Discours du ministre Dion au Forum d'Ottawa 2016 : Établir une politique étrangère pour l'avenir du Canada

Discours

Le 28 janvier 2016 - Ottawa, Ontario

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

Bonjour.

C’est un honneur pour moi d’inaugurer le Forum d’Ottawa de cette année. 

Je suis ici parce que j’admire cette organisation et parce que la teneur des discussions d’aujourd’hui — avec les groupes d’experts — porte précisément sur les domaines pour lesquels notre premier ministre souhaite nous voir relever certains de nos plus grands défis. Permettez-moi de faire quelques observations et de vous fournir une certaine orientation.

Tout d’abord, nous avons un nouveau gouvernement, ce qui explique peut-être pourquoi vous avez choisi pour thème « Établir une politique étrangère pour l’avenir du Canada ».

Si vous le permettez, j’aimerais exprimer mon léger désaccord au sujet de ce thème.

« Établir une politique étrangère » laisse entendre que nous n’avons pas accompli beaucoup jusqu’ici dans notre histoire.

Nous avons pourtant un héritage formidable en matière de politique étrangère, la voie ayant été tracée par Diefenbaker, Pearson, Trudeau, Mulroney, Chrétien, Martin et… encore Trudeau. Attendez, il en manque un…

En fait, peu importe les opinions politiques [de nos dirigeants], le Canada a toujours cherché à se placer dans le monde et à mobiliser activement toutes ses institutions et tous ses acteurs.

C’est donc une erreur de penser que nous avons besoin de nous éloigner fondamentalement de notre approche jusqu’ici.

Nous avons un solide héritage en matière de droits de la personne qui transcende les clivages politiques.

Sur la question des mariages forcés, les partis de toutes allégeances politiques ont travaillé avec diligence et, lorsqu’il y a eu des désaccords, par exemple récemment au sein du Commonwealth concernant le Sri Lanka, les gouvernements ont choisi de rester mobilisés, ce qui s’est avéré fort efficace.

Il est important de se souvenir de cet héritage et de le poursuivre.

Justement, cette semaine, il a été question de réengagement envers l’Iran et même la Russie.

La question qui importe ici est de savoir comment l’isolement d’un pays peut aider la cause du Canada; comment l’isolement d’un pays peut aider les membres de la diaspora iranienne ou ukrainienne qui vivent parmi nous?

Le Canada a été des plus efficace lorsqu’il s’est engagé, même dans les situations les plus délicates : vous avez sans doute vu [le film] Argo?

Cela dit, s’engager ne signifie pas de foncer les yeux fermés ou d’oublier qui nous sommes.

Au contraire. En Iran, par exemple, lorsque nous exprimons haut et fort nos valeurs, en particulier les droits de la personne, le refus du terrorisme et notre soutien indéfectible à l’égard d’Israël, nous sommes alors davantage en mesure de contribuer à la sécurité régionale.

L’ancienne façon de faire était exclusive : Bombardier était ignoré au bénéfice d’Airbus. Le résultat? L’Ontario et le Québec étaient perdants. Notre secteur pétrolier et gazier était exclu. Résultat? L’Alberta y perdait.

Que peut-on accomplir en s’excluant?

En Russie, si les Américains, les Européens et les Japonais peuvent imposer des sanctions pour les actes ignobles commis en Ukraine tout en restant engagés, pourquoi le Canada ne ferait-il pas de même?

N’y a-t-il pas des enjeux pour lesquels il est préférable de s’engager? L’Arctique [par exemple]?

Si nous agissons intelligemment et ne craignons pas d’affirmer qui nous sommes, notre engagement nous permettra d’être plus forts et d’être là où nous devons être, pour protéger les droits de la personne et affirmer les valeurs canadiennes.

Le monde n’est pas noir et blanc. Certaines choses sont très claires, d’autres non. Il est temps de déterminer quel rôle nous voulons jouer.

L’autre façon de faire n’a pas fonctionné, et elle ne correspondait pas à la traditionnelle façon de faire canadienne.

Sur cette toile de fond, votre programme comporte cinq thèmes de discussion précis :

  • l’évolution de la gouvernance mondiale;
  • la mise à profit de notre proximité avec les États-Unis et le Mexique;
  • l’accroissement de la stabilité mondiale et la protection de nos citoyens;
  • la création de la prospérité à l’échelle mondiale : comment pouvons-nous agrandir l’assiette pour tous, partout?
  • la création d’un monde écologiquement durable, non seulement pour aujourd’hui, mais pour que les générations futures aient elles aussi la capacité de se développer.

