Allocution devant le Comité permanent de la condition féminine (FEWO) sur la violence fondée sur le sexe et les féminicides à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre
Mesdames et Messieurs les membres du Comité,
Merci de m'avoir invité. Je vous suis reconnaissant de la façon dont vous avez permis aux survivants de partager leurs expériences. Un tel courage exige une réponse.
Nous sommes sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin Anishinaabe. Alors que nous nous rassemblons pendant les 16 jours d'activisme contre la violence fondée sur le sexe, nous nous souvenons de la violence disproportionnée à laquelle sont confrontées les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones – une crise enracinée dans la violence coloniale et les inégalités systémiques. Le moment est venu d'agir, d'obtenir justice et de se réconcilier.
En tant qu'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, notre Bureau est un mécanisme fédéral de responsabilisation existant pour les survivantes de VFS et les familles de femmes et de personnes de diverses identités de genre dont la vie a pris fin en raison de la haine. Nous offrons un service direct pour résoudre les plaintes concernant les organismes fédéraux liés au système de justice pénale. Nous avons la responsabilité d'aider les décideurs politiques à respecter les obligations du Canada en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV), qui est quasi constitutionnelle, et de comprendre les problèmes systémiques qui affectent négativement les survivant.e.s. J'appuie la proposition du FAEJ de créer un poste de commissaire à la VFS au Canada et je demande de meilleures ressources et une législation pour soutenir notre mandat.Note de bas de page 1
Cette année, nous avons lancé une enquête systémique nationale sur la façon dont les survivant.e.s de violence sexuelle sont traité.e.s dans le système de justice pénale canadien. Nous avons réalisé 80 entrevues avec des survivants, des consultations avec plus de 200 intervenants, et nous sommes sur le point de terminer 40 tables de consultation virtuelles. Il y a deux semaines, nous avons lancé un sondage en ligne pour les survivant.e.s qui a déjà reçu près de 400 réponses. Nous sommes en train d'acquérir une compréhension globale des lacunes systémiques et des pratiques prometteuses.
Ce que nous avons appris jusqu'à présent donne à réfléchir. Aujourd'hui, je me concentrerai sur trois domaines où le leadership fédéral peut susciter le changement.
R. c. Jordan et les retards
L'arrêt R. c. Jordan visait à remédier aux délais déraisonnables a entraîné des conséquences imprévues.
- Nous avons entendu parler d'accusations d'agression sexuelle qui sont traitées comme des voies de fait simples parce que cela peut être plus rapide, avec une plus grande probabilité de condamnation.
- Dans certains cas, même s'ils disposent de preuves suffisantes, la police ou la Couronne retarde le dépôt d’accusation parce qu'ils veulent que tout soit prêt lorsque l'horloge de Jordan commence. Cela augmente les risques pour les survivant.e.s et pour la sécurité publique.
- La décision a encouragé l'utilisation de motions autorisées devant les tribunaux. Nous avons constaté une augmentation du nombre de requêtes contestant les aides au témoignage et demandant les dossiers de thérapie privés des survivantes.
- Et nous avons entendu parler d'accusations graves d'agression sexuelle, y compris contre de jeunes enfants, qui sont suspendues.
- Dans un exemple flagrant, une survivante a été agressée sexuellement par son beau-père pendant 8 ans, tandis que sa mère a toléré ce comportement. Les deux parents ont été inculpés. Sa mère a été condamnée à 42 mois de prison. Toutes les accusations portées contre son beau- père ont été suspendues en raison de la décision Jordan.Note de bas de page 2
L'article 278.1 et l'utilisation des dossiers de thérapie comme une arme
L'article 278.1 du Code criminel a été adopté pour protéger le droit à la vie privée des survivants d'agression sexuelle. En 2022, la Cour suprême a confirmé sa constitutionnalité. Elle a également affirmé que les juges doivent tenir compte de l'intérêt de la société à encourager le signalement des infractions sexuelles et à ce que les survivantes aient accès à un traitement.
En pratique, cette disposition est devenue un outil d'intimidation pour les survivantes et pour miner leur crédibilité. Partout au pays, nous avons entendu dire que les assignations à comparaître pour des dossiers de counseling ont augmenté, que cela crée des délais considérés acceptables, que les juges hésitent à refuser les demandes en cas d'appel et que les survivantes ne se sentent pas en sécurité pour demander de l'aide en santé mentale au moment où elles en ont le plus besoin. Dans notre sondage, jusqu'à présent, 20 % des survivant.e.s ont déclaré vouloir parler à un conseiller, mais avoir l'impression qu'ils ou elles ne pouvaient pas le faire parce que leurs dossiers pouvaient être assignés à comparaître. 10 % ont dit qu'elles n'avaient pas signalé l'incident à la police pour la même raison. C'est la preuve d'un effet dissuasif.
Les survivants ne devraient pas avoir à choisir entre la guérison et la justice.
Le droit à la protection et à l'application de la CCDV
Les survivant.e.s de violence conjugale et d'agression sexuelle continuent de signaler que leur sécurité n'est pas prise en compte par le système de justice pénale. Une personne a dit :
« Je ne veux pas être une autre femme dans un sac mortuaire avec des gens qui se tordent les mains en se demandant comment ça s'est produit. » [Traduction]
Il est temps pour le Canada d'accorder la priorité aux survivant.e.s et à leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne en vertu de l'article 7 de la Charte.
Et il est temps de renforcer la Charte canadienne des droits des victimes avec des droits exécutoires à l'information, à la participation et à la protection.
Merci.
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