Lettre adressée à l'honorable Stanley Kutcher, sénateur pour se joindre à notre appel à l'action pour mettre un terme aux châtiments corporels à l’égard des enfants au Canada

Le 28 avril 2023

Monsieur Stanley Kutcher, sénateur
Le Sénat du Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4 

Objet : Appel à l’action pour mettre un terme aux châtiments corporels à l’égard des enfants au Canada

Monsieur le Sénateur,

À l’approche de la Journée internationale pour mettre un terme aux châtiments corporels, je vous adresse la présente pour vous faire part de mon appui à l’égard du projet de loi S-251 qui vise à abroger l’article 43 du Code criminel. En tant qu’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, je demeure profondément préoccupé par la violence familiale au Canada et la violence subie par les enfants et les jeunes. Nous devons assurer la protection des enfants.

En 2020, l’ancienne ombud a rédigé une lettre à l’intention de l’honorable David Lametti dans laquelle elle faisait part de la même préoccupation et soulignait que l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation vise lui aussi à abroger cet article du Code criminel

L’éducation des enfants est une responsabilité exigeante. En tant que parents et parents-substituts, nous faisons de notre mieux avec les outils à notre disposition, souvent en puisant dans notre propre expérience en tant qu’enfant pour guider nos décisions. En même temps, puisque le monde qui nous entoure évolue rapidement, nous nous retrouvons dans un processus perpétuel où il faut changer et remodeler notre milieu social. De nos jours, les parents et leurs substituts cherchent à mettre un terme aux attitudes et aux comportements dont ils ont été témoins lorsqu’ils étaient enfants, comme l’inégalité entre les sexes, le racisme et l’ethnocentrisme, l’homophobie et la transphobie, le colonialisme, et autres.

On enseigne aux enfants le sens de « consentement ». Dans les écoles, les programmes de prévention de l’intimidation et de la violence sexuelle véhiculent le message qu’aucun enfant ne devrait être frappé ou recevoir un coup de pied, ou être touché d’une manière qui le met mal à l’aise. On enseigne aux enfants qu’il y a eu un génocide des peuples autochtones et que les châtiments corporels ont été utilisés pour contrôler, blesser et dénigrer les enfants autochtones dans les pensionnats.

À mesure que les enfants en apprennent plus sur leurs droits et leur autonomie corporelle, faire l’expérience de châtiments corporels va à l’encontre des valeurs qu’ils intériorisent. 

La loi reconnaît que les actes de violence physique commis à l’encontre d’un adulte constituent des voies de fait. Cependant, l’article 43 du Code criminel autorise les parents, les parents-substituts et les instituteurs à utiliser une force raisonnable pour corriger un enfant. Il y a près de 20 ans que la Cour suprême a rendu la décision par laquelle elle confirmait l’application de l’article 43.

Cela fait 20 ans que nous ratons les occasions d’intervenir de façon précoce. Notre bureau a entendu partout au pays les cris du cœur des services d’aide sociale à l’enfance selon lequel l’article 43 les empêche d’intervenir ou d’offrir de l’aide aux familles dans les cas présumés de maltraitance envers les enfants. 

Nous disposons de 20 années de recherches sur le développement du cerveau des enfants. La recherche démontre que les châtiments corporels ne favorisent pas les enfants et qu’ils peuvent avoir des répercussions négatives qui perdureront jusqu’à l’âge adulte. Les enfants peuvent éprouver de la douleur, de la colère et de la tristesse, ainsi que subir des changements dans la santé et le fonctionnement de leur cerveau. Les effets à long terme peuvent comprendre des problèmes de santé mentale, une agressivité accrue, la toxicomanie, et des difficultés liées aux relations interpersonnelles et à la réussite scolaire (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2021). 

Les châtiments corporels sont la forme de violence la plus courante subie par les enfants. Les garçons, les jeunes enfants et ceux ayant des handicaps sont plus à risque d’en subir (OMS, 2021). Nous avons aussi découvert qu’il existe une corrélation statistique qui lie les enfants qui subissent des châtiments corporels plus fréquents et graves à une plus grande probabilité de vivre de la violence conjugale à la maison (Girls and Gender - Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children. [Traduction] Filles et genre – une initiative globale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, s.d.).

Dans le monde entier, 65 autres pays se sont officiellement engagés à éliminer les châtiments corporels à l’égard des enfants. Il est temps pour le Canada d’allier les gestes à la parole.

Il faut donner la priorité à la prévention en offrant de l’appui et des ressources aux parents et à leurs substituts afin de promouvoir des mesures de discipline saines. Des programmes axés sur la prévention, comme INSPIRE, le modèle de l’OMS basé sur des données probantes, ne préviennent non seulement la victimisation des enfants, mais aident aussi les femmes, les hommes, les peuples autochtones et les membres des groupes 2SLGBTQ+. 


Je réitère encore une fois mon appui au projet de loi S-251 et à l’abrogation de l’article 43 du Code criminel. Je vous remercie de votre dévouement envers la protection des enfants.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes meilleurs sentiments.

Benjamin Roebuck, docteur en criminologie
Ombudsman des victimes d’actes criminels

 

Références

Girls and Gender - Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children. (n.d.). [Traduction] Filles et genre – une initiative globale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, s.d.).
https://endcorporalpunishment.org/girls-and-gender (en anglais seulement)

Organisation mondiale de la Santé : OMS. (2021). Châtiments corporels et santé.
Organisation mondiale de la Santé : OMS. (2021). Châtiments corporels et santé.

 

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2023-04-28