Groupe de travail interministériel fédéral sur le rétablissement du poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire

Sommaire de la séance de dialogue initiale sur le rétablissement du poids démographique des francophones

La séance de dialogue, qui a eu lieu le 12 novembre 2024, s’inscrit dans les activités du Groupe de travail interministériel sur le rétablissement du poids démographique des francophones. La séance a réuni 13 institutions fédérales et cent participants au totalNote de bas de page 1. Cette rencontre virtuelle a permis un premier contact sur cet enjeu horizontal et complexe intimement lié à la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire.

L'objectif principal de la séance était d’offrir une mise à niveau sur les enjeux démographiques des francophones, tout en posant les bases d’une coopération continue entre les institutions fédérales, les chercheurs et les organismes communautaires. La séance a permis de mettre en lumière les grands facteurs influençant le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire, ainsi que les potentiels leviers pour soutenir leur développement à long terme. La rencontre a également été l'occasion d’amorcer des discussions sur de possibles pistes d’actions futures visant à rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire.

Présentations en séance plénière

La séance a débuté avec trois présentations sur les caractéristiques et facteurs de croissance démographique, suivie d’une période de questions.

Statistique Canada a introduit les bases conceptuelles et statistiques, ainsi que les grands facteurs qui permettent de suivre l’évolution du poids démographique des minorités francophones au Canada.

Trois grands facteurs ont été présentés : 1) L’accroissement naturel, 2) L’accroissement migratoire (interprovincial et international) et 3) La mobilité linguistique. L'analyse montre que, bien que le nombre de francophones reste relativement stable, leur proportion au sein de la population totale diminue en raison de la croissance plus rapide de la majorité. La présentation a noté que les changements au poids démographique des francophones hors Québec sont multifactoriels, et que le rôle des facteurs en cause diffère d’une province à l’autre.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a partagé les perspectives, priorités et rôle des organismes communautaires avec en appui les résultats d’une d’étude récente de la firme Sociopol. La question centrale de la présentation étant : Quelles sont les composantes qui ont le plus d’impact dans la croissance démographique de la population francophone au Canada?

Les trois principales composantes de la croissance démographique de la population francophone évoquées par Statique Canada furent abordés notamment les migrations internationales, facteurs importants pour le rétablissement du poids démographique, ainsi que le rôle du gouvernement et l’importance d’une collaboration multipartite

L’importance de l’immigration francophone a été mise de l’avant en précisant que les cibles d’admission d’immigrants d’expression française sont insuffisantes pour endiguer le déclin démographique des communautés francophones en situation minoritaire. La FCFA a rappelé sa demande de fixer une nouvelle cible progressive en immigration francophone, qui débuterait à 12 % en 2024 et augmenterait progressivement pour atteindre 20 % en 2036. La présentation de la FCFA a de plus souligner l’importance de pérenniser l’accueil et l’inclusion des personnes nouvellement arrivées dans une communauté francophone, en rappelant le rôle des organismes communautaires dans le rétablissement du poids démographique.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a abordé les dimensions multiples de l’enjeu démographique, identifiant quatre catégories de facteurs : la croissance naturelle, la mobilité géographique, la migration internationale et la mobilité linguistique. Les multiples acteurs fédéraux, provinciaux et territoriaux, municipaux et communautaires peuvent tous potentiellement influencer ces facteurs.

Les discussions suivantes ont principalement porté sur le besoin en matière de données désagrégées pour mieux refléter la réalité des francophones, qui sont souvent plurilingues, et celui de mieux capter le phénomène de la transmission linguistique incomplète. Vu l’importance accordée à ce sujet, nous abordons ces propos plus loin dans le rapport.

Puis mettant la table pour les discussions en sous-groupes, la présentation du Secrétariat du Conseil du Trésor a permis de situer les mesures positives dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles (la loi), de préciser les engagements du gouvernement du Canada et de présenter les caractéristiques et champs d’application des mesures positives. Il a également été question de confirmer que les institutions fédérales sont assujetties à ces obligations depuis l’adoption du projet de la modernisation de la loi en juin 2023.

