Étude du projet de loi s-251 : loi abrogeant l'article 43 du Code criminel
APPEL À L'ACTION NUMÉRO 6 DE LA COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION DU CANADA
Présentée par Benjamin Roebuck,
L’ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels,
au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
Décembre 2024
À PROPOS DU BUREAU DE L'OMBUDSMAN FÉDÉRAL DES VICTIMES D'ACTES CRIMINELS
Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (BOFVAC) est une ressource indépendante pour les victimes au Canada.
Le Bureau a été créé pour aider le gouvernement fédéral à respecter ses engagements envers les victimes d'actes criminels. Les victimes communiquent avec notre Bureau pour en savoir plus sur leurs droits en vertu des lois fédérales, sur les services fédéraux qui leur sont offerts, ou pour déposer une plainte au sujet d'une loi ou d'un organisme fédéral qui interagit avec les victimes.
Nous aidons à résoudre des problèmes lorsque les droits des victimes ne sont pas respectés. Nous collaborons avec des intervenants de partout au pays pour cerner les tendances ou les enjeux émergents qui touchent les victimes d'actes criminels.
Nous formulons également des recommandations à l'intention des organismes fédéraux et veillons à ce que les préoccupations des victimes soient prises en compte dans le processus législatif. Pour plus d'informations, visitez : www.victimesdabord.gc.ca
Si vous avez été victime d’un acte criminel et que vous croyez que vos droits en vertu de la Charte des droits des victimes n'ont pas été respectés, vous pouvez nous contacter :
Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
www.victimesdabord.gc.ca
1-866-481-8429
CONTEXTE
Le projet de loi S-251 a été présenté en juin 2022 par l'honorable sénateur Stanley Kutcher dans le but d'abroger l'article 43 du Code criminel, qui répondrait à l'appel à l'action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR). L'article 43 du Code criminel stipule ce qui suit :
43 Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
En 2004, la Cour suprême du Canada (CSC) dans l'affaire Fondation canadienne pour l'enfance, la jeunesse et le droit c. Canada (Procureur général) [1] a restreint l'application de cet article et a statué que :
- les parents ne peuvent utiliser qu'une force corrective mineure,
- les enseignants ne peuvent jamais utiliser la force pour infliger un châtiment corporel, mais peuvent utiliser une force raisonnable dans certaines circonstances, par exemple pour retirer un enfant d'une salle de classe,
- les châtiments corporels ne peuvent pas être utilisés lorsqu’en colère ou infligés avec des objets, et ils ne peuvent pas être dégradants, inhumains ou nuisibles,
- ne peuvent jamais être utilisés sur des enfants de moins de deux ans ou de plus de douze ans, et
- ne peuvent pas être utilisés sur un enfant incapable d'apprendre.
De nombreuses formes de châtiments corporels [2] sont illégales au Canada et doivent être distinguées des comportements abusifs [3] qui ne sont pas protégés par le Code. À l'échelle mondiale, environ 60 % des enfants âgés de 2 à 14 ans subissent des châtiments corporels (Organisation mondiale de la santé, 2021). Des organisations du monde entier, y compris les Nations Unies (ONU), plaident depuis de nombreuses années pour mettre fin aux châtiments corporels, car il a été constaté qu'ils ont des effets néfastes durables sur les enfants. En réponse, de nombreux États ont pris des mesures : 67 États de l'ONU interdisant totalement le recours aux châtiments corporels et 26 États se sont engagés à réformer la loi (End Corporal Punishments, s.d.). Dans un sondage canadien mené en 2023, trois participants sur quatre ont révélé avoir fait l'objet de mesures disciplinaires physiques dans leur jeunesse, et plus de la moitié croyaient qu'il était temps d'abroger l'article 43 du Code criminel (Canseco, 2023).
En 2004, le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO) a publié sa Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, qui examinait les effets néfastes des châtiments corporels sur le développement (Durrant et coll., 2004). Depuis sa mise à jour, plus de 700 organisations et personnes canadiennes reconnues ont appuyé la déclaration, y compris le BOFVAC, démontrant ainsi un fort appui à l'abrogation de l'article 43. Depuis 1989, 17 projets de loi ont été présentés à la Chambre des communes et au Sénat dans le même but. Il ne s’agit pas d’un nouvel enjeu.
