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Les principes de la guerre : Une critique du livre du colonel J.F.C. Fuller « Les fondements de la science de la guerre »

par Capitaine E.L.M. Burns, M.C., R.C.E. - Le 4 novembre 2022

temps de lecture : 25 min

 

Une critique d’un ouvrage classique tirée de la revue Canadian Defence Quarterly

La critique suivante a été rédigée par le capitaine Edson L.M. Burns pour l’ancienne revue Canadian Defence Quarterly en 1927. Dans sa critique, il évalue l’un des esprits les plus fertiles de l’Armée de terre britannique, celui de J.F.C. Fuller, dont l’appel à la pensée critique est toujours de mise dans les salles de classe du Collège de commandement et d’état-major de l’Armée canadienne. Prêtez attention au fait que Burns qualifie certaines théories de « chop suey indigeste » et considérez les critiques avancées par Burns en tenant compte de la façon dont les principes de la guerre sont actuellement perçus et employés par l’Armée canadienne.

Revue militaire canadienne 4, no 2, janvier 1927, p. 168-175


Colonel J.F.C. Fuller
Légende

Colonel J.F.C. Fuller

Le dernier livre du colonel Fuller a été salué, à sa parution, par la critique probablement la plus accablante que le journal Army Quarterly n’ait jamais imprimé. Tout le monde sait que le colonel Fuller a mené une guerre opaque, depuis 1918, contre les « généraux à arcs et à flèches »; apparemment, l’un de ces messieurs très harcelés a été incité à se venger. Le vieux cheval de guerre a bien fait les choses; il a concentré son attaque là où son ennemi était le plus faible (en l’occurrence sur la théorie de « l’ordre triple ») et a fait de grands ravages; en fait, il n’est pas exagéré de dire qu’il l’a pulvérisée en la tournant au ridicule. Cependant, l’ordre triple n’est qu’une partie du système du colonel Fuller, et il me semble que, bien que l’auteur lui accorde une grande importance, l’annonçant comme le plan de l’axe de son char d’inspiration, il ne s’agit en fait que d’une méthode d’organisation du résultat de sa pensée et les parties essentielles et utiles de sa théorie en sont indépendantes.

Le livre débute avec une surprise. Dans la préface, le colonel Fuller confesse qu’il est l’homme, le premier parmi les soldats britanniques, qui a découvert et exposé les huit principes de la guerre, qui sont maintenant enchâssés dans les Règlements du service en campagne [Field Service Regulations (F.S.R.)], vol. 2, chapitre 1, section 2. La plupart des soldats qui ont lu ce paragraphe, s’ils étaient curieux de connaître l’autorité derrière les mots, ont probablement imaginé un comité de grands prêtres militaires, accrédités par le ministère de la Guerre, recevant les huit principes, dûment gravés sur des tables de pierre, transmis par une Intelligence omnisciente – en bref, ils ont imaginé qu’il y avait quelque chose de transcendantal et de sacré dans les huit principes, et que toute discussion à leur sujet serait irrévérencieuse. Cependant, nous apprenons maintenant que leur origine était relativement simple et que la curiosité et l’industrie du colonel Fuller les ont fait naître.

Lorsqu’il était aspirant à l’École d’état-major, il était contrarié par le paragraphe dans les anciens F.S.R. qui observait noblement : « Les principes fondamentaux de la guerre ne sont pas très nombreux ni très abstrus, mais leur application est difficile et ne peut pas faire l’objet de règles. » Il se demanda quels étaient ces principes de guerre. Personne ne pouvait le lui dire, alors il a lu Clausewitz, Jomini et Foch et la correspondance de Napoléon et a fini par en déterrer plusieurs principes qui lui paraissaient authentiques. Il ne cessait d’y réfléchir, et écrivait et donnait occasionnellement des conférences à ce sujet entre 1915 et 1919, lorsque ses théories ont intéressé le comité chargé de réécrire les F.S.R. qui a décidé de les incorporer dans le livre.

Les principes « officiels » de la guerre sont faciles à comprendre et, en soi, semblent évidemment vrais. Le seul qui n’est pas clair, à mon sens, est le principe de « l’économie de la force », dont nous reparlerons plus tard. Cependant, le colonel Fuller n’en avait pas fini avec eux. Ils lui paraissent trop désordonnés, insuffisamment organisés, bref, non scientifiques. Le colonel Fuller estime que la guerre peut être une science, et devrait l’être. Le présent ouvrage, comme son nom l’indique, est une tentative de formuler les bases de ce que l’on espère être une science.

