Discours de la ministre Bibeau sur la contribution canadienne aux efforts de combat contre l'EIIL devant la Chambre des communes

Discours

Le 22 février 2016 - Ottawa, Ontario

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

Monsieur le Président, c’est avec plaisir et conviction que je présente aujourd’hui les volets sur l’aide humanitaire et l’aide à la résilience et au développement du plan d’action du Canada pour répondre à la crise au Moyen-Orient.

Mon intervention traitera principalement de la dimension humaine de la crise actuelle en Syrie et en Iraq, ainsi que de ses incidences sur les hommes, les femmes et les enfants qui ont été forcés de fuir leur domicile et qui vivent dans la peur et, trop souvent, dans des conditions inhumaines. Je parlerai également des pays voisins et de leurs citoyens qui font preuve d’une immense générosité à l’égard des réfugiés.

Nous avons entendu de nombreuses fois les chiffres sur la crise en Syrie. Plus de 11 millions de personnes ont soit fui vers d’autres pays soit été déplacées à l’intérieur de leurs frontières en raison des violences. Plus de 250 000 Syriens ont perdu la vie, et plus de 13,5 millions de Syriens ont besoin d’aide humanitaire. Le conflit a dévasté des villes, ravagé des quartiers entiers et donné lieu à des atrocités sans nom.

La situation en Iraq n’est guère mieux. Ces deux dernières années, le conflit a entraîné le déplacement de 3 millions d’Iraquiens. À l’heure actuelle, près de 4 millions de personnes vivent dans des zones contrôlées par le groupe État islamique en Iraq et au Levant, des zones auxquelles les organisations humanitaires n’ont pas accès, ou trop rarement.

Étant donné l’ampleur de la dévastation, il est difficile de comprendre pleinement les conséquences de cette crise pour les millions de personnes touchées, y compris les personnes vivant en tant que réfugiés dans d’autres pays. La communauté internationale a le devoir d’agir. Nous avons le devoir d’agir.

Plus tôt ce mois-ci, je me suis rendue en Jordanie et au Liban pour essayer de mieux comprendre les besoins des familles, des communautés et des gouvernements touchés par la crise. J’ai pu constater les souffrances inimaginables infligées à ces gens. J’ai aussi entendu le point de vue des hauts responsables des gouvernements, des représentants des Nations Unies et d’ONG [organisations non gouvernementales], d’enseignants, de travailleurs communautaires et de familles syriennes chassées de leurs foyers.

Dans des centaines d’écoles en Jordanie et au Liban, la durée de l’enseignement a été réduite à une demi-journée, pour permettre l’accueil de groupes de réfugiés en après-midi.

Malgré la générosité des communautés locales, des centaines de milliers d’enfants réfugiés sont toujours réduits à travailler illégalement et dans des conditions difficiles pour apporter un soutien financier à leur famille.

En effet, près de 2 millions d’enfants ne fréquentent plus l’école en Syrie, et 700 000 autres enfants syriens sont dans la même situation, ailleurs dans la région. Toute une génération de filles et de garçons ne reçoit aucune éducation, et cela aura des conséquences humaines et économiques importantes à long terme.

L’éducation est le ciment qui permet de construire des sociétés démocratiques et d’entretenir la paix, en plus d’être à la base de la croissance économique. Les répercussions de cette carence éducative se feront sentir non seulement dans les pays qui accueillent les réfugiés, mais aussi dans toute la Syrie et en Iraq, lorsque viendra le temps de la reconstruction.

J’ai discuté avec une mère syrienne qui avait trouvé refuge dans un entrepôt avec ses neuf enfants : neuf bouches à nourrir, la promiscuité à gérer, les esprits à cultiver, l’avenir à penser, mais aucun emploi à espérer. Quant à son mari, il était encore en Syrie.

J’ai aussi rencontré des enfants qui voulaient devenir médecins, journalistes ou enseignants. C’était rassurant de voir que leurs espoirs étaient ceux de tous les enfants. À peu près les mêmes, en fait, que les espoirs et les rêves des enfants canadiens. Pourtant, ces enfants devront tous surmonter des obstacles terribles avant que leurs rêves puissent devenir réalité. Malgré leur énergie, leur détermination et leur courage à toute épreuve, ces enfants ont été retirés de l’école sans qu’on leur donne la permission de travailler. Et c’est sans parler des filles qui, pour bon nombre d’entre elles, risquent d’être mariées à un très jeune âge.