Que cela soit clair : mon discours n’a pas été conçu pour faire les manchettes, mais pour motiver certains des plus brillants cerveaux du Canada à s’attaquer aux défis de taille auxquels nous sommes confrontés.

Commençons donc par l’évolution de la gouvernance mondiale.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Canada était présent pour aider à mettre sur pied les institutions du monde de l’après-guerre.

Nous étions présents durant certains des jours les plus sombres de la Guerre froide; nous avons joué un rôle déterminant dans la rédaction de la Charte de droits et dans la création de certaines des institutions de Bretton Woods, comme la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce.

Nous avons montré par nos actions et par l’exemple que la façon de faire canadienne — fondée sur le pluralisme, le respect mutuel, le respect de notre héritage (les Premières Nations), l’utilisation des langues du Commonwealth et de la Francophonie, notre capacité de résoudre de grandes difficultés au sein de notre propre démocratie par des moyens pacifiques, la Loi dite de la clarté par exemple —, était la voie de l’avenir.

Nous avons fait la promotion de nos valeurs grâce à notre engagement auprès de ces institutions et nous avons eu un impact réel.

Jusqu’à tout récemment, c’est principalement par l’entremise de ces organismes et de leurs mécanismes que nous abordions les enjeux mondiaux et trouvions des solutions.

Mais aujourd’hui, il existe une concurrence et nous accusons un retard.

Les dix dernières années ont été une période de dérive pour le Canada.

Nous avons adopté une approche unilatérale pour régler les problèmes, ce qui s’éloignait de ce que nous sommes et des valeurs que nous défendons.

L’unilatéralisme n’est pas la façon de faire canadienne. Nous ne devons pas suivre l’exemple des autres, nous devons de nouveau croire en nos capacités.

Nous avons été des pionniers du G-20 et nous pouvons aussi être des pionniers pour façonner la prochaine génération d’outils, de modèles et d’institutions qui serviront à mobiliser le monde.

Laissez-moi préciser ce que je veux dire par valeurs canadiennes.

Depuis la fin du communisme, la protection des droits de la personne sur notre planète constitue le grand défi de notre ère. Mais à la base, il y a toujours cette même quête de la liberté.

Cette phrase peut paraître banale, mais que signifie-t-elle exactement?

Pour moi, elle signifie que la liberté de religion triomphe de la théocratie, que la liberté d’expression triomphe de la censure, que la liberté de circulation triomphe des restrictions et que la liberté de pensée triomphe de la peur.

En tant que Canadiens, nous sommes guidés par le principe que les droits de la personne sont universels (bons pour tout le monde), interdépendants et indivisibles (ils doivent se renforcer mutuellement).

C’est cette conviction qui nous anime et nous ferons ce qu’il faut pour protéger ces valeurs.

Nous ne pouvons y arriver en nous isolant. Nous devons nous engager.

Je ne veux pas seulement dire nous engager auprès de nos amis; discuter ne constitue peut-être rien d’autre qu’une occasion de nous améliorer. Le commerce, par exemple, peut ouvrir la porte à des discussions difficiles dans d’autres domaines.

Certains ont dit que la formule « Le Canada est de retour » ne signifie qu’un retour à un certain rôle « d’intermédiaire honnête ».

Au cours des dix dernières années, cette locution a perdu sa signification et elle ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui.

Le Canada doit être fort, guidé par ses valeurs et axé sur les résultats.

Ce qui est le plus difficile à réaliser dans cette définition [soit la protection des droits de la personne], ce sont les deux derniers points : ne pas oublier quelles sont nos valeurs et qui nous sommes et toujours essayer d’obtenir des résultats concrets.

J’ai longuement parlé de nos valeurs ce matin et, quant aux résultats, ils ne peuvent être atteints que si vous êtes présents et engagés.

Alors, tandis que les discussions se poursuivent aujourd’hui, j’espère que vous garderez à l’esprit ce que signifie réellement le fait que le « Canada est de retour ». 

Nous pouvons être efficaces et régler les grands problèmes auxquels nous sommes confrontés en reprenant notre place et en passant à l’action par l’engagement.

