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La culture, selon nous

par Lieutenante-générale M.A.J. Carignan, CMM, MSM, CD - Le 26 Mai 2023

Temps de lecture : 5 min

Lieutenante-générale M.A.J. Carignan, CMM, MSM, CD

Lieutenante-générale M.A.J. Carignan, CMM, MSM, CD

Chef – Conduite professionnelle et culture

Ayant lu divers articles d’opinion dans le National Post au cours des derniers mois, il est devenu clair pour moi qu’une grande confusion entoure ce que représente véritablement le changement de culture au sein du ministère de la Défense nationale (MDN) et des Forces armées canadiennes (FAC). Certaines personnes semblent comprendre intuitivement le concept, tandis que d’autres expriment des opinions différentes. Nous les entendons.

Le changement peut faire peur, et sa mise en œuvre nécessite beaucoup de courage. Il suffit de commencer à parler du changement de culture et naturellement, les gens sont enclins à imaginer toutes sortes de choses. Alors, quel est ce changement de culture, et pourquoi le faisons-nous?

Nous ne sommes pas les seuls dans cette entreprise. Fin mars, j’ai rencontré 25 des 31 représentants militaires des pays membres de l’OTAN qui partagent les mêmes défis et étaient impatients de savoir ce que nous faisions. De plus, une semaine plus tôt, la Norvège avait annoncé qu’elle suivrait notre exemple.

La fausse idée la plus répandue est probablement celle que le changement de culture se fait au détriment de l’efficacité opérationnelle. Alors que nous soulignons le 106e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, nous gagnerions à nous remémorer le courage qu’il a fallu pour changer aussi fondamentalement la culture du Corps expéditionnaire canadien à ce moment décisif.

Tout ce que nous accomplissons au sein de l’Équipe de la Défense, nous le faisons en appui à l’efficacité opérationnelle. Il en va de même pour la culture. Par ailleurs, d’autres personnes entretiennent une autre idée fausse inquiétante, selon laquelle nous soumettons nos marins, nos soldats, nos aviateurs et nos opérateurs spéciaux à un « conditionnement axé sur la justice sociale » par la mise en œuvre d’un changement de culture qui s’apparente davantage à une « révolution culturelle marxiste ». C’est loin d’être le cas.

Plus précisément, l’Équipe de la Défense doit refléter la société que nous servons et protégeons. Nous devons être à l’image de la société canadienne dans son ensemble, car nous avons tous un intérêt dans la sécurité de notre famille, la sécurité de notre pays et la protection de notre mode de vie à la fois démocratique, tolérant et compatissant. L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie constitue un affrontement de cultures : des dictatures tentent de vaincre des démocraties. Et ce genre de situation pourrait se reproduire à l’avenir.

La liberté a un prix. Elle est acquise au quotidien. Notre défense est le fruit d’un effort collectif déployé par la société tout entière. Si quelqu’un est laissé pour compte, nous en souffrons tous. De quelle façon? Nous souffrons en raison de fautes involontaires associés aux capacités d’anticiper, d’apprendre et de s’adapter. Ces angles morts sont des échecs culturels qui sapent l’efficacité opérationnelle.

En ce qui concerne notre passé, nous savons que les soldats déployés à Gallipoli en février 1915 ont suivi un plan de bataille établi de longue date, mais cela a échoué. Un officier supérieur ayant survécu aux événements de Gallipoli, entre autres campagnes militaire, Julian Byng, a fait fond sur les leçons tirées au cours de la Première Guerre mondiale et a prêter attention aux personnes de divers horizons. Ainsi, à peine deux ans plus tard, son état-major de commandement a mené le Canada à une victoire stratégique marquante sur la crête de Vimy.

Byng, 54 ans, se montrait exigeant envers ses militaires, qui l’aimaient bien et se surnommaient les « Byng Boys ». Comment a-t-il fait? De haut en bas, il s’inspirait de la perspicacité d’un des meilleurs généraux de l’histoire du Canada,  – le major-général (en 1917) Arthur Currie, 41 ans, ancien enseignant, courtier d’assurance et promoteur immobilier – ainsi que de l’ingéniosité d’alliés qui ont innove le barrage roulant – de sorte à motiver les 100 000 membres du Corps expéditionnaire canadien.

De bas en haut, il faisait confiance aux militaires – une première dans l’histoire des forces militaires du Canada. Il s’assurait que tous les militaires, jusqu’au grade de soldat, connaissaient bien le plan de bataille et disposaient d’exemplaires des cartes de tranchées (jusque-là, seuls les officiers supérieurs en auraient eu) afin qu’ils puissent s’orienter si leur commandant était tué. Et, à la différence de leurs prédécesseurs, ils ont mis en pratique les innovations techniques et tactiques qu’ils avaient mises au point après des mois de planification minutieuse. Les troupes ont participé à la planification de la mission et bien compris le rôle qu’ils devaient y jouer.

Maintenant comme pendant la Première Guerre mondiale, les FAC unifient deux générations dans l’Équipe de la Défense. Entre nous, nous nous appelons la génération de l’ère industrielle et celle de l’ère de l’information. De plus, nous considérons les dirigeants qui rassemblent les troupes autour d’une mission comme étant une expression de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI).

Cette diversité relative aux idées, à l’expérience et aux antécédents ainsi que le traitement juste, respectueux et équitable des personnes favorisent un sentiment d’appartenance qui est essentiel pour bâtir des équipes solides. Hier comme aujourd’hui, tout commandant d’unité est en mesure d’affirmer que cela accroît l’efficacité opérationnelle.

La transformation actuelle de la culture est fondée sur quatre piliers : le travail d’équipe, l’identité, le leadership et le service.

Aujourd’hui comme par le passé, les membres d’équipes efficaces sur le plan opérationnel se font confiance les uns les autres, et ils font preuve de respect envers les autres parce qu’ils prennent part au processus et savent concilier l’expression individuelle avec le besoin de collaborer.

Ils savent qu’ils sont de véritables guerriers – tout comme les soldats sur la crête de Vimy, car ils se comportent honorablement dans toutes les situations, conservent un corps et un esprit sains et expriment leurs émotions adéquatement, tout en étant adaptables, ingénieux et axés sur la mission.

D’excellents dirigeants comme les généraux Byng et Currie attachaient de l’importance aux opinions et aux contributions d’autrui, et comme eux, nous avons recours à l’intelligence émotionnelle dans la prise de décisions; nous parvenons à un équilibre entre l’amour-propre et l’humilité, et nous réunissons les conditions nécessaires pour que les membres de l’équipe puissent connaître du succès.

Et surtout, nous soulignons que le service est optimal lorsque nous donnons le meilleur de nous-mêmes, quelles que soient les circonstances. En fait, la compétence sans l’intégrité met en péril l’efficacité opérationnelle.

Grâce aux braves soldats qui ont aidé le Canada à protéger la liberté du monde démocratique sur la crête de Vimy, notre pays a obtenu son statut d’État ayant atteint sa pleine maturité. Nous honorons ces soldats en modélisant leur culture d’appartenance dans le contexte du XXIe siècle.

Quatre personnes montent les marches du Monument commémoratif du Canada à Vimy.
Quatre personnes montent les marches du Monument commémoratif du Canada à Vimy.
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