Rapport d’étape semestriel du Rapport de l’Enquête publique sur l’état d’urgence déclaré en 2022 de la Commission sur l’état d’urgence

Le très honorable Justin P.J. Trudeau
Premier ministre du Canada
Bureau 315-A, édifice de l’Ouest
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

 

Cher Premier Ministre,

Je vous écris pour donner suite à votre lettre du 3 avril 2023, dans laquelle vous me demandez de coordonner la réponse du gouvernement au Rapport de l’Enquête publique sur l’état d’urgence déclaré en 2022 (le rapport final) de la Commission sur l’état d’urgence (la Commission) d’ici le 17 février 2024. C’est avec plaisir que je vous fais parvenir un bilan des travaux des six derniers mois.

Notre principal objectif dans la préparation de la réponse du gouvernement au rapport final de la Commission est de maintenir la confiance du public à l’égard de la capacité des services de police et des différents ordres de gouvernement à collaborer pour assurer la sécurité et la sûreté des Canadiens, et de nos communautés.

Le « Convoi de la liberté de 2022 » a posé une menace jamais vue à la sécurité du Canada et de ses citoyens. Ces barrages sont devenus des rassemblements illégaux et ont perturbé les infrastructures essentielles, les principales chaînes d'approvisionnement et notre économie. Les habitants des communautés touchées ont également fait l'objet de harcèlement et d'intimidation sur une période prolongée. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a pris des mesures décisives pour protéger la sécurité des Canadiens en invoquant pour la première fois la Loi sur les mesures d'urgence (la Loi) et en déclarant l’état d’urgence. Une commission d’enquête indépendante, qui a été établie en vertu de la Loi, peu après, a été mandatée pour étudier les circonstances à l’origine de cette déclaration et les mesures prises pour faire face à l’urgence.

La Commission a constaté que la décision de faire appel à la Loi était justifiée et que les critères très rigoureux permettant d’invoquer cette loi avaient été remplis. Néanmoins, le rapport final de la Commission présente 56 recommandations, dont 49 concernent les pratiques de maintien de l’ordre et la modernisation de la Loi. Certaines visent les corridors commerciaux essentiels du Canada, la collecte et la coordination des renseignements, les cryptomonnaies et la lutte contre la désinformation et la mésinformation. Le gouvernement fédéral étudie soigneusement ces recommandations, particulièrement celles qui amélioreront la collaboration entre les administrations, soutiendront la sécurité communautaire et renforceront notre capacité à répondre à des incidents semblables d’importance nationale à l’avenir.

De plus, la collaboration intergouvernementale visant à assurer une réponse plus synchronisée aux évènements d’importance nationale était un thème important dans le rapport final de la Commission et il s’agira d’une considération importante dans la réponse du gouvernement fédéral au rapport final.

Le présent bilan des six derniers mois s’articule autour de six grands thèmes incarnant les principaux domaines soulignés dans le rapport final de la Commissio:

  1. la réforme des services de police;
  2. la Loi sur les mesures d’urgence;
  3. la recherche et la collecte de renseignements;
  4. la désignation et la protection des corridors commerciaux;
  5. l’étude des cryptomonnaies, ainsi que de la mésinformation et de la désinformation sur les médias sociaux;
  6. Renforcement de la coopération intergouvernementale : la stratégie intergouvernementale.

Réforme des services de police

Vingt-sept des recommandations de la Commission sont axées sur les services de police, notamment l’amélioration de la collaboration entre les organismes d’application de la loi, l’amélioration du partage d’informations, de la collecte de renseignements et des pratiques de distribution, la précision des protocoles de demande de ressources supplémentaires, et l’amélioration des pratiques de commandement et de contrôle lors d’évènements d’envergure.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) prend en considération des manières d’améliorer les services de police pendant les évènements publics, à l’aide des efforts de collaboration existants entre le service de police local et la GRC. Sécurité publique Canada et la GRC entreprennent une évaluation du Programme des services de police contractuels de la GRC en prévision de la fin, en 2032, des contrats actuels de services de police. L’évaluation est une occasion d’obtenir d’importantes rétroactions des partenaires et des intervenants sur le Programme des services de police contractuels et d’en apprendre davantage sur la façon de mieux appuyer les besoins et les intérêts de l’ensemble des partenaires et Canadiens dans la création d’un modèle de services de police à contrat plus viable et plus transparent. De plus, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement devrait présenter un rapport sur la Police fédérale à l’automne, rapport qui contiendra des observations et des recommandations sur la façon d’améliorer les activités de la GRC en ce qui a trait au mandat des services de la police fédérale. La GRC prendra en considération les recommandations de ce rapport de concert avec les recommandations du rapport final de la Commission.

