Q et R avec le Maj Nic Gonthier – 31 octobre 2022

Article / Le 5 décembre 2022 / Numéro de projet : 22-0121

Entre le 17 et le 28 octobre 2022, des membres du 2e Escadron des transmissions de Petawawa ont participé à l’exercice HERMES REACH afin de mettre à l’essai un concept de poste de commandement (PC) décentralisé dans le cadre d’une collaboration avec des partenaires de l’industrie. Le but de cette activité était d’expérimenter et de développer les capacités nécessaires pour survivre et gagner dans le contexte des conflits modernes. Nous avons rencontré le major (Maj) Nicolas Gonthier, commandant du Quartier général et Escadron des transmissions 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada (QG & Esc Trans 2 GBMC) pour en apprendre davantage sur cette idée et découvrir comment tout cela s’intègre dans la plus vaste initiative de transformation numérique de l’Armée canadienne (AC).

Pour quelle raison les postes de commandement décentralisés sont-ils nécessaires et de quelle façon sont-ils déployés actuellement?

Les PC sont au cœur du commandement et du contrôle sur le terrain. Ils sont composés des différents membres du personnel et des spécialistes qui aident un commandant à planifier, à exécuter et à maintenir en puissance les opérations. Toutefois, au cours des vingt dernières années, la taille de ces PC n’a cessé d’augmenter; ils sont devenus plus spacieux et exigent plus temps à mettre en place. De nos jours, avec la présence abondante de drones, le recours à l’imagerie à haute résolution, aux ressources de la guerre électronique et aux autres moyens de détection, l’espace de bataille devient plus que jamais transparent, ce qui fait en sorte que nos PC, dans le contexte actuel, sont devenus davantage des cibles.

Avec la guerre qui se déroule actuellement en Europe de l’Est, nous ne pouvons-nous permettre d’attendre pour nous adapter. Le défi que nous avons donné à l’équipe consistait à développer un nouveau PC de brigade hautement interrelié et décentralisé qui peut être installé en moins de 30 minutes plutôt qu’en plusieurs jours et nécessitant moins de la moitié de notre taille organisationnelle actuelle. Puisqu’il n’existe pas de plan détaillé pour ce genre de tâches, nous avons décidé d’utiliser une approche ascendante pour faire des expériences et créer des prototypes pour trouver une solution au problème. Il n’a fallu que 45 jours pour livrer le premier prototype, et le résultat ont été bien au-delà de nos attentes!

D’où est venue l’idée?

Ce problème existe depuis un certain temps; c’est un problème auquel nos alliés sont eux aussi confrontés. À l’arrivée de notre commandant de brigade cet été, nous avons tenu des discussions sur son intention de répartir davantage nos ressources et d’augmenter notre dispersion et notre capacité de survie. L’ensemble de l’Esc Trans était unanimement animé d’un désir de procéder à une modernisation et à une transformation numérique. Le besoin de changement était déjà présent; nous avons simplement décidé que nous allions faire quelque chose à ce sujet, car le statu quo comportait beaucoup de trop de risques.

Qui a participé à ce processus?

En fait, le premier prototype a été développé à l’interne, au QG & Esc Trans 2 GBMC, en partenariat avec quelques volontaires de l’industrie. L’association de nos signaleurs avec des représentants du génie a servi d’élément catalyseur qui nous a permis de continuer sur notre lancée. Elle a réellement permis une créativité maximale et un échange d’idées dans la recherche de solutions. De nombreux moments « Eureka! » ont parsemé le processus : un militaire décrivait un problème et un représentant de l’industrie à l’écoute proposait une solution pour le régler. De plus, les représentants de l’industrie ont fait des démonstrations des différentes capacités qu’ils avaient apportées avec eux et nos militaires leur ont immédiatement trouvé un usage dans le cadre du concept. Cette collaboration a complètement changé la donne, pour tous les participants.

Quelle est la prochaine étape de ce processus?

L’approche que nous avons adoptée consiste à développer rapidement une nouvelle itération du prototype en se basant sur la version précédente et en tentant toujours de l’améliorer, un peu comme le fait une jeune entreprise technologique dans le cadre du développement d’un produit. Notre but est en fait de déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas. Pour y arriver, nous tirons parti de notre horaire d’exercices annuels pour faire des expériences, obtenir les commentaires des utilisateurs et améliorer notre capacité globale. Cela comprend également la rédaction du concept, de la méthodologie et de la doctrine.

