MÉMOIRE PRÉSENTÉ À L’HONORABLE JUGE LESAGE

Le 2 août 2011


Présenté par le Comité des griefs des Forces canadiennes

PRÉFACE

Créé il y a 13 ans à la suite des modifications apportées (projet de loi C-25) à la Loi sur la Défense nationale (L.R.C. 1985, ch. N-5; ci-après la LDN), le Comité des griefs des Forces canadiennes (le Comité) est un organisme fédéral qui exerce des fonctions quasi-judiciaires et qui est indépendant du ministère de la Défense nationale (MDN) et des Forces canadiennes (FC). Il examine les griefs militaires qui lui sont référés et formule des conclusions et des recommandations impartiales au chef d’état-major de la Défense (CEMD) et aux plaignants.

Depuis qu’il a débuté ses activités en juin 2000, le Comité est devenu un centre d’excellence dans le traitement de griefs militaires et a développé, au cours des années, une expertise exhaustive concernant une multitude de sujets liés à l’administration des affaires des FC. Le Comité a également acquis un ensemble impressionnant de connaissances après avoir examiné de nombreux griefs et est capable d’identifier les tendances et les questions de nature systémique à renvoyer à la haute direction des FC.

L’examen indépendant des dispositions de la LDN qui touchent au processus de règlement des griefs constitue pour le Comité une occasion de partager son expérience et ses connaissances, tout en assumant son rôle de supervision à titre de tribunal administratif indépendant et quasi-judiciaire. Dans le présent mémoire, le Comité soumet ses commentaires et ses recommandations concernant cette fonction d’examen, afin de favoriser l’interprétation et la clarification de certains aspects pratiques et juridiques de son rôle et de son mandat. Nous présentons également certaines observations sur l’ensemble du processus de traitement des griefs des FC.

I. Contexte

Le Comité a été créé à la suite de recommandations de nombreux groupes d’enquête et d’étude, lesquels se sont penchés principalement sur les questions liées à la justice militaire au sein des FC. Le Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d’enquête de la Police militaire, présidé par le très honorable Brian Dickson, a présenté son rapport le 14 mars 1997 à l’honorable Douglas Young, alors ministre de la Défense nationale qui, à son tour, a fourni au premier ministre un rapport sur le leadership et la gestion au sein des FC le 27 mars 1997. Dans ce rapport, entre autres, la nécessité d’apporter des modifications au système de traitement des griefs a été officiellement reconnue. Le ministre de la Défense nationale a notamment déclaré ce qui suit (Rapport au premier ministre sur le leadership et l’administration des Forces canadiennes, par l’honorable Monsieur Douglas Young, P.C., député, ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens Combattants (Ottawa, le 25 mars 1997), p.10.) :

[Traduction]

En tant que ministre de la Défense nationale, je suis, en vertu du système actuel, l’arbitre final de ce processus de traitement des griefs. Je ne crois pas que cette pratique soit appropriée. De plus, je suis d’avis que le système est trop lent et qu’il devrait être plus transparent. Par conséquent, les mesures suivantes seront prises :

  1. Demander que la Loi sur la Défense nationale soit modifiée en vue de créer un comité d’examen indépendant qui agira à titre d’arbitre final dans le cadre du processus de traitement des griefs et en vue de simplifier le processus.
  2. Veiller à ce que toutes les améliorations au processus de traitement des griefs qui ne nécessitent aucune modification de la Loi sur la Défense nationale soient mises en œuvre immédiatement.

Le projet de loi C-25 (Canada, Chambre des communes, 1re session, 36e législature, 46–47 Elizabeth II, 1997–1998), Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, a par la suite été déposé et comprenait un cadre réglementaire visant la réforme du processus de traitement des griefs des FC. Le Comité est alors devenu, et demeure, le premier et le seul tribunal administratif civil indépendant chargé d’examiner les griefs militaires, organisme externe et indépendant des FC et du MDN. Toutefois, le Comité n’est pas devenu le décideur final et son mandat consiste seulement à formuler des conclusions et des recommandations au CEMD concernant certains types de griefs déposés par des membres des FC.

Avant ces modifications, le processus de traitement des griefs comprenait trop de niveaux d’examen et, par conséquent, était lent et ne permettait pas d’offrir une réponse adéquate. De plus, le processus était considéré comme étant trop lié à la chaîne de commandement et manquait de participation externe et d’impartialité. Le projet de loi C-25 prévoyait également que le ministre n’interviendrait plus dans le cadre du processus de traitement des griefs et que le CEMD deviendrait l’autorité de dernière instance.

La création du Comité

Le Comité est composé de personnes nommées par le gouverneur en conseil qui, seules ou en groupe, sont chargées d’examiner les griefs et de formuler des conclusions et des recommandations.

Conformément à la LDN, le gouverneur en conseil doit nommer un président à temps plein, au moins un vice-président à temps plein et un vice-président à temps partiel. Il peut également nommer tout autre membre à temps plein ou à temps partiel nécessaire à l’exercice des fonctions du Comité. Les membres peuvent être nommés pour un mandat de quatre ans, lequel mandat peut être renouvelé. Le Comité compte actuellement quatre membres à temps partiel.