Points saillants des discussions en sous-groupes

La suite de la séance s’est principalement déroulée dans le cadre d’échanges entre les organismes et les institutions fédérales dans trois sous-groupes qui ont abordé les thèmes suivants : 1) l’emploi, l’immigration et la francophonie internationale; 2) les services à la communauté et le continuum de l’éducation; et 3) les infrastructures communautaires.

Les discussions ont révélé plusieurs enjeux communs, dont l’intégration professionnelle des immigrants francophones, et la reconnaissance de leurs titres de compétences étrangers. Les défis liés à la petite enfance, à l’éducation et à l’infrastructure scolaire furent également des éléments récurrents, avec un accent particulier sur le besoin d’espaces dédiés, non seulement pour l’apprentissage formel, mais aussi pour la vie communautaire.

Selon les participants, ces enjeux demandent une réponse stratégique et collective pour créer des communautés accueillantes, assurer une intégration efficace et durable des immigrants et soutenir le développement à long terme des communautés.

Enfin, le besoin de renforcer les efforts de collaboration multipartite, et de mieux utiliser les ressources disponibles a été mis en évidence dans toutes les discussions. Les discussions ont également révélé des pistes d’action possibles, qui se recoupent et renforcent les efforts nécessaires pour rétablir le poids démographique des francophones hors Québec.

L’emploi, l’immigration et la francophonie internationale

Les participants ont souligné à maintes reprises la nécessité de développer une approche concertée en matière d’emploi au sein des communautés francophones en situation minoritaire. On suggère une stratégie d’emploi réunissant tous les partenaires concernés et misant en priorité sur l’employabilité et l’entreprenariat des francophones (immigrants ou non). La diminution de la main-d'œuvre disponible due au vieillissement de la population représente un défi important. Cependant, les discussions lors des consultations se concentrent souvent sur l'employabilité, sans stratégie claire pour la création d'emplois en français. De plus, encourager l'entrepreneuriat francophone permettrait de créer des emplois non seulement pour les entrepreneurs eux-mêmes, mais aussi pour d'autres, contribuant ainsi à un développement durable de l'emploi en français. La reconnaissance des titres de compétence étrangers a été identifiée comme une priorité pour intégrer efficacement les immigrants francophones dans le marché du travail. Par exemple, le faible taux de reconnaissance des diplômes étrangers dans des secteurs clés est un obstacle, contribuant à la sous-utilisation des compétences des immigrants qualifiés. La mobilisation des ordres professionnels s’avère un défi.

En outre, l’enjeu de la mobilité interprovinciale des travailleurs et professionnels, la formation linguistique (en anglais pour favoriser le bilinguisme des candidats) et l’enjeu de la reconversion professionnelle ont été mentionnés comme éléments stratégiques et prioritaires. Il a aussi été question de la présence de conseils scolaires en français et du secteur de la petite enfance, souvent les plus grands employeurs dans une région, qui assure la rétention en régions rurales. En référence au Corridor des enseignants, il a été suggéré de mettre sur pied d’autres types de « corridor » pour certains métiers ou professions. Enfin, certains ont noté l’importance du rôle des communautés pour assurer une meilleure sensibilisation des programmes gouvernementaux.

On a aussi souligné l’importance de porter une attention particulière à retenir, attirer et intégrer les jeunes puisqu’ils représentent un bassin important pour l’avenir des communautés francophones.

Les services à la communauté et le continuum de l’éducation

Les participants ont souligné que les services offerts par des organismes francophones pour les francophones (et non uniquement en français) sont essentiels. La dispersion géographique des communautés rend difficile l’accès à des services locaux de qualité, comme les garderies et les écoles. En particulier, le besoin d’améliorer l’accès aux services en santé en français pour les nouveaux arrivants a été soulevé, afin de relever les défis en lien avec les déterminants sociaux.

Une autre question soulevée a été l’importance de la formation en français. Cependant, des défis de recrutement ont été identifiés dans les programmes de formation offerts qui souffrent de la concurrence des institutions anglophones. Il a été proposé de promouvoir la formation et le soutien disponible, notamment pour les professionnels de la santé qui sont formés à l'étranger, afin de mieux répondre aux besoins de main-d'œuvre.