La majorité de ces enfants devront surmonter des difficultés d’adulte beaucoup plus rapidement qu’ils ne le devraient.

Ces pays, ces gens, ces familles de réfugiés qui ont fui la violence de leur pays ont désespérément besoin de notre aide.

Voilà pourquoi j’étais ravie d’être aux côtés du premier ministre [Justin Trudeau] lorsqu’il a annoncé la stratégie globale que le Canada comptait mettre en œuvre au Moyen-Orient et qu’il a précisé que des sommes importantes serviraient à répondre aux besoins des plus pauvres et des plus vulnérables de la région.

Cette stratégie permettra au Canada d’apporter une contribution concrète et significative en réponse à cette crise humanitaire et d’aider à ramener la paix et la sécurité dans cette partie du globe. Elle prévoit le déploiement d’une aide réfléchie, en temps opportun, aux efforts militaires et sécuritaires. Elle confirme que notre pays est sensible au sort d’autrui, qu’il est résolument tourné vers l’avenir et qu’il sera toujours là pour ceux qui sont dans le besoin, les préparant aux difficultés qui les attendent. Enfin, elle prépare le terrain à une tâche essentielle, celle d’engager un dialogue politique constructif afin de mettre fin à ces dangereux conflits.

Par cette approche, nous reconnaissons, à l’instar de nos partenaires internationaux, que cette crise est parmi les plus graves auxquelles nous ayons été confrontés. La crise en Syrie et dans la région, malheureusement, tout comme la période de reconstruction qui lui succédera, pourrait être longue. C’est avec cette perspective en tête que j’ai consulté les communautés touchées et nos partenaires afin de prendre la mesure des besoins.

Je suis très fière que le plan du Canada prévoie de l’aide humanitaire ainsi que des programmes axés sur la résilience et le développement sur une période de trois ans. C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que le gouvernement formule un engagement humanitaire sur plusieurs années. Cette innovation est l’illustration de ma volonté de mettre en œuvre le mandat qui m’a été confié par le premier ministre, soit de faire du Canada un chef de file en ce qui a trait à l’innovation et à l’efficacité en matière de développement.

Dans le cadre de sa stratégie globale, le Canada versera 1,1 milliard de dollars en aide humanitaire et à des programmes sur la résilience et le développement pour les personnes les plus vulnérables touchées par cette crise, notamment en Jordanie, au Liban, en Iraq et en Syrie. De cet engagement de 1,1 milliard de dollars sur trois ans, 840 millions de dollars seront consacrés à des programmes d’aide humanitaire qui visent à apporter une aide de première nécessité, comme de la nourriture, des services de santé d’urgence, de l’eau, des abris, un accès à l’éducation de base et de la protection.

Cette contribution sur trois ans permettra au Canada de collaborer plus efficacement avec les Nations Unies, des organisations internationales et des donateurs, de manière à améliorer la prestation d’aide humanitaire dans la région.

Étant donné la persistance de cette crise, le nombre de personnes dans le besoin augmente constamment. Grâce à la collaboration de nos partenaires de confiance et expérimentés sur le terrain, notre aide pourra parvenir aux plus vulnérables, y compris les enfants et les victimes de violences sexuelles, de violences sexistes et de mariages précoces et forcés.

Le Canada est conscient que les ressources permettant de répondre aux crises humanitaires actuelles ou nouvelles dans le monde sont limitées. C’est pourquoi nous examinerons la possibilité de conclure de nouveaux partenariats, afin de mobiliser d’autres ressources pour soutenir l’action humanitaire dans le monde et assurer son efficacité et son efficience au Moyen-Orient.

À Affaires mondiales Canada, je peux compter sur une équipe compétente et sur l’expérience de nos partenaires dans la région pour déterminer où les besoins sont les plus grands et où l’aide canadienne s’avérera la plus utile et complémentaire à celle des autres donateurs.

Je suis fière de rappeler aux membres de la Chambre que le Canada a toujours respecté les principes humanitaires que sont la neutralité, l’impartialité, l’indépendance et l’humanité. J’insiste sur l’importance du respect de ces principes par tous les donateurs, puisque la sécurité des travailleurs humanitaires et l’accès des organisations humanitaires aux populations assiégées, comme celle de Madaya [en Syrie], dépendent de la reconnaissance de ces principes par toutes les parties impliquées dans un conflit.

