Ligne de mire

Allégement de la charge : Un projet qui vise à soulager le poids des soldats en modifiant leur habillement et leur équipement

  Le 9 novembre 2021 - Richard Bray

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La première couche de protection entre les soldats canadiens et le monde hostile est l’habillement opérationnel, et une partie de cet habillement doit être modifiée.

« Certains équipements doivent être améliorés ou modernisés », déclare le lieutenant-colonel (Lcol) Ray Corby, qui dirige le Projet de modernisation de l’habillement et de l’équipement opérationnels des soldats (MHEOS), un vaste projet qui examine tous les aspects de l’équipement des soldats pour s’assurer qu’il répond aux besoins actuels et futurs.

« Le système actuel nous offre une capacité limitée pour faire avancer les projets individuels. Mais en même temps, nous savons que tous nos équipements doivent être intégrés », précise-t-il.

Pour gérer la complexité de cette tâche et mettre tout le monde sur la même longueur d’onde, le Lcol Corby a convoqué une « rencontre au sommet » d’une journée vers la fin février. Le groupe était composé des gestionnaires de projets d’équipement du Directeur – Besoins en ressources terrestres relevant du Lcol Corby, du personnel civil du ministère de la Défense nationale travaillant pour le sous-ministre adjoint (Matériels) [SMA(Mat)] et du personnel scientifique de Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC).

« Nous nous sommes enfermés dans une pièce pendant une journée entière pour passer en revue tous les équipements existants et nous pencher sur certains équipements que nous estimons intéressants pour l’avenir. Le rôle du SMA(Mat) était de conseiller le groupe sur les articles prioritaires, en raison de la diminution des stocks, qui doivent être remplacés, tandis que l’Armée de terre a proposé les changements que nous souhaitons voir mis en œuvre, et RDDC nous a présenté l’éventail des possibilités actuelles. »

Les scientifiques de la défense ont lancé des études extrêmement intéressantes, en particulier sur des sujets importants comme les gilets pare-balles, « et nous voulons tenir compte de toutes leurs données », ajoute-t-il.

Le commandant de l’Armée de terre, le lieutenant-général (Lgén) Jean-Marc Lanthier, a établi des normes pour les équipements existants et nouveaux. Comme l’a dit le Lcol Corby, le commandant est conscient qu’à mesure que l’Armée de terre se modernisera, il y aura de l’équipement mixte, car elle ne peut pas tout faire en même temps. Cependant, le nouvel équipement doit s’intégrer à celui qui existe déjà. Le transport de charge figure en haut de la liste des priorités du Projet MHEOS. « Je pense que le commandant et le sergent-major de l’Armée de terre entendent beaucoup parler du transport de charge, car c’est un équipement que nos soldats portent en permanence. Il est donc logique qu’ils veuillent s’assurer que nous avons ce qui se fait de mieux », explique le Lcol Corby.

Le système de transport de charge pourrait consister en une veste de combat modulaire, similaire à la veste tactique actuelle, ainsi des sacs à dos et des musettes. « Cet exercice d’une journée consistait notamment à imaginer l’équipement personnel du futur. Nous avions des mannequins dans la pièce afin de pouvoir placer les éléments du fourbi, demander quel projet était concerné par ces éléments et avoir une discussion menant à des réponses immédiates. À la fin, nous avions une feuille de route assez claire de la direction à suivre », résume-t-il.

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Des membres du 38e Groupe-brigade du Canada participent à l’exercice annuel BISON WARRIOR, à la Base des Forces canadiennes Shilo, au Manitoba. Photo : Caporal chef Louis Brunet

La gestion des éléments interdépendants constituait un défi, car il fallait veiller à ce que le changement d’un équipement n’entraîne pas de conséquences indésirables ailleurs. Par exemple, des articles tels que les lunettes de vision nocturne et l’équipement intégré du soldat (EIS) ont non seulement des incidences évidentes sur le poids total du système de transport de charge, mais ils doivent également se fixer facilement aux équipements existants et nouveaux.