La guerre en tant que science

On a beaucoup écrit sur la question de savoir si la guerre peut être une science ou s’il vaut mieux la considérer comme un art, ou simplement comme une vulgaire bagarre où le but est de mettre le pouce dans l’œil de l’adversaire le plus rapidement possible. Le colonel Fuller soutient avec éloquence qu’elle devrait être une science, et il n’y a aucun doute qu’il serait plus facile pour les enseignants et les étudiants de la guerre de systématiser la pratique de la guerre comme le font actuellement les « sciences » de la vente, de la publicité ou du génie sanitaire. En effet, il ne semble pas y avoir de raison pour que, s’il existe une science appelée économie politique, qui traite de l’organisation et du fonctionnement du monde dans lequel les gens gagnent leur vie, il n’y en ait pas une science pour la guerre, qui présente des phénomènes moins complexes. Or, qu’il puisse y avoir ou qu’il doive y avoir une science de la guerre, il reste que, dans les faits, il n’en existe pas actuellement, comme l’auteur le fait remarquer dans son chapitre sur « L’alchimie de la guerre ». Ce chapitre est excellent; en tant que critique destructeur, il est toujours solide et amusant. L’expression « critique destructeur » n’a rien de péjoratif. À mon avis, quelqu’un peut faire un travail presque aussi utile en détruisant le faux, en exposant les impostures et en éveillant les gens aux déficiences qu’en exposant les vérités. Il s’agit de savoir dans quelle direction vont les talents de la personne en question.

Lorsque le colonel Fuller aura terminé ce chapitre et le suivant, sur la méthode scientifique, le lecteur sera aussi passionné par la guerre en tant que science que les Rotariens le sont par le service. Hélas, dans les chapitres suivants, le lecteur aura du mal à maintenir cet enthousiasme et, si je ne me trompe pas, il finira par refermer tristement le livre avec la conviction que si le système fullerien constitue la science de la guerre, alors cette science est comme la paix de Dieu, qui dépasse toute compréhension.

 

Le colonel Fuller déclare que ce dont l’armée de terre britannique a principalement besoin, c’est d’un esprit critique libre et complet, et il espère que ce livre sera bien battu par les critiques, afin que le bon grain soit préservé et que l’ivraie soit emportée par le vent. C’est dans l’esprit de se conformer de façon aimable à ce souhait que le présent article a été écrit.

L’ordre triple

Je ne me sens pas compétent pour expliquer ce que le colonel Fuller entend précisément par l’ordre triple, mais je peux au moins le citer. À la page 51 du livre, nous trouvons : « Cet ordre triple nous entoure de toutes parts. Non seulement vivons-nous dans un monde en trois dimensions, mais nous pensons en trois dimensions et nos pensées reflètent un ordre triple. Nous nous percevons comme corps, esprit et âme, et le monde comme une force se déplaçant dans l’espace. Nous parlons de Dieu, de la Nature et de l’Homme; toutes nos idées religieuses sont fondées sur une trinité, comme le sont celles de la plupart des cultes, à l’exception des plus grossiers. Nous voyons la Nature comme terre, eau et air et l’humanité comme hommes, femmes et enfants. Nous sommes entourés par le solide, le liquide et le gazeux, et par la naissance, la vie et la mort. Nous vivons dans un crépuscule permanent, un mélange de lumière et de ténèbres qui sont, pour nos esprits, zéro, c’est-à-dire incompréhensibles. Je crois que cet ordre triple est la clé de la compréhension de toutes choses, voilà mon postulat. » [Traduction libre]

Le colonel Fuller s’efforce de conserver ce regroupement par trois tout au long de son ouvrage, et nous livre finalement neuf principes de guerre, organisés en trois groupes de trois. Si les principes sont finalement valables et utiles, il n’y a guère de raison de contester la manière précise dont ils sont énoncés, mais il me semble que le colonel Fuller a laissé sa passion pour les trinités symétriques interférer avec l’arrangement logique et la clarté de la pensée sur le sujet qu’il connaît vraiment – la guerre. Sa métaphysique, sa psychologie, sa philosophie, sa physique et son algèbre – toutes les sciences auxquelles il fait appel pour l’aider à développer son système sont plus que douteuses, et pourtant il semble vouloir que nous acceptions le « chop suey indigeste » qu’il a concocté à partir de ces ingrédients comme une purée facile à avaler, qui nourrira notre intelligence et nous permettra d’élaborer des vérités – les lois précises d’une science de la guerre.

