Lettre adressée à l'honorable ministre des finances et du revenu national concernant la stratégie antifraude et les abus économiques

Le 31 octobre 2025

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député
Ministre des Finances et du Revenu national
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6

 

Monsieur le Ministre Champagne,

En tant qu'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, j'entends les préoccupations des survivant.e.s et des intervenant.e.s concernant l'exploitation économique et le besoin urgent d'agir pour aider à protéger et à autonomiser les survivants. C'est pourquoi j'appuie la première Stratégie nationale antifraude du gouvernement du Canada (la Stratégie) qui sera présentée dans le budget de 2025.

L'exploitation économique a été soulevée au cours de l'enquête systémique 2024-2025 de notre Bureau sur les expériences des survivant.e.s de violence sexuelle (rapport final à paraître le 19 novembre 2025). Dans le cadre de cette enquête, nous avons entendu des centaines de survivant.e.s et d'intervenant.e.s par le biais d'entrevues, de sondages et de tables de consultation. Nous nous sommes entretenus avec d'éminents défenseurs, dont le Centre canadien pour l'autonomisation des femmes (CCADF), le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) et Catherine Fitzpatrick, ancienne dirigeante de banque en Australie et ardente défenseure de l'exploitation financière.

L'une des questions soulevées lors de nos consultations avec le CCADF, le CANAFE et Mme Fitzpatrick était le rôle essentiel que les institutions financières peuvent jouer pour mettre fin à la violence et lutter contre les comportements coercitifs et contrôlants.

À la suite de ces discussions et des alarmes soulevées par les intervenant.e.s et les survivant.e.s, notre Bureau a envoyé une lettre à l'Association des banquiers canadiens soulignant quatre domaines d'action immédiate :

  1. Le virement Interac comme outil d'abus : Nous avons entendu parler d'agresseurs qui envoyaient de petites sommes d'argent avec un message menaçant aux survivant.e.s. Les organisations ont appelé à des changements, tels que des modèles d'IA capables de détecter et de bloquer les messages abusifs et une fonction de « masquage des références » permettant des transferts sans afficher de messages.
    • Il est positif de constater que, depuis cette lettre, Virement Interac a collaboré avec le CCADF pour ajouter une fonction de retrait qui permet de recevoir des fonds et de masquer les messages qui y sont joints.
  2. Polices d'assurance - Protection, pas exploitation : On a porté à notre attention que d'agresseurs qui utilisent des polices d'assurance conjointes comme armes avec des survivant.e.s. On nous a recommandé de vérifier le consentement de la victime, d'ajouter une clause permettant de réclamer des dommages matériels et des modifications législatives pour protéger les survivant.e.s contre l'exploitation financière dans les contrats d'assurance.
  3. Protections améliorées pour les survivant.e.s : On nous a souligné que plusieurs agresseurs endommagent les cotes de crédit de leurs victimes et épuisent leurs ressources, les forçant à rester dans des relations dangereuses. Nous appuyons les recommandations formulées par le CCADF concernant l'accès rapide à de nouveaux comptes sans frais ou à frais modiques et des plans de remboursement souples pour les survivant.e.s.
  4. Déclaration rapide à CANAFE : On nous a reitéré l'importance pour les institutions bancaires de signaler les opérations douteuses à CANAFE aux fins d'analyse le plus rapidement possible, ce qui peut accroître le nombre d'interventions qui sauvent la vie de survivant.e.s et peut prévenir d'autres préjudices.

Il est clair qu'il faut agir et je suis encouragé de voir que des progrès ont été réalisés. Cette stratégie novatrice permettra

  • de modifier la législation pour s'assurer que les banques ont des politiques pour prévenir et lutter contre la fraude
  • de créer une nouvelle Agence de lutte contre la criminalité financière pour lutter contre la fraude complexe ;
  • d’élaborer un Code de conduite volontaire pour la prévention de l'exploitation économique;

Ce dernier point sera élaboré en collaboration avec les parties prenantes, dont le CCADF, un organisme de premier plan dans la lutte contre l'abus économique.

J'ai hâte de voir la publication de cette stratégie.

 

Cordialement,

Dr Benjamin Roebuck
Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels

 

CC : Centre canadien pour l'autonomisation des femmes

 

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2025-11-03