Le mandat du Comité

Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) (DORS/2000–0863 (8 juin 2000), ch. 7) prévoient deux niveaux d’examen : l’autorité initiale et l’autorité de dernière instance. Le Comité n’examine que les griefs qui sont soumis au CEMD (autorité de dernière instance). Plus particulièrement, il examine tous les griefs militaires qui lui sont renvoyés par le CEMD, comme le prévoient la LDN et l’article 7.12 des ORFC. À la suite de son examen, le Comité présente ses conclusions et ses recommandations au CEMD et il en transmet une copie au plaignant. C’est le CEMD qui prend la décision finale. Le CEMD n’est pas lié par le rapport du Comité, mais il doit fournir des motifs écrits chaque fois qu’il n’accepte pas les conclusions et les recommandations du Comité. Dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, le Comité est tenu de donner suite aux griefs dont il est saisi avec célérité et sans formalisme.

Les FC sont le plus grand employeur du Canada. Cependant, elles ne comptent aucun syndicat ni aucune association d’employés. La jurisprudence indique clairement que les personnes qui s’enrôlent dans les FC prennent un engagement unilatéral dans le cadre duquel les FC n’ont aucune obligation. Par ailleurs, la relation entre les FC et le personnel militaire n’est pas régie par le droit contractuel et n’accorde aucun droit de recourir aux tribunaux civils (Gallant c. La Reine, 91 D.L.R. (3d) 695). Le système de griefs est, à quelques exceptions près, le seul système officiel de plaintes dont bénéficient les membres des FC. L’existence d’un système de plaintes équitable et adapté a une incidence directe sur le moral et l’esprit de corps du personnel.

Selon l’article 7.12 du chapitre 7 des ORFC, les types de griefs qui doivent être référés au Comité sont ceux qui ont trait aux mesures administratives qui émanent de la suppression ou des déductions de solde et d’indemnités, au retour à un grade inférieur ou de la libération des Forces canadiennes, à l’application et à l’interprétation des politiques des Forces canadiennes incluant entre autres les conflits d’intérêts, au harcèlement ou à la conduite raciste, à la solde, aux indemnités et aux autres prestations financières et au droit aux soins médicaux et dentaires. Le CEMD a également le pouvoir discrétionnaire de renvoyer tout autre type de griefs au Comité pour examen et il doit lui renvoyer tous les griefs dans lesquels il est personnellement impliqué. Les catégories de griefs susmentionnées représentent environ 40 pour cent des griefs qui sont soumis à l’autorité de dernière instance.

Le processus d’examen du Comité

Le processus interne d’examen des griefs du Comité comprend trois étapes : la réception du grief, l’examen par le Comité et la rédaction et présentation de conclusions et de recommandations.

Réception du grief : À la réception d’un grief, le Comité envoie un accusé de réception au plaignant, afin de lui communiquer l’information contenue au dossier et de l’inviter à transmettre des observations ou des documents supplémentaires relatifs à son grief.

Examen par le Comité : Un membre mandaté du Comité, assisté d’un chef d’équipe, d’un agent de griefs et d’un avocat, examine le grief et détermine les questions en litige. Au besoin, des documents supplémentaires sont obtenus et ajoutés au dossier, puis sont communiqués au plaignant. Bien que le Comité ait le pouvoir de tenir des audiences, presque tous les examens sont effectués à partir du dossier écrit.

Conclusions et recommandations : Le membre du Comité formule des conclusions et des recommandations finales qui sont ensuite transmises simultanément au CEMD et au plaignant.

À partir de cette étape, le Comité n’est plus responsable du dossier, même s’il continue à faire un suivi. Le plaignant reçoit une décision directement de l’autorité de dernière instance, c’est-à-dire le CEMD ou son délégué.

Le travail du Comité

À titre de tribunal administratif, le Comité à l’obligation d’examiner chaque dossier de manière équitable et impartiale. Chaque dossier est examiné attentivement et selon propre mérite, tout en tenant compte des questions soulevées dans le grief, des éléments de preuve pertinents ainsi que des observations du plaignant et des autorités des FC.

Entre 2003 et 2010, le Comité a formulé des conclusions et des recommandations relativement à 1 014 griefs. Dans 43,4 pour cent des cas (440 affaires), le Comité a recommandé d’accueillir partiellement ou en totalité le grief. Dans 55,3 pour cent des cas (561 affaires), il a recommandé le rejet du grief. Enfin, pour 13 dossiers, aucune décision n’a été rendue, c.-à-d. que le plaignant a retiré son grief avant que le Comité ne puisse formuler des conclusions et des recommandations.

Dans le cadre de sa révision, le Comité soulève parfois un problème quant au contenu ou à l’application d’une politique ou d’un règlement qui affecte plus d’un membre. Dans ces cas, le Comité formule une recommandation systémique, laquelle est clairement énoncée dans les conclusions et les recommandations, afin d’informer le CEMD qu’un problème plus général soit en cause.

Enfin, le Comité reconnaît l’importance de s’assurer que toutes les parties bénéficient de son point de vue unique sur les questions soulevées dans les griefs. En tant qu’organisme public, le Comité s’engage à communiquer les résultats de ses travaux aux citoyens du Canada, l’ultime instance à laquelle il rend compte.