Ce respect des principes humanitaires n’exclut cependant pas les nécessaires procédures d’examen que mon ministère exerce à l’égard de tous ses partenaires. Ainsi, en faisant preuve d’une grande rigueur dans l’analyse et le suivi des projets et des organisations que nous soutenons financièrement, nous nous assurons de faire affaire avec des partenaires fiables qui ont toutes les compétences nécessaires pour secourir des civils pris au milieu des conflits en Syrie, en Iraq et ailleurs dans le monde.

Ces partenaires d’expérience se sont depuis longtemps dotés de systèmes de responsabilisation stricts qui permettent d’obtenir l’assurance que les fonds sont utilisés uniquement aux fins prévues et de la façon la plus efficiente et appropriée possible. Ces systèmes visent à ce que chaque dollar dépensé ait la plus grande incidence possible sur la vie des personnes qui ont besoin de notre aide.

Nous évaluons les partenaires avec lesquels nous travaillons et déployons tous les efforts nécessaires pour veiller à ce qu’ils se conforment à toutes les exigences en matière de lutte contre le terrorisme. Des organismes des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires ont adopté de strictes mesures de reddition de comptes afin d’atténuer le risque de détournement de fonds destinés à l’aide humanitaire, prévoyant notamment que du personnel de l’organisme accompagne les convois d’aide et que l’on assure une surveillance par une tierce partie.

Passons maintenant aux programmes de développement et de renforcement de la résilience. Bien que la crise constitue une tragédie sur le plan humain, elle a également des répercussions sur la sécurité et la stabilité des pays avoisinants. Nous devons avant tout éviter que la région ne sombre dans un chaos généralisé.

Durant notre rencontre, mes homologues jordaniens et libanais m’ont décrit les sinistres conditions qui présentent une menace immédiate et soutenue pour la stabilité de leur pays. Avant la crise en Syrie, leurs taux de chômage étaient déjà élevés. Les loyers coûtaient cher et les revenus étaient à la baisse. L’arrivée de plus de 625 000 réfugiés enregistrés en Jordanie, et de plus de 1,2 million d’entre eux au Liban, au cours des trois dernières années entraîne leur société et leur économie au bord du gouffre.

Je demande à mes collègues d’imaginer comment leurs propres localités réagiraient à une augmentation de 30 ou 40 p. 100 de leur population; la population de certains villages a même doublé. Ce n’est pas viable. Comment nos électeurs réagiraient-ils face à une telle pression?

Pendant mon séjour au Moyen-Orient, j’ai rencontré les maires de villes qui m’ont dit avoir vu la population de leur municipalité augmenter du tiers en 14 mois. La pression ainsi exercée sur les cliniques de santé, les réseaux d’alimentation en eau, les réseaux électriques et d’autres services municipaux préoccupe tous les fonctionnaires et les citoyens.

L’aide offerte par les citoyens des pays voisins de la Syrie a déjà dépassé de loin ce que la communauté internationale aurait été en droit d’attendre d’eux. Toutefois, les grandes difficultés émanant de l’afflux de personnes dans certaines municipalités menacent de créer des tensions sociales entre les citoyens et les réfugiés. Nous ne pouvons pas rester là à regarder le tissu social, l’économie et l’infrastructure même des pays hôtes s’effondrer. Pourquoi devraient-ils souffrir de leur générosité?

En investissant 270 millions de dollars, également sur trois ans, dans des programmes axés sur la résilience et le développement, nous allons accroître notre travail, surtout en Jordanie et au Liban, pour aider les collectivités à gérer la crise de façon durable. Nous aiderons à mettre au point la capacité nécessaire pour fournir des services aux collectivités hôtes et aux réfugiés. Nous travaillerons avec les populations touchées pour qu’elles aient les outils dont elles ont besoin pour commencer à rebâtir leur société lorsque la crise sera finie.

Ces programmes aideront à créer des emplois, à accroître l’accès des enfants à l’éducation et à s’assurer que les populations bénéficient des services essentiels dont elles ont tant besoin.

Dans la région, ces programmes permettront de donner de la formation à des fonctionnaires locaux sur l’exploitation d’installations d’approvisionnement en eau, une mesure efficace de prévention contre les maladies transmises par l’eau et liées au manque d’hygiène.

Nous fournirons un cadre d’apprentissage sûr et sain pour les enfants des populations locales et des réfugiés, y compris pour la rénovation d’écoles et l’amélioration des installations d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène.

La nouvelle stratégie du Canada sera axée sur une approche globale, intégrée et à long terme en vue de surmonter la crise. Nous ferons preuve de leadership en tirant profit de nos domaines d’excellence et nous collaborerons avec des partenaires multilatéraux expérimentés et efficaces, qui bénéficient d’un accès stratégique sur le terrain.

