Discours de la ministre du Commerce international Chrystia Freeland au Forum mondial de Toronto

Discours

Le 12 septembre 2016 – Toronto (Ontario)

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

J’aimerais commencer en soulignant que nous nous trouvons sur les terres traditionnelles de la Première Nation des Mississaugas de New Credit. Cette nation était là avant nous et je lui suis reconnaissante, comme je crois que nous devrions tous l’être, de pouvoir être ici. Bonjour et bienvenue. Je suis ravie de participer au lancement de la dixième édition de ce forum. Je tiens à remercier le Forum économique international des Amériques de réunir le monde entier à Toronto une fois de plus cette année, et de m’avoir invitée à prononcer le discours d’ouverture aujourd’hui.

Nous avons déjà entendu des gens faire allusion aux thèmes que je vais aborder. Je crois que nous avons entendu Jerry parler du Brexit et d’une campagne électorale plutôt intéressante qui se déroule au sud de la frontière. Nous avons aussi entendu le maire Tory aborder ces thèmes, et je pense que c’est bien, car nous vivons à une époque que je qualifierais non seulement d’incertaine, mais aussi d’inquiétante et de dangereuse.

Je pense que nous vivons aujourd’hui dans l’environnement le plus protectionniste qui ait existé au cours de ma vie, et je dirais même depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit de tendances très importantes. Nous les voyons déjà se manifester dans le cadre d’importantes élections pas très loin de chez nous, mais aussi beaucoup en Europe. Nous avons eu le vote sur le Brexit. D’importantes élections sont à venir en Autriche, et ces thèmes y jouent un rôle significatif.

Nous voyons déjà, à l’approche des élections en France et en Allemagne, certains de ces enjeux prendre une ampleur considérable. Il est certainement question de protectionnisme, mais un sentiment anti-immigration et xénophobe s’y ajoute aussi souvent. Je dirais qu’il s’agit, de manière plus générale, d’une vague très puissante contre la mondialisation en général, qui pousse à chercher un coupable à blâmer.

Le premier point que je voudrais faire valoir auprès de vous tous aujourd’hui est qu’il est extrêmement important de ne pas nous méprendre sur le pouvoir des sentiments qui envahissent les pays industrialisés occidentaux. Tout cela est réel. Les plus vieux d’entre vous se souviennent peut-être qu’il a existé, dans le courant des années 1960 et 1970, une idée marxiste très populaire selon laquelle il existait une fausse conscience. Selon cette idée, si seulement les travailleurs avaient raisonné adéquatement, ils auraient su qui ils devaient soutenir.

Je pense parfois que dans de tels environnements, de tels groupes, nous pouvons tomber dans notre propre version de la fausse conscience et penser que si seulement nous pouvions mieux expliquer aux gens à quel point une société ouverte est bonne, à quel point le commerce est bénéfique et à quel point le protectionnisme est mauvais, tout irait pour le mieux; les gens sortiraient de cette fausse conscience et soutiendraient ces choses fabuleuses que nous appuyons tous.

Selon moi, c'est un mode de pensée dangereux, et nous devons vraiment étudier la question plus en profondeur pour comprendre que cette puissante vague anti‑mondialisation populiste est fondée sur des choses très concrètes que beaucoup de gens vivent dans les pays occidentaux industrialisés.

La réalité est qu’au cours des trois dernières décennies, une période d’extraordinaire révolution technologique au cours de laquelle la mondialisation a connu un grand succès, les gens de la classe moyenne de tous les pays occidentaux industrialisés ont eu le sentiment, à juste titre, qu’ils perdaient du terrain.

Je pense que ce sentiment profond, cette réalité fondamentale où les revenus sont stagnants, l’impression que les emplois deviennent de moins en moins sûrs, qu’il n’y a plus de nouvelles possibilités, particulièrement pour nos enfants, est l’un des principaux moteurs de la puissante vague qui s’élève contre la mondialisation. Bien que je sois ministre du Commerce, et je parlerai du commerce dans une minute, je pense que notre réaction à ces impressions doit, en grande partie, être ancrée dans nos politiques nationales.

Ce n’est que si les gens de la classe moyenne chez nous, confiants et en sécurité sont sûrs des perspectives économiques qui s’offrent à eux et à leurs enfants que nous pourrons avoir un pays qui accueille la société ouverte et le monde. C’est pourquoi notre gouvernement avait justement comme grande priorité, dès le début de son mandat, de soutenir la classe moyenne du Canada.

C’est pourquoi nous avons réduit les impôts de la classe moyenne. C’est pourquoi nous avons conçu l’Allocation canadienne pour enfants et ciblé, avec cette allocation, les personnes se situant au bas et au milieu de l’échelle, celles qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi nous avons prolongé les prestations de retraite et, oui, c’est aussi pourquoi nous avons augmenté les impôts pour 1 % de la population. Je mentionne ce fait en particulier parce que cet ensemble de politiques économiques (nous avons entendu John Tory parler de redistribution), cet ensemble de politiques économiques n’en est pas toujours un que le type de dirigeants d’entreprise réunis dans des salles comme celle-ci privilégie toujours.

Ce type de politique est essentiel pour chacun, ainsi que pour créer un pays, pour renforcer un pays capable de demeurer une société ouverte et réellement ouverte à la mondialisation. Et vous savez quoi? Jusqu’à présent, nous nous en sortons plutôt bien sur ce front au Canada.

Je suis revenue il y a quelques jours du Sommet du G20. Le Canada m’est réellement apparu comme un havre de raison; je suis toujours heureuse de rentrer à la maison après un tel voyage, mais d’une certaine façon, je suis encore plus fière du Canada pendant mes déplacements. Je pense qu’étant traditionnellement modestes, nous ne mesurons peut-être pas à quel point le Canada est exceptionnel, particulièrement maintenant.

