Désoxygénation et acidification dans l’estuaire du Saint-Laurent
Nom de l’indicateur : Désoxygénation
État : Mauvais pour la période 2020-2024
Tendance : Détérioration depuis la période 2015-2019
Nom de l’indicateur : Acidification
État : Mauvais pour la période 2020-2024
Tendance : Détérioration depuis la période 2015-2019
Rédaction : Martine Lizotte et Marjolaine Blais
Direction des sciences pélagiques et écosystémiques – Institut Maurice-Lamontagne, Pêches et Océans Canada (MPO)
Renseignements sur les droits d’auteur
No de cat.: En78-4/2025F-PDF
ISBN : 978-0-660-79908-7
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Faits saillants
Les teneurs en oxygène des eaux profondes de l’estuaire du Saint-Laurent sont suivies depuis le début des années 1970. En 2022, elles ont atteint leurs plus faibles valeurs jamais enregistrées, et sont restées près de ces niveaux minimaux records en 2023 et 2024. Des mesures annuelles de pH effectuées depuis 2014 révèlent une tendance à l’acidification des eaux profondes de l’estuaire, caractérisée par une baisse de pH, atteignant un minimum record en 2023.
Problématique
Afin de mieux comprendre et suivre les changements dans les conditions océanographiques, et de soutenir la gestion durable des activités et des ressources marines, Pêches et Océans Canada (MPO) a implanté en 1998 le Programme de monitorage de la zone atlantique (PMZA). Ce programme vise à détecter, suivre et prévoir les changements de productivité et d'état de la zone Atlantique canadienne. Les campagnes d’échantillonnage menées dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent recueillent des données essentielles pour la préservation de cet écosystème marin et pour l’étude des enjeux climatiques. Parmi ces enjeux, la désoxygénation et l’acidification menacent l’équilibre fragile de la vie marine dans les eaux profondes de l’estuaire du Saint-Laurent.
La désoxygénation est liée à la diminution du contenu en oxygène et se produit généralement dans les couches profondes de la colonne d’eau où les échanges avec l’atmosphère sont peu fréquents. Les eaux sont considérées comme étant hypoxiques lorsque leur saturation en oxygène est inférieure à 30 %.
L'acidification, un phénomène complexe qui abaisse le pH de l'eau de mer, est engendrée par l’augmentation du CO2 d’origine anthropique et sa dissolution à la surface des océans. L'acidification peut affecter les organismes marins, entraînant des compromis énergétiques et des modifications des taux de calcification.
Dans les couches profondes de la colonne d’eau, la désoxygénation et l’acidification sont modulées par la reminéralisation de la matière organique qui consomme de l’oxygène et libère du CO2. Le réchauffement des eaux profondes peut accélérer ces processus en favorisant la respiration des microorganismes qui reminéralisent la matière organique.
Territoire à l’étude
Le suivi de la désoxygénation et de l’acidification dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent, réalisé dans le cadre du PMZA, repose sur trois relevés océanographiques annuels menés en juin, août-septembre et en octobre, ainsi que sur les échantillonnages hebdomadaires de la station Rimouski effectués entre mai et novembre.
Figure 1 : Carte de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent couvert par le programme de monitorage de la zone atlantique
Description de la figure 1
Carte du golfe du Saint-Laurent présentant les transects (lignes noires) couverts par le programme de monitorage de la zone atlantique ainsi que la position des deux stations fixes (points rouges).
- La carte illustre la région du golfe du Saint-Laurent, située à l’est de la province de Québec et bordée par le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, et Terre-Neuve.
- Deux stations fixes sont identifiées par des cercles rouges :
- RIKI, située près de Rimouski, au sud de la rive nord du fleuve Saint-Laurent.
- VAS, localisée au sud du golfe, entre les Îles-de-la-Madeleine et la côte nord du Nouveau-Brunswick.
