Discours du ministre Dion prononcé à l'intention du Conseil canadien de droit international : Progressons vers un ordre fondé sur les règles internationales, ne faisons pas marche arrière

Discours

Le 4 novembre 2016 - Ottawa, Ontario

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada.

Comme j’ai le privilège de m’adresser au Conseil canadien de droit international, permettez-moi de vous décrire les mesures prises par notre gouvernement pour favoriser un ordre fondé sur les règles internationales. Selon moi, notre bilan est assez impressionnant, mais je vous laisse en juger. Et, puisque je m’exprime devant Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI), à qui je souhaite d’ailleurs chaleureusement la bienvenue et une visite des plus productives, je dois dire que le Canada s’inquiète de tout recul d’un ordre fondé sur des règles. Un affaiblissement de la CPI serait faire marche arrière. J’aimerais vous dire à vous tous et à Mme Bensouda que le Canada fera tout en son pouvoir pour éviter de perdre du terrain.

En sa qualité d’artisan résolu de la paix, le Canada a pris des mesures importantes pour favoriser un ordre fondé sur des règles et servir les droits universels de la personne :

  • Les violations des lois de la guerre en Syrie doivent cesser; c’est pourquoi, il y a deux semaines, le Canada a pris la tête des initiatives aux Nations Unies et a mobilisé plus de 70 pays, réclamant l’arrêt immédiat des frappes aériennes dans la ville d’Alep.
  • Le Canada souhaite un monde exempt d’armes nucléaires. C’est pourquoi la semaine dernière, il a parrainé une résolution favorisant la conclusion d’un traité sur l’interdiction de la production de matières fissiles lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, laquelle résolution a été adoptée avec l’appui de 177 États membres des Nations Unies, dont, chose cruciale, aussi bien des États dotés de l’arme nucléaire que d’autres qui ne le sont pas. Ce traité aurait pour effet de restreindre la production des matériaux nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires et l’accès à ces matériaux.
  • Le Canada doit s’opposer à la peine de mort dans tous les cas et partout, et il réclame donc aujourd’hui la clémence dans toutes les affaires où des Canadiens sont condamnés à mort à l’étranger.
  • Les droits de la personne sont universels, indissociables, interdépendants et liés les uns aux autres, et le gouvernement du Canada a créé le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion. De plus, la défense des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion est désormais l’objectif fondamental de tous les chefs de mission du Canada. Ces derniers seront évalués à la fin de l’année en fonction de leurs résultats en la matière.
  • La torture ne devrait en aucun cas être une option; c’est pourquoi j’ai annoncé que le Canada entendait adhérer au Protocole facultatif à la Convention contre la torture.
  • Les enfants ont leur place dans les écoles, pas dans les usines. C’est la raison pour laquelle nous avons ratifié la Convention no 138 de l’Organisation internationale du Travail concernant le travail des enfants.
  • Le commerce des armes doit être mieux réglementé, raison pour laquelle nous adhérerons bientôt au Traité sur le commerce des armes.
  • Il faut faire l’apologie de l'égalité des sexes partout. Voilà pourquoi nous avons fait campagne avec succès pour être élu pour la première fois à la Commission de la condition de la femme à l'Organisation des Nations Unies.
  • La pollution par le carbone ne se limite pas aux frontières, et les effets des changements climatiques n’épargneront personne. C’est pourquoi nous avons ratifié l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
  • Les Canadiens sont favorables à un libre-échange qui respecte leurs valeurs progressistes. Il y a quelques jours, le premier ministre [Justin Trudeau] a donc apposé sa signature au bas de l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne.

L’objectif principal de la politique étrangère de notre gouvernement est de faire du Canada un architecte résolu de la paix, la paix étant définie comme plus qu’une simple absence de conflit. Elle correspond à toutes les valeurs exprimées par le premier ministre Justin Trudeau : une croissance inclusive, un développement durable, la démocratie, les droits universels, l’égalité des sexes, la gouvernance responsable, le pluralisme pacifique, le respect de la diversité et l’état de droit.