À un moment où tant de pays sont envahis de sentiments xénophobes, de protectionnisme, le Canada est en fait l’une des plus puissantes voix du monde pour la société ouverte. Nous demeurons un pays ouvert aux immigrants et à l’immigration, maintenant plus que jamais.

Nous croyons réellement que notre diversité est notre force. Invités dans cette grande ville, sachez que 50 % de la population de Toronto est née à l’extérieur du Canada. Pensez-y une minute : 50 % de cette grande ville, et nous savons que cela la rend encore meilleure.

Au moment où la crise des réfugiés syriens s’est révélée véritablement une crise, le Canada a réagi. Nous avons envoyé des avions pour amener des réfugiés dans notre pays, et nous avons déjà reçu plus que les 25 000 réfugiés que nous nous étions engagés à accueillir cette année. Je surprends toujours mes homologues ministres du Commerce lorsque nous abordons cette question; il s’agit d’un enjeu clé, particulièrement pour les Européens.

Je leur dis, qu’à titre de députée – donc dans mon travail à l’échelle locale – la plus grande question qu’on me pose pendant mes heures de bureau, et la plus grande critique que je reçois, provient de groupes canadiens dans ma circonscription qui se plaignent de ne pas encore accueillir de réfugiés, car les Canadiens dans la salle le savent, nous offrons du parrainage privé aux réfugiés. Ma circonscription a été très enthousiaste en ce qui concerne le parrainage privé de réfugiés.

J’ai aussi reçu beaucoup de plaintes selon lesquelles les réfugiés n’arrivaient pas assez vite. Je dois vous dire que lorsque je raconte cela à mes collègues, des ministres du Commerce ailleurs dans le monde, et peut-être surtout en Europe, ils n'y croient pas, littéralement. J’ai même commencé à apporter des lettres de plaintes provenant de citoyens de ma circonscription afin de les leur montrer. Il est vraiment remarquable que nous ayons un tel soutien. Je pense que c’est un avantage concurrentiel énorme pour le Canada à l’avenir.

Je pense aussi que le fait que nous soyons une société ouverte efficace, où une classe moyenne confiante accueille favorablement les possibilités que lui offre le monde, à un moment où une si grande partie du monde dit « non » au commerce et à l’économie mondiale, alors que le Canada est en position de dire « oui », peut constituer pour nous un avantage concurrentiel considérable. Je crois vraiment que nous travaillons fort pour que cette année soit historique. Nous travaillons fort pour que ce soit l’année où l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne sera signé.

Nous travaillons en vue de la signature de l’accord en octobre et de sa ratification au début de l’année prochaine. Lorsqu’on pense à l’environnement protectionniste dans le monde dont nous avons parlé, si nous arrivons à conclure l’AECG, il sera extrêmement important pour le Canada; ce sera un avantage concurrentiel énorme, et un message très puissant au monde entier. C’est en ces termes qu’on a discuté de l’AECG au Sommet du G20.

On en a beaucoup parlé, et nous croyons vraiment que cet accord pourrait constituer et constituera un signal important pour le monde entier indiquant que nous pouvons aller de l’avant. Quelles conditions faudra-t-il réunir? Je pense que deux éléments sont essentiels. Tout d’abord, je l’ai dit dès le début, il est très important de ne pas être dans le déni en ce qui concerne les critiques à l’endroit de la mondialisation.

L’une des choses les plus importantes que notre gouvernement a faites dès le début de son mandat a été d’écouter les critiques concernant l’AECG, tant au Canada qu’en Europe, et de comprendre certaines des préoccupations, certaines des préoccupations légitimes des gens, surtout concernant des domaines tels que les investissements.

Nous avons fait des changements significatifs parce que nous voulons conclure cet accord. Je crois qu’il s’agit maintenant de l’accord commercial le plus progressiste jamais établi, un accord centré sur les normes de travail et les normes environnementales. Je crois que si nous voulons progresser en matière de commerce, nous devons nous pencher sur ces questions et trouver des façons de les régler. Je pense que nous pouvons y arriver.

La seconde chose que nous devons faire, pour, en quelque sorte, franchir le dernier mille, est la suivante : j’ai besoin de tout le monde pour y arriver; j’ai parlé à de nombreux dirigeants d’entreprise canadiens et européens très actifs en Europe. C’est maintenant qu’il faut agir.

Il s’agit d’un accord historique entre le Canada et l’Europe. Il survient à un moment clé pour l’économie mondiale, alors pour tous ceux qui y prennent part, je sais que cela a été un travail de longue haleine, mais j’ai vraiment besoin que vous agissiez et que vous fassiez tout ce que vous pouvez au cours des prochaines semaines.

Jeudi dernier, le soir suivant mon retour de la Chine, j’ai tenu chez moi un barbecue avec de nombreux syndicalistes allemands; et je passerai toute la semaine prochaine en Europe. Je peux vous assurer que je fais tout en mon pouvoir, tout comme le premier ministre; il s’agit d’un moment où nous pouvons faire quelque chose de grand et d’important qui créera des emplois et des possibilités pour les Canadiens et les Européens, et qui ira même bien au-delà – nous aurons des conversations intéressantes aujourd’hui.

J’ai confiance en l’importance de l’économie mondiale, en l’ouverture et en le maintien des voies commerciales. Nous avons l’occasion de vraiment accomplir quelque chose. S’il vous plaît, aidez-moi! Concluons cet accord. Merci beaucoup à tous et à toutes et je vous souhaite une très bonne conférence. Merci.


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