Discours du ministre Dion pour le débat de haut niveau de la Conférence du désarmement
Discours
Le 2 mars 2016 – Genève, Suisse
Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.
Après cinq ans d’absence, il était temps qu’un ministre canadien des Affaires étrangères s’adresse à la Conférence du désarmement. Je suis heureux de le faire aujourd’hui, au nom du gouvernement du Canada et du premier ministre Justin Trudeau.
Je n’irai pas par quatre chemins : cette enceinte est paralysée depuis près de 20 ans. Pourtant, il y a 20 ans, la Conférence du désarmement comptait plusieurs succès à son actif. Mais depuis deux décennies, c’est la panne sèche. La Conférence du désarmement n’a fait aucun apport concret à la paix et à la sécurité internationales.
Ce n’est pas que la communauté internationale est incapable de collaboration. Nous y parvenons, mais en dehors de cette enceinte. Qu’on songe à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel [Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction], à la Convention sur les armes à sous-munitions et au Traité sur le commerce des armes
L’une des principales réussites récentes en matière de désarmement est le Plan d’action global commun convenu entre l’Iran et le P5+1 [la Chine, les États-Unis, la France, la Russie et le Royaume-Uni, ainsi que l’Allemagne]. Le Plan d’action global commun est une contribution essentielle aux efforts mondiaux en faveur du désarmement et de la non-prolifération nucléaires, pourvu que sa mise en œuvre soit complète et vérifiée.
De même, le Partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire, auquel le Canada participe activement, aborde certains aspects techniques importants de la vérification qui représentent actuellement des obstacles de taille à l’élaboration de mesures de désarmement de longue durée.
Parallèlement, les efforts relatifs aux armes conventionnelles sont extrêmement importants. En particulier, l’initiative de l’Allemagne relative aux armes légères et de petit calibre au Sahel et le rôle actuel du Traité sur le commerce des armes pour réduire au minimum les effets déstabilisateurs et souvent tragiques des armes légères et de petit calibre dans de nombreux pays témoignent d’une évolution des plus favorable.
D’ailleurs, j’annonce aujourd’hui que le Canada adhérera au Traité sur le commerce des armes. Notre gouvernement travaille avec diligence pour respecter ses obligations juridiques nationales afin d’accéder au Traité sur le commerce des armes dès que possible.
Je le rappelle, toutes ces ententes ont été négociées à l’extérieur de la Conférence du désarmement.
Le fait que cette instance chargée des négociations sur le désarmement n’ait joué aucun rôle dans les percées importantes en matière de désarmement est une critique sévère de notre incapacité à dépasser nos intérêts nationaux étroits.
Si la Conférence ne cherche pas sérieusement à reprendre ses travaux de fond, je crains que les efforts ponctuels en faveur de la non-prolifération et du désarmement dans d’autres tribunes deviennent la norme. Par conséquent, j’invite à la réflexion, non seulement dans cette salle, mais surtout dans les capitales, sur les conséquences qui surviendraient si la Conférence du désarmement perdait toute pertinence.
Il faut que notre Conférence sorte de sa paralysie. C’est crucial quand on mesure à quel point le monde n’est pas tellement plus sûr aujourd’hui qu’il l’était lorsque la Conférence a été mise sur pied en 1979.
Les crises en Ukraine, en Syrie, en Irak et au Yémen, pour ne nommer que celles-là, continuent de nuire à la sécurité régionale et internationale. Les actions irresponsables et imprudentes de la Corée du Nord, qui contreviennent à ses propres obligations et aux résolutions de l’ONU, assombrissent la situation sur le plan de la sécurité en Asie du Nord. Entre-temps, certaines parties de l’Afrique sont aux prises avec l’instabilité, aggravée par une surabondance d’armes légères et de petit calibre.
Par conséquent, il est grand temps que la Conférence se remette au travail. Et je suis ici pour vous dire que le Canada est prêt à collaborer avec vous tous pour remettre en marche la machine.