Pour défendre ces valeurs, le monde a besoin de règles applicables à tous, y compris à ceux qui créent ces règles et y compris les plus puissants d’entre eux. La paix, la stabilité et la prospérité passent nécessairement par l’existence de ces règles. Et, dans un monde de plus en plus multipolaire, il sera particulièrement essentiel d’assurer la défense et la légitimité de ces règles.

Le gouvernement du Canada vise à être un architecte résolu de la paix dans un monde qui respecte le droit international. Nous souhaitons avancer et ne pas faire machine arrière.

C’est pourquoi nous nous inquiétons de ce qui se passe à la Cour pénale internationale. Nous prenons cela à cœur en partie parce que le Canada a joué un rôle de premier plan dans les efforts qui ont mené à sa création, mais aussi parce qu’au cours d’une période assez courte, la Cour a beaucoup accompli et a entre autres prononcé des jugements historiques condamnant :

  • le recrutement d’enfants soldats;
  • les crimes de nature sexuelle et fondés sur le sexe;
  • la destruction du patrimoine culturel.

Rappelons que le rôle de la CPI, en cherchant à obtenir justice, n’a jamais été uniquement de punir, mais également de faire la lumière sur des injustices graves et de reconnaître la souffrance terrible des personnes concernées. Son rôle vise à révéler la vérité et à réparer le passé afin que les sociétés puissent avancer. En résumé, la CPI contribue à consolider la paix. Son rôle est de donner de l’espoir aux sociétés en leur montrant qu’il est possible d’apprendre des erreurs du passé et que l’avenir sera plus radieux. C’est dans cet esprit que la CPI a été créée. Nous ne devons pas l’oublier.

Le monde a besoin de la Cour.

C’est pourquoi nous avons été profondément attristés d’apprendre que l’Afrique du Sud, le Burundi et la Gambie entendent mettre un terme à leur adhésion à la Cour.

Nous sommes attristés, parce que l’Afrique est depuis le début un partenaire incontournable dans la création de la Cour. Attristés aussi parce que les victimes africaines méritent d’obtenir justice.

Par ailleurs, nous sommes encouragés par les voix qui, en Afrique, se sont exprimées en faveur de la Cour, dont celles du Botswana, de la Sierra Leone, du Nigeria, de la Tanzanie et du Sénégal.

Le gouvernement du Botswana a déclaré qu’un retrait du Statut de Rome trahit le droit des victimes de crimes atroces d’obtenir justice et compromet les progrès accomplis à ce jour dans les efforts mondiaux pour lutter contre l’impunité.

Nous partageons le même avis, que nous considérons des plus judicieux.

La voix de la société civile s’élève elle aussi pour défendre la Cour, notamment au sein des pays d’Afrique dont les gouvernements se retirent.

Permettez-moi d’en faire de même aujourd’hui, en examinant les arguments invoqués en faveur d’un retrait.

D’abord, on dit que le fait que des membres permanents du Conseil de sécurité [de l’ONU] n’aient pas ratifié le Statut de Rome affaiblit la légitimité de la Cour.

Cette critique n’est pas infondée. Le Conseil de sécurité peut déférer, et défère, des dossiers à la Cour pénale internationale, mais trois des membres permanents du Conseil de sécurité ne sont pas membres de la Cour.

Le Canada aimerait que le Statut de Rome devienne un jour universel, de la même manière que les Conventions de Genève sont devenues universelles au cours des décennies qui ont suivi leur adoption.

Mais l’universalité doit être un objectif que nous nous efforçons d’atteindre, et non un obstacle sur lequel nous trébuchons.

Ensuite, on dit que les dossiers sur lesquels la Cour travaille à l’heure actuelle témoignent d’un préjugé contre l’Afrique.

Il est vrai que, dans les dix situations sur lesquelles la Cour fait enquête, neuf sont survenues en Afrique. Toutefois, six de ces affaires ont été portées devant la Cour par les pays africains touchés eux-mêmes.

Deux autres dossiers, ceux du Darfour et de la Libye, ont été déférés à la Cour par le Conseil de sécurité, avec l’appui des États africains représentés au Conseil.

