ARCHIVÉE - Questions réglementaires associées à la mise au point et à l'homologation de vaccins et de produits d'immunothérapie contre le sras
Rapport d'atelier, Santé Canada, 18 et 19 août 2003, Ottawa, Ontario, Canada
Liste des participants
Introduction
Dans le cadre de ses mesures permanentes visant à appuyer la lutte contre le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), Santé Canada a été l'hôte d'un atelier international qui s'est tenu les 18 et 19 août 2003 et au cours duquel on a abordé des questions scientifiques et réglementaires précises concernant la mise au point et l'homologation de vaccins et de produits d'immunothérapie contre la maladie. L'atelier a réuni des experts dans le domaine de la réglementation de l'OMS, des États-Unis, d'Europe et du Canada, des représentants du Consortium canadien de recherche sur le SRAS, des fabricants de vaccins et de produits d'immunothérapie, des experts dans le domaine des infections animales à coronavirus et des vaccins contre ces virus et des spécialistes du SRAS du Canada, de Hong Kong et des Pays-Bas.
L'atelier avait pour but de faciliter le processus réglementaire nécessaire en déterminant les questions critiques dès les premières étapes de la mise au point des produits et en établissant des fondements scientifiques pour la prise de décisions réglementaires concernant les essais cliniques et l'homologation des vaccins et des produits d'immunothérapie contre le SRAS.
Selon un rapport de l'OMS, la dernière chaîne de transmission interhumaine du SRAS a été interrompue le 5 juillet 2003, soit moins de quatre mois après que la maladie a été reconnue comme une menace mondiale. Cependant, comme le SRAS est toujours considéré comme une menace mondiale pour la santé publique, il n'est pas étonnant que des efforts aient été déployés dans plusieurs pays en vue d'accélérer la mise au point d'outils diagnostiques, thérapeutiques et prophylactiques efficaces contre la maladie. Bhagirath Singh, des Instituts de recherche en santé du Canada, a décrit la mise sur pied du Consortium canadien de recherche sur le SRAS (CCRS). Le mandat du Consortium consiste à coordonner et à appuyer la recherche sur le SRAS au Canada en finançant des projets de recherche et en établissant des liens à l'échelle nationale et internationale pour faciliter et accélérer la mise au point d'outils diagnostiques et thérapeutiques, de vaccins et d'autres mesures prophylactiques convenables contre la maladie. Le groupe de direction du Consortium est formé de représentants du milieu universitaire, de l'industrie, des groupes d'intérêts et du gouvernement.
Au cours de l'atelier, on a relevé un certain nombre de lacunes dans les connaissances et certains domaines déterminants qui appellent des recherches plus poussées. Il est possible de combler ces lacunes et de pousser les recherches pendant la mise au point des produits au Canada et ailleurs de façon à s'assurer que les questions réglementaires vitales sont réglées adéquatement et rapidement et à ne pas retarder la mise au point, les essais cliniques et l'homologation des produits. On a aussi déterminé des possibilités de collaboration entre les laboratoires.
SRAS : la maladie
La Dre Susan Poutanen, de l'Université de Toronto, a brossé un tableau de l'éclosion de SRAS. Elle a indiqué qu'au Canada, le taux de mortalité associé à la maladie était d'environ 17 % et que ce pourcentage variait selon les pays. La Dre Poutanen a présenté des données sur le tableau clinique et l'issue à court terme de la maladie chez 144 patients de l'agglomération urbaine de Toronto. Chez les patients qui sont décédés, la mortalité augmentait avec l'âge et était associée à une maladie concomitante, à un taux élevé de LDH ainsi qu'à un nombre de lymphocytes abaissé et de neutrophiles élevé. Des épreuves diagnostiques avaient été mises au point, mais il restait à déterminer leur sensibilité, le meilleur moment pour effectuer les prélèvements et les types d'échantillons convenables. Ces éléments font actuellement l'objet d'une évaluation par le Ontario Laboratory Working Group for the Rapid Diagnosis of Emerging Infections, qui est dirigé par la Dre S. Richardson. Le virus à l'origine de la maladie se transmet par contact avec des gouttelettes ou des aérosols contaminés et, peut-être, par la voie oro-fécale. La progression clinique de la maladie a été corrélée à la charge virale dans les aspirations naso-pharyngées et les selles, charge évaluée par la méthode de transcription inverse?amplification par la polymérase (RT-PCR) pour le coronavirus du SRAS (CoV-SRAS), qui est considéré comme l'agent responsable de l'infection. Le CoV-SRAS n'a été détecté par RT-PCR que dans le sang de 5 % des patients. Les autopsies ont révélé que le décès était associé non seulement à une réponse immunitaire excessive, mais également à la réplication virale. Le CoV-SRAS a été détecté en grande quantité dans les poumons et le tube digestif des patients qui sont décédés jusqu'à 51 jours après le début des symptômes. Une observation importante a été faite : le virus était absent des expectorations et du sang de ces patients, mais la charge virale était élevée dans la partie inférieure des poumons. Un certain nombre de questions nécessitaient des réponses, notamment, l'ampleur et le type des lésions tissulaires, le rôle protecteur de l'immunité humorale et de l'immunité à médiation cellulaire, le récepteur du CoV-SRAS et le tropisme tissulaire du CoV-SRAS.