POSITION
À titre d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, je demeure profondément préoccupé par la violence subie par les enfants et les jeunes. Le Gouvernement doit assurer la protection des enfants. Depuis 2020, le BOFVAC réclame l'abrogation de l'article 43. L'ancienne ombudsman a écrit une lettre à l'ancien ministre de la Justice (annexe A) pour lui faire part de la même préoccupation. En 2023, j'ai renforcé ce message en envoyant une lettre d'appui au sénateur Kutcher, parrain du projet de loi S-251 (annexe B).
Nos lettres d'appui soulignaient une fois de plus que le Canada doit honorer son engagement envers les peuples autochtones en répondant aux 94 appels à l'action de la CVR. Huit ans se sont écoulés depuis la publication du rapport final, mais 81 appels restent sans réponse (Jewell & Mosby, 2023). Le projet de loi S-251 répondrait à l'appel à l'action #6 et son adoption nous rapprocherait de la réconciliation. Le Canada doit également respecter son engagement à atteindre les objectifs de développement durable de 2016 des Nations Unies, y compris l'objectif 16.2, qui vise à mettre fin aux mauvais traitements et aux autres formes de violence à l'égard des enfants, et l'objectif 5.2 visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles d'ici 2030. Tous les Canadiens bénéficieront de l'abrogation de l'article 43 du Code criminel.
Notre intention n'est pas d'interférer avec l'autonomie parentale ou de criminaliser les familles, mais d'offrir une meilleure protection aux enfants qui sont victimes de violence.
CONSIDÉRATIONS
À mesure que les valeurs sociétales du Canada ont évolué, le débat sur les droits des enfants est devenu de plus en plus pertinent. La perspective centrée sur l'adulte selon laquelle les enfants ne sont que des extensions de l'autorité parentale est progressivement remise en question, comme en témoignent les changements juridiques et sociétaux, et est particulièrement pertinente dans le contexte des châtiments corporels.
Les droits de l'enfant et les méfaits potentiels des châtiments corporels
Les dommages potentiels infligés par les châtiments corporels vont au-delà des effets physiques immédiats, affectant le développement psychologique et cognitif des enfants. Cela contredit les principes fondamentaux des droits de l'enfant, tels qu'ils sont reconnus par diverses conventions internationales, y compris la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Dans la décision de 2004 de la Fondation canadienne, les juges Deschamps, Binnie et Arbour ont souligné dans leur opinion dissidente que l'article 43 du Code criminel laisse entendre que les enfants sont moins dignes de protection et qu'il s'agit d'une violation de leurs droits à l'égalité en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Près de deux décennies plus tard, la loi n'a pas changé. En autorisant la force corrective, nous sapons le concept crucial du consentement, qui est de plus en plus mis en avant dans les milieux éducatifs. Dans les écoles, les programmes de lutte contre l'intimidation et la prévention de la violence sexuelle transmettent le message qu'aucun enfant ne devrait être frappé, recevoir de coups de pied ou être touché d'une manière qui le met mal à l'aise. Au fur et à mesure que les enfants en apprennent davantage sur leurs droits et leur autonomie corporelle, les expériences de discipline physique violent les valeurs que les enfants intériorisent. Nous envoyons des messages contradictoires aux enfants si nous autorisons les châtiments corporels. De plus, en vertu de la loi, nous reconnaissons qu'à l'exception de certaines circonstances particulières comme dans le sport, les adultes ne peuvent pas consentir à la violence physique. Il s’agit d’une agression. Cependant, l'article 43 du Code criminel permet aux parents, aux fournisseurs de soins et aux enseignants d'utiliser une force raisonnable contre un enfant pour le corriger.
Des recherches menées par des chercheurs bien connus dans le domaine ont révélé que les châtiments corporels peuvent avoir des impacts psychologiques à long terme (Durrant et Ensom, 2012). Des études récentes ont montré que même une punition qui ne laisse pas de marque physique, comme la fessée, peut nuire considérablement au développement du cerveau d'un enfant. L'acte peut exposer ou menacer un enfant, ce qui peut avoir des impacts similaires sur le cerveau que la maltraitance grave (Cuartas et coll., 2021).