Par conséquent, le Comité a mené diverses activités de communication, dont ce qui suit :

  • Affichage de nouveaux sommaires de cas et de recommandations sur des questions de nature systémique sur le site Web du Comité. Ces sommaires et recommandations fournissent au lecteur une mine de renseignements sur les politiques et les règlements, ainsi que sur les questions soulevées dans les griefs;
  • Publication de Perspectives, un bulletin d’information destiné principalement aux cadres supérieurs du Quartier général du MDN. Grâce à Perspectives, le Comité partage avec les décideurs des FC des renseignements précieux sur les tendances qui se dessinent et les domaines d’insatisfaction qui attirent son attention lors de l’examen des griefs individuels;
  • Visites des bases des FC pour communiquer directement avec les militaires dans leur milieu de travail;
  • Publication de Bulletins dans le journal national hebdomadaire du MDN et des FC, Feuille d’érable. Grâce à Bulletins, le Comité informe l’ensemble des membres des FC sur son rôle et fournit de l’information sur divers aspects du processus de traitement des griefs, notamment sur la façon adéquate de soumettre un grief, conformément au règlement.

Un examen rapide

L’un des aspects auquel les plaignants accordent de l’importance dans le cadre du processus d’examen des griefs des FC est la rapidité de l’ensemble du cycle d’examen du grief. Force est d’admettre que les plaignants ne savent pas nécessairement à quelle étape du processus leur grief se trouve. Par conséquent, si le Comité ou les FC connaissent des retards à l’interne, cela a une incidence négative sur la perception des plaignants à l’égard de la rapidité de l’examen des griefs.

Dans son rapport, le juge en chef Lamer a consacré plusieurs pages à l’efficacité du nouveau processus de traitement des griefs, concluant que dans l’ensemble, les retards étaient déraisonnables. Toutefois, lorsque le rapport a été rédigé, l’autorité de dernière instance faisait face à un arriéré de 789 dossiers, comprenant 200 griefs non résolus datant de 1999 et des années précédentes, dont cinq griefs dataient d’il y a au moins 10 ans. En 2003, le Comité avait également en main plus de 250 dossiers et il lui fallait en moyenne 18,2 mois pour examiner un dossier. À la suite de ses observations, le juge en chef Lamer a recommandé que l’ensemble du processus de traitement des griefs soit limité à un an, à compter de la réception du grief par le commandant jusqu’à ce que l’autorité de dernière instance rende une décision. En 2010, le délai global moyen était toujours supérieur à deux ans.

Ceci étant dit, chaque année depuis la publication du rapport Lamer, le Comité fait de l’efficacité opérationnelle l’une de ses priorités stratégiques afin de respecter son obligation d’examiner rapidement les griefs et de contribuer à un processus de traitement des griefs militaires équitable et transparent. À cet égard, en 2010, malgré l’augmentation du nombre d’affaires qui lui ont été référées, le Comité a réussi pour la deuxième année consécutive à réduire davantage le temps moyen qu’il consacre à examiner chaque grief. Conséquemment, au 31 décembre 2010, il fallait compter en moyenne 3,2 mois au Comité pour examiner un grief et formuler des conclusions et des recommandations. Le tableau ci-dessous montre l’amélioration du Comité depuis 2003.

Moyenne de durée d’examen par année de renvoi des griefs (En date du 26 juillet 2011)
2003
(100 %
complétés)
2004
(100 %
complétés)
2005
(100 %
complétés)
2006
(100 %
complétés)
2007
(100 %
complétés)
2008
(100 %
complétés)
2009
(100 %
complétés)
2010
(99 %
complétés)
2011
(55 %
complétés)Note en bas de figure *
Temps écoulé en mois 18.2 18.2 14.7 8.9 9.8 9.6 6.1 3.2 2.2

Notes en bas de figure

Révision de la Loi sur la Défense nationale

À la suite de la première révision indépendante, le juge en chef Lamer a formulé 88 recommandations dans son rapport. Dix-huit de ces recommandations portaient principalement sur le processus de traitement des griefs. L’année dernière, le projet de loi C-41 a été déposé au Parlement et englobait la majorité des recommandations du juge en chef Lamer. Malheureusement, trois recommandations touchant directement l’administration et les activités du Comité n’ont pas été incluses dans le projet de loi
C-41.

Ces recommandations sont les suivantes :

  • Que les membres du Comité dont le mandat a expiré soient autorisés à clore les dossiers qu’ils ont en main (Recommandation 85);
  • Que le Comité remette un rapport annuel dans les trois mois suivant la fin de l’exercice financier (Recommandation 86);
  • Que le Comité reçoive un pouvoir d’assignation (Recommandation 87).

La mise en œuvre de ces trois recommandations serait très utile au Comité et sera abordée plus loin dans le présent mémoire.

Par ailleurs, à la demande du Comité, le projet de loi C-41 proposait également un nouveau nom pour le Comité : le Comité externe d’examen des griefs militaires. Cette modification proposée est importante pour le Comité qui, depuis un certain temps, est d’avis que le nom actuel ne reflète pas son rôle unique et externe. Au cours des dix dernières années, le Comité a déployé de nombreux efforts en vue d’éliminer le malentendu voulant qu’il soit une organisation interne du MDN et des FC. Le Comité croit que ce nouveau nom, lorsqu’il sera adopté, favorisera une meilleure compréhension du rôle précis qui lui a été attribué.