Le Dr Jagdish Butany, du Toronto General Hospital, a présenté les premiers résultats de 15 autopsies pratiquées sur des patients dont le décès a été causé par le SRAS. En raison des incertitudes entourant la maladie au moment des autopsies, seuls certains tissus ont été choisis en vue d'un examen par microscopie électronique et optique et d'analyses microbiologiques. Ces résultats préliminaires révèlent une congestion, un oedème et une condensation pulmonaires, la présence de lésions alvéolaires diffuses, une infiltration intra-alvéolaire et interstitielle par des mononucléaires, des hémorragies et des thrombus localisés, mais une absence d'effet cytopathique du virus. On a observé des dépôts importants de fibrine dans les poumons, ce qui explique la quasi-impossibilité pour ces patients de respirer. On a également noté des changements au niveau des graisses et une cholestase, mais, encore une fois, on n'a observé aucune inclusion virale. La virémie était faible et inconstante, mais la charge virale dans les poumons était corrélée à la pathologie. Il est intéressant de mentionner qu'aucun signe de pathologie n'a été décelé dans le tube digestif, bien que des charges virales élevées aient été mesurées à cet endroit.
Agent causal du SRAS
De nombreuses données se sont accumulées, confirmant que le CoV-SRAS est la principale cause du SRAS chez l'humain. Le Dr Yan Li, du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de Santé Canada, à Winnipeg, a fait état des expériences menées par le Laboratoire durant l'éclosion de SRAS au Canada. L'enquête sur l'éclosion a débuté en mars 2003, lorsque le CoV-SRAS a été isolé chez quatre patients à l'aide de cellules Vero, et, en avril 2003, des chercheurs du LNM et du Genomics Centre de la Colombie-Britannique ont publié conjointement les séquences du virus dans la revue Science. Le métapneumovirus humain a été identifié chez cinq patients par RT-PCR et séquençage.
L'analyse phylogénétique a laissé croire que le CoV-SRAS serait apparenté de loin aux coronavirus de groupe 2. La nucléoprotéine (N) semblait être une protéine virale majeure reconnue par le sérum en phase de convalescence des patients atteints du SRAS et présentait une forte liaison dans les essais par transfert Western. La protéine N a servi à la mise au point d'une épreuve ELISA fondée sur la protéine recombinante N, épreuve qui était comparable, du point de vue de la sensibilité, à l'épreuve ELISA fondée sur le lysat du virus entier. Sur les 34 patients testés par la méthode ELISA, 94 % avaient produit des anticorps de types IgA et IgG, et 61 %, des anticorps de type IgM. On ne savait pas au juste pourquoi la protéine N, qui n'est pas exposée à la surface du virus, était un immunogène majeur. Des réponses immunitaires à la protéine S ont aussi été détectées, mais à des niveaux beaucoup plus faibles.
Le Dr Antonio Giulivi (Santé Canada) a présenté l'exposé du Dr Mike Coulthart (LNM), ce dernier ne pouvant pas être présent. On s'est servi de la séquence génomique complète du CoV-SRAS obtenue à partir de différents isolats pour déterminer l'évolution moléculaire du CoV-SRAS. Bien qu'habituellement, la plupart des mutations ne se traduisent pas par des modifications de la séquence des protéines, on a observé un nombre surprenant de modifications structurales potentielles entre les différents isolats du CoV-SRAS, ce qui donne à penser que le virus aurait subi des modifications microévolutives durant sa récente association avec son hôte humain. Cette observation pourrait être importante pour la mise au point et l'amélioration des vaccins. On a identifié deux clades, ce qui pourrait être utile pour établir l'origine des éclosions. Par ailleurs, de telles études aideront à déterminer le rythme et les profils d'évolution moléculaire du virus. Les données auront aussi des répercussions considérables en ce qui concerne la conception de vaccins efficaces contre le SRAS.
Réponse immunitaire chez les cas de SRAS
La Dre Susan Richardson, du Toronto Hospital for Sick Children, a présenté des données préliminaires sur les épreuves diagnostiques sérologiques, notamment l'épreuve ELISA, l'épreuve d'immunofluorescence indirecte, l'essai de neutralisation et l'immunotransfert pour la protéine S (protéine de spicule) et la protéine N (protéine de nucléocapside) du CoV-SRAS. Au cours d'un examen rétrospectif des analyses diagnostiques sérologiques effectuées sur 364 patients au cours des deux éclosions de SRAS de Toronto, on a sélectionné environ 500 échantillons de sérum à divers stades de l'infection (entre 2 et 14 par personne, pour une moyenne de 3 par personne). Selon les résultats, 100 % des échantillons de sérum des 24 patients analysés à ce jour contenaient des anticorps de type IgG et 52 %, des anticorps de type IgM.
Des études menées en Chine ont aussi révélé que pratiquement 100 % des cas de SRAS avaient produit des anticorps de types IgG et IgM contre l'antigène de la nucléocapside à la troisième semaine suivant l'infection. Une épreuve d'immunofluorescence indirecte semblait très sensible et spécifique. Bien que la plupart des épreuves diagnostiques sérologiques en soient encore à l'étape de l'optimisation et de l'évaluation, les résultats de ces études préliminaires ont permis d'établir des critères importants en matière d'analyses en laboratoire qui aideront à confirmer le diagnostic du SRAS.
