Lettre à l'association des banquiers canadiens - La sécurité économique et l'autonomisation commencent avec les banques canadiennes

Anthony G. Ostler, Président et Chef de la direction
Association des banquiers canadiens
Toronto - C.P. 348
Commerce Court West
199, rue Bay, 30e étage
Toronto (Ontario) M5L 1G2
Tél. : (416) 362-6092

Le 1er mai 2025

Objet : La sécurité économique et l'autonomisation commencent avec les banques canadiennes

Cher Président Ostler et membres de l‘Association des banquiers canadiens,

Je vous écris en ma qualité d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. En mars 2024, le Commissariat a lancé une enquête systémique nationale sur la façon dont les survivantes de violence sexuelle sont traitées dans le système de justice pénale (SJP) canadien.

Tout au long de l'enquête, nous en avons appris davantage sur le rôle essentiel que jouent les institutions financières pour perturber la violence et lutter contre les comportements coercitifs et contrôlants. J'ai été encouragé d'apprendre que lorsque les banques signalent des opérations douteuses au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), l'organisme est en mesure de coordonner ses activités avec les organismes d'application de la loi en temps réel pour détecter le crime organisé et aider les organismes d'application de la loi à faire progresser leurs enquêtes sur les survivants de traite de personnes à des fins sexuelles. Les données provenant des transactions financières peuvent également réduire le fardeau que les procureurs de la Couronne doivent imposer au témoignage des survivants lorsqu'une affaire est portée devant les tribunaux.

Grâce à des entrevues avec des survivant.e.s et à des consultations avec des intervenants, nous avons appris que le secteur bancaire est bien placé pour prévenir l'exploitation économique et aider les survivant.e.s à reconstruire leur vie. Nous avons pris connaissance de nouvelles pratiques à l'échelle internationale qui protègent les survivants, y compris des pratiques élaborées par Catherine Fitzpatrick, ancienne dirigeante de banque en Australie et principale militante contre l'exploitation financière. Nous appuyons les recommandations de CANAFE et du Centre canadien pour l'autonomisation des femmes (CCPAF) visant à adapter des stratégies similaires au Canada.

Nous partageons un objectif commun : lutter contre l'exploitation économique et préserver l'autonomisation économique des Canadiens.

Le besoin urgent

Les survivant.e.s privilégient souvent leurs préoccupations financières plutôt que de signaler un crime aux forces de l'ordre. L'accès aux ressources est essentiel à la survie, donc lorsque les agresseurs menacent de conséquences financières ou contrôlent les finances d'une survivante, il peut être difficile de demander de l'aide.

Selon le CCPAF, 95 % des victimes de violence conjugale sont victimes d’exploitation économique. Une étude du CCPAF réalisée en 2021 a révélé que 33 % des survivant.e.s trouvaient les institutions financières inutiles et estimaient qu'elles ne protégeaient pas leur sécurité. Collectivement, la violence familiale a coûté 7,4 milliards de dollars à la société canadienne en 2012, une estimation qui pourrait maintenant approcher les 10 milliards de dollars.

Reconnaître les progrès

Nous reconnaissons le rôle que jouent déjà les banques canadiennes dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme grâce à la coordination et à la déclaration au CANAFE. On note également :

Les banques canadiennes peuvent continuer sur cette lancée en assumant la responsabilité de toutes les formes d'exploitation financière et économique facilitées sur leurs plateformes.

Quatre domaines d'action immédiate

1. Le virement Interac comme outil d'abus

Les agresseurs ont exploité le système de virement Interac en envoyant de petites sommes d'argent avec des messages menaçants ou abusifs, ce qui a permis de continuer à harceler. Un exemple tragique est le cas d'Angie Sweeney, qui a été assassinée quelques heures seulement après avoir reçu un transfert Interac d'un cent avec un message menaçant de son ex-petit ami.

Nous devons sensibiliser la population aux abus fondés sur la technologie, et les institutions bancaires doivent faciliter le signalement de ces comportements, et les intensifier au besoin par le biais de la déclaration par CANAFE.

Hébergement femmes Canada et le CCPAF ont recommandé la mise en œuvre de mesures pour freiner cette utilisation abusive, notamment

2. Les polices d'assurance : une protection, pas une exploitation

« Designed to Disrupt », une série de l'Australienne Catherine Fitzpatrick, met en lumière comment les agresseurs peuvent utiliser les polices d'assurance conjointe comme armes en annulant la couverture, laissant ainsi les victimes financièrement vulnérables. Souvent, les victimes ne sont pas au courant de ces actes jusqu'à ce qu'il soit trop tard, ce qui les laisse sans argent et détruit leurs biens.