Les enfants peuvent également éprouver des effets indésirables, notamment une agressivité accrue, des problèmes de santé mentale et une diminution des capacités cognitives (Heilmann et coll., 2021 ; Gershoff et Grogan-Kaylor, 2016, cités dans Durrant et Kutcher, 2023). Si un parent a recours à des châtiments corporels, mais que l'enfant ne réagit pas ou ne change pas son comportement, le parent peut augmenter la sévérité de la punition, ce qui pourrait entraîner de la violence physique (Durrant et coll., 2017, cité dans Durrant et Kutcher, 2023). Des études ont prouvé que les châtiments corporels ne corrigent pas efficacement le comportement d'un enfant, ce qui remet en question les avantages qu'ils espéraient (Heilmann et al., 2021).
Outil d'évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant (ERDE)
Le ministère de la Justice du Canada a récemment publié l’outil d'évaluation des répercussions sur les droits des enfants (ERDE), conçu pour évaluer les répercussions des décisions législatives sur les enfants (Gouvernement du Canada, 2023b). La Convention relative aux droits de l'enfant (CDE) des Nations Unies est essentielle dans le développement de cet outil, puisque 196 pays l'ont ratifiée.
L'outil ERDE peut être utilisé pour évaluer le projet de loi S-251, car son application garantirait que les objectifs s'harmonisent avec la protection des droits et du bien-être des enfants. La partie 1 de l'outil consiste en un examen initial de la mesure législative ou du programme proposé afin de réduire au minimum les effets négatifs sur les enfants et de maximiser les effets positifs. Il s'agit de déterminer l'objectif de l'initiative, d'évaluer les répercussions sur les enfants, de déterminer ses effets sur différents groupes d'enfants et d'évaluer si elle réduirait les inégalités (Gouvernement du Canada, 2023b). En ce qui concerne le projet de loi S-251, il est évident que l'objectif du projet de loi est de protéger les enfants contre les préjudices uniques dont s'occupe cet article du Code criminel qui s'applique principalement aux enfants.
La partie 2 de l’ERDE comprend une analyse approfondie fondée sur les dispositions de la CDE et tenant compte de la recherche et de la mobilisation des intervenants. La dernière étape consiste à peser les effets positifs et négatifs et à tirer une conclusion (Gouvernement du Canada, 2023b).
L’ERDE est un outil essentiel pour garantir que les droits et le bien-être des enfants, un groupe vulnérable, sont prioritaires.
Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Dans l'application du cadre de l'ACS+, certains groupes d'enfants sont touchés de manière disproportionnée par les châtiments corporels. Par exemple, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) affirme qu'il n'y a pas beaucoup de différences dans les expériences de châtiment corporel entre le sexe ou l'âge, mais que les garçons, les enfants plus jeunes et les enfants handicapés ont tendance à être plus à risque (Organisation mondiale de la santé, 2021). En 2022, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a signalé que les enfants handicapés sont 32 % plus susceptibles de subir des mesures disciplinaires sévères que les enfants non handicapés (UNICEF, 2022). De plus, les châtiments corporels coexistent souvent avec la violence conjugale ou violence entre partenaires intimes (VPI). Les enfants qui sont témoins ou victimes de violence liée à la violence conjugale sont plus susceptibles d'être victimisés ou de commettre de la violence conjugale à l'âge adulte (End Corporal Punishment, 2021).
Religion
« Épargnez la verge et gâtez l'enfant » est une citation de la poésie du XVIIe siècle de Samuel Butler qui est souvent attribuée à tort aux écritures judéo-chrétiennes, et utilisée par certains pour justifier la punition physique d'un enfant (Michaelson & Ensom, 2022). Certains parents ont été élevés dans l'idée que la discipline physique était un devoir parental vertueux pour s'assurer que leurs enfants se comportent bien et ne sont pas gâtés. Des chercheurs comme Valerie Michaelson et Ron Ensom soutiennent que les chefs religieux doivent faire partie du changement de narratif pour remettre en question les normes sociales profondément ancrées dans la société canadienne (Michaelson et Ensom, 2022). Les récits émergents sur les textes religieux mettent l'accent sur le contexte de la verge du berger utilisée pour guider et diriger, mais pas pour frapper les brebis.
Enfants autochtones – Appels à l'action
L'héritage des pensionnats indiens au Canada, où les châtiments corporels étaient fréquents, souligne le besoin urgent de mesures de réconciliation qui respectent et protègent les droits des enfants autochtones. De nombreux enfants autochtones ont subi des châtiments corporels de la part des chefs d'établissement, ils ont été battus, ont reçu des coups de lanière de cuir, des coups de poing, menant souvent à de blessures graves (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). Le projet de loi S-251 répond à l'appel à l'action numéro 6 de la CVR, et l'honorable Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation, a plaidé en faveur de l'abrogation de l'article 43 du Code, soulignant l'importance que cela pourrait avoir pour les communautés autochtones.
