Ligne de mire

Qui d’autre pense aux drones?

  Le 21 octobre 2021 - Michael A. Hennessy, Collège militaire royal du Canada

En tant qu’ancien artilleur et fantassin, je n’ai pas perdu l’intérêt que je porte à l’évolution du champ de bataille tactique et dernièrement, quelque chose perturbe mes rêves. Cette chose, ce sont les drones, omniprésents, contrôlés à distance et semi-autonomes. Des gros, des petits. Des drones ayant des capacités de renseignement, surveillance et reconnaissance (RSR) de précision; des drones ayant des capacités de frappe de précision; des drones pouvant faire office de mines aériennes; des drones pouvant être déployés comme des mines réelles; des drones qui peuvent se déplacer en essaim coordonné pour aveugler, entraver, dégrader ou fracasser toutes sortes de cibles. Je ne parle pas de ces gros drones volant à haute altitude qui exécutent des missions de surveillance à grande autonomie, ni même des gros drones à objectif unique qui pourraient servir à cibler, par exemple, une personne se déplaçant dans un convoi — même s’ils me préoccupent.

Je parle de l’éventail de drones utilisés durant la guerre brève et intense renouvelée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui s’est déroulée l’an dernier au sujet du Nagorno-Karabakh. Si vous n’avez pas porté un grand intérêt professionnel à cette guerre, vous n’avez qu’à faire une recherche sur Internet avec les mots « Arménie, drone et guerre ». Les images devraient mettre tout le monde mal à l’aise en pensant à sa perspective relativement au champ de bataille de l’avenir. La quantité et les capacités des drones de frappe et de surveillance relativement peu dispendieux, mais hautement capables dont on a pu être témoins durant ce conflit sont loin des modèles commerciaux rudimentaires avec des modifications « de garage » employés par l’EIIS/EIIL il y a quelques années à peine. Les nombres et les capacités montrés par les Azerbaïdjanais illustrent une sempiternelle leçon : un ennemi rusé cherchera à développer les moyens de changer les conditions tactiques qui ont mené à son échec lors de campagnes antérieures. Cela illustre aussi le fait que la technologie maintenant disponible n’exigera pas les ressources d’une grande force militaire pour être mise en service ou exploitée avec succès. L’Arménie avait elle aussi des drones, mais clairement, elle n’était pas préparée à les employer dans la même mesure que ses adversaires. De plus, nous savons que certains de nos alliés et adversaires potentiels font l’essai de formations de campagne de 3 000 drones et plus en formation tactique pour des frappes coordonnées contre des formations tactiques à la limite avant de la zone de bataille (LAZB) et loin dans les échelons arrières. Les forces azerbaïdjanaises ont clairement utilisé leurs drones dans un tel agencement.

Les rédacteurs militaires évoquent peut-être le terme « révolution » trop souvent, mais en ce qui me concerne, cette guerre récente illustre une révolution dans le champ de bataille tactique qui n’est pas moins importante que lorsque l’Union soviétique a développé, puis partagé ses roquettes antichars (AC). Elles ont joué un rôle dominant en défonçant la ligne Bar-Lev et en retenant de nombreuses attaques blindées israéliennes durant la guerre d’octobre 1973 (la guerre du Yom Kippour). Par la suite, des forces blindées et d’infanterie ont accru considérablement l’ampleur de l’espace de l’engagement tactique. Les systèmes terrestres utilisés en observation directe ne peuvent pas faire concurrence avec les systèmes aériens qui ont des horizons visibles beaucoup plus vastes. Les drones omniprésents employés au niveau tactique sont la menace d’aujourd’hui, mais pas de demain; cependant, les forces armées de demain devront envisager comment produire et déployer ce genre de forces, probablement comme élément  intrinsèque des formations terrestres tactiques, et ce, à très bref délai. Des ennemis rusés cherchent toujours l’élément de surprise. Un célèbre général a déjà dit que toute l’histoire militaire peut se résumer en deux mots : « trop tard ». Nous avons des forces déployées à l’échelle mondiale et dans bien des théâtres, elles font face à un défi tactique immédiat, soit celui de se faire prendre à découvert ou d’agir trop tard. Je me demande qui cherche activement une solution opportune pour l’Armée canadienne. On en a besoin avant demain.

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2021-12-19