Qu’est-ce qui, par exemple, pourrait être plus non scientifique que de considérer l’homme comme un esprit, un corps et une âme, avec des activités correspondantes comme mentales, morales et physiques? Si l’âme réside quelque part dans un homme, c’est sûrement dans son esprit. Le colonel Fuller dit qu’elle est « quelque part en lui ». Dans un ouvrage scientifique, il devrait être plus précis. Si ce n’est pas dans le cerveau, est-ce dans le cœur, le pancréas, les glandes surrénales ou, comme pour les colonels anglo-indiens de Punch, dans le foie? Il reste que les scientifiques ne parlent pas de l’âme, mais divisent les phénomènes en phénomènes mentaux et phénomènes physiques. Dans l’examen de la guerre, dans la mesure où elle touche l’homme, il devrait suffire de penser aux facteurs qui touchent l’esprit, et à ceux qui touchent le corps; à l’effet du corps sur l’esprit, et à l’effet de l’esprit sur le corps.

Il est également indiqué qu’il existe un ordre triple de force – masse, mouvement, énergie. Tous ceux qui ont étudié la mécanique élémentaire savent que l’énergie est définie comme la capacité d’un corps à effectuer un travail en vertu de son mouvement. L’énergie est égale à ½ M V2. Ainsi, nous n’avons que deux bases de la force – la masse et le mouvement.

Voilà, je l’espère, assez d’arguments sur l’ordre triple. Dans ce monde, les choses ne vont pas nécessairement par trois, mais selon des schémas beaucoup plus compliqués, dont la symétrie échappe souvent à l’esprit humain. À mon avis, le livre serait bien meilleur sans l’ordre triple; il introduit une complication inutile et la méthode de son exposition ne fait qu’irriter le lecteur intelligent, qu’il soit ou non familier avec la science.

Le corps humain comme modèle d’organisation

Un autre exemple de la méthode scientifique appliquée à la guerre par le colonel Fuller :

« Le monde et le travail de l’homme tendent toujours à être organisés d’une façon qui se rapproche de l’organisation de son propre corps, qui est la machine la plus merveilleuse et la plus parfaite qui soit […] Quoi qu’on nous demande d’organiser, nous devons penser en termes de corps humain, car comme le monde est le reflet de Quelque chose dans l’esprit, toutes les organisations humaines devraient refléter l’ordre triple dans l’homme. » [Traduction libre]

Que le corps humain soit la machine la plus merveilleuse et la plus parfaite qui soit, voilà qui est une nouvelle. Il suffit d’y réfléchir un instant pour constater que le corps humain est loin d’être parfait, quel que soit le critère utilisé. Les animaux inférieurs peuvent le surpasser dans tous les domaines, à l’exception du développement du cerveau, des mains et de la voix. Il ne peut pas sauter comme la sauterelle, voir comme l’aigle, sentir comme le chien de chasse, digérer comme l’autruche – et ainsi de suite le long d’une liste considérable. Pour remédier à ces imperfections de son corps, il a recours à des outils et des dispositifs. Toute invention a pour but d’aider les facultés et les pouvoirs imparfaits de l’homme. Dites à quelqu’un souffrant de maux de dents, de dyspepsie ou de rhume des foins que le corps humain est une machine parfaite! Et si nous croyons à l’évolution, le corps humain doit être en cours d’évolution comme tout le reste, et ne peut donc pas être dans sa forme finale – à moins que nous ne supposions qu’il a atteint le sommet ultime maintenant, et que la dévolution s’installe.

La méthode du colonel Fuller est-elle scientifique?

Le but des arguments ci-dessus, au cas où le lecteur deviendrait rétif sous le bombardement d’absurdités, est de réfuter l’affirmation du colonel Fuller selon laquelle il a développé ses principes de guerre de manière scientifique. Lorsqu’un auteur qui professe l’exactitude scientifique est coupable d’un tel manque de rigueur, tel qu’il est exemplifié dans la citation ci-dessus, toutes ses déclarations et syllogismes deviennent suspects. Enfin, le colonel Fuller semble avoir entendu dire que Herbert Spencer, qu’il cite comme son professeur de philosophie, a mis en garde, dans ses dernières années, contre l’établissement d’analogies trop strictes entre l’évolution des sociétés et celle des organismes, modifiant ainsi sa position initiale selon laquelle les lois de l’évolution étaient uniformes dans tout l’univers, si elles pouvaient être découvertes. Dans le cas qui nous intéresse, cela signifie que l’on ne peut pas savoir comment une armée doit être organisée en étudiant la façon dont un tigre, un crocodile, un homme ou un autre animal de proie est organisé.