David Kelvin, du Toronto General Research Institute, a présenté des données préliminaires sur le profil des cytokines dans le sérum et l'analyse par cytométrie en flux des mononucléaires du sang périphérique isolés chez les cas de SRAS. De plus, les mononucléaires du sang périphérique provenant de ces patients ont été utilisés pour établir le profil d'expression génique de 19 000 gènes à l'aide d'un réseau immunitaire d'ADNc (cDNA ImmuneArray). Parmi les études en cours, mentionnons l'analyse des polymorphismes nucléotidiques (SNP) et l'analyse du complexe majeur d'histocompatibilité. Des études menées à l'aide de mononucléaires du sang périphérique provenant de plus de 50 cas de SRAS en convalescence pourraient aider à déterminer la nature des épitopes des protéines N et S du CoV-SRAS ciblés par les lymphocytes T.
Le modèle d'étude immunologique du SRAS révèle une production précoce d'interféron, des taux rapidement élevés de chimiokine IP-10 et une infiltration de cellules Th1 activées exprimant CXCR3 dans les tissus infectés (poumon). Chez les cas qui se sont rétablis, les taux d'IP-10 ont d'abord augmenté, puis ont chuté. En revanche, chez les patients gravement malades, les taux d'IP-10 sont demeurés élevés, ce qui a peut-être entraîné une infiltration destructrice de lymphocytes T et de monocytes.
Leçons tirées des expériences avec d'autres coronavirus et virus pathogènes
Lorne Babiuk, de la Vaccine and Infectious Diseases Organization de Saskatoon, a fait le point sur les coronavirus, soulignant que le CoV-SRAS semble appartenir à un groupe antigénique différent de tous les autres coronavirus. Les coronavirus s'attaquent spécifiquement à des espèces et à des tissus, et leur mode de réplication fait en sorte que les recombinaisons sont fréquentes. La persistance dans l'environnement de nombreux coronavirus est attribuable à la présence de porteurs asymptomatiques, d'hôtes intermédiaires et de personnes susceptibles. Il reste à établir si le CoV-SRAS peut persister chez des porteurs asymptomatiques. Chez les animaux d'élevage, les jeunes animaux sont les plus réceptifs aux infections à coronavirus, et un bon nombre des stratégies de vaccination efficaces tablaient sur l'immunisation de la mère pour stimuler la production d'anticorps antiviraux spécifiques dans le colostrum. Ainsi, l'immunité passive était utilisée pour lutter contre les infections à coronavirus chez les bovins et les porcs. Selon ces observations, les anticorps seuls peuvent protéger les jeunes animaux des maladies, mais le professeur Babiuk a souligné qu'il fallait se montrer prudents en ce qui concerne l'extrapolation de ces modèles à l'infection humaine causée par le CoV-SRAS.
Le Dr Peter Rottier, de l'Université d'Utrecht, aux Pays-Bas, a revu l'information actuelle sur les vaccins à usage vétérinaire contre les coronavirus. Des vaccins vivants et des vaccins inactivés ont été mis au point et sont maintenant disponibles sur le marché. Cependant, l'efficacité varie beaucoup d'un produit à l'autre. Par exemple, un vaccin vivant atténué contre le virus de la bronchite infectieuse, virus qui infecte la volaille, est très efficace (> 90 %), alors que les vaccins contre les coronavirus canin et porcin ne confèrent qu'une protection partielle. Selon le Dr Rottier, l'un des points importants à considérer lors de la mise au point d'un vaccin contre le SRAS à usage humain est la possibilité que certains vaccins contre les coronavirus aggravent la maladie. Différents vaccins contre le virus de la péritonite infectieuse féline (VPIF) ont exacerbé l'infection causée par le VPIF. Cette exacerbation semblait médiée par des anticorps dirigés contre la protéine S (protéine de spicule) du VPIF, qui augmente l'infection des macrophages. Aussi, a-t-on mis en oeuvre de nouvelles approches expérimentales pour la vaccination contre le VPIF, approches fondées sur des stratégies qui induisaient une forte immunité à médiation cellulaire (p. ex. vaccins vivants atténués).
Le Dr Philip Minor, du National Institute for Biological Standards and Control du Royaume-Uni, a poursuivi le débat concernant la possibilité que le vaccin soit associé à une exacerbation de la maladie en faisant état des expériences relatives à l'utilisation de vaccins à paramyxovirus tués chez l'humain (virus parainfluenza, virus de la rougeole et virus respiratoire syncytial). Le premier vaccin à virus tué contre la rougeole conférait une protection de deux à trois ans, mais par la suite, les personnes vaccinées devenaient très susceptibles à une forme atypique de rougeole après avoir été infectées par le virus de la rougeole. Certains des patients qui présentaient une forme atypique de la rougeole avaient été vaccinés avec le vaccin tué plus de 12 ans avant le début de la maladie atypique, maladie qui se caractérisait par une pneumonie, une fièvre élevée, une éruption cutanée atypique et un taux de mortalité élevé. Le décès était attribué à des infections secondaires et à la malnutrition. On a découvert que chez un modèle de singe Rhésus, la forme atypique de la rougeole était associée à une réponse excessive des cellules Th2, réponse qui était beaucoup plus forte que celle observée durant une rougeole habituelle. Les vaccins à virus tués contre la rougeole ont rapidement été retirés du marché et remplacés par des vaccins vivants atténués. Une situation semblable s'est produite avec des vaccins candidats contre le virus respiratoire syncytial (VRS). On a observé que la vaccination des enfants par un vaccin candidat tué contre le VRS était associée à une aggravation de la maladie causée par ce virus et, à jour, très peu de progrès ont été réalisés dans la mise au point d'un vaccin contre ce virus.
Les données sur les animaux et les expériences passées avec les vaccins à paramyxovirus tués incitent à la prudence en ce qui concerne l'innocuité des vaccins inactivés contre le CoV-SRAS et la possibilité qu'ils aggravent la maladie chez certains receveurs du vaccin.
