Pour l’usage de la procédure de combat intégrée
par Capt Vincent Laderoute - 18 novembre, 2025
temps de lecture : 16 min
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Des membres des Forces armées canadiennes déployés au sein du groupement tactique de la présence avancée renforcée de l’OTAN en Lettonie participent à l’exercice CRYSTAL ARROW au Camp Ādaži, en Lettonie, le 10 mars 2024. Photo : Cplc Genevieve Lapointe, Caméra de combat des Forces canadiennes, Forces armées canadiennes
Introduction
Depuis près de 15 ans, la doctrine canadienne sur la procédure de combat (P cbt) n’a pas évolué. Elle est restée figée en 16 étapes1 qui n’ont jamais tenues réellement compte du besoin de la nouvelle génération d’être partie prenante des processus de planification. La nouvelle réalité du champ de bataille moderne, marqué par une vitesse d’exécution déconcertante portée par les nouvelles technologies nécessitant plusieurs petites équipes coordonnées et décentralisées, est présentement laissée pour compte par la doctrine.
Il est acquis que le processus de planification opérationnel (PPO) ne peut être fait en isolation, mais l’appréciation (estimation) et la P cbt pourraient malheureusement l’être. En revoyant la P cbt, ce texte d’opinion cible là où les étapes doivent être ajustées afin d’intégrer la planification collaborative2. Ces modifications sont nécessaires afin d’accélérer les cycles de planification et de maximiser la compréhension et l’engagement des subordonnés envers l’accomplissement de l’intention du commandant supérieur dans le cadre de la philosophie du commandement de mission.
Les ajustements proposés sont une version hybride entre la P cbt, le PPO3, la planification tactique de l’OTAN4 et une inspiration libre de la P cbt intégrée du COMFOSCAN auxquels sont ajoutés des éléments de planification collaborative. Ce court texte va s’attarder à revoir étape par étape comment intégrer la planification collaborative à la P cbt.
Dynamique de planification
De manière générale, la P cbt est employée par des commandants de sections jusqu’aux commandants de bataillon et même au-delà. Tous les commandants doivent diriger la planification pour leur organisation et contrôler/coordonner l’exécution des effets. Il faut prendre note de l’action diriger la planification5 plutôt que de planifier. Cet aspect est essentiel pour inclure les subordonnés et maximiser le résultat du cycle de planification.
Procédure de combat
Cette partie s’attaque de front à la P cbt. En somme, nous proposons des amplifications et des ajouts qui s’imbriquent dans la P cbt actuelle, forçant ainsi des interactions entre les différents niveaux de commandement afin de stimuler la communication constante essentielle au commandement de mission dans la planification collaborative.6 La figure 1 indique les changements apportés à la P cbt (en gras) par opposition à la procédure de combat classique.
| PROCÉDURE DE COMBAT ACTUELLE | PROCÉDURE DE COMBAT PROPOSÉE |
|---|---|
1. réception de l’ordre d’avertissement 2. faire une étude sommaire du temps et de la carte 3. recevoir les ordres 4. effectuer l’analyse de mission 5. donner un ordre d’avertissement 6. faire une appréciation détaillée du temps 7. faire une étude sur carte détaillée et préparer un plan général 8. préparer un plan de reconnaissance 9. procéder à une reconnaissance 10. terminer l’appréciation 11. donner un ordre d’avertissement supplémentaire 12. préparer les ordres et diffusion des ordres 13. coordonner et superviser les préparatifs 14. superviser le déploiement 15. exécuter la mission 16. effectuer l’analyse après action
|
1. recevoir l’ordre d’avertissement de planification 2. recevoir l’ordre d’avertissement initial 3. faire une étude sommaire du temps et de la carte 4. donner l’ordre d’avertissement de planification 5. recevoir l’ordre d’avertissement de mission 6. recevoir les ordres 7. terminer l’analyse de mission 8. terminer l’évaluation des facteurs 9. donner l’ordre d’avertissement initial 10. terminer l’appréciation 11. sélection du mode d’action 12. donner l’ordre d’avertissement de mission 13. terminer le plan, terminer les ordres et diffusion des ordres 14. coordonner et superviser les préparatifs 15. superviser le déploiement 16. exécuter la mission 17. effectuer l’analyse après action |
Fig 1. Comparaison entre la P cbt actuelle et la P cbt proposée
- Ordres d’avertissement préliminaires. Il se peut qu’un commandant reçoive directement les ordres d’avertissement reçus par son commandant supérieur. Ceci est hors de la P cbt, mais souhaitable en ce sens qu’il est avisé que la participation de son commandant sera requise pour le processus de planification de son commandant supérieur (2 échelons supérieurs) pour une tâche à venir.