[Note de la FMP : Herbert Spencer a soutenu que la « loi » par laquelle l’espèce humaine était préservée était telle que les personnes les mieux adaptées aux conditions de leur existence « prospéreront le plus […] la survie des plus aptes » [Traduction libre]. Justice : Being Part IV of the Principles of Ethics, 1891, p. 17]

La valeur du livre à l’étude

Lorsque l’auteur abandonne les domaines de la métaphysique et de la mécanique céleste et passe à l’examen des phénomènes concrets de la guerre, ses conclusions et ses commentaires sont toujours précieux. Lorsqu’il parle d’un bataillon de chars, d’un propagandiste, du gaz, de la direction de la guerre par les commissions parlementaires, on a l’impression d’écouter les opinions d’un soldat exceptionnellement doué de compréhension et d’imagination. Sa production d’idées semble être illimitée. Certaines peuvent être trop radicales, d’autres peuvent être fondamentalement fausses, mais toutes sont suggestives, et personne ne peut être en désaccord avec son idée centrale qui est « Pensez à l’avenir : à la prochaine guerre, plutôt qu’à la dernière ou à la dernière douzaine » [Traduction libre].

Il est parfois difficile, dans le présent ouvrage, de séparer l’utile de l’inutile, mais quiconque s’intéresse à la théorie supérieure de la guerre et se donne la peine de le lire sera récompensé par un grand nombre de choses très vivifiantes et stimulantes. Le livre agit sur l’esprit comme le font les sels Kruschen – c’est-à-dire que l’on a envie de courir en bondissant et en criant sur les voies de la connaissance militaire et de faire avec confiance un grand saut pour surmonter les obstacles des problèmes militaires. Ce faisant, il se peut que l’on se casse (violemment) la figure, mais il faut faire des efforts.

Les principes de guerre révisés du colonel Fuller

Le colonel Fuller reprend le principe original de l’économie de la force et le promeut au statut de loi – la loi fondamentale à laquelle toutes les opérations militaires doivent obéir, et dont ses principes sont des expressions particulières. La loi est que l’objectif doit être atteint avec une dépense minimale de force. C’est toujours le problème de la guerre.

Si nous tenons compte de la définition du mot « économie », nous arrivons au même résultat. Économie de la force – l’utilisation de la force au meilleur avantage. Économie ne veut pas dire parcimonie – pingrerie.

La définition du principe d’économie de la force dans les F.S.R. nous mènera à la même conclusion. Selon cette définition, « Économiser les forces, tout en obligeant l’ennemi à dissiper les siennes, doit être le but constant de tout commandant » [Traduction libre]. Oui, en effet! S’il peut le faire, il aura du succès : il sera alors un maître de l’art de la guerre. Mais le « principe » en soi n’est pas un guide d’action, il n’est que l’énoncé du problème du commandant.

Pour toutes ces raisons, il me semble que le colonel Fuller a raison lorsqu’il appelle « l’économie de la force » non pas un principe, mais une loi fondamentale. Les principes qui découlent de la loi de l’économie de force sont les suivants :

  1. Le principe de la direction.
  2. Le principe de la concentration.
  3. Le principe de la distribution.
  4. Le principe de la détermination.
  5. Le principe de la surprise.
  6. Le principe de l’endurance.
  7. Le principe de la mobilité.
  8. Le principe de l’action offensive.
  9. Le principe de la sécurité.

Il n’est pas du tout facile d’exprimer en quelques mots la signification de ces neuf principes, car l’auteur prend lui-même plusieurs pages sur chacun d’eux. Il est également possible que je ne comprenne pas tout à fait ce qu’il a voulu dire, à chaque fois, parce qu’une grande partie de l’explication est hautement mystique et obscure en raison de la méthode pseudo-scientifique du livre. Cependant, voici tout de même des explications approximatives.

Le principe de la direction

Un général, en formant son plan, doit choisir une ligne d’opération qui sécurisera ses communications, lui laissera une liberté d’action sur le plan stratégique et lui permettra enfin d’amener l’ennemi au combat dans des conditions tactiques favorables à lui-même.

