolique. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a souligné à plusieurs reprises le rôle de Choucha dans l’histoire et l’identité azerbaïdjanaises afin de galvaniser le soutien du public et des militaires en vue d’une opération future.
Pour les Arméniens, Choucha demeurait essentielle à leur contrôle du Haut-Karabakh. La perte de la ville leur couperait l’accès au corridor de Latchin, compromettant ainsi leur capacité à maintenir leurs défenses dans toute la région. Cependant, les dirigeants arméniens n’ont pas su adapter leurs stratégies pour tenir compte des avantages technologiques et tactiques croissants de l’Azerbaïdjan.Note de bas de page 25 La bataille de Choucha en 2020 allait finalement révéler ces faiblesses et remodeler le paysage géopolitique de la région.
Les forces militaires : le choc entre la modernisation et le retranchement
La bataille de Choucha n’était pas seulement une lutte pour le contrôle d’une ville importante sur le plan stratégique, mais aussi un contraste frappant entre deux approches militaires divergentes. Pour sa part, l’Azerbaïdjan a investi massivement dans la modernisation et la technologie et a adopté une approche de la guerre du XXIe siècle en combinant des systèmes avancés et des tactiques adaptatives. Quant à l’Arménie, elle s’est appuyée sur des défenses retranchées, des stratégies traditionnelles et la supposition que la géographie naturelle de Choucha offrirait une protection suffisante. La bataille a mis en évidence la manière dont les différences dans l’entraînement, l’équipement et le leadership ont façonné la dynamique de la guerre urbaine.Note de bas de page 26
L’Azerbaïdjan a entamé le conflit en 2020 après des années d’investissements délibérés dans ses capacités militaires, soutenus par les revenus du pétrole et du gaz et par ses partenariats stratégiques.Note de bas de page 27 Cette transformation a été évidente lors de la bataille de Choucha, où l’accent mis par l’Azerbaïdjan sur la guerre de manœuvre et l’intégration de la technologie s’est avéré décisif. Les forces armées de l’Azerbaïdjan comptaient environ 126 000 militaires actifs, auxquels s’ajoutaient 300 000 réservistes.Note de bas de page 28 Leurs forces d’opérations spéciales (FOS) étaient des unités hautement entraînées, spécialisées dans la guerre de montagne, qui ont joué un rôle central dans l’opération de Choucha. Au nombre de plusieurs milliers, les FOS de l’Azerbaïdjan ont été le fer de lance de l’audacieuse infiltration à flanc de falaise qui a permis de contourner les positions défensives arméniennes et de désarçonner leur stratégie.Note de bas de page 29
L’Azerbaïdjan a déployé un arsenal diversifié et moderne au cours de la campagne. Les éléments clés étaient les suivants :
- Véhicules aériens sans équipage (VASE) : Le Bayraktar TB2 turc et les munitions rôdeuses comme le VASE Harop israélien ont joué un rôle déterminant dans la neutralisation de l’artillerie arménienne, des lignes de ravitaillement et des positions fortifiées.Note de bas de page 30
- Blindage et artillerie : Les forces azerbaïdjanaises ont utilisé des chars T-90 et T-72 ainsi que des véhicules de combat d’infanterie BMP-2, soutenus par des systèmes avancés de lance-roquettes multiples tels que le BM-30 Smerch.Note de bas de page 31
- Équipement d’infanterie : Les troupes azerbaïdjanaises étaient équipées de fusils modernes, de dispositifs de vision nocturne et de missiles antichars tels que le Kornet-E, permettant de cibler avec précision les fortifications et les véhicules arméniens.
Les forces armées azerbaïdjanaises avaient suivi une formation approfondie aux opérations combinées, à l’interopérabilité et à l’intégration des technologies de pointe. Des exercices conjoints avec les forces turques ont notamment permis aux troupes azerbaïdjanaises d’acquérir une expérience de la guerre de manœuvre moderne.Note de bas de page 32 Ces capacités ont été mises en évidence lors de la bataille de Choucha, où les forces azerbaïdjanaises se sont rapidement adaptées aux défis de la guerre de montagne et du combat urbain, en exploitant les VASE pour la reconnaissance et le ciblage tout en exécutant des engagements rapprochés avec précision.