L'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) a souligné les méfaits des pensionnats et les répercussions des châtiments corporels utilisés pour assimiler les enfants autochtones (Association des femmes autochtones du Canada, 2023). L'AFAC a expliqué que de nombreux parents autochtones s'opposent à l'utilisation des châtiments corporels et que les taux disproportionnés d'enfants autochtones victimes de violence peuvent souvent entraîner des schémas de violence tout au long de leur vie.
Pour vraiment démontrer notre engagement envers la réconciliation en tant que société, nous devons écouter les peuples autochtones et trouver une façon de mettre en œuvre tous les appels à l'action, y compris le numéro 6.
Éducation et soutien aux familles
Les critiques du projet de loi S-251 et de l'abrogation de l'article 43 du Code criminel craignent que les parents n'aillent en prison pour avoir eu recours à des châtiments corporels et que les enfants soient retirés de leur foyer. Ce n'est pas l'objet du projet de loi. Par conséquent, le gouvernement doit envoyer un message fort pour encourager le recours aux services d'éducation et de soutien afin d'informer les parents sur les moyens alternatifs et efficaces de discipliner les enfants.
À l'heure actuelle, le gouvernement du Canada fournit des ressources éducatives aux parents, y compris des publications sur les compétences parentales positives au lieu d'avoir recours aux châtiments corporels sur les enfants (gouvernement du Canada, 2023a). Des programmes d'éducation parentale tels que Y'a personne de parfait et une brochure en ligne intitulée Pourquoi faut-il éviter de donner la fessée? ont tous deux été soutenus par les efforts du gouvernement pour décourager le recours à la discipline physique. Il y a toutefois des limites à ces programmes. Par exemple, les programmes d'éducation parentale pour les enfants de 0 à 5 ans sont dirigés par un animateur, ce qui pourrait limiter l'accessibilité en termes de langue et de lieu.
Il est donc essentiel de fournir du matériel éducatif et des services de soutien culturellement pertinents et accessibles dans plusieurs langues. Ces ressources devraient offrir des solutions de rechange pratiques et adaptées à la culture qui aideront les familles à adopter des méthodes disciplinaires plus constructives. Ces méthodes doivent également être évaluées constamment pour s'assurer qu'elles demeurent pertinentes pour la société canadienne en évolution. Pour ce faire, le gouvernement doit collaborer avec les organisations non gouvernementales, les défenseurs, les parents, les enseignants et ceux qui ont les intérêts et le bien-être des enfants à cœur.
RECOMMANDATIONS
- Adopter le projet de loi S-251 pour protéger les enfants. L'article 43 du Code criminel devrait être abrogé, comme l'a demandé la Commission de vérité et réconciliation. Cela enverra un message fort aux gens qui vivent au Canada sur ce qui n'est pas une façon acceptable de discipliner les enfants.
- Fournir une éducation et des soutiens adaptés à la culture et accessibles. Il est essentiel qu'avec l'abrogation de l'article 43 du Code criminel, l'éducation et le soutien soient fournis parallèlement à cette abrogation. Il est essentiel d'offrir aux parents, aux enseignants et aux gardiens les ressources nécessaires pour apprendre et adopter de nouvelles stratégies de garde. Ces ressources doivent être culturellement pertinentes et accessibles, tout en tenant compte de la diversité de la population canadienne.
CONCLUSION
L'abrogation de l'article 43 constitue une étape cruciale dans le cheminement du Canada pour s'assurer que les droits des enfants sont défendus et respectés. Cette mesure, lorsqu'elle est mise en œuvre conjointement avec des stratégies globales d'éducation et de soutien, contribuera de manière significative à la promotion d'une société plus juste et plus empathique. La collaboration avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales, les défenseurs des droits, les parents, les enseignants et les personnes qui ont à cœur les intérêts des enfants est essentielle pour s'attaquer à ce problème crucial.
Références
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Fondation canadienne pour l'enfance, la jeunesse et le droit c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4.