Malheureusement, le projet de loi C-41 est mort au feuilleton et aucune des modifications proposées n’a été mise en œuvre. Le Comité espère que le successeur du projet de loi C-41 proposera les mêmes modifications.

II. Révision et recommandations

Article 29

  1. Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.
  2. Ne peuvent toutefois faire l’objet d’un grief :
    1. les décisions d’une cour martiale ou de la Cour d’appel de la cour martiale;
    2. les décisions d’un tribunal, office ou organisme créé en vertu d’une autre loi;
    3. les questions ou les cas exclus par règlement du gouverneur en conseil. [non en gras dans l’original]
  3. Les griefs sont déposés selon les modalités et conditions fixées par règlement du gouverneur en conseil.
  4. Le dépôt d’un grief ne doit entraîner aucune sanction contre le plaignant.
  5. Par dérogation au paragraphe (4), toute erreur qui est découverte à la suite d’une enquête sur un grief peut être corrigée, même si la mesure corrective peut avoir un effet défavorable sur le plaignant.

Commentaires

De nombreux dossiers ont été référés au Comité dans lesquels les autorités initiales ont rejeté les griefs au motif qu’un membre des FC ne peut soumettre un grief à l’égard des décisions prises conformément à une loi ou à un règlement, par exemple un règlement du Conseil du Trésor (CT). La version anglaise de l’alinéa 29(2)c) de la LDN prévoit que « There is no right to grieve in respect of […] a matter or case prescribed by the Governor in Council in regulations ».

Le Comité a soumis à maintes reprises des conclusions et des recommandations dans lesquelles il a dû expliquer que cet alinéa n’empêchait pas les membres des FC de présenter des griefs à l’égard de questions régies par des règlements pris par le gouverneur en conseil. Cet alinéa permet plutôt au gouverneur en conseil d’exclure expressément, par règlement, des questions ou des cas du processus de traitement des griefs.

La version française prévoit que « Ne peuvent toutefois faire l'objet d'un grief [...] les questions où les cas exclus par règlement du gouverneur en conseil ».

Lorsque l’on compare les versions anglaise et française de la LDN, il est raisonnable de conclure que le mot « prescribed » voulait en fait dire « exclus », plutôt que « prévus ». Par conséquent, le Comité est d’avis que l’interprétation adéquate de la disposition susmentionnée est qu’une décision prise conformément à un règlement peut faire l’objet d’un grief à moins que le gouverneur en conseil ait prévu, expressément, dans un règlement, que la question était exclue du processus de traitement des griefs. Le CEMD a approuvé la position du Comité à cet égard.

Recommandation

Le Comité recommande que la version anglaise de l’alinéa
29(2)c) de la LDN et du paragraphe 7.01(1) des ORFC soit modifiée afin de prévoir qu’une question ou un cas exclu par règlement du gouverneur en conseil ne peut faire l’objet d’un grief afin d’éviter toute interprétation fautive.

Article 29.11

Le chef d’état-major de la défense est l’autorité de dernière instance en matière de griefs.

Premier commentaire

Cet article prévoit que le CEMD est l’autorité de dernière instance dans le processus de traitement des griefs. Au cours de la dernière décennie, le Comité a examiné quelques griefs qui portaient sur des décisions où des actes impliquant personnellement le CEMD. Conformément aux articles 29.14 de la LDN et 7.12 des ORFC, le CEMD doit renvoyer au Comité les dossiers dans lesquels il est personnellement impliqué aux fins d’examen. De plus, ces dispositions prévoient que le CEMD ne peut pas déléguer son pouvoir de rendre une décision à l’égard des dossiers qui doivent être renvoyés au Comité. Par conséquent, les griefs relativement aux actes ou aux décisions impliquant personnellement le CEMD doivent être tranchés par le CEMD lui-même. Récemment, un membre des FC a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision du CEMD contestant cette situation devant la Cour fédérale du Canada et la Cour d’appel fédérale (Zimmerman c. Canada (Procureur général), C.F. 1298, [2011] C.A.F. 43). Le membre des FC « s’est opposé à la participation du Chef d’état-major de la Défense à l’arbitrage du grief parce qu’il statuerait sur sa propre conduite ». Le juge Stratas a conclu que la LDN prévoyait expressément que le CEMD « doit décider des promotions et régler les griefs et, dans ces circonstances, il ne peut déléguer ni l’une ni l’autre tâches : voir les articles 29.11 et 29.14 de la LDN et le paragraphe 7.12(2) des ORFC ».

Bien que le Comité accepte cette décision concernant le pouvoir que la LDN confère au CEMD d’examiner ses propres décisions, il est d’avis que cela entraîne une apparence de partialité et de manque d’indépendance lorsque le CEMD tranche une affaire dans laquelle il est personnellement impliqué. Le Comité est également d’avis qu’étant donné que le CEMD est responsable d’assurer « la direction et la gestion des Forces canadiennes » (paragraphe 18(1) de la LDN), s’il demandait à l’un de ses délégués d’agir à titre d’autorité de dernière instance dans ces affaires, cela soulèverait également des doutes quant à l’indépendance. Autrement dit, il subsiste des doutes quant à la capacité de faire preuve d’une impartialité complète lorsqu’il est question de traiter un grief dans lequel le CEMD est personnellement impliqué.