Les dirigeants de l’Azerbaïdjan ont contribué de manière décisive à cette campagne. Le président Ilham Aliyev a présenté la guerre comme une mission patriotique, galvanisant le soutien national aux opérations militaires.Note de bas de page 33 Pendant la guerre, des commandants comme le lieutenant-général Karam Mustafayev et le major-général Hikmat Hasanov ont été reconnus pour avoir fait preuve de souplesse opérationnelle, en coordonnant l’intégration des VASE, de l’artillerie et de l’infanterie dans une stratégie cohérente, ce qui a été fondamental pour le succès de la bataille de Choucha et de la guerre.Note de bas de page 34
Contrairement à l’approche modernisée de l’Azerbaïdjan, l’Arménie s’est appuyée sur des stratégies défensives traditionnelles et des fortifications statiques. Si ces méthodes s’étaient avérées efficaces lors de la première guerre du Haut-Karabakh, elles étaient moins adaptées pour contrer les avancées technologiques et tactiques de l’Azerbaïdjan en 2020. Les forces armées de l’Arménie comptaient environ 45 000 militaires actifs, auxquels s’ajoutaient 200 000 réservistes.Note de bas de page 35 Toutefois, les contraintes logistiques et la rapidité des avancées de l’Azerbaïdjan ont limité la capacité de l’Arménie à mobiliser l’ensemble de ses forces. À Choucha, on estime qu’entre 2 000 et 4 000 défenseurs arméniens, composés d’unités de la force régulière, de milices locales et de combattants volontaires, étaient présents.Note de bas de page 36 Malgré leur connaissance du terrain, ces forces ne disposaient ni de l’entraînement ni de l’équipement nécessaires pour mener des opérations défensives prolongées en milieu urbain.
L’arsenal arménien dépendait fortement des systèmes de l’ère soviétique, qui se heurtaient à des limites importantes face à l’armement avancé de l’Azerbaïdjan. Les principales ressources de l’Arménie étaient les suivantes :
- Blindage et artillerie : Les forces arméniennes ont déployé des chars T-72 et des véhicules de combat d’infanterie BMP-1/2, ainsi que des obusiers D-30 et des lance-roquettes BM-21 Grad. Bien qu’efficaces en défense statique, ces systèmes étaient particulièrement vulnérables aux VASE et aux munitions guidées avec précision de l’Azerbaïdjan.Note de bas de page 37
- Défense aérienne : Les systèmes arméniens tels que le 9K33 Osa et le S-300 ont eu du mal à contrer les VASE de l’Azerbaïdjan, exposant ainsi des positions critiques.Note de bas de page 38
- Équipement d’infanterie : L’infanterie arménienne utilisait des fusils AK-74, des armes antichars RPG-7 et de l’équipement de vision nocturne limité, ce qui a réduit davantage son efficacité dans les combats urbains.
Les forces arméniennes dépendaient fortement des défenses naturelles de Choucha, c’est-à-dire ses falaises abruptes et ses voies d’accès étroites. La ville a été fortifiée par des positions retranchées, des points de passage obligé et des nids de tireurs d’élite destinés à retarder les avancées azerbaïdjanaises. Toutefois, cette approche statique ne tenait pas compte de la capacité de l’Azerbaïdjan à contourner les défenses traditionnelles en utilisant des routes non conventionnels et des technologies avancées.
Les dirigeants arméniens ont dû faire face à des défis importants lors de la bataille de Choucha. Par exemple, des commandants clés étaient absents ou se sont retirés pendant des phases critiques du combat et certaines troupes auraient refusé de se battre ou d’être déployées, sapant ainsi le moral et la cohésion.Note de bas de page 39 Les pannes de communication et les problèmes logistiques ont contribué à affaiblir les défenses arméniennes et à isoler de nombreuses unités. Sans écarter la détermination des commandants de la région et des milices, l’absence de leadership centralisé s’est avérée coûteuse.Note de bas de page 40
Les forces adverses à Choucha présentaient un contraste frappant quant à leur philosophie et à leurs capacités militaires. En privilégiant la modernisation, la technologie et la cohésion du commandement, l’Azerbaïdjan a pu mener une campagne sophistiquée qui a eu raison des imposantes défenses de Choucha. L’Arménie, tout en combattant vaillamment, a été freinée par des stratégies dépassées, des contraintes logistiques et les échecs des dirigeants.