Canseco, M. (2023). Views on Physically Disciplining Children Shifting in Canada . Research Company. (en anglais seulement). https://researchco.ca/2023/02/17/section43-canada/
Cuartas, J., Weissman, D. G., Sheridan, M. A., Lengua, L. et McLaughlin, K. A. (2021). Corporal Punishment and Elevated Neural Response to Threat in Children. Child Development, 92(3), 821-832. (en anglais seulement). https://doi.org/10.1111/cdev.13565
Durrant, J. et Ensom, R. (2012). Physical punishment of children: lessons from 20 years of research. Canadian Medical Association Journal, 184(12), 1373-1377. (en anglais seulement). https://doi.org/10.1503/cmaj.101314
Durrant, J. E., Ensom, R., et Coalition sur les châtiments corporels des enfants et des jeunes. (2004). Déclaration conjointe sur les châtiments corporels infligés aux enfants et aux jeunes . Ottawa : Coalition sur les châtiments corporels infligés aux enfants et aux jeunes http://www.js-advocacy.ca/pdf/joint_statement_f.pdf
Durrant, J. et Kutcher, S. (2023). Legal spanking of children has to stop. Options politiques. (en anglais seulement). https://policyoptions.irpp.org/magazines/july-2023/spanking-children-criminal-code/
End corporal punishment. (2021). Les châtiments corporels des enfants : examen de la recherche sur leurs impacts et leurs associations. (en anglais seulement).https://endcorporalpunishment.org/wp-content/uploads/2021/09/Research-effects-full-working-paper-2021.pdf
Mettre fin aux châtiments corporels. (s.d.). Progrès. https://endcorporalpunishment.org/fr/
Gouvernement du Canada. (2021). Droit criminel et contrôle du comportement d’un enfant . https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/cce-mcb/index.html
Gouvernement du Canada. (2023a). Éducation. https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1524495412051/1557511602225
Gouvernement du Canada. (2023b). Aperçu de l’outil d’évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant (ERDE) et du cours en ligne . https://www.justice.gc.ca/fra/sjc-csj/erde-cria/index.html
Heilmann, A., Mehay, A., Watt, R. G., Kelly, Y., Durrant, J. E., Turnhout, J. V. et Gershoff, E. T. (2021). Physical punishment and child outcomes: a narrative review of prospective studies. The Lancet, 398(10297), 355-364. (en anglais seulement). https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00582-1
Jewell, E. et Mosby, I. (2023). Calls to Action Accountability: A 2023 Status Update on Reconciliation. Yellowhead Institut. (en anglais seulement. https://yellowheadinstitute.org/wp-content/uploads/2023/12/YI-TRC-C2A-2023-Special-Report-compressed.pdf
Michaelson, V. et Ensom, R. (2022). Ending the Social Normalization of Violence against Children in Canada: A Framework, Rationale, and Appeal to Canadian Faith Leaders. International journal of environmental research and Health science, 19 (24). (en anglais seulement). https://doi.org/10.3390/ijerph192417016
Association des femmes autochtones du Canada. (2023). Mémoire sur le projet de loi S-251, Loi abrogeant l'article 43 du Code criminel (appel à l'action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada). https://sencanada.ca/Content/Sen/Committee/441/LCJC/briefs/LCJC_S-251_Brief_NWAC_f.pdf
Association ontarienne des sociétés de l'aide à l'enfance. (s.d.). Qu'est-ce que la maltraitance des enfants? https://www.oacas.org/fr/sae-et-protection-de-lenfance/en-quoi-consistent-les-mauvais-traitements/
Commission de vérité et réconciliation du Canada. (2015). Les survivants s'expriment : Rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. https://publications.gc.ca/collections/collection_2015/trc/IR4-5-2015-fra.pdf
UNICEF. (2022). Seen, Counted, Included: Using data to shed light on the well-being of children with disabilities. (en anglais seulement). https://data.unicef.org/resources/children-with-disabilities-report-2021/
Organisation mondiale de la santé : OMS. (2021). Châtiments corporels et santé. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/corporal-punishment-and-health
Annexe A
Lettre adressée au ministre Lametti au sujet de l'abrogation de l'article 43 du Code criminel du Canada, 18 août 2020
Le 18 août 2020
PAR COURRIEL
L’honorable David Lametti, C.P., c.r.