- Plusieurs transects (ou lignes de suivi) sont représentés en noir et répartis dans différentes zones du golfe :
- TESL (près de RIKI)
- TSI (au nord-ouest de la Gaspésie)
- TASO (au nord des Îles-de-la-Madeleine)
- TBB (au sud de la côte ouest de Terre-Neuve)
- TCEN (dans la partie centrale du golfe)
- TDC (près de la côte ouest de Terre-Neuve)
- TIDM (au sud des Îles-de-la-Madeleine, en lien avec la station VAS)
- Une carte en médaillon dans le coin supérieur gauche montre l’emplacement général de la zone d’étude dans le contexte plus large du Canada atlantique.
- Les noms des provinces et territoires sont indiqués en français et en anglais (ex. : NOUVELLE-ÉCOSSE / NOVA SCOTIA).
- Les principales localités côtières telles que Rimouski, Gaspé, Sept-Îles, Tadoussac, et Mingan sont identifiées pour aider à localiser les transects.
- Le Golfe du Saint-Laurent est étiqueté au centre de la carte en bleu (Golfe du Saint-Laurent / Gulf St. Lawrence).
- Un encadré rouge délimite la zone couverte par le programme de monitorage.
- Cette carte met en évidence les efforts de suivi réalisés dans le cadre du programme de monitorage de la zone atlantique, destiné à observer les conditions environnementales de cette vaste région maritime.
Mesures clés
- Moyenne annuelle des saturations en oxygène (%) dans les eaux profondes (> 295 m) de l’estuaire maritime obtenues à partir des données de titration et des données de sonde d’oxygène.
- Moyenne annuelle des valeurs de pH (échelle totale) dans les eaux profondes (> 295 m) de l’estuaire maritime obtenues à partir des mesures par spectrophotométrie (période 2014 à 2024) et par reconstruction modélisée (période 1961-2007, Mucci et al. 2011).
État et tendances
La désoxygénation des eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent
L’indice de saturation en oxygène dissous dans les eaux profondes de l’estuaire du Saint-Laurent présentait un état mauvais pour chacune des années de la période 2020-2024, avec des valeurs moyennes annuelles de saturation inférieures à 15 % (Figure 2). Lors de la période précédente (2015-2019), l’indice se situait dans un état intermédiaire-mauvais, avec des saturations comprises entre 15 % et 20 %. La période actuelle témoigne donc d’une détérioration par rapport à la précédente.
Depuis le début de la série temporelle en 1971, le contenu en oxygène des eaux profondes de l’estuaire a diminué de plus de la moitié. À cette époque, les saturations en oxygène dépassaient légèrement le seuil d’hypoxie (30 %). Toutefois, depuis le milieu des années 1980, ces eaux sont dans un état quasi permanent d’hypoxie sévère (< 20 %). La désoxygénation semble s’être amplifiée entre 2021 et 2022, avec une chute de la saturation moyenne annuelle de 15 % à 10,8 %, niveau qui est demeuré stable autour de 11 % depuis. Cette diminution marquée coïncide avec une augmentation de la proportion d’eaux chaudes et pauvres en oxygène dans les profondeurs de l’estuaire, caractérisées en grande partie par la signature du Gulf Stream.
Figure 2 : Moyennes annuelles des taux de saturation en oxygène (%) dans les eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent.
Description de la figure 2
Taux de saturation en oxygène (%) dans les eaux profondes de l'estuaire du Saint-Laurent
- Axe horizontal (x) : Années, couvrant la période de 1971 à 2020
- Axe vertical (y) : Taux de saturation en oxygène exprimé en pourcentage (%), allant de 0 % à 40 %
- Éléments graphiques :
- Barres verticales grises représentant les valeurs annuelles
- Une ligne noire reliant les sommets des barres (sans interprétation de tendance)
- Zones colorées horizontales indiquant des catégories de qualité :
- Vert foncé : Bon (au-dessus de 30 %)
- Vert clair : Intermédiaire-bon (environ 25 % à 30 %)
- Jaune : Intermédiaire (environ 20 % à 25 %)
- Orange : Intermédiaire-mauvais (environ 15 % à 20 %)
- Rouge : Mauvais (en dessous d’environ 15 %)
- Graduations et repères :
- Axe des années marqué par intervalles réguliers
- Axe des pourcentages marqué par intervalles de 5 %
L’acidification des eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent
L'état de l'indice du pH dans les eaux profondes de l'estuaire du Saint-Laurent était mauvais pour la période 2020-2024, avec des valeurs moyennes annuelles inférieures à 7,55 unités de pH (Figure 3). En 2023, l'indice a atteint un minimum de 7,50. Lors de la période précédente (2015-2019), l'état de l’indice de pH était intermédiaire-mauvais (entre 7,55 et 7,65 unités de pH). La période actuelle montre donc une détérioration de cet état par rapport à la période précédente.