Modèles animaux
Le professeur Albert Osterhaus (de l'Université Érasme, à Rotterdam) a décrit les résultats des études étiologiques du SRAS menées sur un modèle animal (macaque de Buffon). On a inoculé le CoV-SRAS à quatre singes. On a sacrifié deux singes, le 5e et le 8e jour, respectivement, et on a procédé à un examen macroscopique et à un examen histopathologique. On a clairement observé des changements pathologiques dans les poumons, et on a détecté le virus par immunohistochimie et microscopie électronique. Durant la première semaine de l'infection, on a isolé le CoV-SRAS dans des écouvillons nasaux et pharyngés et dans les selles. On a aussi détecté le virus dans les tissus des animaux morts. De plus, on a décelé des réponses immunitaires spécifiques semblables à celles observées chez les humains contre le CoV-SRAS. Ces résultats confirment l'hypothèse de Koch selon laquelle le CoV-SRAS serait l'agent causal du SRAS. Pour évaluer le rôle possible du métapneumovirus humain (MPVh) dans le développement du SRAS, on a par la suite inoculé le MPVh aux singes infectés par le CoV-SRAS. Bien que se soit répliqué chez ces animaux, on n'a noté aucune aggravation de l'infection par le CoV-SRAS. En résumé, le singe semblait un bon modèle pour l'infection à CoV-SRAS et pourrait s'avérer utile pour des études futures, y compris la mise au point de vaccins et de produits d'immunothérapie.
Le Dr Antonio Guilivi a présenté des données très préliminaires obtenues au laboratoire du Dr Anton Andonov (LNM). L'objectif de l'étude qui a été menée était d'évaluer si le porc, le poulet et la souris étaient réceptifs à l'infection à CoV-SRAS. L'infection de porcs et de poulets ne s'est pas soldée par une maladie clinique ni une pathologie marquée. Bien qu'on ait observé des signes de faible réplication virale et une production d'anticorps neutralisants, aucune excrétion virale n'a été détectée. Il ressort de ces résultats que ni le porc ni le poulet ne peuvent servir de modèles de l'infection à CoV-SRAS. Des expériences préliminaires chez la souris ont révélé la présence du virus dans le foie, le rein, le poumon et la rate trois jours après l'administration par voie orale. Toutefois, il restait à déterminer s'il serait possible d'utiliser la souris comme modèle de l'infection à CoV-SRAS. La possibilité de se servir du furet comme modèle a été mentionnée au cours des discussions. On a souligné que le furet avait été utilisé avec grand succès dans des études de l'infection par le virus de la grippe.
Immunothérapie
Étant donné la très faible probabilité de disposer d'un vaccin pour l'hiver 2003-2004, on envisagera probablement d'avoir recours au transfert passif d'anticorps pour le traitement curatif et préventif en cas de réapparition du SRAS. On croit que l'utilisation de plasma en phase de convalescence serait la première étape et que celle-ci pourrait être suivie de l'utilisation de préparations d'anticorps purifiés. Ces stratégies font l'objet de travaux intensifs à Hong Kong et au Canada. Le Dr Che Kit Lin, de la Croix-Rouge de Hong Kong¸ a présenté des données sur le traitement du SRAS au moyen de plasma en phase de convalescence. Plus de 200 patients atteints du SRAS ont été traités par ce type de plasma dans les hôpitaux de Hong Kong. Dans une étude, les patients n'ayant pas réagi à un traitement à la ribavarine et aux stéroïdes ont par la suite reçu des stéroïdes ou une infusion de plasma provenant d'un donneur unique en convalescence. En tout, 73 % des 19 patients traités au moyen du plasma ont reçu leur congé le 22e jour, comparativement à 19 % des 21 patients traités par des stéroïdes. Par ailleurs, 23,8 % des patients traités aux stéroïdes sont décédés, comparativement à 0 % de ceux traités au moyen de plasma en phase de convalescence. Les patients les plus jeunes ont réagi plus rapidement à l'administration du plasma, et le traitement précoce s'est traduit par une meilleure réaction.
En règle générale, le titre d'anticorps décelé chez les personnes infectées, y compris les anticorps neutralisants, a augmenté pendant un certain temps, mais a fini par diminuer. Il serait donc important de surveiller les titres d'anticorps chez les patients en convalescence de façon à s'assurer qu'ils sont adéquats au moment du prélèvement du plasma. Il faudrait également procéder à des analyses par RT-PCR chez les patients en convalescence pour s'assurer qu'ils ne sont pas porteurs du CoV-SRAS au moment du prélèvement du plasma. On a soulevé la possibilité d'augmenter l'innocuité du plasma en le traitant avec un solvant détergent et d'utiliser des anticorps monoclonaux pour résoudre des problèmes d'innocuité liés à la contamination résiduelle du produit par le CoV-SRAS.
Parmi les questions d'ordre clinique examinées, mentionnons les conditions d'utilisation du plasma en phase de convalescence (p. ex. besoin médical urgent), l'administration intraveineuse ou intramusculaire des formulations de globuline hyperimmune, l'usage prophylactique ou thérapeutique et la prise en charge des donneurs.