Ministre de la Justice et procureur général du Canada
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Monsieur le Ministre,
Objet : Recommandation – Abrogation de l’article 43 du Code criminel du Canada
Je vous adresse la présente pour vous faire part de mes inquiétudes concernant l’article 43 du Code criminel. Je pense qu’il s’agit d’une occasion essentielle pour le gouvernement du Canada de répondre à la Commission de vérité et de réconciliation, et d’abroger l’article 43, qui est la recommandation numéro six des appels à l’action. L’abrogation est une étape essentielle à franchir pour atténuer sensiblement la forme de violence la plus courante subie par les enfants : le châtiment corporel.
Malgré les modifications apportées par la Cour suprême du Canada en 2004, la loi, dans son état actuel, autorise toujours un adulte à frapper un enfant. Il s’agit manifestement d’une discrimination et rien de moins qu’une autorisation d’intimider quelqu’un qui est plus petit, plus faible et plus vulnérable que soi.
Je recommande l’abrogation de l’article 43, une disposition désuète du Code criminel, qui a été adopté en 1892 . L’article 43 est libellé ainsi :
DISCIPLINE DES ENFANTS
- 43. Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. S.R., ch. C-34, art. 43.
L’article 43 est l’expression d’une société qui ne ressemble en rien à celle que nous connaissons aujourd’hui. Bien que les jeunes qui n’ont pas encore atteint leur pleine maturité aient besoin du soutien, de la protection et des conseils des adultes jusqu’à ce qu’ils atteignent eux‑mêmes l’âge adulte, l’autorité exercée ne devrait pas inclure le châtiment corporel.
La formulation de cette disposition du Code criminel comporte le terme « raisonnable ». Il s’agit d’un terme subjectif qui prête à interprétation. L’interdiction d’infliger des châtiments corporels aux enfants éliminerait toute ambiguïté ou toute confusion quant au type de discipline corporelle qui est autorisé et constituerait un message clair selon lequel les mauvais traitements infligés aux enfants ne seront pas tolérés au Canada.
Comme vous le savez, des organisations tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, y compris les Nations Unies, militent depuis de nombreuses années pour que le gouvernement du Canada abroge l’article 43 et, pour ce faire, 17 projets de loi d’initiative parlementaire ont été présentés à la Chambre des communes et au Sénat, mais ils ont tous été rejetés. À ce jour, 59 autres pays ont légalement interdit les châtiments corporels exercés sur les enfants dans tous les milieux (foyers, écoles, et autres lieux d’hébergement). Le Canada fera bientôt l’objet d’un autre examen officiel par le Comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant concernant le respect des obligations liées à la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Il est admis que le fait de frapper un enfant constitue en effet une violation de ses droits. Toutefois, l’argument le plus convaincant contre le châtiment corporel infligé aux enfants est le traumatisme physique, mental et émotionnel à long terme qu’il peut entraîner.
Il est bien établi dans les ouvrages scientifiques que les traumatismes subis dans la petite enfance peuvent avoir des conséquences permanentes pour les victimes. De nombreuses personnes dans notre société souffrent de problèmes de santé mentale dont certains découlent de traumatismes subis pendant l’enfance. Même si l’enfant ne subit aucune blessure physique, son développement affectif et cognitif peut être durement touché, en particulier si l’acte de châtiment corporel est répété. Les traumatismes subis dans la petite enfance peuvent également constituer une entrave aux résultats sociaux positifs, tels que la réussite scolaire, un emploi gratifiant et des relations interpersonnelles satisfaisantes. La toxicomanie peut aussi être une autre conséquence.
Pire encore est le phénomène des cycles de violence intergénérationnels, où la violence engendre la violence. Un trop grand nombre de Canadiens, en particulier de nombreux Autochtones, vivent avec les conséquences d’un traumatisme intergénérationnel.
Je pense que le gouvernement devrait fournir des conseils aux adultes non gardiens, comme les enseignants, sur la manière de traiter les enfants qui ont des problèmes de comportement dus à leur caractère ou à un état comme l’autisme. Bien qu’il soit manifestement interdit de frapper un enfant, les enseignants peuvent se trouver dans une situation où ils doivent contenir des enfants qui risquent de porter atteinte aux autres ou à eux‑mêmes. Je recommande l’élaboration de normes et de lignes directrices nationales pour les enseignants et les autres adultes non gardiens par le ministère de la Justice Canada, en consultation avec les procureurs généraux des provinces et des territoires, le ministre de la Santé et le ministre de l’Éducation.
Je reste à votre disposition pour discuter de cette question avec vous à votre convenance.