Progression de la bataille : le chemin vers Choucha
La campagne pour capturer Choucha a été une opération détaillée et planifiée qui alliait la supériorité technologique et l’innovation tactique des forces azerbaïdjanaises. Le trajet de Hadrout à Choucha, environ 30 kilomètres de terrain accidenté et de défenses arméniennes fortifiées, a présenté des défis considérables au départ. Au début de la guerre, la population de la ville était estimée à environ 5 000 personnes, pour la plupart d’origine arménienne.Note de bas de page 41 La majorité des résidents civils ont évacué la ville afin d’éviter la bataille imminente, ne laissant que les forces de défense.Note de bas de page 42
La géographie naturelle de Choucha en a fait depuis longtemps une formidable position défensive. Située au sommet de falaises abruptes et accessible uniquement par des routes étroites et sinueuses, la ville offre à ses occupants des avantages défensifs incomparables. Les montagnes environnantes du Karabakh sont densément boisées, avec des ravins périlleux et des affleurements rocheux qui compliquent les mouvements de l’infanterie et des unités blindées. Pour les forces arméniennes, ces caractéristiques renforçaient leur conviction que Choucha était imprenable. Cependant, elles ont également créé des angles morts que les forces azerbaïdjanaises ont exploités.
Phase 1 : Prise du flanc sud
La campagne azerbaïdjanaise a commencé par la prise d’Hadrout à la mi-octobre 2020, un tournant de la guerre. Hadrout a servi de zone d’étape pour les opérations ultérieures au cœur du Haut-Karabakh. Au cours de cette phase, les forces azerbaïdjanaises ont utilisé des VASE dont les effets ont été dévastateurs. Les VASE Bayraktar TB2 et Harop ont été utilisés pour détruire l’artillerie arménienne, perturber les lignes de ravitaillement et neutraliser les positions défensives.Note de bas de page 43
Après la prise de Hadrout, les troupes azerbaïdjanaises ont progressé à travers les forêts denses et les étroits couloirs de montagne, en évitant les routes lourdement fortifiées qui reliaient les positions arméniennes.Note de bas de page 44 Cette approche a réduit l’exposition à l’artillerie arménienne, mais au prix de marches éprouvantes sur un terrain difficile. Les FOS ont été le fer de lance de l’avancée, menant des opérations de reconnaissance et éliminant les obstacles avant la force principale.Note de bas de page 45
Le trajet de Hadrout à Choucha n’a pas été sans coût. Bien que dépassées sur le plan technologique, les forces arméniennes ont tout de même infligé des pertes importantes au moyen d’embuscades et d’actions défensives. Les étroits couloirs de montagne sont devenus des zones d’abattage où les défenseurs arméniens ciblaient les colonnes azerbaïdjanaises en marche au moyen d’armes légères et de grenades propulsées par fusée.Note de bas de page 46 Les commandants azerbaïdjanais ont réagi en déployant des VASE pour la surveillance aérienne, atténuant ainsi certains des risques posés par les embuscades arméniennes.Note de bas de page 47
Phase 2 : Dachalti et les approches vers Choucha
L’un des engagements les plus importants de la campagne a eu lieu à Dachalti, un village situé juste au sud de Choucha, au pied de ses falaises. Dashalti était un avant-poste défensif des forces arméniennes destiné à bloquer les avancées azerbaïdjanaises dans la ville. Avec ses rues étroites et sa position surélevée, le terrain du village offrait aux défenseurs arméniens un avantage tactique considérable.Note de bas de page 48
Les forces azerbaïdjanaises ont lancé un assaut coordonné sur Dachalti, combinant des frappes de VASE et des attaques d’infanterie. Les VASE ont ciblé les renforts arméniens qui tentaient d’atteindre le village, tandis que les troupes azerbaïdjanaises ont engagé des combats de maison en maison pour déloger les défenseurs retranchés. Malgré une résistance acharnée, Dachalti est tombé après des jours de combats intenses et a permis aux forces azerbaïdjanaises de se concentrer sur Choucha elle-même.Note de bas de page 49
La bataille de Dachalti a été l’un des engagements les plus meurtriers avant Choucha, avec de lourdes pertes des deux côtés. Les forces arméniennes ont subi des frappes dévastatrices de VASE, tandis que les troupes azerbaïdjanaises ont rencontré une forte résistance lors des combats rapprochés.Note de bas de page 50 La chute de Dachalti a constitué un véritable tournant, en coupant l’accès des Arméniens aux principales voies de ravitaillement et en isolant les défenseurs de Choucha.