Le Comité croit que la LDN devrait être modifiée afin d’autoriser une entité, à l’extérieur de la chaîne de commandement des FC, à agir à titre d’autorité de dernière instance dans ces cas, peu nombreux et exceptionnels, où un acte, une décision ou une omission du CEMD est en cause. L’équité, la transparence et l’apparence possible de partialité et de manque d’indépendance font en sorte que, dans ces affaires, l’autorité de dernière instance ne devrait pas être le CEMD, ni l’un de ses délégués.

Recommandation

Le Comité recommande de modifier l’article 29.11 de la LDN afin d’autoriser une entité, à l’extérieur de la chaîne de commandement des FC, à agir à titre d’autorité de dernière instance dans les cas peu nombreux et exceptionnels où un acte, une décision ou une omission du CEMD est en cause.

Deuxième commentaire

Bien que le CEMD soit l’autorité de dernière instance dans le processus de traitement des griefs, il n’a pas le pouvoir d’accorder un redressement dans les cas où le plaignant demande une compensation financière. Les réclamations contre l’État et les paiements à titre gracieux relèvent du pouvoir du procureur général du Canada, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice (L.R.C. 1985, ch. J-2) et à la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11). Sous le régime de la Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux (Canada, Politique sur les réclamations et paiements à titre gracieux, Secrétariat du Conseil du Trésor, 1er juin 1998, art. 6), le CEMD n’a pas la délégation de pouvoir nécessaire pour accorder une compensation financière à la suite d’une réclamation faite contre l’État.

Cette question soulevée par le Comité a été reprise par le juge en chef Lamer au cours du premier examen indépendant du projet de loi C-25 (Canada, Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35, présenté au ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2003). Le Comité avait fait valoir qu’étant donné que de nombreux griefs nécessitaient ce type de redressement, le manque de pouvoir du CEMD nuisait à l’intégrité du processus décisionnel. N’ayant aucun pouvoir, le CEMD doit actuellement renvoyer la question de la compensation financière à une tierce partie, c. à-d. au directeur – Réclamations et contentieux des affaires civiles du MDN. Les FC ont appuyé la recommandation 81 du juge en chef Lamer, mais n’ont pas été en mesure de la mettre en œuvre. Le Comité souhaite réitérer sa recommandation à cet égard.

Recommandation

Le Comité recommande que le pouvoir conféré par la loi au CEMD en tant qu’autorité de dernière instance soit modifié de façon à lui déléguer des pouvoirs financiers appropriés. Cela lui permettrait de rendre une décision quant à la compensation financière lorsque cette forme de redressement est demandée.

Article 29.12

  1. Avant d’étudier un grief d’une catégorie prévue par règlement du gouverneur en conseil, le chef d’état-major de la défense le soumet au Comité des griefs pour que celui-ci lui formule ses conclusions et recommandations. Il peut également renvoyer tout autre grief devant le Comité.
  2. Le cas échéant, il lui transmet copie :
    1. des argumentations écrites présentées par l’officier ou le militaire du rang à chacune des autorités ayant eu à connaître du grief;
    2. des décisions rendues par chacune d’entre elles;
    3. des renseignements pertinents placés sous la responsabilité des Forces canadiennes.

Commentaires

Le projet de loi C-25 (Projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Défense nationale et d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 35) a eu pour effet de modifier la LDN et a entraîné la création du Comité à titre d’organisme externe chargé d’examiner les griefs militaires, à l’extérieur de la chaîne de commandement. Il s’agissait d’un moyen pour veiller à ce que les griefs soumis par les membres des FC soient traités de manière équitable, indépendante et rapide. À titre de valeur ajoutée, le Parlement et les FC considèrent le Comité comme un mécanisme visant à garantir l’impartialité du processus décisionnel, ce qui aide à renforcer la confiance à l’égard du processus des griefs.

Tel que le prévoit l’article 29.12 de la LDN, le CEMD doit renvoyer au Comité les griefs dont la catégorie est précisée par règlement du gouverneur en conseil afin que celui-ci formule ses conclusions et recommandations. Le CEMD peut, à sa discrétion, référer tout autre grief au Comité; la LDN ne prévoit aucune restriction quant au type de griefs qui doit être référé au Comité. Cependant, le règlement d’application à l’article 7.12 des ORFC (Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, DORS/2000–0863 (8 juin 2000), ch. 7), limite l’examen du Comité à quatre types de griefs, lesquels représentent environ 40 pour cent du nombre total de griefs qui se rendent à l’autorité de dernière instance. L’article 7.12 des ORFC a donc une incidence juridictionnelle directe sur le fonctionnement et les ressources du Comité.

Les types de griefs énoncés à l’article 7.12 des ORFC sont les mêmes aujourd’hui que lorsque le règlement a été adopté en 2000. Cela signifie que, conformément à la loi actuelle, la majorité des membres des FC ne bénéficient pas d’un examen indépendant et externe de leurs griefs par le Comité avant qu’une décision finale ne soit rendue, à moins que le CEMD choisisse de renvoyer leur dossier sur une base discrétionnaire.