Parallèlement aux travaux sur les services de police fédéraux, la GRC donne suite aux recommandations de la Commission pour améliorer l’échange et la coordination de renseignements au sein de la communauté d’application de la loi. La GRC travaille en étroite collaboration avec le Service canadien de renseignements criminels (SCRC), un réseau de 400 organismes d’application de la loi, afin d’explorer si et comment les renseignements sur la grande criminalité associée à des événements de désordre public peuvent être gérés et retenus.

Dans le rapport final de la Commission et le rapport final de la Commission des pertes massives, lequel se penchait sur l’évènement tragique qui a fait un grand nombre de victimes en Nouvelle-Écosse, on demande une approche collaborative renouvelée à la gestion des crises, et un modèle commun de commandement et de contrôle pour l’ensemble des organismes d’application de la loi au Canada. La GRC procède actuellement à l’examen de ses modèles de commandement et de contrôle pour s’assurer qu’ils s’intègrent sans problème aux autres ressources de police et d’urgence utilisées en cas de crises ou de situations d’urgence.  

La Loi sur les mesures d’urgence

La Commission a présenté 22 recommandations clés pour la modernisation de la Loi. Elle recommande notamment que diverses mesures soient prises pour revoir le seuil à atteindre pour déclarer un état d’urgence, notamment l’élimination de toute référence à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et aux « menaces pour la sécurité du Canada » ainsi que l’examen complet de la partie 2 de la Loi en ce qui concerne l’état d’urgence. Le rapport final de la Commission recommandait également l’élargissement de la consultation en vertu de la Loi avec les provinces, les territoires et les groupes autochtones pendant l’invocation de la Loi. Enfin, une série de recommandations visaient à améliorer le fonctionnement des commissions d’enquête lorsque la Loi est invoquée, notamment pour prolonger leurs procédures, clarifier leur orientation et élargir la portée des dossiers protégés par le secret professionnel qui leur sont fournis, et de traiter du recours au privilège parlementaire pour refuser de témoigner devant une commission.

Selon le rapport final de la Commission, bien que la Loi soit imparfaite et dépassée à certains égards, elle est fermement ancrée dans les principes de la primauté du droit et de la reddition de comptes. Néanmoins, les recommandations liées à la Loi et ses modifications proposées font l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de la réponse du gouvernement, laquelle donnera un aperçu de la voie à suivre pour la Loi et aidera à assurer que le gouvernement fédéral est mieux placé pour intervenir en cas d’évènements semblables d’importance nationale.

Collecte de renseignements

Dans son rapport final, la Commission recommande que le gouvernement fédéral examine la pertinence de conférer à un ministère ou à un organisme gouvernemental le pouvoir et la responsabilité de surveiller l’information contenue dans les médias sociaux et d’en faire rapport « à des fins appropriées et sous réserve de garanties adéquates » et qu’il entreprenne un examen pour s’assurer que les organismes fédéraux responsables de la collecte ou de l’analyse du renseignement de sécurité sont parfaitement coordonnés entre eux.

Le Bureau du Conseil privé (BCP) prend différentes mesures pour donner suite aux recommandations de la Commission en matière de renseignements. Dans l’objectif d’intensifier les efforts du Canada dans le domaine du renseignement, la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement confère notamment un nouvel élan à la gouvernance de la sécurité nationale et du milieu du renseignement canadien dans le cadre de comités des administrateurs généraux qui s’attachent à améliorer la coordination, la diffusion, le stockage et le suivi des renseignements.

La création d’un nouveau Conseil sur la sécurité nationale va également permettre aux ministres de délibérer et d'aborder des enjeux de grande importance à la sécurité domestique et internationale du Canada.

Désignation et protection des corridors commerciaux critiques

En vue de protéger les corridors commerciaux et les infrastructures critiques, la Commission recommande que le gouvernement fédéral entame des discussions avec les gouvernements des provinces et des territoires, en consultation avec les gouvernements autochtones et les municipalités touchées, afin de répertorier les infrastructures et les corridors de transport commercial essentiels et d’établir des protocoles pour les protéger et réagir aux interférences dont ils pourraient être la cible.