Pour remédier à ces vulnérabilités, « Designed to Disrupt » a proposé :

3. Protections améliorées pour les survivants

Même avec des politiques et des procédures améliorées, les victimes et les survivants d'abus économiques peuvent continuer à faire face à des défis importants. L'abus économique et la dette forcée peuvent endommager les cotes de crédit et épuiser les ressources, forçant les victimes à rester dans des relations abusives, soulignant l'importance de l'indépendance financière. Les banques peuvent aider les survivant.e.s à reprendre le contrôle de leur vie.

Le CCPAF a proposé plusieurs solutions axées sur les survivants :

Nous encourageons l'Association des banquiers canadiens à continuer de collaborer avec le CCPAF et d'autres intervenants, en tirant parti des pratiques exemplaires internationales pour élaborer une approche de l'exploitation économique qui tient compte des traumatismes.

4. Déclaration rapide à CANAFE

CANAFE a investi des ressources importantes pour renforcer ses outils afin de permettre l'analyse en temps réel des déclarations, y compris celles concernant les opérations douteuses. Le fait de déclarer les opérations douteuses à CANAFE aux fins d'analyse le plus rapidement possible peut accroître le nombre d'interventions qui sauvent des vies pour les survivants et prévenir d'autres préjudices.

Nous vous invitons à répondre à cette lettre, en décrivant les réalisations à ce jour et les initiatives prévues pour prévenir et contrer l'exploitation économique des victimes d'actes criminels. Ces renseignements seront consignés dans le rapport final de notre enquête afin de souligner vos contributions à la sécurité des victimes et des survivant.e.s.

Nous vous serions reconnaissants de nous répondre avant le 1er juin 2025.

Je vous remercie encore une fois de votre leadership continu.

 

//Originale signée par//
Dr Benjamin Roebuck

Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
Gouvernement du Canada
victimesdabord@ombud.gc.ca

CC Selam Hiyabu

[1] Tenir compte des traumatismes permet à un fournisseur de services de comprendre les répercussions des traumatismes sur les personnes afin d'essayer d'atténuer d'autres préjudices. La nécessité de comprendre la violence et les traumatismes et leurs répercussions, de créer des environnements sûrs pour les clients, d'offrir des choix et des liens. Recueil des recherches sur les victimes d'actes criminels, no 9.

RÉPONSE

Le 30 mai 2025

Dr Benjamin Roebuck

Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels

Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels Gouvernement du Canada

Par courriel : info@ombud.gc.ca & victimsfirst@Ombud.gc.ca

Objet : Votre lettre datée du 1 er mai 2025 « Objet : La sécurité économique et l'autonomisation commencent avec les banques canadiennes »

Je vous écris en réponse à votre lettre datée du 1er mai 2025 (incluse à l'annexe 1). D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier de votre lettre et je conviens que nous partageons un objectif commun de lutter contre l'exploitation économique et de préserver l'autonomisation économique des Canadiens.

L'Association des banquiers canadiensNote de bas de page 1  (« ABC » ou « Association») et ses membres continuent de faire front commun dans leur lutte contre toutes les formes d'exploitation financière ou économique et s'engagent à aider les survivants à atteindre l'indépendance financière.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons entamé des discussions avec un certain nombre d'intervenants importants sur l'exploitation économique dans le contexte de la violence entre partenaires intimes et nous poursuivrons cet important travail. Parmi les autres mesures que nous avons prises, nous avons discuté des pratiques exemplaires et des approches avec UK Finance, l'Australian Banking Association, la Commonwealth Bank of Australia, Catherine Fitzpatrick, Interac, Hébergement femmes Canada et le Centre canadien pour l'autonomisation des femmes (« CCPAF ») et d'autres.

Le mois dernier, nous avons animé un atelier dirigé par le CCPAF pour aider nos banques membres à mieux comprendre le soutien dont ont besoin les survivants d'abus économiques. Nous avons également créé et partagé un certain nombre d'articles sur notre site Web afin de fournir des informations utiles aux survivants d'abus économiques. Au cours du Mois de la prévention de la violence faite aux femmes en novembre, nous avons contribué à sensibiliser la population en attirant l'attention sur ce phénomène sur nos réseaux sociaux.

De plus, l'ABC et ses membres ont largement plaidé en faveur du projet de loi 41 de l'Ontario – Loi sur la protection contre les dettes coercitives contractées en lien avec la traite des personnes, qui offre un soutien aux survivants de la traite des personnes, leur permettant de reconstruire leur vie sans le fardeau des dettes forcées. Nos efforts ont été reconnus par les Services aux victimes de Toronto (voir l’article en ligne ici : Canada’s Leading Financial Institutions Collaborate with Victim Services Toronto to Support Human Trafficking Survivors – Strategic/Objectives) et le projet de loi 41 a été adopté à l'unanimité en décembre 2023. Les efforts en faveur de l'adoption d'une loi similaire se poursuivent en Saskatchewan.