Nous coopérerons avec les populations et les pays touchés en appliquant des méthodes nouvelles et différentes. Par exemple, nous apporterons un soutien au pacte de la Jordanie, qui vise à mettre en place les conditions propices à la création d’emplois pour les réfugiés syriens en échange d’une aide au développement accrue et ciblée et d’un meilleur accès aux marchés étrangers pour les exportations jordaniennes. Nous pourrons ainsi fournir notre aide de façon stratégique en tenant compte de la nature à long terme de cette crise.

J’insiste sur le fait que notre aide ne consiste pas seulement à répondre aux besoins immédiats. Il est clair aux yeux de tous que cette crise perdurera et qu’elle aura des conséquences à long terme, même après la fin des hostilités.

La nouvelle approche du Canada établit un horizon de trois ans pour mener une action stratégique et mettre en place des programmes avec une planification minutieuse et un financement adéquat. Nous élaborerons des programmes qui renforceront la résilience des populations locales et des pays qui accueillent les réfugiés, pour que leurs sociétés puissent faire face à ces événements dévastateurs et en sortir plus fortes.

Dans le contexte d’une crise prolongée comme celle du Moyen-Orient, nous croyons profondément à la pertinence des projets de résilience qui permettent de combler l’écart entre l’aide humanitaire et les projets de développement. Nous sommes en mesure de nous positionner comme l’un des leaders dans le domaine. Par exemple, dans le secteur de l’éducation, un accès immédiat à une éducation temporaire informelle est une première étape cruciale appuyée par notre aide humanitaire.

Parallèlement à ces efforts en matière de résilience, il faut collaborer avec les autorités locales afin de renforcer le système d’éducation et d’améliorer l’accès et la qualité des services à long terme pour la prochaine génération. Il s’agit de l’approche la plus durable pour répondre aux besoins découlant d’une crise prolongée.

En offrant un accès immédiat à des services de base comme l’éducation par l’entremise de nos programmes, nous pourrons créer les conditions favorables à la protection des personnes au sein des collectivités. Les projets du Canada aideront à mettre les enfants à l’abri des dangers du conflit et à protéger les jeunes garçons contre l’attrait que pourraient exercer sur eux les groupes extrémistes, et les jeunes filles, contre les mariages précoces et forcés.

Nous sommes aussi conscients qu’un manque de gouvernance et une faible croissance économique créent un vide que les extrémistes peuvent exploiter en offrant de faux espoirs et de fausses promesses aux populations désespérées. Les programmes visent donc à favoriser une croissance économique inclusive et la création d’emplois pour éviter les coûts humains qui découleraient de l’absence de telles mesures.

Ce sont des objectifs à long terme essentiels qui exigent un engagement à long terme envers la région.

Nous prodiguerons de l’aide qui répond aux besoins des réfugiés eux-mêmes, pour qu’ils soient en mesure de gagner leur vie, d’aller à l’école et de maintenir ou de perfectionner leurs compétences en vue de reconstruire la Syrie dès que le contexte sécuritaire et la situation politique le permettront.

Nous travaillerons pour aider à établir la paix tant souhaitée dans la région. Nous collaborerons avec la communauté internationale pour aider à mettre en place le capital humain nécessaire pour reconstruire la région au moment opportun. Nous devons agir aujourd’hui pour assurer un avenir meilleur et pour en arriver à la paix.

La stratégie globale du Canada montre aux populations, aux gouvernements locaux et aux partenaires canadiens et internationaux avec lesquels nous travaillons que nous prenons très au sérieux cette crise, et que nous sommes conscients que le seul moyen d’en venir à bout consiste à s’y attaquer sur plusieurs fronts.

Nous savons qu’il s’agit d’une crise complexe et qu’il faut en tenir compte dans nos interventions. Nous devons les élaborer et les gérer avec cohérence. Bien que nous respections les principes humanitaires, nous continuerons de faire preuve d’une grande vigilance pour veiller à ce que la contribution du Canada soit utilisée uniquement aux fins prévues.

La contribution de 1,1 milliard de dollars, sous la forme d’aide humanitaire et de programmes sur la résilience et le développement, est un élément crucial de cette action. Cette contribution permet de reconnaître que nous pouvons et que nous devons faire tout en notre pouvoir pour tendre la main aux personnes qui souffrent et qui ont besoin de notre aide.

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