« Des lunettes de vision nocturne doivent être envisagées pour la prochaine génération de casques, tout comme des protections auditives. Une protection auditive sera-t-elle intégrée au casque? Ou intégrée au système de communications si celui-ci est fixé à l’EIS? », soulève le Lcol Corby. « Tout est interconnecté. C’est pourquoi nous avons dû avoir l’avis de tout le monde dans la pièce. »

Le Lgén Lanthier a également accordé une grande priorité à la réduction des blessures chez les soldats, la diminution de la charge qu’ils transportent étant un facteur majeur. En plus de réduire autant que possible le poids de chaque article individuel que le soldat transporte, une nouvelle philosophie de conception pourrait donner aux dirigeants de la chaîne de commandement des possibilités pour adapter l’équipement à chaque mission. Lors de son deuxième déploiement en Afghanistan, lorsqu’il encadrait des unités de l’armée afghane, le Lcol Corby affirme que ses soldats canadiens se sont pesés et ont constaté qu’ils transportaient chacun 100 livres de fourbi. Les études réalisées par RDDC ont montré qu’au moins une partie de ce poids aurait pu être réduite. Par exemple, des soldats sont partis en mission avec dix chargeurs de munitions pour fusil, mais il s’avère que personne n’a été à court de munitions.

« Plus j’essaie de déterminer les besoins, plus je constate que chaque mission est différente. Nous devons permettre aux commandants de prendre des décisions en fonction de la situation sur le terrain, car un soldat qui est habillé pour une situation X ne sera pas nécessairement habillé de cette façon dans une situation Y », note-t-il. De toute évidence, cela aura une incidence importante sur les équipements modulaires comme la protection balistique. « Des équipements peuvent-ils se détacher dans certaines circonstances? RDDC nous a aidés en nous transmettant les résultats d’études sur ce sujet, en rassemblant les données pour que nous ayons tous les éléments en main », explique le Lcol Corby. « Idéalement, j’aimerais fournir aux soldats et à leurs commandants un nouvel équipement [qui leur offre] la possibilité de décider quelle est la bonne charge à transporter à un moment en particulier, en fonction de la situation qu’ils ont évaluée. »

Le Lcol Corby souligne que bien souvent, une force ennemie est détectée non pas en raison du dessin de camouflage que portent ses soldats, mais simplement en raison de ses mouvements.

« Il est plus probable que votre sécurité soit compromise à cause des mouvements que vous faites qu’à cause de votre habillement, à condition que vous portiez un uniforme de combat. Si vous êtes plus agile et que vous pouvez vous déplacer plus rapidement, vos chances de survie au combat augmentent », précise-t-il. « Cela nous ramène à la nécessité d’alléger une partie de la charge que transportent les soldats pour leur donner plus de vitesse et d’agilité. Lorsque vous allégez la charge du soldat, vous réduisez ses risques de blessure et vous augmentez sa capacité de survie. Si vous avez une méthode pour alléger la charge, les soldats sont susceptibles de se déplacer de manière plus tactique. »

Des modifications pourraient être apportées au dessin de camouflage canadien (DCamC) cette année, sur la base des travaux du Projet MHEOS. Le nouveau dessin sera très probablement une combinaison des couleurs actuelles, soit « forêt » et « désert ». Certains soldats pourraient porter l’uniforme présentant ce nouveau dessin de camouflage dès l’automne 2019.

« Le changement potentiel de dessin de camouflage n’est qu’une partie de l’intégration de l’équipement des soldats », ajoute le Lcol Corby. « La plupart de nos équipements, vestes tactiques, musettes, sacs à dos et couvre-casques ont tous le dessin actuel, alors devons-nous donc changer tout notre équipement, et notre nouvel équipement doit-il comporter ce nouveau dessin? »

Il est intéressant d’observer que de nombreuses armées dans le monde n’utilisent pas systématiquement le camouflage pour chaque mission : en effet, elles utilisent parfois une couleur « brun coyote ». « C’est une couleur de base assez générique qui est plus polyvalente dans de nombreux types d’environnements. Est-il nécessaire qu’un soldat porte en permanence un uniforme DCamC? Eh bien, pas nécessairement. Si vous regardez nos soldats, certains d’entre eux qui sont affectés outre-mer portent déjà des équipements de couleur brune. »

Le Lgén Lanthier a précisé qu’il ne voulait pas que les soldats canadiens partent outre-mer avec un équipement qui n’a pas fait ses preuves. D’après le Lcol Corby, idéalement, le Lgén Lanthier aimerait emmener sur le terrain, dans un avenir proche, au moins 800 soldats de tous les corps de l’Armée de terre pour tester le nouvel équipement dans des situations aussi réelles que possible.