En réponse au Groupe de travail sur la chaîne d’approvisionnement et au rapport final de la Commission, Transports Canada travaille à mieux cerner et protéger les principaux corridors et l’infrastructure clé de commerce et de transport. À compter de cet été, Transports Canada mène des consultations auprès d’intervenants, de propriétaires, d’exploitants et d’organismes autochtones ainsi qu’auprès des provinces et territoires en vue de renforcer la coopération entre les ordres de gouvernement lors d’interférences importantes ciblant les infrastructures de transport. Transports Canada passe également en revue les systèmes et protocoles d’intervention d’urgence pour améliorer l’état de préparation ministériel aux situations d’urgence.

Dans le cadre du travail de renouvellement de la Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles du Canada, divers organismes fédéraux, dont l’Agence des services frontaliers du Canada et Transports Canada, ont amorcé un processus interministériel pour moderniser l’approche du Canada à l’égard de la sécurité et de la résilience des infrastructures essentielles. Ce travail, dont le but est d’accroître la résilience et la sécurité des infrastructures essentielles du Canada, est chapeauté par Sécurité publique Canada et devrait être achevé en 2024.

Enfin, dans le but de renforcer davantage la sécurité de nos frontières, l’Agence des services frontaliers du Canada a mis à jour les plans de gestion des frontières et a modernisé l’infrastructure de 11 points d’entrée dans la foulée des blocages mis en place pendant les manifestations illégales.

Étude des cryptomonnaies, ainsi que de la mésinformation et de la désinformation sur les médias sociaux

La Commission recommande que le gouvernement fédéral travaille de concert avec ses partenaires pour poursuivre l’étude de l’incidence des médias sociaux, y compris de la mésinformation et de la désinformation, tout en s’attaquant aux graves problèmes que la mésinformation, la désinformation et d’autres préjudices en ligne posent pour les personnes et la société canadienne. Elle recommande également que le gouvernement fédéral poursuive son étude sur les cryptomonnaies en s’appuyant sur les constatations de son rapport.

Médias sociaux, mésinformation et désinformation

Dans une démocratie forte, l’accès à des sources d’information diversifiées et fiables est essentiel à l’exercice de la liberté de conscience, de croyance, d’opinion et d’expression. Cela permet également aux citoyens de demander des comptes aux gouvernements et aux institutions, et de participer à un débat public robuste. Conformément aux recommandations de la Commission, plusieurs initiatives sont en place pour étudier les répercussions de la désinformation sur la société canadienne et y faire face.

Le gouvernement du Canada s’est donné comme priorité d’offrir aux citoyens des outils et du soutien pour évaluer de façon critique l’information en ligne. Par exemple, en vue des élections de 2019, le Canada a mis en place le Plan de protection de la démocratie canadienne. Le Plan était le premier de la sorte au monde et reconnaissait l’importance d’une population informée par la mise en œuvre de l’Initiative de citoyenneté numérique (ICN). L’ICN a été lancée en 2020 pour soutenir la démocratie et l’inclusion sociale au Canada en renforçant la résilience des citoyens face à la désinformation en ligne et en établissant des partenariats pour favoriser un écosystème d’information sain. L’ICN finance la recherche afin de mieux comprendre l’origine, la portée et l’incidence de la désinformation en ligne au Canada, ainsi que des activités portant sur l’acquisition de connaissances sur les médias numériques pour aider les citoyens à regarder les informations avec un œil critique, et d’acquérir les compétences nécessaires pour participer dans les espaces en ligne sans être influencés par la désinformation.

Plus récemment, on a mis sur pied l’Unité de protection de la démocratie au sein du BCP afin de coordonner, développer et mettre en œuvre des mesures pangouvernementales conçues pour lutter contre la désinformation et pour protéger les institutions démocratiques du Canada. Le gouvernement fédéral a également annoncé un investissement de 5,5 millions de dollars en vue de créer le Réseau canadien de recherche sur les médias numériques (RCRMN), un nouveau partenariat avec la société civile pour aider à lutter contre la désinformation. L’Observatoire de l’écosystème médiatique, une initiative de recherche dirigée par l’Université McGill et l’Université de Toronto, gérera le RCRMN de manière indépendante.

Cryptomonnaies, criminalité financière et lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Le gouvernement du Canada met actuellement en œuvre des mesures concrètes qui font progresser la recherche sur les cryptomonnaies, comme l’a suggéré la Commission, et amorcent des travaux cruciaux pour le suivi et la réglementation de la finance décentralisée. Finances Canada entreprend actuellement un examen législatif du secteur financier et travaille en étroite collaboration avec ses partenaires fédéraux et provinciaux pour s’adapter à la numérisation croissante de l’argent et maintenir la stabilité et la sécurité dans le secteur financier.