En octobre 2010, suivant la recommandation d’un groupe de travail des FC composé de représentants du Comité, le Conseil des Forces armées (comité de cadres supérieurs des FC) a approuvé la mise en œuvre, à titre d’essai, d’une nouvelle approche de renvoi des griefs. Selon cette nouvelle « approche fondée sur des principes », les FC réfèrent au Comité tous les types de griefs non réglés qui se rendent au dernier palier décisionnel, soit l’autorité de dernière instance. Cependant, étant donné que le règlement n’a pas été modifié, le CEMD exerce actuellement son pouvoir discrétionnaire pour référer ces affaires au Comité. Si cette nouvelle approche était mise en œuvre officiellement, il serait nécessaire de modifier la LDN puisque l’interprétation du terme « types » utilisé dans la loi actuelle ne permet peut-être pas de prévoir par règlement l’approche proposée. Si les renvois ne sont pas approuvés ou s’ils sont retardés, ils continueront de dépendre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

L’utilisation d’un cadre réglementaire pour définir quels « types » de griefs sont renvoyés au Comité soulève également d’autres préoccupations. L’une de celles-ci est qu’un tel cadre peut avoir une incidence négative sur l’impression d’équité du processus de traitement des griefs puisque pour un même type de grief, certains membres des FC bénéficient d’un examen externe indépendant et impartial tandis que d’autres non. Lors des visites des bases du Comité, plusieurs membres ont mis en doute la justification derrière la décision de restreindre l’examen du Comité à certains types de griefs. Le Comité a également examiné un certain nombre de dossiers où les plaignants ont expressément demandé que leur dossier soit référé au Comité, sans savoir que leur dossier ne serait référé que si l’objet de leur grief faisait partie de l’une des quatre catégories de griefs énoncées dans les ORFC. Il est difficile pour le Comité d’expliquer aux plaignants pourquoi il peut examiner les griefs qui concernent des indemnités de déménagement, mais pas une décision de relever un officier de son commandement, décision qui pourrait avoir des répercussions à long terme sur sa carrière.

Un autre problème avec le régime actuel est que le Comité et les FC ne s’entendent pas sur ce qui constitue un type particulier de griefs. Par exemple, le Comité est d’avis qu’un grief qui porte sur une « rémunération d’intérim » doit obligatoirement lui être renvoyé conformément à l’alinéa 7.12(1)a) des ORFC, tandis que les FC considèrent que ce type de griefs porte sur un « grade intérimaire » et qu’il s’agit donc d’une question de promotion, laquelle ne fait pas partie d’un des quatre types de griefs prévus qui doivent obligatoirement être référés au Comité.

En résumé, le Comité est d’avis que pour veiller à ce que tous les membres puissent bénéficier d’un examen indépendant, la LDN devrait être modifiée afin de prévoir que tous les dossiers non réglés doivent lui être référés avant qu’une décision finale ne soit rendue. Cela permettrait d’assurer que tous les griefs présentés à l’autorité de dernière instance soient soumis au même processus. Ainsi tous les membres auraient des FC aient un accès égal à un examen externe et impartial, ce qui favoriserait leur confiance à l’égard du système de traitement des griefs.

Recommandation

Le Comité recommande que la loi soit modifiée afin de prévoir que tous les griefs non réglés soient référés avant que l’autorité de dernière instance ne rende une décision.

Article 29.14

Le chef d’état-major de la défense peut déléguer à tout officier le pouvoir de décision définitive que lui confère l’article 29.11, sauf pour les griefs qui doivent être soumis au Comité des griefs; il ne peut toutefois déléguer le pouvoir de délégation que lui confère le présent article.

Premier commentaire

Depuis les 11 dernières années, en vertu de l’article 29.14 de la LDN, le CEMD délègue ses pouvoirs, ses obligations et ses fonctions au directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes (DGAGFC), (un officier au grade de colonel), qui agit en tant qu’autorité de dernière instance en examinant les griefs autres que ceux qui doivent être référés au Comité. Les documents de délégation interdisent au DGAGFC actuel d’intervenir dans des dossiers où des griefs sont soumis par un juge militaire, un officier ayant un grade supérieur à celui de colonel et un officier ayant le grade de lieutenant-colonel lorsque l’un des redressements possibles est la promotion au grade de colonel (Décret de nomination du directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes daté du 9 juillet 2010). Toutefois, rien n’interdit au délégué d’infirmer une décision prise par un officier supérieur ou un autre colonel. Le Comité est d’avis que cette situation est problématique et soulève un problème d’indépendance institutionnelle qui mène à une apparence de partialité. Un plaignant ou un observateur neutre pourrait croire que, dans une organisation hautement hiérarchique fondée sur la structure des grades, un colonel pourrait être réticent à l’idée d’infirmer une décision prise par un général.

Le Comité comprend que le DGAGFC qui agit au nom du CEMD dans le cadre des affaires où il rend une décision à titre d’autorité de dernière instance, a les mêmes pouvoirs que ce dernier. Le Comité craint que le fait qu’un délégué d’un grade inférieur à celui de l’officier dont la décision fait l’objet du grief prenne une décision soulève une apparence de partialité. Plus particulièrement, dans les cas où le DGAGFC est d’accord avec l’officier en question, on pourrait croire qu’il craignait de le contredire en raison de la différence de grade.

Recommandation

Le Comité recommande que la loi soit modifiée afin de préciser que l’officier à qui les pouvoirs, les obligations et les fonctions sont délégués, doit posséder un grade supérieur au grade de l’officier dont la décision fait l’objet du grief.