Une collaboration accrue entre les institutions fédérales, les organismes communautaires et les établissements de formation est un modèle gagnant-gagnant du secteur de la santé qui pourrait également être repris pour répondre aux besoins de formation dans un contexte où le nombre de professionnels qualifiés en français ne correspond pas à la demande.

Les infrastructures communautaires

Les intervenants ont souligné que les retards dans la création de nouvelles infrastructures, comme des écoles ou des centres de santé, sont un obstacle à l’accès aux services en français et l'intégration des nouveaux arrivants francophones. Le groupe a recommandé d’accélérer la création de ces infrastructures, ainsi que de veiller à leur répartition géographique pour mieux répondre aux besoins des communautés.

Selon les intervenants, les infrastructures scolaires et communautaires doivent être modernisées pour rattraper le retard par rapport aux communautés de la majorité afin d’atteindre l’égalité réelle. Il est aussi question de maximiser les espaces existants pour qu’ils servent à la fois de lieux d’apprentissage et de centres de vie en français pour toute la communauté, en intégrant des dimensions culturelles et d'apprentissage informel.

L’inclusion de services pour la petite enfance dans ces infrastructures a d’ailleurs été considérée comme essentielle pour soutenir le développement des jeunes francophones établis ou nouveaux immigrants et leur pleine participation dans la communauté francophone. Une telle approche permettrait de rendre les espaces scolaires et communautaires plus fonctionnels et davantage adaptés aux besoins.

La planification intégrée et prévisionnelle, englobant aussi les mesures en réponse aux pénuries de logement abordable, en collaboration avec tous les niveaux de gouvernements, permettrait de mieux anticiper les besoins futurs et de mieux les aligner avec les projections démographiques.

Les données probantes : un enjeu transversal

Au fil des trois groupes de discussion, il a été souligné que la collecte de données détaillées sur les populations francophones, y compris celles capables de converser en français et une population plurilingue plus large, est nécessaireNote de bas de page 2. Il serait d’ailleurs pertinent de notamment désagréger ces données par genre et d'examiner les besoins spécifiques de groupes comme les femmes ne parlant ni français ni anglais, ainsi que les nouveaux arrivants. À ce titre, l’approche ACS Plus a été mentionnée comme devant être intégrée afin de fournir des options de politiques éclairées. La question de la transmission linguistique incomplète, en particulier dans les familles plurilingues, a également été abordée. Ce défi serait particulièrement présent dans les provinces où une faible proportion d'enfants admissibles fréquente les écoles francophones, en raison du manque d'infrastructures scolaires et communautairesNote de bas de page 3.

Un besoin pressant de portraits statistiques détaillés et sur une base régionale a été exprimé pour mieux comprendre les déterminants sociaux influençant la santé et le bien-être des nouveaux arrivants. Ce manque de données fiables empêche la mise en place de politiques et d'initiatives véritablement adaptées aux besoins des communautés francophones. Il a également été recommandé de recueillir des données sur la reconnaissance des titres de compétence étrangers et les secteurs sous-représentés pour évaluer l'efficacité des politiques actuelles. En outre, l'attraction vers la langue française peut être influencée par plusieurs facteurs, notamment la possibilité de travailler en français. Bien que cet aspect ne soit pas systématiquement pris en compte dans les indicateurs actuels, il pourrait être intégré pour mieux évaluer cette dimension.

Enfin, il est difficile de mesurer précisément le nombre de francophones qui quittent le pays, car les données disponibles sur les départs ne sont pas ventilées par langue (comme il a été rappelé par Statistique Canada). Les estimations démographiques reposent sur des méthodes qui ne permettent pas d'identifier spécifiquement les francophones partants.

Prochaines étapes

Les discussions ont permis d’identifier des pistes pour des mesures pouvant favoriser le rétablissement du poids démographique des francophones. Parmi ces recommandations figurent la nécessité d’une approche fédérale ou d’une stratégie en matière d’emploi au sein des communautés francophones en situation minoritaire, préférablement de nature sectorielle, favorisant l’intégration des immigrants et l’employabilité des francophones en général. L’amélioration de l’accès aux services en français et la modernisation des infrastructures figurent aussi à l’ordre des actions prioritaires. À travers l’ensemble des discussions, il est sous-entendu que la jeunesse est perçue comme un acteur clé. L'intégration précoce, l'accès à une éducation de qualité en français et le soutien à la formation de la relève sont des éléments fondamentaux pour la vitalité des communautés francophones.