Je suis convaincu que vous êtes nombreux ici à partager le souhait de rétablir la Conférence en tant que tribune mondiale pour les négociations sur le désarmement.
Pour y parvenir, nous devons redoubler nos efforts pour trouver des façons novatrices d’aller de l’avant qui respectent les vraies différences entre nos positions.
Mais pour que la Conférence du désarmement contribue à la paix d’une manière tangible, nous devons fixer des objectifs réalistes qui tiennent compte des réalités stratégiques contemporaines. Prêcher le désarmement total n’est pas un objectif réaliste.
À l’évidence, le contexte actuel est peu propice pour inciter les États qui possèdent des armes nucléaires à participer à des négociations sur une interdiction de telles armes. Une interdiction immédiate et complète des armes nucléaires pourrait constituer une mesure intéressante, mais sans ces États, les résultats concrets que nous pourrions espérer en tirer seraient très incertains.
Sans la participation des pays qui possèdent des armes nucléaires, une interdiction ne nous rapprocherait aucunement de notre objectif commun d’avoir un monde exempt d’armes nucléaires. En fait, des mesures prématurées risqueraient de compromettre la stabilité internationale en créant un faux sentiment de sécurité, sans s’appuyer sur des principes sous-jacents fiables.
Nous pouvons nous rapprocher de notre objectif collectif d’un désarmement complet et vérifiable si les progrès sont graduels, concrets, réalistes et vérifiables.
Cela ne signifie pas que nous n’avons rien à faire, que nous fassions partie d’un État doté de l’arme nucléaire ou non. Au contraire.
En particulier, il est temps de chercher à adopter d’autres mesures politiques et juridiques dans le contexte du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP. Ces mesures comprennent :
- une transparence accrue;
- des moratoires sur les essais nucléaires et la production de matières fissiles;
- des garanties de sécurité;
- l’établissement de zones libres d’armes nucléaires;
- la poursuite des travaux en vue de l’universalisation du TNP.
Un objectif que nous devons atteindre est la négociation d’un traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles, ou TIPMF.
Le Groupe d’experts gouvernementaux, que le Canada a eu l’honneur de présider, a produit une évaluation solide et approfondie des éléments d’un futur traité. Les travaux du Groupe ont démontré qu’un traité n’est pas hors de portée. Les négociations seraient indéniablement difficiles, mais leur aboutissement serait une réalisation importante.
La recherche d’un tel traité contribuerait à mettre en place une interdiction de la production de matières fissiles dangereuses, et serait déterminante pour aider à faire avancer les mécanismes de vérification importants nécessaires aux efforts de désarmement plus généraux. Il s’agit d’un pas réaliste et réalisable, et d’une étape qui, selon le Canada, doit aller de l’avant sans plus attendre.
Un autre exemple d’un objectif concret que nous pourrions atteindre : le Groupe de travail à composition non limitée constitué par l’Assemblée générale des Nations Unies l’an dernier. Le Canada participe activement au groupe de travail, non pas parce que nous croyons que les discussions y seront faciles, mais parce qu’il vaut mieux se parler que ne pas se parler. Le Canada espère sincèrement que ce groupe pourra rédiger un rapport équilibré et constructif sur les mesures de désarmement.
Quand je regarde la Conférence du désarmement, je vois une communauté de diplomates motivés à contribuer à la non-prolifération et au désarmement.
C’est pourquoi, malgré l’impasse qui paralyse depuis longtemps cette instance, je suis convaincu que chacun de nous nourrit encore l’espoir de rendre le monde plus sûr.
Nous pouvons réaliser des progrès graduels et continus sur le désarmement en faisant preuve de patience, de souplesse, de persévérance et d’un leadership courageux. Je vous invite tous à réaffirmer votre volonté d’aller de l’avant.
Vous pourrez compter sur le Canada à cette fin.
Je vous remercie.
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