Wendy Johnson a fait état de l'expérience de Cangene en ce qui concerne les questions générales liées à la fabrication de globulines hyperimmunes pour diverses indications. Certaines de ces globulines font actuellement l'objet d'essais cliniques, et la mise en marché de certaines autres a déjà été autorisée. Les principales étapes de fabrication des immunoglobulines hyperimmunes sont les suivantes :
- sélection des donneurs;
- stimulation des donneurs avec des antigènes appropriés et surveillance des titres d'anticorps;
- prélèvement du plasma par plasmaphérèse;
- tests d'amplification des acides nucléiques du VIH-1, du VHB, du VHC, du VHA et du parvovirus B19 sur les pools de plasma;
- purification de la globuline hyperimmune par des méthodes chromatographiques;
- inactivation et/ou élimination des virus par un traitement au solvant détergent et par nanofiltration.
La technologie déjà utilisée par Cangene pourrait servir à la fabrication à contrat de globuline hyperimmune contre le SRAS à une échelle de 500 L ou de 1 000 L : d'autres échelles de fabrication pourraient être validées. La globuline contre le SRAS d'origine humaine pourrait être fabriquée à partir de plasma prélevé chez des malades en convalescence ou des donneurs stimulés par le vaccin. La stratégie privilégiée par Cangene serait de produire simultanément une globuline hyperimmune et un vaccin contre le SRAS en se servant de plasma provenant de patients immunisés participant à un essai clinique. La globuline hyperimmune pourrait également être produite par des animaux appropriés, comme le cheval, mais elle devrait être traitée pour ne pas être reconnue comme une protéine d'une autre espèce par le corps humain. Par ailleurs, les préoccupations concernant les prions chez certains animaux, comme le mouton, devraient être prises en considération. Il faudrait aussi tenir compte des préoccupations en matière d'innocuité associées au transfert d'anticorps anti-CoV-SRAS qui pourraient peut-être aggraver une maladie ultérieure si des antigènes tels que le CoV-SRAS inactivé étaient utilisés pour stimuler la production de la globuline hyperimmune. Des modèles animaux adéquats (p. ex. le singe) sont donc nécessaires dans les plus brefs délais pour les études précliniques.
Mise au point d'un vaccin contre le SRAS
Rachel Roper, de la SARS Accelerated Vaccine Initiative (SAVI), a présenté le programme de la SAVI. Elle a indiqué que cette initiative avait d'abord été financée par le gouvernement de la Colombie-Britannique, mais qu'elle était maintenant un consortium international ayant pour objectif d'accélérer la mise au point d'un vaccin contre le SRAS. Les chercheurs financés par la SAVI travaillaient à plusieurs stratégies pour la mise au point du vaccin : 1) vaccin à virus du SRAS inactivé; 2) protéines recombinantes; 3) adénovirus vivant recombinant pour la protéine de spicule et la nucléoprotéine. Le CoV-SRAS a déjà été adapté pour croître dans des cellules Vero. Pour appuyer les efforts de mise au point d'un vaccin, la SAVI a également financé d'autres projets dans des domaines tels que le génome et les protéines du SRAS ainsi que la bioinformatique (http://www.sarsresearch.ca). La SAVI possède un site Web (http://www.savi-info.ca) qui offre des bases de données et des renseignements variés sur des sujets allant de la recherche fondamentale à la recherche clinique. La SAVI a pour objectifs d'appuyer la recherche, de faciliter la collaboration et d'établir un paradigme pour une réponse vaccinale rapide en présence de maladies infectieuses émergentes.
Judith Atkins, d'Aventis Pasteur, a parlé des défis auxquels doit faire face l'industrie en ce qui concerne la mise au point et l'homologation d'un vaccin contre le SRAS. Elle a mentionné les étapes requises pour la mise au point d'un vaccin et les questions importantes qui doivent être réglées au fur et à mesure de la mise au point. Pour les vaccins contre le SRAS, en particulier, les modèles animaux devraient jouer un rôle central comme indicateurs de l'efficacité et de l'innocuité des préparations candidates. Une bonne compréhension des mécanismes de la pathogenèse est également nécessaire à l'extrapolation des données animales aux humains. Les études de phase IV seront très importantes lorsqu'un vaccin aura été mis au point et commercialisé. Il faudra disposer d'installations de bioconfinement de niveau 3 pour la production du CoV-SRAS vivant avant son inactivation, ce qui constituera un défi réglementaire de taille. De telles installations de production sont rares, mais il en existe une au Canada.
Questions réglementaires
On ne possède que peu ou pas d'information détaillée sur le SRAS, par exemple, la pathogenèse, l'immunopathologie, la nature de la réponse immunitaire protectrice et l'aggravation possible de la maladie par les vaccins ou les produits d'immunothérapie. La détermination des questions réglementaires déterminantes était donc essentielle pour qu'on s'assure de trouver des solutions aux problèmes le plus tôt possible au cours de la mise au point du produit, et ce, afin de ne pas retarder les essais cliniques et l'homologation. Au cours de la consultation, on s'est dit d'avis que les études normatives axées sur la normalisation des méthodes et la mise au point de modèles animaux devraient jouer un rôle important pour accélérer l'homologation des vaccins et des produits d'immunothérapie contre le SRAS. Un modèle animal validé servant à évaluer l'innocuité d'un vaccin candidat contre le SRAS sera nécessaire, vu la possibilité d'immunopotentialisation induite par la vaccination par un coronavirus observée après l'administration d'un vaccin inactivé contre la péritonite infectieuse féline. La difficulté d'entreprendre des essais cliniques de vaccins candidats contre le SRAS si la maladie ne réapparaissait pas ou demeurait très localisée constituait un autre défi réglementaire majeur.