Finances Canada mobilise les autorités provinciales et territoriales sur l’examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPC-FAT), comme prévu dans le budget 2023, en plus des changements législatifs énoncés dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Cela comprend également la détermination, l’examen et l’atténuation des risques liés à la nouvelle cryptomonnaie et aux biens numériques en collaboration avec le CANAFE, au fur et à mesure que ces risques surviennent. Cet examen comprend une consultation publique qui examinera les façons d’améliorer le Régime canadien de LRPC-FAT, ainsi que la manière dont les gouvernements peuvent mieux utiliser les outils existants pour saisir les produits de la criminalité, y compris les ordonnances relatives à la richesse inexpliquée.

Le gouvernement fédéral a proposé des modifications législatives à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et à d’autres lois pour mettre en place un registre de propriété effective accessible au public par l’entremise du projet de loi C-42. Ce registre couvrira les sociétés régies en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et pourra être élargi pour permettre l’accès aux données sur la propriété effective détenues par les provinces et les territoires qui acceptent de participer à un registre national. Finalement, la GRC a également lancé une série d’initiatives visant à renforcer la capacité, la compétence et la sensibilisation des enquêteurs en ce qui concerne la manière de repérer, de saisir et d’analyser les cryptomonnaies dans les affaires criminelles. 

Renforcer la collaboration dans tous les ordres de gouvernement : Stratégie intergouvernementale

La moitié des recommandations de la Commission ont des répercussions intergouvernementales, y compris l’élaboration de normes et de protocoles pour le maintien de l’ordre et l’échange d’information, l’amélioration de la responsabilisation et de la surveillance des services policiers, l’amélioration des protections pour les infrastructures essentielles et les modifications à la Loi sur les mesures d’urgence. Bon nombre de ces recommandations relèvent, du moins en partie, de la compétence d’autres ordres de gouvernement. La mise en œuvre de ces recommandations nécessitera une collaboration entre les gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones, et le gouvernement du Canada mènera ces efforts.

Des discussions ont lieu aux tables de consultation fédérales, provinciales et territoriales sur les services de police, la sécurité publique, la justice et le transport pour donner suite aux recommandations dans des domaines de compétence partagée. Par exemple, Sécurité publique Canada entretient un dialogue actif avec les provinces et les territoires concernant la formulation de recommandations en matière de maintien de l’ordre et de sécurité publique.

En raison des recommandations précises pour l’Ontario, j’ai écrit au solliciteur général de l’Ontario pour comprendre les intentions de la province sur la prise en compte des recommandations du rapport de la Commission adressées à la province, et pour proposer une collaboration dans des domaines d’intérêt mutuel, avec des fonctionnaires.

Conclusion

La décision d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence n’a pas été prise à la légère et les pouvoirs exceptionnels requis étaient nécessaires pour rétablir la sécurité publique et protéger les Canadiens.

Je continuerai de travailler en étroite collaboration avec mes collègues sur ces enjeux et je présenterai une réponse détaillée du gouvernement d’ici février 2024.

Je vous prie d’agréer mes meilleures salutations.


L’honorable Dominic LeBlanc, c.p., c.r., député
Ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales

Cc :

  • L’honorable Chrystia Freeland, C.P., député
    Vice-première ministre et ministre des Finances
  • L’honorable Pablo Rodriguez, C.P., député
    Ministre des Transports et lieutenant du Québec
  • L’honorable Randy Boissonnault, C.P., député
    Ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles
  • L’honorable Karina Gould, C.P., députée
    Leader du gouvernement à la Chambre des communes
  • L’honorable Pascale St-Onge, C.P., député
    Ministre du Patrimoine canadien
  • L’honorable Dan Vandal, C.P., député
    Ministre des Affaires du Nord, ministre responsable de Développement économique Canada pour les Prairies et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord
  • L’honorable Bill Blair, C.P., député
    Ministre de la Défense nationale
  • L’honorable Harjit S. Sajjan, C.P., député
    Président du Conseil privé du Roi pour le Canada, ministre de la Protection civile et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Pacifique Canada
  • L’honorable Arif Virani, C.P., député
    Ministre de la Justice et procureur général du Canada

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