Dans l’attente de la suite que vous voudrez bien réserver à la présente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels
Réponse
Le 23 mars 2021
PAR COURRIEL
Madame,
Je vous remercie de votre correspondance du 18 août 2020 concernant l'article 43 du Code criminel. Je regrette de n’avoir pu vous répondre plus tôt.
La question de savoir si l'article 43 devrait être abrogé soulève des opinions divergentes et bien arrêtées à travers le Canada. Ainsi, j'apprécie le temps que vous avez pris pour me faire part de votre point de vue sur cet enjeu.
Comme vous le savez sans doute, les voies de fait sont définies au sens large dans le droit pénal canadien de façon à comprendre tout emploi non consensuel de la force contre autrui. Cette définition s’étend également aux attouchements non consensuels qui n’entraînent ni lésions ni marques physiques. Toutefois, l’article 43 du Code criminel offre une défense restreinte contre la responsabilité criminelle dont peuvent se prévaloir les parents, les personnes qui les remplacent ou les enseignants dans les cas d’utilisation non consensuelle d'une force raisonnable contre un enfant. Le site Web du ministère de la Justice du Canada fournit des renseignements au public au sujet du droit pénal et de la gestion du comportement des enfants.
Depuis 1987, le gouvernement du Canada appuie des programmes d'éducation parentale, tels que celui intitulé Y'a personne de parfait . De plus, il élabore des publications qui dissuadent le recours à la discipline physique. Par exemple, la brochure en ligne intitulée Pourquoi faut-il éviter de donner la fessée? fournit aux parents et aux proches aidants des conseils utiles sur les formes efficaces de discipline des enfants en mettant l'accent sur des compétences parentales positives.
En 2004, la Cour suprême du Canada (CSC) a jugé que l'article 43 était conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Elle a également établi des lignes directrices restreignant considérablement l'application de cette défense à une force corrective raisonnable de nature transitoire et insignifiante. En outre, la décision de la CSC prévoit que les enseignants ne peuvent en aucun cas employer la force pour infliger une punition physique. Cependant, ils peuvent être autorisés à utiliser une force raisonnable à l'égard d'un enfant lorsque les circonstances s’y prêtent, par exemple, pour le faire sortir de la classe.
Enfin, comme vous le mentionnez, les cinquième et sixième examens que mène le Canada en vue de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sont en cours. Soyez assurée que le gouvernement prend au sérieux la mise en œuvre de ses engagements internationaux en matière de droits de la personne et qu'il continue de travailler en collaboration avec les provinces et les territoires pour promouvoir et protéger les droits des enfants.
Je vous remercie encore une fois d’avoir pris le temps de m’écrire et vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
L’honorable David Lametti, c.p., député
(il/lui)
Annexe B
Lettre adressée à l'honorable Stanley Kutcher, sénateur, pour qu'il se joigne à notre appel à l'action sur les châtiments corporels infligés aux enfants au Canada, le 28 avril 2023
Le 28 avril 2023
Monsieur Stanley Kutcher, sénateur
Le Sénat du Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0A4
Objet : Appel à l’action pour mettre un terme aux châtiments corporels à l’égard des enfants au Canada
Monsieur le Sénateur,
À l’approche de la Journée internationale pour mettre un terme aux châtiments corporels, je vous adresse la présente pour vous faire part de mon appui à l’égard du projet de loi S-251 qui vise à abroger l’article 43 du Code criminel. En tant qu’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, je demeure profondément préoccupé par la violence familiale au Canada et la violence subie par les enfants et les jeunes. Nous devons assurer la protection des enfants.
En 2020, l’ancienne ombud a rédigé une lettre à l’intention de l’honorable David Lametti dans laquelle elle faisait part de la même préoccupation et soulignait que l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation vise lui aussi à abroger cet article du Code criminel.
L’éducation des enfants est une responsabilité exigeante. En tant que parents et parents substituts, nous faisons de notre mieux avec les outils à notre disposition, souvent en puisant dans notre propre expérience en tant qu’enfant pour guider nos décisions. En même temps, puisque le monde qui nous entoure évolue rapidement, nous nous retrouvons dans un processus perpétuel où il faut changer et remodeler notre milieu social. De nos jours, les parents et leurs substituts cherchent à mettre un terme aux attitudes et aux comportements dont ils ont été témoins lorsqu’ils étaient enfants, comme l’inégalité entre les sexes, le racisme et l’ethnocentrisme, l’homophobie et la transphobie, le colonialisme, et autres.