Au début des années 1930, le pH des eaux profondes de l’estuaire oscillait autour de 7,8 – 7,9, des valeurs considérées comme normales en milieu estuarien (état d’indice bon). Aujourd’hui, le pH avoisine 7,5, ce qui représente une diminution de 0,3 à 0,4 unité de pH. Cette diminution correspond à une augmentation de l’acidité d’environ 100-150 % en moins de 100 ans. La diminution du pH est associée à de nombreux changements des processus hydrographiques et biogéochimiques en cours dans les eaux profondes de l’estuaire du Saint-Laurent.
Figure 3 : Moyennes annuelles des valeurs de pH (échelle totale) dans les eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent.
Description de la figure 3
pH dans les eaux profondes de l'estuaire du Saint-Laurent
Éléments de la figure :
- Axes :
- Axe horizontal (x) : Années, allant de 1961 à 2020.
- Axe vertical (y) : pH (total), échelle de 7,50 à 7,85.
- Légende des catégories de qualité :
- Bon : vert foncé, pH > 7,80.
- Intermédiaire-bon : vert clair, pH entre 7,75 et 7,80.
- Intermédiaire : jaune, pH entre 7,70 et 7,75.
- Intermédiaire-mauvais : orange, pH entre 7,60 et 7,70.
- Mauvais : rouge, pH < 7,60.
- Représentation des données :
- Barres grises indiquant les valeurs annuelles de pH.
- Points noirs sur certaines barres pour marquer des mesures précises.
- Valeurs numériques inscrites en bas des barres pour certaines années.
Perspectives
Les tendances observées indiquent une détérioration continue de l’état des eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent, en lien avec la désoxygénation et l’acidification persistantes. La saturation en oxygène dissous et le pH ont atteint des minima records en 2022 et en 2023, respectivement, et sont resté près de ces valeurs minimales depuis. Bien que la variabilité des courants océaniques puisse modifier la composition des masses d’eau profondes atteignant l’estuaire et atténuer la désoxygénation et l’acidification, d’autres facteurs tels que la hausse de la température, l’augmentation du CO₂ anthropique et l’eutrophisation pourraient aggraver ces problématiques.
Pour en savoir plus
Blais, M., Clay, S. A., Devred, E., Galbraith, P. S., et Starr, M. (en préparation). Chemical and biological oceanographic conditions in the Estuary and Gulf of St. Lawrence during 2024. Can. Tech. Rep. Hydrogr. Ocean. Sci.
Lizotte, M., Blais, M., Chassé, J., Hébert, A.-J., et Starr, M. (en préparation). Acidification conditions in the Estuary and Gulf of St. Lawrence during 2024. Can. Tech. Rep. Hydrogr. Ocean Sci.
Mucci, A., Starr, M., Gilbert, D. et Sundby B. 2011. Acidification of lower St. Lawrence Estuary bottom waters. Atmosphere-Ocean, 49 (3): 206–218,
Programme Suivi de l’état du Saint-Laurent
Cinq partenaires gouvernementaux – Environnement et Changement climatique Canada, Pêches et Océans Canada, Parcs Canada, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec – et Stratégies Saint-Laurent, un organisme non gouvernemental actif auprès des collectivités riveraines, mettent en commun leur expertise et leurs efforts pour rendre compte à la population de l’état et de l’évolution à long terme du Saint-Laurent.
Pour obtenir plus d’information sur le programme Suivi de l’état du Saint-Laurent, veuillez consulter notre site Internet.
Remerciements
Le suivi des indices de désoxygénation et d’acidification est rendu possible grâce à l'engagement dévoué des employés participant au programme de monitorage de la zone atlantique et au programme des services d'adaptation aux changements climatiques en milieu aquatique du MPO.