Phase 3 : Infiltration à flanc de falaise
Le moment décisif de la campagne a été l’infiltration des FOS azerbaïdjanaises dans la ville en escaladant les falaises du sud-est de Choucha. S’élevant à plus de 300 mètres, ces falaises étaient considérées comme infranchissables par les défenseurs arméniens, qui concentraient leurs fortifications le long de la route principale. Les commandants azerbaïdjanais ont constaté cet oubli et ont conçu un plan audacieux pour escalader les falaises à la faveur de l’obscurité.Note de bas de page 51
L’opération d’escalade des falaises a constitué un exploit extraordinaire de résistance physique et de risque tactique. Selon les rapports de l’Azerbaïdjan, environ 400 soldats des FOS azerbaïdjanaises, répartis en quatre groupes de cent personnes, ont entrepris cette audacieuse ascension sous le couvert de l’obscurité.Note de bas de page 52 Transportant un minimum d’équipement pour rester rapides et discrètes, tout en disposant de suffisamment de munitions et d’armes antiblindés pour survivre à l’intrusion initiale, les équipes ont utilisé des cordes et du matériel d’escalade pour se frayer un chemin dans les falaises abruptes qui entourent la ville.Note de bas de page 53 Une fois arrivées sur le plateau, les FOS ont surpris puis vaincu les positions défensives arméniennes, perturbant les lignes de défense retranchées et créant des brèches critiques.
Phase 4 : La bataille urbaine de Choucha
Menée du 6 au 9 novembre 2020, la bataille urbaine de Choucha a représenté le point culminant de la campagne azerbaïdjanaise pour reprendre la ville. La bataille représentait un changement important, passant d’une guerre de manœuvre sur un terrain accidenté à un combat rapproché épuisant dans un environnement urbain densément fortifié. Les rues étroites, les structures fortifiées et les défenses naturelles de Choucha ont donné aux forces arméniennes des avantages tactiques importants, mais les forces azerbaïdjanaises ont surmonté ces défis grâce à leur adaptabilité, à leur ingéniosité tactique et à l’utilisation de technologies avancées.
Après leur audacieuse infiltration à flanc de falaise, les FOS azerbaïdjanaises ont pris position à la périphérie sud-est de Choucha. Cette manœuvre a pris au dépourvu les défenseurs arméniens, dont les fortifications et les troupes étaient concentrées le long de la principale voie d’accès sud à la ville.