On enseigne aux enfants le sens de « consentement ». Dans les écoles, les programmes de prévention de l’intimidation et de la violence sexuelle véhiculent le message qu’aucun enfant ne devrait être frappé ou recevoir un coup de pied, ou être touché d’une manière qui le met mal à l’aise. On enseigne aux enfants qu’il y a eu un génocide des peuples autochtones et que les châtiments corporels ont été utilisés pour contrôler, blesser et dénigrer les enfants autochtones dans les pensionnats.
À mesure que les enfants en apprennent plus sur leurs droits et leur autonomie corporelle, faire l’expérience de châtiments corporels va à l’encontre des valeurs qu’ils intériorisent.
La loi reconnaît que les actes de violence physique commis à l’encontre d’un adulte constituent des voies de fait. Cependant, l’article 43 du Code criminel autorise les parents, les parents substituts et les instituteurs à utiliser une force raisonnable pour corriger un enfant. Il y a près de 20 ans que la Cour suprême a rendu la décision par laquelle elle confirmait l’application de l’article 43.
Cela fait 20 ans que nous ratons les occasions d’intervenir de façon précoce. Notre bureau a entendu partout au pays les cris du cœur des services d’aide sociale à l’enfance selon lequel l’article 43 les empêche d’intervenir ou d’offrir de l’aide aux familles dans les cas présumés de maltraitance envers les enfants.
Nous disposons de 20 années de recherches sur le développement du cerveau des enfants. La recherche démontre que les châtiments corporels ne favorisent pas les enfants et qu’ils peuvent avoir des répercussions négatives qui perdureront jusqu’à l’âge adulte. Les enfants peuvent éprouver de la douleur, de la colère et de la tristesse, ainsi que subir des changements dans la santé et le fonctionnement de leur cerveau. Les effets à long terme peuvent comprendre des problèmes de santé mentale, une agressivité accrue, la toxicomanie, et des difficultés liées aux relations interpersonnelles et à la réussite scolaire (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2021).
Les châtiments corporels sont la forme de violence la plus courante subie par les enfants. Les garçons, les jeunes enfants et ceux ayant des handicaps sont plus à risque d’en subir (OMS, 2021). Nous avons aussi découvert qu’il existe une corrélation statistique qui lie les enfants qui subissent des châtiments corporels plus fréquents et graves à une plus grande probabilité de vivre de la violence conjugale à la maison ( Girls and Gender - Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children. [Traduction] Filles et genre – une initiative globale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, s.d.).
Dans le monde entier, 65 autres pays se sont officiellement engagés à éliminer les châtiments corporels à l’égard des enfants. Il est temps pour le Canada d’allier les gestes à la parole.
· Nous devons honorer notre engagement envers les peuples autochtones en réalisant l’appel à l’action no 6 de la Commission de vérité et réconciliation.
· Nous devons honorer notre engagement d’atteindre nos Objectifs de développement durable, y compris l’Objectif 16.2 qui vise à mettre un terme à la maltraitance et autres formes de violence dont sont victimes les enfants et l’Objectif 5.2 qui vise à éliminer la violence faite aux femmes et aux filles d’ici 2030.
Il faut donner la priorité à la prévention en offrant de l’appui et des ressources aux parents et à leurs substituts afin de promouvoir des mesures de discipline saines. Des programmes axés sur la prévention, comme INSPIRE , le modèle de l’OMS basé sur des données probantes, ne préviennent non seulement la victimisation des enfants, mais aident aussi les femmes, les hommes, les peuples autochtones et les membres des groupes 2SLGBTQ+.
Je réitère encore une fois mon appui au projet de loi S-251 et à l’abrogation de l’article 43 du Code criminel. Je vous remercie de votre dévouement envers la protection des enfants.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes meilleurs sentiments.
Benjamin Roebuck, docteur en criminologie
Ombudsman des victimes d’actes criminels
Références
Girls and Gender - Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children. (n.d.). [Traduction] Filles et genre – une initiative globale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, s.d.).
https://endcorporalpunishment.org/girls-and-gender (en anglais seulement)
Organisation mondiale de la Santé : OMS. (2021). Châtiments corporels et santé.
Organisation mondiale de la Santé : OMS. (2021). Châtiments corporels et santé.