En outre, il sera important que les institutions fédérales du groupe de travail interministériel poursuivent leurs efforts pour intégrer la dimension linguistique dans les politiques et programmes fédéraux de développement social et économique. Multiplier les occasions de dialogues informels pour mieux identifier les opportunités de collaboration et répondre aux besoins spécifiques des communautés est nécessaire.

En réponse à un sondage, les participants ont fourni leur rétroaction sur cette première séance. Nous ajusterons donc le format de la prochaine journée de dialogue en réduisant le nombre de présentations et en augmentant le temps alloué aux discussions. Afin d’identifier des thèmes ou enjeux spécifiques, des discussions ciblées en groupes restreints seront menées auprès des intervenants. Ces échanges permettront d’approfondir les sous-thèmes identifiés et d’examiner les facteurs influençant le rétablissement du poids démographique des francophones, dans l’objectif de préparer une journée de dialogue plus large.

Un grand merci à tous les participants ainsi qu’aux présentateurs pour leurs contributions et le temps qu’ils ont consacré à cet événement. Un dialogue continu entre tous les acteurs sera essentiel pour relever les défis à venir.

Annexe – Liste des participants

Coprésidents

  • Jalila Bendarhou, Directrice principale, Patrimoine canadien
  • Yves Saint-Germain, Directeur, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Membres du groupe de travail

  • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada - Représenté
  • Emploi et Développement social Canada - Représenté
  • Santé Canada - Représenté
  • Infrastructure Canada - Représenté
  • Innovation, Sciences et Développement économique Canada - Représenté
  • Ministère de la Justice Canada - Représenté
  • Affaires mondiales Canada - Représenté
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada - Représenté
  • Statistique Canada - Représenté
  • Société canadienne d'hypothèques et de logement - Représenté
  • Femmes et égalité des genres Canada - Représenté
  • Services publics et Approvisionnement Canada - Représenté
  • Patrimoine Canadien – Représenté

Intervenants communautaires

  • Société de la francophonie manitobaine
  • Sociopol
  • Conseil scolaire catholique Franco-Nord
  • Réseau en immigration francophone du Nouveau-Brunswick
  • Fédération des francophones de la Colombie-Britannique
  • Société Santé en français
  • Fédération des communautés francophones et acadienne
  • Université de Moncton
  • Université d’Ottawa
  • Association franco-yukonnaise
  • Réseau en immigration francophone du Manitoba
  • Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse
  • Alliance des femmes de la francophonie canadienne
  • Assemblée de la francophonie de l’Ontario
  • Réseau de développement économique et d’employabilité
  • Coopérative d’intégration francophone de l’Île-du-Prince-Édouard
  • Conseil Économique et Social d’Ottawa Carleton
  • Université de l’Ontario Français
  • Université Laval
  • Association francophone pour le savoir
  • Réseau en Immigration Francophone de la région Centre-Sud-Ouest de l’Ontario
  • Réseau en immigration francophone de l'Alberta
  • Fédération nationale des conseils scolaires francophones
  • Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick
  • Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc.
  • Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences
  • Réseau en immigration francophone Saskatchewan
  • Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador
  • La Cité
  • Association canadienne-française de l'Alberta
  • Fédération De La Jeunesse Canadienne-Française
  • Société Nationale de l’Acadie
  • Immigration Francophone Nouvelle-Écosse
  • Assemblée communautaire fransaskoise
  • Association canadienne d'éducation de langue française
  • Le Réseau du Nord

Secrétariat du groupe de travail

  • Sira Kanoute, Directrice adjointe, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • Patrick Cyr, Gestionnaire, Patrimoine canadien
  • Jacinthe Robichaud, Analyste, Patrimoine canadien
  • Ricky Richard, Analyste, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • Hubert Carrier, Analyste, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  • Alice Gaudreau, Analyste, Patrimoine canadien
  • Danica Roberts, Agente de projet et coordination, Patrimoine canadien

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