Par ailleurs, il est normal qu’à une période donnée les problèmes dans le monde ne soient pas tous répartis de manière uniforme. Par exemple, s’il y a un pourcentage aussi élevé de missions de maintien de la paix en Afrique, c’est parce qu’il y a des besoins criants sur ce continent. Nos préoccupations par rapport aux conflits dans les Balkans, qui ont finalement menées à la création de la Cour pénale internationale, ne voulaient pas dire que nous avions un préjugé contre les Balkans. La communauté internationale répondait à un besoin réel.

Cela étant dit, ce n’est pas parce qu’il y a plus de dossiers provenant de l’Afrique que nous avons un préjugé contre ce continent. La Cour répond aux besoins réels.

Même si l’on présume que la Cour serait appelée à traiter davantage de dossiers en provenance de l'Afrique ‎que d'autres régions du monde, c'est là un atout pour les Africains, dont ils ne doivent pas être privés. Il faut travailler plus fort pour que la Cour puisse mieux protéger les habitants des autres continents contre ceux qui piétinent impunément leurs droits les plus fondamentaux.

La Cour pénale internationale doit intervenir davantage, pas moins.

Quelle sera alors la suite des choses?

D’abord, nous devrions inviter les États qui veulent se retirer à discuter de leurs préoccupations, et nous espérons les convaincre de changer d’avis.

De telles discussions devraient avoir pour but de renforcer la Cour, et non de l’affaiblir, et de s’assurer qu’elle continue à répondre aux besoins de la communauté internationale et des victimes de crimes internationaux graves.

Je crois qu’il est important de tenir ces discussions, ce qui est en partie la raison pour laquelle je me rendrai en Afrique la semaine prochaine.

Deuxièmement, nous devons aller de l'avant dans le dossier de l'ajout de nouveaux membres, en particulier dans les régions du monde où la Cour continue d'être sous-représentée, comme en Asie et au Moyen-Orient.

Troisièmement, nous ne devons pas oublier certains des principes fondamentaux qui ont mené à la création de la Cour au départ, et nous devons continuer à défendre fermement ces principes.

Permettez-moi de vous dire ce que sont, selon moi, deux de ces principes fondamentaux.

Le premier principe est un principe normatif : l’égalité de tous devant la loi. Le Statut de Rome s’applique à « tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ». Même les chefs d’État ne sont pas à l’abri de poursuites. Il s’agit là d’une grande victoire, sinon de la plus grande victoire, du Statut de Rome, et nous ne devons jamais y renoncer.

Le second principe est d’ordre procédural : la notion de complémentarité. La Cour est censée être un tribunal de « dernier recours ». On doit y faire appel seulement lorsque l’État qui a compétence n’a pas la volonté ou la capacité de mener véritablement à bien une enquête ou une poursuite.

L’une des manières d’assurer l’efficacité de cette complémentarité est de renforcer les systèmes juridiques nationaux. Si les tribunaux nationaux peuvent mieux composer avec la criminalité de façon juste et efficace, la Cour pénale internationale sera moins forcée d’intervenir.

Nous sommes aussi favorables aux initiatives régionales qui obligent les auteurs de graves crimes internationaux à rendre des comptes. Le Canada appuie depuis fort longtemps de telles initiatives en Afrique, notamment les travaux du Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Et nous avons fait la même chose à l’extérieur de l’Afrique, entre autres en appuyant le Tribunal spécial pour le Liban.

Nous avons également soutenu d’autres efforts pour assurer la reddition de comptes, même en l’absence de cours pénales internationales, comme les travaux de la Commission internationale pour la justice et la responsabilité, chargée de recueillir des éléments de preuve en Syrie et en Irak, ainsi que le Mécanisme d’enquête conjoint, dont le mandat consiste à examiner l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

Ces initiatives servent de complément aux travaux de la Cour. Elles contribuent à tisser un filet auquel ces actes criminels ne pourront échapper.

Plus de 120 États font partie de la Cour pénale internationale. Nous ne devons oublier ni le chemin que nous avons parcouru ni nos motivations pour le faire. La Cour est l’héritage de toutes les personnes qui ont réclamé que les auteurs des pires crimes de l’humanité en soient tenus responsables.

Les défis auxquels la Cour fait face aujourd'hui sont réels. Mais nous devons tous y faire face avec détermination, conviction, un sens profond de la responsabilité, et même optimisme.

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