Perspective européenne
Le Dr Roland Dobbelaer, de l'Institut scientifique de santé publique belge, à Bruxelles, a présenté le cadre réglementaire pour les vaccins établi par l'Union européenne (UE). Les autorités réglementaires européennes joueraient un rôle à différents niveaux durant la mise au point d'un vaccin contre le SRAS, dans l'homologation du vaccin et dans la surveillance après la mise en marché. La Commission européenne a investi 9 millions d'euros dans la recherche pour la prévention du SRAS et a reconnu l'importance de s'attaquer à cette maladie et à d'autres menaces semblables pour la santé publique. Les activités réglementaires de l'UE relatives aux vaccins sont menées par le biais d'interactions entre les autorités nationales au sein de l'UE et l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA). Pour plus d'information, consulter les sites Web suivants : http://pharmacos.eudra.org, http://www.emea.eu.int et http://www.pheur.org. Le guide du Comité des spécialités pharmaceutiques (CSP) sur l'évaluation préclinique et clinique des nouveaux vaccins, ainsi que le guide de la Pharmacopée européenne et les lignes directrices CPMP/ICH pour l'évaluation de la qualité s'appliqueraient à la mise au point d'un vaccin contre le SRAS. Toutefois, des lignes directrices plus spécifiques aux vaccins contre le SRAS pourraient être élaborées dans l'avenir par le groupe d'experts en vaccins du CSP (Vaccine Expert Group), groupe multidisciplinaire spécialisé dans l'évaluation de la qualité, de l'innocuité et de l'efficacité des vaccins. Au besoin, d'autres experts peuvent se joindre à ce groupe. Le rôle du groupe d'experts consiste à résoudre des problèmes réglementaires précis, à élaborer des documents d'orientation et à communiquer avec les parties externes. Les Official Medicines Control Laboratories (OMCL) sont responsables de la mise en circulation des lots de vaccins dans l'UE. Il incombe aux OMCL de développer les compétences techniques nécessaires pour tester les vaccins avant leur mise en circulation.
Le cadre réglementaire régissant la mise au point et l'homologation d'un éventuel vaccin contre le SRAS ainsi que la surveillance de l'innocuité et de l'efficacité de ce vaccin a été élaboré dans l'UE. Ce cadre réglementaire est assez flexible pour être utilisé dans des situations d'urgence, au besoin, telles qu'une pandémie de maladie humaine. Des dispositions légales sont en place pour permettre une modification temporaire des règlements de l'Union européenne concernant l'autorisation de mise en marché de manière à permettre un examen et une mise en circulation très rapides de produits très nécessaires. Dans de telles circonstances, la surveillance postcommercialisation de l'innocuité et de l'efficacité d'un vaccin contre le SRAS serait très importante. En Europe, le Réseau européen de surveillance des maladies transmissibles, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, les autorités nationales, l'EMEA et les OMCL (mise en circulation des lots) auraient tous un rôle à jouer. Pour que ces mesures soient efficaces, il est essentiel que les fabricants de vaccins et les autorités maintiennent un dialogue permanent.
Perspective des États-Unis
William Egan, de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, a présenté la stratégie réglementaire de la FDA en ce qui concerne les vaccins contre le SRAS. La FDA est résolue à encourager la mise au point efficace et rapide d'un vaccin contre le SRAS et à offrir de multiples occasions aux promoteurs et aux autorités réglementaires de se rencontrer durant les différentes étapes de la mise au point (pré-DNR, fin de la phase 2 et étape préalable à la demande d'homologation). Monsieur Egan a fait ressortir les considérations relatives à l'innocuité de différents types de vaccins et les questions réglementaires concernant la production de vaccins en général. En ce qui concerne le vaccin contre le SARS, il est particulièrement important de mener des études de provocation et de protection chez un modèle animal adéquat, car ces études fourniraient des données fondamentales pour l'usage chez l'humain et pourraient aider à déterminer si un vaccin candidat entraîne une réponse immunitaire qui pourrait provoquer une exacerbation d'une maladie ultérieure qui serait causée par le virus sauvage. La règle de l'efficacité chez l'animal (Animal Efficacy Rule) de la FDA s'applique aux drogues nouvelles et aux produits biologiques lorsqu'on a besoin de données pour démontrer l'efficacité de ces produits dans les situations où les études d'efficacité chez l'humain ne sont pas conformes à l'éthique ou sont difficiles à réaliser. Cette règle est utilisée pour les produits destinés à traiter ou à prévenir des maladies graves ou mettant la vie en danger. Elle ne s'applique pas aux produits pour lesquels il existe déjà des marqueurs de substitution ou des paramètres cliniques autres que la survie ou la morbidité irréversible. Cette règle n'a pas pour objet l'évaluation de l'innocuité globale du produit. L'information obtenue au moyen du modèle animal devrait être applicable à une situation humaine (provocation semblable, réceptivité et titres d'anticorps protecteurs). Au stade préclinique, on règle les questions liées à la chimie et à la fabrication du produit, notamment le processus de fabrication, les tests, les critères de mise en circulation des lots, les études de stabilité et la validation des processus et des tests. Le Office of Vaccines Research and Review donne aux promoteurs des conseils en ce qui a trait à la fabrication (recommandations concernant les substrats cellulaires, etc.), les études chez l'animal (évaluation non clinique de l'innocuité et de l'efficacité), la mise au point de tests et l'élaboration du plan d'essai clinique. Monsieur Egan a invité les promoteurs à consulter la FDA et à se servir des documents et des ressources disponibles. De plus amples renseignements sont offerts sur le site Web suivant : http://www.fda.gov/cber/.