Les premières heures de la bataille ont été marquées par d’intenses escarmouches, les troupes azerbaïdjanaises s’attaquant aux avant-postes et aux positions de tireurs d’élite arméniens. Le terrain accidenté et la visibilité limitée ont offert une certaine couverture aux forces azerbaïdjanaises, mais ont également ralenti leur progression. Les défenseurs arméniens ont utilisé des armes légères, des mitrailleuses et des mortiers pour tenter d’affaiblir les établissements azerbaïdjanais, puis ils ont lancé des contre-attaques pour déloger les infiltrés. Les unités azerbaïdjanaises ont réagi en utilisant des VASE pour la reconnaissance en temps réel et ont déployé des munitions guidées avec précision pour neutraliser les positions fortifiées.Note de bas de page 54
Les forces azerbaïdjanaises se sont ensuite enfoncées dans Choucha et ont pris pour cible les positions défensives clés de la résistance arménienne. L’un des lieux les plus vivement disputés était le complexe pénitentiaire de Choucha, situé près des falaises du sud-est. Les forces arméniennes avaient fortifié la prison, utilisant ses murs épais et ses points d’observation élevés pour créer une place forte.Note de bas de page 55 L’assaut de la prison a été un autre moment décisif de la bataille urbaine. Les FOS azerbaïdjanaises ont lancé une attaque coordonnée, utilisant des grenades, des mortiers et des missiles antichars pour percer les défenses de la structure.Note de bas de page 56 Un combat rapproché s’est ensuivi lorsque les troupes azerbaïdjanaises ont pris la prison pièce par pièce, se heurtant à la résistance acharnée des défenseurs arméniens. La capture de la prison a permis aux forces azerbaïdjanaises de s’emparer du secteur sud-est de la ville et d’établir une zone d’étape pour le réapprovisionnement logistique et la poursuite de l’avancée dans le centre urbain. Cette victoire a perturbé le commandement et le contrôle arméniens à l’intérieur de Choucha, démoralisant davantage les forces arméniennes.
Lorsque les troupes azerbaïdjanaises ont dépassé la prison, la bataille s’est transformée en combat de maison en maison. Les rues étroites et les bâtiments densément peuplés ont contraint les deux camps à recourir à des tactiques d’infanterie et à des armes portatives. Les forces azerbaïdjanaises ont utilisé des techniques d’« embrassade de l’ennemi », s’engageant à courte distance pour limiter l’efficacité des tirs d’artillerie et de mortier arméniens.
Les défenseurs arméniens ont tenté de retarder l’avancée azerbaïdjanaise en recourant aux nids de tireurs d’élite et aux barricades. Les dispositifs explosifs de circonstance et les pièges ont accru les difficultés rencontrées par les troupes azerbaïdjanaises, qui ont contré ces menaces par des opérations de déblaiement méthodiques.Note de bas de page 57 Les armes antichars portables telles que les RPG-7 se sont avérées essentielles pour neutraliser les positions fortifiées et les véhicules arméniens.
Le 7 novembre, un épais brouillard a recouvert Choucha, clouant temporairement au sol les VASE azerbaïdjanais et réduisant la visibilité des deux côtés. Cette pause dans les opérations aériennes a permis aux forces arméniennes de se regrouper et de lancer des contre-attaques.Note de bas de page 58 Les renforts arméniens comprenaient des chars T-72 et des véhicules de combat d’infanterie BMP-2, et ces contre-attaques visaient à reprendre des positions clés dans le quadrant sud-est de la ville.Note de bas de page 59 L’environnement urbain confiné a amplifié l’efficacité des assauts blindés et a forcé les troupes azerbaïdjanaises à recourir à des armes antichars portables et à des tactiques d’embuscade. Malgré un effort concerté et des conditions météorologiques favorables, les contre-attaques ont échoué en raison d’une mauvaise coordination et d’une résistance azerbaïdjanaise soutenue.
