Allocution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet du projet de loi C-40

Le 7 novembre 2024

Bonjour à tous et merci de m’accueillir aujourd’hui.

Nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg qui prend soin de cette terre depuis des temps immémoriaux. Je suis reconnaissant de la sagesse et de la générosité d'amis et de dirigeants autochtones qui continuent de donner le bon exemple et d'incarner la réconciliation.

Les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis continuent d'être victimes d'erreurs judiciaires enracinées dans la violence coloniale et le patriarcat et sont surreprésentées dans le système de justice pénale. S'attaquer aux erreurs judiciaires est une étape impérative vers la réconciliation pour le gouvernement du Canada et une façon appropriée d'honorer l'héritage de feu l’honorable sénateur Murray Sinclair.

Notre Bureau est indépendant du ministère de la Justice du Canada. Nous aidons les victimes d'actes criminels à résoudre des plaintes auprès d'organismes fédéraux et nous soulevons des problèmes systémiques auprès des décideurs. À titre d'ombudsman fédéral, j'aide le gouvernement à respecter ses obligations en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes, qui est une loi quasi constitutionnelle au Canada.

J'appuie ce projet de loi. Une réforme du processus de révision des condamnations criminelles au Canada est attendue depuis longtemps. Nous savons que les condamnations injustifiées ont des répercussions disproportionnées sur les personnes autochtones, noires, racialisées et les personnes issues de communautés marginalisées. Je pense que le mandat élargi de la Commission, qui consiste à regarder au-delà des cas individuels et à explorer les problèmes systémiques, est un moyen essentiel de faire progresser la justice.

Il est également clair que les condamnations injustifiées constituent une erreur judiciaire aussi pour les victimes d'actes criminels. Les victimes et les survivant.e.s éprouvent des réactions traumatiques complexes qui peuvent inclure :

  • culpabilité ou stigmatisation de leur participation au système de justice
  • des problèmes de sécurité si la personne qui leur a causé du tort reste inconnue
  • une violation de la vie privée par l'État pour ceux qui ont partagé des détails intimes sur leur traumatisme dans les déclarations des victimes
  • la perte de vie privée engendrée par la couverture médiatique
  • le risque de poursuites civiles pour diffamation
  • le sentiment de trahison lorsque des condamnations sont rejetées pour des raisons techniques
  • les TSPT et des souvenirs douloureux si on lui demande de participer à un nouveau procès
  • la perte de revenu due à un arrêt de travail (et)
  • les lacunes dans les services aux victimes, car les survivant.e.s ne sont plus admissibles à une indemnisation pour le counseling. C'est un domaine où le gouvernement fédéral manque constamment à ses obligations envers les survivant.e.s des crimes les plus violents au Canada. La plupart des fonds d'indemnisation provinciaux ne couvrent que des sessions limitées de 1 à 3 ans. Cela signifie que les survivant.e.s qui participent aux audiences de libération conditionnelle ou aux programmes fédéraux des années après une infraction violente n'ont pas toujours accès à de l'aide.

La Commission sera assujettie à la Charte canadienne des droits des victimes . Les juges Laforme et Westmorland-Traoré étaient d'accord avec notre ancien ombud pour dire que les victimes d'actes criminels ont des droits à l'information, à la protection et à la participation qui doivent être respectés, et qu'une commission sur les erreurs judiciaires devrait également se pencher sur les façons dont le système de justice a laissé tomber les victimes.1 Le projet de loi C-40 exige que la Commission établisse des politiques de communication avec les victimes, mais il ne respecte pas les droits à la protection et à la participation.

En vertu de la Charte canadienne des droits des victimes,la Commission sera tenue d'avoir un processus de traitement des plaintes pour les victimes d'actes criminels. Si une victime n'est pas satisfaite de la réponse, elle peut déposer une plainte auprès de notre Bureau, ce qui doit être ajouté au projet de loi. Nous aimerions collaborer avec la Commission dans l'élaboration de ses politiques pour les victimes afin de réduire les obstacles courants et de minimiser les préjudices.

Recommandations

Voici quelques recommandations :

  1. Veiller à ce que la Commission ait le pouvoir législatif de divulguer des renseignements aux victimes.Le projet de loi C-40 pourrait nécessiter une modification de coordination avec l'article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC).
  2. Lorsque la Commission informe un demandeur, elle mène une enquête et informe également la victime. [Paragraphe 696.5 (2)]
  3. Si un demandeur est mis en liberté en attendant une audience, demandez aux victimes si elles ont des préoccupations pour leur sécurité.2Note de bas de page
  4. Avisez les victimes qui ne sont pas inscrites pour recevoir de l'information s'il y a un appel qui pourrait annuler une condamnation.3 La longueur d'une peine peut influencer le choix de s'inscrire. La rétention de nouvelles informations érode encore plus la confiance.
  5. Élargir les pouvoirs conférés au paragraphe 696.84(2) afin d'autoriser la Commission à fournir du soutien aux victimes « sans ressources » ainsi qu'aux demandeurs dans le besoin. Il peut s'agir d'une indemnisation pour des conseils ou d'un conseil juridique indépendant limité.

Les erreurs judiciaires créent une obligation éthique pour l'État de remédier aux préjudices causés aux victimes d'actes criminels et aux personnes condamnées à tort.

 
   

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2024-11-08