Maintenant, si on revenait à vos thèmes particuliers :

En matière de gouvernance mondiale, je vous conseille vivement de voir comment nous pouvons nous reprendre et redevenir des artisans de solutions et des acteurs rationnels.

Lorsque vous examinerez les meilleurs moyens de renforcer nos relations avec les États-Unis et le Mexique, n’oubliez pas mon voyage à Québec plus tard aujourd’hui où j’accueillerai le secrétaire d’État [John] Kerry et la secrétaire des Relations extérieures [du Mexique Claudia] Ruiz Massieu; demandez-vous comment nous pouvons renforcer nos relations non seulement en Amérique du Nord, mais aussi dans les Caraïbes et l’Amérique latine, voire le monde.

Ensemble, nous pouvons faire davantage.

Pour le commerce. La sécurité. Le climat.

En termes de stabilité et de sécurité des Canadiens, nous savons tous, malheureusement, que des attentats peuvent se produire n’importe où, et n’importe quand. 

Plus tôt ce mois-ci, six Canadiens ont perdu la vie tragiquement dans un attentat terroriste en Afrique de l’Ouest. La journée d’avant, un autre Canadien avait été tué dans un attentat en Indonésie.

Ces attentats, comme tous les attentats similaires, constituent un problème mondial. Nous sommes tous touchés.

Encore une fois, pour éradiquer le fléau du terrorisme, il peut arriver que nous devions nouer un dialogue avec des régimes dont les valeurs et les intérêts vont à l’encontre des nôtres.

Dans un monde interconnecté, c’est tout simplement inévitable.

Pour faire en sorte d’agir avec efficacité, nous devons garder nos valeurs à l’esprit et comprendre que le fait de traiter avec des régimes difficiles n’enlève rien à qui nous sommes.

Il est nécessaire d’entretenir un dialogue avec des régimes avec lesquels nous sommes en désaccord si nous voulons réaliser des progrès.

Ne pas aimer un régime est une chose, mais refuser de lui parler et croire que le progrès est tout de même possible est une erreur.  

Pour ce qui est de créer la prospérité mondiale, la croissance durable est largement considérée comme la façon la plus facile d’établir des liens dans des endroits difficiles, et de les conserver dans des moments difficiles.

Avant de devenir premier ministre, [le très honorable] Paul Martin a grandement contribué à convaincre les ministres des Finances du G-7 que le groupe devait s’élargir pour inclure les économies émergentes.

Ces économies se sont jointes au groupe pour croître de manière plus durable. Et, comme l’a dit le premier ministre Martin en 2005, pour que les dirigeants mondiaux puissent « passer de la gestion des crises à l’amélioration soutenue de la stabilité et de la prévisibilité économique mondiale ».

Son leadership a été essentiel à la création du G-20 tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Nous devons reconnaître que nos relations ne se limitent pas aux accords commerciaux. Il faut établir des liens plus étendus et plus profonds avec les pays importants comme la Chine et l’Inde, ainsi qu’avec d’autres pays émergents.

Et enfin, l’environnement, un bon sujet pour terminer mon allocution.

Il est impossible de séparer la croissance économique, ou même les menaces à la sécurité, de l’environnement.

Tout cela est interconnecté.

C’est pourquoi le Canada a utilisé le forum de la COP21 [la conférence de Paris sur le climat en 2015] pour lancer un appel aux entreprises, aux institutions financières, à la société civile et à tous les ordres de gouvernement dans tous les pays afin qu’ils prennent les mesures nécessaires pour transformer l’économie mondiale de façon à stimuler la croissance tout en réduisant les risques climatiques.

La COP21 représentait une nouvelle façon d’aborder les enjeux mondiaux auxquels nous sommes confrontés.

Il y était question des pays en développement.

Des économies émergentes.

Des marchés financiers et de la stabilité financière mondiale.

De la sécurité.

En somme, j’espère que ce bref discours pourra servir à alimenter vos discussions.

Permettez-moi de conclure en disant que les dirigeants politiques devraient être guidés par l’éthique de la responsabilité, par opposition à l’éthique de la conviction. Les Canadiens ont toujours opté pour une approche rigoureuse, certes, mais fondée sur les valeurs canadiennes et tempérée par des résultats.

C’est cette approche qui nous guidera au cours des quatre prochaines années.

J’espère que ces quelques mots vous guideront aussi aujourd’hui, pour que vous nous aidiez à trouver des solutions conséquentes et orientées sur des principes à certains de nos plus grands défis.

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