Le principe de la concentration

Lorsque le général découvre où se trouve l’ennemi et qu’il peut l’amener au combat, il doit s’efforcer d’avoir une supériorité de force au moment où il décide d’attaquer. S’il y parvient, il détruira une partie de l’organisation de l’ennemi, bouleversera son équilibre et ouvrira la voie à une série d’autres coups qui finiront par détruire l’armée ennemie en tant que force efficace. Bien que tout le monde connaisse ce principe, il est extrêmement difficile de l’appliquer, principalement, bien sûr, parce que l’ennemi ne reste pas au repos, mais manœuvre ou attaque de son côté. Cela nous amène au principe suivant.

Le principe de la distribution

Le général doit répartir ses troupes de manière à pouvoir les concentrer contre l’ennemi partout où il le rencontre le long de la ligne d’opérations qu’il a choisie et, en même temps, à se protéger contre toute ingérence de l’ennemi dans son propre plan d’action.

Le principe de la détermination

Le général, ayant décidé d’un plan pour atteindre son objectif, doit maintenant l’exécuter. L’idéal est que dans l’exécution des opérations, l’armée se déplace comme un instrument répondant directement à sa seule volonté, car il est impossible que le commandement soit exercé efficacement par plus d’une personne. Pour réaliser son plan face aux obstacles et aux imprévus qui l’assaillent inévitablement, il a besoin d’une énorme force de volonté. Tout fléchissement de la part du général aura des répercussions et entraînera la démoralisation des troupes.

Le principe de la surprise

Il est impossible de concentrer une force supérieure contre une partie de l’armée ennemie si l’ennemi est au courant de vos plans et des mouvements de vos troupes. Il est donc essentiel de tromper l’ennemi jusqu’à ce qu’il se trouve dans une situation où il sera incapable de parer le coup projeté. Lorsque cela se produira, le général adverse sera obligé de remanier son plan, et sa « détermination » en souffrira. Le principe de surprise est efficace dans toutes les sphères de l’activité guerrière. « Tout ce qui est inattendu est d’un grand effet. » (Frédéric le Grand).

Le principe de l’endurance

L’endurance chez le soldat est aussi nécessaire que la détermination chez le général, et est son complément dans le fonctionnement efficace d’une armée. L’endurance morale est plus importante que l’endurance physique, et elle doit être développée par une formation morale minutieuse, en encourageant l’esprit d’abnégation et de patriotisme auprès des troupes.

Le principe de la mobilité

À la guerre, rien ne peut être fait sans mouvement. Un général, lorsqu’il élabore son plan, doit s’efforcer d’assurer à son armée la plus grande liberté de mouvement possible.

Le principe de l’action offensive

Pour briser la volonté et l’organisation des forces ennemies, il faut attaquer. Il est évident que les autres principes de la guerre ne peuvent être pleinement appliqués que lorsqu’on est à l’offensive.

Le principe de la sécurité

L’action offensive étant le but ultime du commandant, il doit répartir ses troupes de manière à ce que l’exécution de son plan soit sécurisée contre les entreprises de l’ennemi. Cela implique une attitude défensive dans certaines parties du théâtre d’opérations. Le principe de concentration exige que les forces employées à des fins défensives soient aussi peu nombreuses que possible. C’est dans la répartition de ses troupes de manière à maintenir un juste équilibre entre le besoin de concentration et le besoin de sécurité que se démontre la capacité du général.

Les différences entre les principes du colonel Fuller en 1915 et 1925

Si l’on compare les principes ci-dessus avec ceux des F.S.R., on constate que le principe du « maintien de l’objectif » a été remplacé par ceux de la « direction » et de la « détermination »; celui de « l’économie de la force » a été traduit dans une sphère plus élevée; le principe de la « mobilité » a été rendu plus général en termes, et, me semble-t-il, devient pratiquement une réaffirmation, en termes légèrement différents, du principe de la direction. Le colonel Fuller a un certain nombre d’arguments longs et compliqués sur la mobilité dans son livre, dont le résultat est que pour aller quelque part, il faut se déplacer.

Le principe de coopération a été supprimé. Il considère désormais la coopération comme l’un des éléments qui rendent possible toute organisation ou tout effort – sans coopération, rien ne peut être fait. C’est effectivement vrai, mais je pense qu’il est encore nécessaire d’inclure le principe de coopération comme guide d’action. Tout le monde sait combien il est facile de l’ignorer lorsqu’on planifie une action; le soldat non instruit a tendance à considérer ses actions comme des épisodes isolés, non influencés par les autres ou n’ayant pas d’incidence sur eux. Ce n’est que lorsqu’il est en difficulté qu’il pense à la coopération, c’est-à-dire à l’aide des autres. Je me demande s’il est injuste de suggérer que, comme la coopération aurait fait dix principes de guerre, détruisant ainsi l’arrangement symétrique par trois, le colonel Fuller s’est persuadé qu’il devait la reléguer dans une catégorie différente? Il me semble, en tout cas, que la coopération a autant le droit d’être incluse dans les principes que la mobilité.