J'ai répondu aux « quatre domaines d'action immédiate » énumérés dans votre lettre ci-dessous.

Efforts et réponse de l'ABC aux quatre domaines d'action immédiate

1. Le virement Interac comme outil d'abus

Interac a apporté des modifications technologiques au système de Virement Interac afin de lutter contre les abus économiques perpétrés au moyen du système. L'ABC, parmi d'autres intervenants, a entamé des discussions avec Interac pour plaider en faveur de ces changements. Pour en savoir plus sur les changements apportés par Interac, cliquez ici : Utilisation abusive du Virement Interac – Mise à jour - Interac. Nous appuyons les changements apportés par Interac, qui ont été adaptés à sa plateforme et offrent un contrôle aux victimes en leur permettant de cacher des messages à des expéditeurs spécifiques, tout en permettant la conservation des messages eux-mêmes comme preuve, au besoin. En plus de la solution Interac, plusieurs de nos membres qui participent au service de Virement Interac ont apporté leurs propres améliorations technologiques au service dans le but de minimiser le risque d'utilisation abusive, y compris, entre autres, en limitant la capacité de saisir des messages en format libre dans certains paramètres, ainsi qu'en apportant des améliorations aux ressources mises à la disposition du personnel de première ligne pour identifier et signaler (avec le consentement du client) les circonstances d'utilisation abusive ou d'abus présumé du service pour une enquête plus approfondie. L'ABC et ses membres demeurent déterminés à s'attaquer au problème de l'exploitation des virements électroniques Interac comme outil d'abus, et continueront d'explorer les possibilités de nouveaux contrôles à l'échelle de l'industrie et en partenariat avec Interac.

2. Les polices d'assurance : une protection, pas une exploitation

Comme l'ABC est composée de banques et non de compagnies d'assurance, nous croyons qu'il est préférable de transmettre vos points aux associations représentant l'industrie canadienne de l'assurance.

3. Protections améliorées pour les survivants

Les banques au Canada comprennent que les survivants ont besoin de protections accrues, y compris celles indiquées dans votre lettre.

4. Déclaration rapide à CANAFE

Les banques canadiennes prennent au sérieux la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Ils investissent des ressources importantes dans leurs programmes et contrôles de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes et travaillent en étroite collaboration avec CANAFE, le ministère des Finances du Canada, les organismes d'application de la loi et les organismes de réglementation prudentielle pour gérer les risques. Par exemple, ils collaborent étroitement avec CANAFE dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) afin d'améliorer l'efficience et l'efficacité globales et d'aider à produire des renseignements ayant une valeur pratique pour les enquêtes des organismes d'application de la loi.

Compte tenu du rôle et de l'expérience de nos membres dans le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent, nous pensons que l'escalade des abus à CANAFE pourrait ne pas aider à lutter contre le type de crime qui vous préoccupe. Le CANAFE est un organisme de renseignement, pas un organisme d'application de la loi, il n'a pas le pouvoir d'appréhender les criminels. Au lieu de cela, grâce à une analyse approfondie, il synthétise des millions d'opérations déclarées (déclarations de seuil et déclarations d'opérations douteuses) en renseignements exploitables pour appuyer les enquêtes et les poursuites des organismes d'application de la loi en matière de blanchiment d'argent, de financement du terrorisme et d'évasion des sanctions. Par exemple, les renseignements de CANAFE peuvent aider les organismes d'application de la loi à obtenir des mandats de perquisition pour leur permettre de travailler. Ce processus prend du temps et, en général, les organismes d'application de la loi ne peuvent pas accéder directement aux renseignements déclarés à CANAFE.

Par conséquent, toute situation qui menace la vie ou la sécurité d'une personne doit être signalée aux forces de l'ordre locales afin d'assurer une intervention rapide et directe. De plus, d'après nos discussions avec des groupes de survivants, le signalement de tels incidents aux organismes d'application de la loi concernés devrait nécessiter des actions et le consentement des victimes, sinon leur situation personnelle pourrait être inutilement aggravée et avoir des résultats potentiellement négatifs.

Pour protéger les Canadiens contre l'exploitation économique et aider les survivants à atteindre l'indépendance économique, il faut la collaboration et l'engagement de nombreux intervenants, y compris les organismes d'application de la loi. L'ABC et ses membres s'engagent à s'attaquer ensemble à ces questions.

Salutations,

//Originale signée par//

Anthony G. Ostler

Détails de la page

2025-07-23