Deuxième commentaire

Actuellement, le DGAGFC a trois fonctions. Premièrement, il gère le système de griefs des FC pour le vice-chef d’état major de la Défense. En conséquence, il est responsable de l’ensemble du processus, de la rédaction des politiques et des directives touchant le processus, de la formation aux autorités initiales et aux unités, de la garde d’un registre de tous les griefs dans le système et de la publication des rapports annuels concernant l’efficacité du système.

Deuxièmement, il est le délégué de l’autorité de dernière instance en ce qui concerne les griefs qui n’ont pas été renvoyés au Comité. Enfin, il conseille le CEMD dans les dossiers qui sont renvoyés au Comité. En raison de ces nombreuses fonctions, le personnel du DGAGFC offre un soutien et de la formation aux autorités initiales, révise leur décision et fournit parfois sa propre analyse du dossier. Le personnel du DGAGFC décide également des dossiers qui doivent être référés au Comité aux fins d’examen, analyse les conclusions et les recommandations du Comité avant qu’une décision finale soit rendue et prépare le dossier afin que le CEMD ou son délégué rende une décision finale.

L’administrateur du processus de traitement des griefs ne devrait pas, selon le Comité, agir à la fois à titre de délégué de l’autorité de dernière instance et conseiller le CEMD. Cette pratique a récemment créé une situation problématique. Dans un dossier où les FC avaient décidé que le grief devait être rejeté, mais où le Comité, après avoir pris en considération la position des FC, a conclu qu’il devrait être accueilli, le personnel du DGAGFC a procédé à une nouvelle analyse de la question et a recommandé le rejet du grief. Le personnel du DGAGFC a ensuite préparé le dossier afin que le CEMD rende une décision. Celui-ci a finalement adopté la même position que le personnel du DGAGFC, sans examiner le raisonnement du Comité. Le Comité est d’avis que ce processus n’est pas prévu dans la LDN. Le paragraphe 29(2) stipule que le Comité doit fournir ses conclusions et recommandations par écrit au CEMD et au plaignant.

Bien que nous comprenions que le CEMD et son délégué puissent avoir recours à une équipe dans la préparation des dossiers, nous ne croyons pas que cette équipe devrait être composée du même personnel que celui de l’administrateur, ni qu’elle devrait être composée de membres qui ont déjà participé à l’examen du dossier avant qu’il ne soit renvoyé au Comité. De plus, le Comité est d’avis qu’en procédant à une nouvelle analyse des conclusions et des recommandations du Comité avant qu’une décision finale ne soit rendue, le DGAGFC joue un rôle qui nuit au mandat du Comité et qui mine l’intégrité du processus, à l’intégrité et l’équité de la décision finale.

Le Comité croit que le DGAGFC ne devrait pas participer à l’examen des griefs, ni rendre de décision une fois que le Comité les a examinés. Il devrait simplement rediriger les dossiers vers l’autorité de dernière instance appropriée. Par conséquent, un officier autre que l’administrateur du système devrait être nommé afin de trancher les griefs au nom du CEMD.

Recommandation

Le Comité recommande que la loi soit modifiée afin de prévoir que le délégué qui agit en tant qu’autorité de dernière instance ne devrait pas être l’officier qui administre le processus de traitement des griefs pour le CEMD.

Article 29.16

1. Est constitué le Comité des griefs des Forces canadiennes, composé d’un président, d’au moins deux vice-présidents et des autres membres nécessaires à l’exercice de ses fonctions, tous nommés par le gouverneur en conseil.

[...] 3. Les membres sont nommés à titre inamovible pour un mandat maximal de quatre ans, sous réserve de révocation motivée du gouverneur en conseil.

[...] 10. L’officier ou le militaire du rang qui est nommé membre du Comité des griefs y est détaché en conformité avec l’article 27.

Premier commentaire

Actuellement, aucune mesure transitoire ne permet aux membres du Comité dont le mandat expire de terminer les dossiers qui leur avaient été assignés. Un certain nombre de lois fédérales, régissant des conseils d’administration et des tribunaux administratifs, prévoient des dispositions qui permettent d’éviter de telles complications de nature administrative et juridictionnelle. Par exemple, l’article 154 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27, art. 154) peut servir de modèle permettant de remédier à la situation.

Le Comité a abordé cette question avec le juge en chef Lamer au cours de son examen du projet de loi C-25, lequel en a tenu compte dans la recommandation 85 de son rapport. Bien que les autorités des FC aient appuyé cette recommandation, elles ne l’ont toujours pas mise en œuvre. Le Comité réitère donc sa position à cet égard.

Recommandation

Le Comité recommande de modifier le paragraphe 29.16(4) de la LDN afin d’inclure une mesure transitoire qui permettrait aux membres dont le mandat expire de terminer les dossiers qui leur ont été assignés.

Deuxième commentaire

Le paragraphe 29.16(10) prévoit qu’un officier ou un militaire du rang peut être nommé membre du Comité. Bien qu’aucune nomination de ce type n’ait été faite jusqu’à maintenant, le Comité est d’avis que cela ne devrait pas être envisageable, compte tenu son rôle d’organisme externe.