Une réorganisation des « principes de la guerre »

J’ai laissé entendre plus haut qu’il serait possible de réorganiser les principes de la guerre d’une manière plus logique que celle présentée dans les F.S.R. ou dans le livre du colonel Fuller. Je me permets de vous proposer cette réorganisation ci-dessous. Les principes sont tous familiers, et ont tous été discutés dans de nombreux livres sur la guerre, y compris celui du colonel Fuller. Les citations et les arguments à l’appui des principes et de l’organisation ont été omis, afin de maintenir la longueur de l’article dans des limites raisonnables.

Les principes de l’organisation de la guerre

  1. L’unité de commandement. Il est impossible de diviser la responsabilité du commandement. Pas plus d’un homme ne peut exercer le commandement dans une opération. Les forces sous ses ordres doivent être organisées de telle sorte qu’elles répondent entièrement à sa volonté et soient animées par elle.
  2. La coopération. Une armée doit être considérée comme une machine conçue dans un seul but : la défaite de l’ennemi. Chaque partie de l’armée – chaque soldat et chaque arme – doit travailler harmonieusement avec tout le reste pour atteindre l’objectif. Si une partie ne fonctionne pas ou ne fonctionne qu’avec friction, la machine est mal conçue ou mal assemblée – c’est-à-dire que l’organisation ou l’entraînement sont déficients.
  3. La mobilité. La puissance de frappe d’une force est le produit de sa masse (puissance des armes) et de sa vitesse de déplacement (mobilité). Plus une force peut être rendue mobile grâce à une organisation adéquate, plus sa valeur au combat sera grande.
  4. Une doctrine commune. Le commandant en chef ne pourra pas tout prévoir, et il y aura des occasions où les subordonnés devront prendre des décisions indépendantes. Dans de tels cas, il est nécessaire, si l’on veut maintenir la coopération, que les décisions adhèrent à une norme. Autrement dit, un commandant subordonné, tout en prévoyant son propre mode d’action, devrait être capable d’estimer avec confiance l’action des commandants coopérants. Cet objectif peut être atteint par l’uniformité de la formation et de la doctrine dans l’ensemble de l’armée, qui ne doit toutefois pas dégénérer en routine et en dogme.
Le Lgén E.L.M. Burns en Italie
Légende

Capitaine E.L.M. Burns, M.C., R.C.E.

Les principes de la direction de la guerre

  1. L’objet. Le commandant doit avoir clairement à l’esprit, dès le départ, l’objet de ses opérations. Toute la force de sa volonté doit être concentrée sur la réalisation de cet objet tout au long du combat. L’objet normal de la guerre est la destruction des forces combattantes de l’ennemi.
  2. La concentration. Il sera rarement possible de submerger toutes les parties de l’armée adverse à la fois. Il faut donc la détruire par morceaux. Une force supérieure doit être concentrée contre une partie importante des forces de l’ennemi, au point qu’une défaite à cet endroit compromettrait la sécurité de la masse de ses forces ou de son territoire.
  3. L’offensive. Pour effectuer une telle concentration, il sera normalement nécessaire de se déplacer contre lui, bien que parfois, à cause d’erreurs de l’ennemi, le camp qui se repose d’abord sur la défensive trouvera l’occasion de se concentrer et de prendre l’offensive.
  4. La sécurité. Il s’ensuit que toute offensive, jusqu’à ce qu’elle puisse prendre effet au point vital choisi comme objectif, doit être protégée contre les contre-mouvements possibles de l’ennemi. Cela se fait par une bonne répartition des troupes, qui est le test ultime de la capacité du commandant.
  5. La surprise. L’offensive concentrée ne peut réussir que si l’ennemi n’est pas au courant de nos intentions, sinon il pourra parer le coup. Nous devons donc l’induire en erreur et le surprendre, c’est-à-dire le mettre face à une situation qui exigera de lui un changement de plan pour y faire face. La surprise s’obtient le plus souvent par la rapidité des décisions et des mouvements..
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