Point de vue du Canada
Harold Rode (Santé Canada) a parlé des politiques et des règlements canadiens qui régissent l'homologation des nouveaux produits biologiques. En vertu de ces politiques et règlements, les promoteurs doivent fournir des données scientifiques pour prouver que l'innocuité et l'efficacité d'un nouveau produit sont acceptables. Il est cependant reconnu qu'avant qu'une quantité suffisante de données scientifiques soit disponible, la mise au point pourrait être fondée sur un raisonnement empirique. Des politiques et des dispositions réglementaires différentes s'appliquent aux diverses étapes de la mise au point d'un produit. Bien qu'aucun règlement ni aucune politique ne régissent les premiers stades de la recherche, il est préférable de rassembler une bonne documentation dans l'éventualité où celle-ci pourrait être incluse dans la présentation. Par ailleurs, c'est au cours des premiers stades de la mise au point qu'on détermine les processus de fabrication, les modèles animaux et les essais précliniques pour favoriser la production d'un produit de qualité acceptable pour un usage chez l'humain. Pour mener des essais cliniques au Canada, il faut présenter une Demande d'essai clinique, demande pour laquelle des dispositions réglementaires et des lignes directrices ont été adoptées. Au Canada, lorsqu'on demande une autorisation de mise en marché (Présentation de drogue nouvelle) d'un produit biologique, comme un vaccin, il faut présenter des données cliniques sur le produit et des données sur la qualité du produit, faire une demande de licence d'établissement et se soumettre à une évaluation sur place des installations de production, du processus de fabrication et des méthodes de contrôle de la qualité du produit. Des chercheurs de Santé Canada procèdent également à une évaluation en laboratoire des lots avant l'homologation. Dans des conditions normales, les détails concernant la fabrication et les essais cliniques doivent être établis avant la présentation. Les présentations pour des produits de grande nécessité contenant toute l'information requise peuvent faire l'objet d'un traitement prioritaire. Cependant, dans des situations spéciales ou d'urgence, lorsque les données sont incomplètes, mais que les avantages dépassent largement les risques, on peut procéder à une évaluation accélérée, qui permet de modifier ou de retarder temporairement les exigences pour satisfaire à des besoins urgents. Les bonnes pratiques (BPF, BPC, BPL) doivent être respectées à toutes les étapes de la mise au point du produit. Santé Canada encourage les fabricants à discuter des questions et des problèmes particuliers durant les réunions tenues avant la présentation afin d'accélérer le processus réglementaire. Santé Canada reconnaît également l'importance de l'harmonisation, de la coordination et de la collaboration internationales.
Peter Neumann (Santé Canada) a parlé des questions réglementaires concernant l'homologation des produits d'immunothérapie au Canada, y compris l'évaluation de l'innocuité, de l'efficacité et de la qualité des produits.
Du point de vue canadien, les principales mesures de sécurité s'appliquant au plasma utilisé dans la fabrication sont les suivantes :
- plasma obtenu de pays dont la situation est acceptable en ce concerne les EST;
- sélection des donneurs de manière à exclure les personnes présentant un risque élevé de certaines maladies infectieuses;
- dépistage du VIH, du VHB et du VHC chez les donneurs à l'aide de trousses approuvées par Santé Canada;
- mise en quarantaine des unités de plasma pendant 60 jours avant la mise en pool afin de permettre le retrait d'unités lorsqu'on obtient, après le prélèvement, de l'information indiquant qu'un donneur présente un risque élevé de transmission de maladies infectieuses;
- test d'amplification des acides nucléiques du VIH, du VHC et autres sur les pools de plasma.
Les considérations relatives à la fabrication sont les suivantes :
- acceptation par la Pharmacopée des États-Unis et la Pharmacopée européenne des spécifications des méthodes et des produits, s'il y a lieu;
- volume des pools (limite inférieure fixée pour réduire les variations d'un pool à l'autre et limite supérieure établie pour réduire les risques de maladies infectieuses);
- inactivation ou élimination des virus (traitement à la chaleur, pH, traitement par un solvant détergent, nanofiltration, etc.) en fonction des études de validation virales à l'aide de virus pertinents ou des modèles viraux;
- caractérisation de l'activité des produits (essais de neutralisation ou tests de remplacement, et corrélation de la distribution des sous-classes d'IgG et de l'efficacité des études cliniques);
- utilisation de normes adéquates pour la caractérisation des produits;
- utilisation d'albumine approuvée ou pouvant être approuvée comme excipient.
Peter Ganz (Santé Canada) a dirigé la discussion qui a mis en lumière certains des facteurs clés devant être pris en considération lors de la mise au point et de l'homologation des produits d'immunothérapie au Canada. Les questions relatives à la source du plasma comprennent le titre des anticorps et l'absence de coronavirus dans le plasma en phase de convalescence. Il faut prendre des décisions concernant les tests appropriés pour le SRAS en tenant compte des souches détectées et des limites des divers tests. Il est aussi important d'évaluer les effets de l'inactivation des virus sur l'activité des anticorps et de déterminer l'efficacité des produits et les doses chez des modèles animaux adéquats. Au nombre des autres questions figuraient les différences entre le plasma en phase de convalescence et la globuline hyperimmune ainsi que les groupes de receveurs adéquats (p. ex. prophylaxie chez les travailleurs de la santé ou traitement).