En février dernier, le Comité a été invité à formuler des observations au Comité permanent de la Défense nationale (CPDN) aux fins de l’examen du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur la Défense nationale et d’autres lois en conséquence. Au cours du processus parlementaire concernant le projet de loi C-41, de longues discussions ont eu lieu au sujet de l’indépendance du Comité par rapport aux FC. Lors de ces discussions, le contenu du paragraphe 29.16(10) a été soulevé et a fait l’objet d’un débat.

Le 23 mars 2011, le CPDN, dans son septième rapport au Parlement (présenté avant le déclenchement d’élections générales), a proposé de modifier le paragraphe 29.16(10) afin de veiller à ce qu’aucun officier ou militaire du rang ne soit nommé membre du Comité.

Cependant, en raison des élections, il n’y a pas eu de suite au projet de loi C-41. Le Comité est d’avis que le fait de nommer des membres qui sont actifs au sein des FC pourrait entraîner une apparence de partialité. Par conséquent, le Comité convient que le paragraphe 29.16(10) devrait être abrogé.

Recommandation

Le Comité recommande de modifier l’article 29.16 en abrogeant complètementle paragraphe 10.

Article 29.21

Le Comité des griefs dispose, relativement à la question dont il est saisi, des pouvoirs suivants :

  1. assigner des témoins, les contraindre à témoigner sous serment, oralement ou par écrit, et à produire les documents et pièces sous leur responsabilité et qu’il estime nécessaires à une enquête et étude complètes;
  2. faire prêter serment;
  3. recevoir et accepter les éléments de preuve et renseignements qu’il estime indiqués, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal.

Commentaire

Le Comité dépend déjà du paragraphe 29.12(2) de la LDN, lequel oblige les FC à lui fournir « des renseignements pertinents placés sous la responsabilité des Forces canadiennes ». Toutefois, conformément à l’arrêt Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Canadian Air Line Pilots Assn (Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Canadian Air Line Pilots Assn., [1993] 3 R.C.S. 724), le Comité ne peut pas obliger une tierce partie à fournir un document qu’elle a en sa possession sans tenir une audience.

Cette situation restreint l’obligation du Comité d’examiner « les griefs dont il est saisi [...] dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, [...] avec célérité et sans formalisme », tel que prévu au paragraphe 29.2(2) de la LDN. Afin de bénéficier d’une plus grande souplesse, le Comité demande que l’article 29.21 soit modifié de manière à ce qu’il puisse exiger d’une tierce partie, au moyen d’une assignation, qu’elle produise des documents sans avoir à tenir une audience.

Le Comité a discuté de la question avec le juge en chef Lamer au cours de son examen du projet de loi C-25, et ce dernier en a tenu compte dans la recommandation 87 de son rapport. En réponse à cette recommandation, les autorités des FC ont indiqué qu’elles devaient procéder à une étude plus approfondie et mener des consultations. Par ailleurs, au printemps dernier, un groupe de travail des FC, créé par le vice-chef d’état-major de la défense et chargé d’examiner le processus de traitement des griefs, a examiné cette recommandation et en est venu à la conclusion qu’elle devait être mise en œuvre. Le Comité réitère sa position à cet égard.

Recommandation

Le Comité recommande que l’article 29.21 de la LDN soit modifié afin qu’il puisse exiger d’une tierce partie, au moyen d’une assignation, qu’elle produise des documents sans avoir à tenir une audience.

Article 29.28

  1. Le président du Comité des griefs des Forces canadiennes présente au ministre, au plus tard le 31 mars de chaque année, le rapport d’activité du comité pour l’année civile précédente, assorti éventuellement de ses recommandations.
  2. Le ministre le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

Commentaire

Tel qu’il est rédigé actuellement, le paragraphe 29.28(1) de la LDN oblige le Comité à présenter un rapport annuel sur ses activités à la fin de chaque année civile, alors que la planification du budget gouvernemental se fait en fonction des exercices financiers. Cette pratique a une incidence importante sur la planification des budgets de fonctionnement et l’affectation des ressources humaines et financières.

Le Comité a abordé cette question avec le juge en chef Lamer au cours de son examen du projet de loi C-25 et celui-ci l’a incluse dans la recommandation 86 de son rapport. Bien que cette recommandation ait été appuyée par les autorités des FC, elle n’a toujours pas été mise en œuvre. Le Comité réitère donc sa position à cet égard.

Recommandation

Le Comité recommande que le paragraphe 29.28(1) de la LDN soit modifié afin que son rapport annuel vise les activités menées au cours de l’exercice financier plutôt qu’au cours de l’année civile.

III. Conclusion

Ces commentaires et recommandations visent à faciliter le deuxième examen indépendant du projet de loi C-25. La mise en œuvre des recommandations proposées aiderait également davantage le Comité à exécuter son mandat et à examiner les griefs de manière équitable, impartiale, informelle et rapide en vue d’améliorer le processus de traitement des griefs des FC.

Après près de dix ans de fonctionnement, le Comité a acquis une expertise unique des griefs militaires et est reconnu pour sa contribution à l’équité et à la transparence du processus de règlement des griefs au sein des FC. Pour les années à venir, le Comité continue de s’engager à maximiser sa contribution au processus de traitement des griefs militaires ainsi qu’au bien-être et au moral des membres des FC.

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