Le 8 novembre, les forces azerbaïdjanaises ont pris le contrôle d’infrastructures clés, dont le bâtiment abritant le pouvoir exécutif de Choucha.Note de bas de page 60 Cette conquête a marqué le début de la phase finale de la bataille, alors que les défenses arméniennes commençaient à faiblir sous la pression constante. La lutte pour le centre-ville a donné lieu à d’intenses opérations de déblaiement, les troupes azerbaïdjanaises neutralisant systématiquement les derniers bastions arméniens. Elles ont utilisé des grenades, des charges de rupture et des armes de combat rapproché pour déloger les défenseurs de leurs positions fortifiées. Les forces de résistance arménienne étaient déterminées, mais devenaient de plus en plus fragmentées et de nombreuses unités battaient en retraite ou se rendaient. Alors que les forces azerbaïdjanaises consolidaient leur contrôle sur Choucha et poursuivaient leurs efforts de réapprovisionnement, les défenseurs arméniens restants ont entamé un retrait désorganisé vers le corridor de Latchin. Cependant, les avancées azerbaïdjanaises le long des routes environnantes ont rendu la fuite de plus en plus difficile, entraînant d’importantes pertes arméniennes et la capture de prisonniers.Note de bas de page 61
Le 9 novembre, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a annoncé la libération complète de Choucha, proclamant la victoire totale dans la ville.Note de bas de page 62 Les autorités arméniennes ont d’abord démenti cette affirmation, mais le lendemain, le premier ministre arménien Nikol Pashinyan a signé un accord de paix dans des conditions défavorables.Note de bas de page 63 L’accord prévoyait la cession de tous les territoires du Haut-Karabakh capturés par les forces azerbaïdjanaises au cours du conflit, y compris Choucha.Note de bas de page 64
La bataille urbaine de Choucha n’était qu’un élément de la dynamique plus large de la guerre du Haut-Karabakh de 2020, mais elle a été décisive. Elle a démontré l’importance du terrain urbain, les défis de la guerre urbaine, la nécessité de s’adapter et le rôle déterminant de la technologie dans les conflits modernes. Les forces azerbaïdjanaises ont fait preuve à la fois d’innovation technologique, de créativité tactique et de leadership pour venir à bout des formidables défenses de Choucha. Pour l’Arménie, la perte de Choucha a été un coup dévastateur, symbolisant l’effondrement de leur campagne et les vulnérabilités de leurs stratégies défensives statiques. La chute de Choucha a contraint l’Arménie à accepter un cessez-le-feu, qui a mis fin à la guerre. Pour l’Azerbaïdjan, il ne s’agissait pas seulement d’une victoire militaire, mais aussi d’une restauration symbolique de la fierté nationale, qui a redessiné le paysage géopolitique du Caucase du Sud.Note de bas de page 65
Leçons retenues de la bataille de Choucha
La bataille de Choucha offre de précieuses leçons aux planificateurs militaires, aux stratèges et aux dirigeants confrontés aux complexités de la guerre urbaine au XXIe siècle. La confluence de technologies de pointe, de terrains difficiles et de combats urbains intenses au cours de la bataille a mis en évidence l’importance de l’adaptabilité, de l’innovation et d’une excellente compréhension de l’environnement opérationnel. Les leçons que l’on peut tirer de la bataille de Choucha ne se limitent pas au Caucase du Sud et ont des retombées plus larges pour la guerre urbaine dans le monde entier.
1. Les centres urbains comme objectifs stratégiques
Les centres urbains tels que Choucha ne sont pas de simples objectifs tactiques, mais ont une immense valeur stratégique, culturelle et symbolique. Pour l’Azerbaïdjan, Choucha représentait la reconquête d’une souveraineté perdue ainsi qu’une renaissance culturelle. Sa position stratégique, qui surplombe Stepanakert et le corridor de Latchin, la rendait indispensable au contrôle du Haut-Karabakh. Pour l’Arménie, la défense de Choucha était existentielle, étant donné son rôle fondamental pour la présence du pays dans la région. Cette dynamique renforce l’importance de donner la priorité aux centres urbains dans la planification militaire. Autrement dit, le contrôle de ces villes peut faire basculer l’équilibre d’un conflit de manière décisive.
2. Mise à profit de la supériorité technologique
L’utilisation intensive des VASE par les forces azerbaïdjanaises au cours de la campagne s’est avérée déterminante. Des VASE comme le Bayraktar TB2 ont fourni des renseignements en temps réel, effectué des frappes de précision et déstabilisé la logistique arménienne. Les munitions rôdeuses Harop ont neutralisé les positions retranchées et compromis l’efficacité des défenses aériennes traditionnelles. Cet avantage technologique a permis à l’Azerbaïdjan de dégrader systématiquement les défenses arméniennes avant d’engager le combat terrestre.
Toutefois, la bataille a également mis en évidence les limites de la technologie. L’épais brouillard du 7 novembre a cloué au sol les VASE azerbaïdjanais, obligeant les troupes à s’adapter sans soutien aérien. Cette situation a souligné la nécessité pour les forces de trouver un équilibre entre la confiance dans la technologie et la maîtrise des tactiques conventionnelles. Les forces armées doivent investir dans les VASE et les capacités d’anti-drones, tout en veillant à la redondance des opérations pour atténuer les vulnérabilités technologiques.