Puisque nous ne pouvons y arriver seuls, nous cherchons activement à accroître le soutien bénévole que nous recevons de l’industrie privée pour mettre à l’essai les différentes capacités en appui à ce concept. Nous tendons aussi la main à différents intervenants clés de l’organisation pour obtenir leur soutien. Jusqu’ici, ces efforts ont été extrêmement positifs et productifs! Après avoir effectué quelques essais supplémentaires, notre intention est de disposer d’un concept pouvant être installé dans un environnement opérationnel d’ici l’été 2023.

Quel changement de mentalité a dû effectuer le QG & Esc Trans 2 GBMC pour aborder ce défi?

Puisque notre intention était de passer d’une installation prenant plusieurs jours à une installation se faisant en 30 minutes, nous étions convaincus que pour obtenir le produit final que nous recherchions, il fallait probablement s’éloigner de tout ce que nous avions fait antérieurement. Il fallait adopter une approche complètement nouvelle relativement au design et à la mise en œuvre. C’est pourquoi nous avons autant mis l’accent sur la facilitation de la créativité, l’ingéniosité et la résolution de problème en partant de la base. Nous avions besoin de la contribution de chacun, quel que soit le grade ou le groupe professionnel.

Du point de vue des dirigeants, accorder à chacun toute la liberté dont il a besoin pour mener à bien ses propres expériences et innover peut être un peu déstabilisant, car, à un certain moment, il y a tant d’essais en cours qu’il n’est pas possible d’assurer le suivi et la supervision de tout cela. La seule façon de mener à bien tout cela était d’avoir totalement confiance dans les aptitudes de notre équipe et de soutenir la convergence vers la réalisation de l’objectif. Les organisations les plus innovantes ne sont pas arrivées là où elles sont en faisant de la microgestion et en contrôlant les talents.

Quelles étaient les contraintes imposées à votre équipe?

L’une des contraintes que nous avons imposées était qu’il fallait que le PC soit décentralisé, c’est-à-dire qu’il devait fonctionner « en nœud », ce qui permet au personnel du quartier général de travailler dans un esprit de collaboration dans un environnement virtuel. Le déploiement de ces nœuds devait se faire de manière indépendante, ce qui offre une souplesse, une vitesse d’exécution et une survivabilité maximales. Inversement, nous avons confié le reste du concept dont les capacités et les technologies à l’ensemble de l’unité dans le but de trouver la solution. Il ne devait pas s’agir du concept du commandant, mais bien de leur concept. Comme je l’ai dit aux membres de mon équipe, il n’existe pas de doctrine pour cela. Notre travail se déroule en temps réel et nous devons nous adapter en fonction des leçons retenues par nos unités paires et nos partenaires de l’OTAN.

Comment encourageriez-vous tous les groupes professionnels à se joindre à l’initiative de transformation numérique de l’AC?

La transformation numérique n’est pas quelque chose qui est propre à une technologie; il s’agit plutôt de la façon dont nous tirons parti de la technologie pour trouver des solutions à des problèmes particuliers. Déterminer d’abord le problème qui doit être réglé est l’étape la plus importante. Ainsi, chaque groupe professionnel est partie prenante dans la détermination de ce à quoi ressemblera la transformation numérique de l’AC. Toutefois, le danger est de consacrer tout notre temps à étudier le problème sous tous ses angles sans prendre de mesures concrètes. C’est pour cette raison que le prototypage rapide et la tenue d’essais qui impliquent les utilisateurs sont essentiels à l’obtention de résultats rapides.

Quelles ont été les plus grandes surprises en cours de route?

Je veux seulement ajouter que durant la semaine qui a précédé l’exercice, nous avons commencé à douter. Nous nous sommes demandé si nos objectifs étaient trop ambitieux et qu’en conséquence nous devrions peut-être les revoir à la baisse. Nous nous sommes toutefois abstenus de le faire et tout s’est vraiment bien passé. Nous avons même développé plus de capacités que ce que nous avions prévu à l’origine. Cela ne fait que montrer que nous avons tendance à nous imposer des barrières artificielles relativement à ce que nous pouvons accomplir ou non.

Le succès est réellement contagieux. Au fil de l’exercice, un climat de rivalité s’est installé entre les équipes. Chaque jour, les équipes développaient des prototypes de plus en plus rapides à installer et de plus en plus axés sur le numérique. Ce furent de longues journées, mais personne ne manquait de motivation. Tout le monde a contribué au succès de l’exercice, ce qui a eu pour conséquence une plus grande cohésion entre les membres des équipes, quel que soit le grade de chacun.

Et la plus grande surprise de toutes? Prendre conscience qu’une petite unité comme la nôtre peut devenir un moteur de changement institutionnel et inspirer les autres à prendre les mesures nécessaires pour accélérer la transformation numérique de l’AC.

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