« Je suis officier d’infanterie, mais je ne veux pas d’un équipement qui ne soit utilisable que par les soldats d’infanterie. Il y a aussi toutes les armes de combat, les troupes blindées, le génie, l’artillerie, ainsi que tout notre personnel de soutien. Il y a même de l’équipement spécial à développer et à tester pour la Force aérienne et la Marine. »

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Des membres de la Réserve de l’Armée canadienne, issus du 32e Groupe-brigade du Canada, entament leur patrouille dans le cadre de la Concentration de patrouille canadienne dans le secteur d’entraînement de Wainwright, le 16 novembre 2018. Photo : ministère de la Défense nationale

Fonction, ajustement et forme

Le choix du tissu fait partie de la conception globale d’une nouvelle génération d’uniformes, mais il faudrait une nette amélioration pour que l’Armée de terre fasse l’effort de changer la coupe et la forme de l’uniforme. Une analyse comparative entre les sexes a déjà permis de s’assurer que l’Armée de terre peut offrir des uniformes de différentes tailles et formes.

« Nous devons regarder les innovations dans l’industrie et dans les textiles qui amélioreraient nos uniformes actuels », a déclaré le Lcol Ray Corby, directeur du Projet MHEOS. « Nous avons le dessin, la coupe et la forme de l’uniforme… Mais le textile actuel est-il toujours adapté ou y a-t-il des innovations que nous devrions examiner? » En fait, l’industrie textile travaille fort pour répondre à cette exigence. Logistik Unicorp est un nom bien connu des membres des Forces armées canadiennes (FAC) et, dans les coulisses, cette entreprise fait bien plus que prendre des commandes et livrer des habillements. Comme le note Claudia Leblanc, directrice du marketing de l’entreprise, une nouvelle génération de textiles offre des avantages comme un poids réduit, des propriétés mécaniques accrues et une gestion avancée de l’humidité.

Le tissu extensible fait d’un mélange de nylon et de coton de Cordura est plus léger, plus résistant et plus respirant, des caractéristiques essentielles pour des uniformes de combat. L’entreprise canadienne Stedfast est un acteur de premier plan dans le domaine des membranes sélectives. Par exemple, la technologie textile STEDAIR CAT protège les soldats contre les risques chimiques, biologiques et nucléaires, tout en étant respirante et légère.

Ces dernières années, Icebreaker Clothing est devenu un nom majeur dans les vêtements d’extérieur civils, car sa fibre de mérinos naturelle est dotée de propriétés uniques. Comme l’explique Catherine McCourt, directrice des ventes corporatives en Amérique du Nord : « Le mérinos assure la régulation de la température corporelle, il offre un indice FPRUV [facteur de protection contre les rayons ultraviolets] élevé contre le soleil, et il a également des propriétés autoextinguibles. Il est donc considéré comme résistant au feu. »

Les soldats qui passent plusieurs jours sur le terrain apprécient le fait qu’il est naturellement antibactérien, ce qui fait qu’il ne retient pas les odeurs. Bien que n’étant pas encore un fournisseur officiel des FAC, Icebreaker a déjà été sélectionnée dans le cadre de processus concurrentiels pour fournir des habillements aux unités qui ont besoin d’articles spécialement conçus pour l’entraînement par temps froid ou lorsque la mission nécessite des matériaux ininflammables.

« Le fait que nous ayons pu répondre aux besoins d’autres groupes extérieurs à l’Armée, comme la recherche et le sauvetage et la gestion des urgences, nous a aidés à obtenir d’autres contrats avec le gouvernement », précise Catherine McCourt. Alors qu’Icebreaker s’appuie sur la fibre spéciale du mouton mérinos, d’autres entreprises mènent des recherches sur les textiles de haute technologie. Logistik, par exemple, travaille sur la création d’un fil ignifuge pour la prochaine génération de sous-vêtements ignifuges et étudie de nouveaux tissus à partir de fibres innovantes comme le chanvre canadien.

À l’avenir, et au-delà des besoins de l’Armée canadienne en équipement pouvant être utilisé sur le terrain dès maintenant, les tissus « intelligents » laissent entrevoir des solutions prometteuses telles que la surveillance des problèmes de santé, les systèmes de communication et de données intégrés directement dans le tissu, et même des configurations de camouflage réglables.

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