3. Exploitation du terrain et innovation tactique
L’infiltration azerbaïdjanaise à flanc de falaise illustre le potentiel de la pensée innovante pour surmonter des obstacles en apparence infranchissables. Les défenses naturelles de Choucha, y compris ses falaises de 300 mètres de haut, étaient considérées comme insurmontables, ce qui a incité les défenseurs arméniens à se concentrer sur les approches méridionales de la ville. Exploitant cette lacune, les FOS azerbaïdjanaises ont escaladé les falaises sous le couvert de l’obscurité pour lancer des attaques-surprises sur les positions arméniennes.
Cette manœuvre démontre l’importance d’une analyse approfondie du terrain et d’une résolution créative des problèmes dans les opérations militaires. Cet incident souligne également la vulnérabilité des défenses statiques, même dans les zones urbaines. S’appuyer uniquement sur des barrières naturelles ou construites sans tenir compte de la capacité d’adaptation de l’adversaire peut conduire à des résultats catastrophiques. Les commandants doivent constamment réévaluer leurs hypothèses sur le terrain et repérer les possibilités de surprise.
4. Les défis du combat urbain
La guerre urbaine reste l’une des formes de conflit les plus complexes et les plus exigeantes en matière de ressources. La bataille de Choucha a mis en évidence ces défis, avec ses combats de maison en maison, l’utilisation de dispositifs explosifs de circonstance et une infrastructure dense qui a considérablement limité la mobilité. Les forces azerbaïdjanaises ont dû s’adapter rapidement, ce qui a nécessité le recours à des tactiques de petites unités et à des engagements rapprochés pour neutraliser les défenseurs arméniens.
Pour les forces arméniennes, le combat urbain a présenté des défis bien différents. Leur dépendance à l’égard des défenses statiques, leur manque de planification d’urgence et leur mobilité limitée ont rendu difficile la réponse aux avancées azerbaïdjanaises. Comme dans le cas de Choucha, les forces de défense dans les zones urbaines doivent trouver un équilibre entre les fortifications et la capacité de manœuvrer et de s’adapter aux menaces changeantes.
Les combats urbains imposent également une pression psychologique considérable aux soldats. L’environnement claustrophobe, la menace constante d’une embuscade, l’épuisement dû aux combats rapprochés et la proximité de structures civiles exigent une discipline et une résistance extraordinaires. Ces facteurs doivent être intégrés à l’instruction et à la planification opérationnelle.
5. Le leadership comme multiplicateur de force
L’efficacité du leadership a constitué un facteur décisif dans la bataille de Choucha. Les commandants azerbaïdjanais ont fait preuve de souplesse opérationnelle, en intégrant les VASE aux opérations terrestres et en adaptant les tactiques à l’évolution de la bataille. La capacité des commandants, de l’état-major et des forces à s’adapter en permanence a été essentielle pour maintenir l’élan pendant la phase urbaine de la campagne.
Par contraste, les dirigeants arméniens ont dû faire face à des défis considérables. L’absence des commandants, les ruptures de communication et les défaillances logistiques ont sapé les défenses arméniennes.Note de bas de page 66 Les troupes démoralisées et l’absence de prise de décision unifiée ont accéléré l’effondrement de la résistance à Choucha.
Le leadership reste l’un des facteurs les plus déterminants de la réussite en guerre urbaine. Les commandants doivent favoriser l’adaptabilité, maintenir le moral et assurer une communication efficace dans les conditions les plus difficiles.
6. Le rôle de la logistique dans les opérations urbaines
La capacité à soutenir des opérations en milieu urbain dépend fortement d’un solide soutien logistique. Malgré les défis posés par un terrain montagneux et des lignes de ravitaillement contestées, les forces azerbaïdjanaises ont acheminé efficacement des renforts, des munitions et des soins médicaux aux unités de première ligne.Note de bas de page 67 Cette résistance logistique a permis de maintenir le rythme des opérations et de vaincre les défenses arméniennes.
