Pourquoi, en 1931, le Canada a choisi de ne pas exercer sa pleine souveraineté juridique, comme le prévoyait le Statut de Westminister

Le Statut de Westminster, 1931

Le Dominion du Canada a été constitué à la suite de la ratification de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 18671 par le Parlement de Londres. D’autres colonies britanniques furent à leur tour constituées en Dominion, notamment l'Australie (1901), la Nouvelle-Zélande (1907), l'Union sud-africaine (1910), Terre-Neuve (1919) ainsi que l’État libre d’Irlande (1922).

Ces Dominions étaient des États quasi-autonomes de l’Empire britannique. Ils exerçaient leur autonomie en matière de politique intérieure grâce notamment à leur assemblée législative élue, mais continuaient de relever de Londres, particulièrement en ce qui avait trait à la politique extérieure ou encore à leur constitution. Ainsi, dans le cas du Canada, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 étant une loi du Parlement de Londres, c’est ce Parlement qui, à quelques exceptions près2, avait le pouvoir de le modifier – comme il l’avait d’ailleurs fait à plusieurs reprises à la demande des autorités canadiennes3.

Au fil des ans, les Dominions avaient peu à peu exercé leur autonomie en politique étrangère et il devint nécessaire de clarifier leur statut d’États quasi-autonomes. Une Conférence impériale fut convoquée à Londres en 1926. Elle donna lieu à la Déclaration de Balfour qui reconnaissait que les Dominions étaient « des communautés autonomes au sein de l’Empire britannique jouissant d’un statut égal et en aucune façon subordonnées les unes aux autres en matière de politiques intérieure ou extérieure, mais unies dans une même allégeance à la Couronne et associées librement à titre de membre du Commonwealth britannique des nations ». Restait à officialiser cette situation de fait par une loi du Parlement de Londres. Des discussions entre les représentants des Dominions et de Londres eurent lieu à ce sujet, notamment dans le cadre de la Conférence impériale de 1930.

En 1931, le Statut de Westminster était ratifié par le Parlement de Londres. Il accordait la pleine autonomie juridique aux Dominions sauf dans les domaines où ceux-ci choisissaient de ne pas s’en prévaloir. Certains Dominions, dont le Canada, avaient en effet exprimé des réserves quant à l’obtention de leur pleine autonomie juridique.

Carte de l'Empire britannique en 1897

Source : Wikipedia
l'Empire britannique 1897

Les préoccupations du Canada relatives au Statut de Westminster4

L’obtention de la pleine autonomie juridique supposait que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et les lois britanniques le modifiant – de même que le pouvoir de les modifier – seraient « rapatriés » au Canada.

Un tel rapatriement était source de préoccupations pour le Canada, une fédération au sein de laquelle les compétences sont partagées entre deux ordres de gouvernement :

  • qui aurait dorénavant le pouvoir de modifier les lois constitutionnelles canadiennes?
  • seul le gouvernement du Canada? 
  • le gouvernement du Canada et ceux des provinces?

Rien n’était prévu à cet effet dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, ou dans les lois le modifiant.

En novembre 1927 avait lieu à Ottawa une Conférence du Dominion et des provinces5 au cours de laquelle les premiers ministres discutèrent notamment d’une procédure de modification de la Constitution, sans toutefois en arriver à une entente.

Il s’agissait là de l’une de plusieurs conférences fédérales-provinciales au cours desquelles la procédure de modification de la Constitution canadienne fit l’objet de discussions.

Les préoccupations des autorités canadiennes quant à l’obtention de la pleine autonomie juridique demeuraient entières.

Photo : L'hon Mackenzie King avec les premiers ministres du Québec et de l'Ontario à la Conférence du Dominion et des provinces

Source : Bibilothèque et Archives Canada, PA-125133

On proposa donc, dans le cadre des discussions qui avaient lieu à Londres, que le pouvoir de modifier la Constitution canadienne soit exclu des dispositions du Statut. Le Canada pourrait ainsi acquérir son autonomie en même temps que les autres Dominions, et régler cette question en temps opportun.

La clause restrictive qui s’appliquait au Canada se lit comme suit : « La présente loi [le Statut de Westminster] ne s'applique pas à l'abrogation ni à la modification des Lois de 1867 à 1930 sur l'Amérique du Nord britannique ou de leurs textes d'application » (art. 7). Le Parlement de Londres continuerait donc de modifier la Constitution du Canada.

Des clauses restrictives ou des conditions d’application touchaient aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Terre-Neuve (art. 8, 9, 10).

À la suite de négociations fédérales provinciales et à la demande du Canada, le pouvoir de modifier la Constitution canadienne a été « rapatrié » au Canada en 1982.

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