Denise Denicourt (Santé Canada) a présenté des questions réglementaires précises concernant l'homologation des vaccins viraux. Elle a souligné l'importance de la sélection et de la caractérisation des souches virales et des substrats cellulaires utilisés pour la production de vaccins et de l'établissement de banques pour ces virus et substrats. Pour accélérer la mise au point, l'évaluation clinique et l'homologation éventuelle des vaccins, madame Denicourt suggérait fortement, dans la mesure du possible, d'avoir recours à des procédures et à des biotechnologies déjà établies et éprouvées pour la production. Les biotechnologies nouvelles et non éprouvées (comme l'utilisation de nouvelles lignées cellulaires pour la production du virus) pourraient fort bien être à l'origine de problèmes réglementaires considérables et, peut?être, retarder l'homologation des vaccins. La normalisation des essais et les questions concernant la production de vaccins dans des installations de bioconfinement de niveau 3 ont aussi été l'objet des discussions. L'OMS a récemment élaboré des lignes directrices pour la production d'un vaccin inactivé contre la poliomyélite dans des installations de bioconfinement de niveau 3, ce qui se produira lorsque l'éradication mondiale du virus sauvage de la poliomyélite aura été confirmée. Ces lignes directrices pourraient se révéler utiles aux personnes qui voudraient mettre au point un vaccin contre le SRAS.
La Dre Agnes Klein (Santé Canada) a parlé des essais cliniques et a souligné certaines questions relatives aux paramètres cliniques. Les dispositions réglementaires canadiennes pour les essais cliniques sur des sujets humains sont présentées au titre 5 du Règlement sur les aliments et drogues. Ces exigences sont strictes, et un examen continu de l'innocuité est effectué durant un essai clinique, essai qui pourrait être suspendu ou annulé pour des raisons de sécurité. Les Bonnes pratiques cliniques devraient être respectées, y compris les exigences d'ordre éthique définies dans le règlement. Un programme d'inspection/audit est également en place, et la présentation d'une Demande d'essai clinique est nécessaire, peu importe l'identité du promoteur.
Lorsqu'une étude clinique de base a été menée avec succès, que le vaccin a été homologué et que les corrélats de protection ont été déterminés et acceptés, l'homologation de vaccins génériques du même type est généralement fondée sur des marqueurs de substitution, tels que le titre des anticorps. Une quantité considérable d'information concernant la pathogenèse de la maladie, l'immunité protectrice conférée par le vaccin original et les profils d'innocuité est déjà connue. Toutefois, en raison du manque de données scientifiques sur le SRAS, il est impossible pour le moment de fournir des réponses réglementaires détaillées concernant l'application de paramètres précis pour les vaccins contre le SRAS.
Conclusions et recommandations
Un certain nombre de questions d'ordre réglementaire concernant les vaccins et les produits d'immunothérapie ont été abordées de manière approfondie durant la discussion générale dirigée par le professeur Geoffrey C. Schild (R.-U.).
- Pour accélérer la mise au point, l'évaluation clinique et l'homologation éventuelle de nouveaux produits diagnostiques, thérapeutiques ou prophylactiques pour le SRAS, il fortement recommandé, dans la mesure du possible, d'avoir recours à des procédures et à des biotechnologies déjà établies et éprouvées pour la production.
- La production de CoV-SRAS pour la fabrication d'un vaccin inactivé (par exemple) devra être effectuée dans des installations de bioconfinement de niveau 3, ce qui pourrait constituer un obstacle important.
- Il sera essentiel de normaliser les essais biologiques, particulièrement les essais d'usage courant tels que ceux utilisés pour mesurer les réponses immunitaires aux vaccins candidats dans différents essais cliniques, afin de pouvoir comparer les données provenant de différentes études cliniques et de divers endroits. Les participants ont recommandé que cette question soit traitée en priorité.
- La disponibilité de modèles animaux validés pour le SRAS était jugée cruciale pour la mise au point de vaccins et de produits d'immunothérapie contre le SRAS. Ces modèles seront essentiels à l'étude des mécanismes de la pathogénicité, des réponses immunitaires et de la maladie ainsi que pour l'évaluation de l'efficacité et de l'innocuité potentielles des produits candidats. Avant que des essais cliniques de vaccins inactivés contre le CoV-SRAS ne soient mis en branle chez l'humain, il faudra effectuer des recherches à l'aide de modèles animaux pour déterminer si une réaction induite par le vaccin provoquerait l'exacerbation d'une maladie ultérieure après provocation par le CoV-SRAS. Aucun modèle n'a encore été créé pour évaluer les effets immunopotentialisateurs des produits contre le SRAS, et la création d'un tel modèle était considérée comme urgente. Des travaux sont en cours dans plusieurs laboratoires sur des modèles de petits animaux pour le SRAS, mais aucun détail sur ces travaux n'était encore connu.
- La difficulté d'entreprendre des essais cliniques visant à évaluer la protection conférée par le vaccin si le SRAS ne réapparaît pas ou demeure très localisé constitue un autre défi réglementaire de taille. Il serait peut?être possible de mettre au point des marqueurs de substitution pour évaluer la protection et de les utiliser comme paramètres cliniques au cours des essais.
- Dans l'éventualité d'une situation d'urgence, divers processus réglementaires sont déjà en place au Canada, en Europe et aux États?Unis pour accélérer l'utilisation de produits pharmaceutiques lorsqu'il est difficile ou impossible de respecter les règles habituelles utilisées pour démontrer l'efficacité chez les humains. On a également souligné l'importance d'un dialogue permanent entre, d'une part, les concepteurs et les fabricants de vaccins et, d'autre part, les autorités réglementaires tout au long du processus de mise au point.
Détails de la page
- Date de modification :