En revanche, les forces arméniennes à Choucha ont été confrontées à de graves difficultés logistiques. Les avancées azerbaïdjanaises ont perturbé les lignes d’approvisionnement, laissant les défenseurs isolés et sous-équipés. Ce manque de soutien logistique a contribué à l’effondrement de la résistance arménienne.
Les leçons de Choucha rejoignent celles de batailles historiques comme les batailles de Stalingrad (1942-1943) et de Mossoul (2016-2017), où la logistique a joué un rôle essentiel dans le maintien des opérations de combat. Les forces armées doivent privilégier la planification logistique et la redondance pour pouvoir résister à des engagements urbains prolongés.
7. Les dimensions symbolique et psychologique
Les dimensions symbolique et psychologique de Choucha ont été tout aussi importantes d’un point de vue stratégique que les dimensions tactique et opérationnelle. Pour l’Azerbaïdjan, la reprise de Choucha a été présentée comme une rédemption nationale, le rétablissement de la souveraineté sur un centre culturel. Ce récit a galvanisé les troupes azerbaïdjanaises et a permis de maintenir le soutien du public à la campagne.Note de bas de page 68 Pour l’Arménie, la perte de Choucha a été dévastatrice tant sur le plan militaire qu’émotionnel. Elle a brisé la perception du Haut-Karabakh comme un bastion imprenable et a sapé le moral des forces arméniennes et des civils.
On ne saurait trop insister sur la dimension psychologique de la guerre urbaine. Le maintien du moral, la gestion des attentes et l’élaboration de récits sont essentiels au succès. Les commandants doivent tenir compte de ces facteurs lors de la planification et de l’exécution des opérations.
Conclusion : réflexions pour les conflits futurs
La bataille de Choucha offre une étude de cas captivante permettant de tirer des leçons qui résonnent bien au-delà du Caucase du Sud. Elle souligne la nature évolutive de la guerre urbaine et les exigences croissantes qu’elle impose aux forces armées. La nature complexe et multiforme de la guerre urbaine est fortement influencée par la confluence de la technologie, du terrain, de l’entraînement, du leadership et de la capacité d’adaptation. Les centres urbains comme Choucha, avec leur importance stratégique, culturelle et symbolique, ne sont plus seulement des objectifs tactiques, mais des centres critiques qui peuvent déterminer la trajectoire et l’issue des conflits. Comme mentionné dans l’article, l’utilisation innovante des VASE et l’exploitation créative du terrain par les forces azerbaïdjanaises, conjuguées à un leadership efficace et à une bonne résistance logistique, ont été cruciales pour surmonter des obstacles redoutables. Parallèlement, la bataille a révélé les inconvénients d’une dépendance excessive à l’égard de la technologie et les défis posés par les défenses statiques. Par ailleurs, la défaite arménienne n’est pas seulement le résultat d’une mauvaise tactique militaire et d’une incapacité à se moderniser ou à s’adapter, mais aussi de l’érosion du moral et du commandement.
Alors que la guerre urbaine continue de façonner les conflits futurs, la compréhension et l’intégration de ces leçons seront cruciales pour réussir dans le futur environnement d’opérations terrestres. Pour les planificateurs et les stratèges militaires du monde entier, Choucha témoigne de la complexité de la guerre moderne et de la nécessité pour les forces d’être flexibles, résilientes et capables de surmonter les dimensions complexes du combat urbain.
À propos de l’auteur
John Spencer est président des études sur la guerre en zone urbaine au Modern War Institute (MWI), co-directeur de l’Urban Warfare Project du MWI et animateur du balado Urban Warfare Project Podcast. Il a été en service actif pendant 25 ans en tant que soldat d’infanterie et a participé à deux déploiements de combat en Irak. Il est l’auteur des livres Connected Soldiers: Life, Leadership, and Social Connections in Modern War et The Mini-Manual for the Urban Defender, et il est co-auteur du livre Understanding Urban Warfare.
Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition d’novembre 2025 du Journal de l’Armée Canadienne (21-2).