- Étape 1 – Recevoir l’ordre d’avertissement de planification. Ajouté. Lors de la réception de l’ordre d’avertissement de planification, le commandant doit également recevoir une copie des ordres de son commandant et être prêt à contribuer au cycle de planification de son commandant. Par la suite, il doit immédiatement communiquer cet ordre d’avertissement et assigner son personnel aux activités de préparation (aucune planification à son niveau à ce moment).
- Étape 2 – Recevoir l’ordre d’avertissement initial. Amplifié. Cet ordre est reçu alors qu’un commandant assiste son commandant supérieur dans sa planification. Il contient suffisamment de détail pour lui permettre de débuter sa planification, basé sur l’analyse de mission et l’évaluation des facteurs de son commandant supérieur.
- Étape 3 – Faire une étude sommaire du temps et de la carte. Inchangé.
- Étape 4 – Donner l’ordre d’avertissement de planification. Ajouté. C’est à cette étape qu’un commandant intègre son équipe dans son processus de planification. Il doit décrire le processus de planification à son équipe incluant le temps de planification-préparation-action (principe 1/3 - 2/3). Ceci ne constitue en rien des orientations sur le plan en soi, mais plutôt sur la méthode de planification employée. Un commandant émet immédiatement l’ordre d’avertissement qu’il a reçu à ses subordonnés. De manière collaborative, ils peuvent débuter le processus d’appréciation. La participation d’un commandant sera encore requise dans le cycle de planification de son supérieur, mais son équipe est en mesure de débuter l’analyse de mission et l’évaluation des facteurs.
- Étape 5 – Réception de l’ordre d’avertissement de mission. Amplifié. À la suite de la finalisation du cycle de planification de son supérieur (plan cadre7 du commandant supérieur complété), un commandant reçoit un ordre d’avertissement de mission. Ceci marque la fin de l’engagement d’un commandant dans la planification de son supérieur. Le commandant doit immédiatement passer cet ordre d’avertissement, rediriger le personnel à son groupe de planification et poursuivre les activités de préparation. C’est à ce moment que l’émission d’un guide de planification du commandant devient pertinent. Les subordonnés sont en mesure de poursuivre l’appréciation et de développer des modes d’actions rapides.
- Étape 6 – Recevoir les ordres. Inchangé.
- Étape 7 – Terminer l’analyse de mission. Amplifié. Le commandant et son équipe termine et confirme l’analyse de mission et confirme les modes d’actions rapides.
- Étape 8 – Terminer l’évaluation des facteurs. Ajouté. Le commandant et son équipe termine et confirme l’évaluation des facteurs. Un breffage d’analyse de mission peut être donné au commandant supérieur.
- Étape 9 – Donner l’ordre d’avertissement initial. Amplifié. Cette étape sert à enclencher formellement le cycle de planification des subordonnés. La mission à exécuter et les facteurs entourant la situation générale sont suffisamment clairs pour que les préparatifs des subordonnés soient pertinents.
- Étape 10 – Terminer l’appréciation. Amplifié. L’appréciation est terminée de manière collaborative jusqu’à la fin de l’ébauche des modes d’actions. Un breffage d’information sur les facteurs clés et modes d’actions peut être donné au commandant supérieur.
- Étape 11 – Sélection du mode d’action. Ajouté. À la suite des orientations du commandant supérieur, les modes d’actions sont révisés, une décision du commandant est prise et le mode d’action est choisi. Un breffage de suivi détaillé ou un breffage de décision incluant la comparaison des options peut être donné au commandant supérieur.
- Étape 12 – Donner l’ordre d’avertissement de mission. Amplifié. Cette étape marque la fin de l’engagement actif des subordonnés dans le cycle de planification du commandant. Ceci les libère pour leur planification individuelle. Bien que toutes les précisions ne soient pas présentes dans le plan cadre, suffisamment de détails sont fournis pour que les subordonnés et leurs équipes respectives puissent entrer au cœur de leur cycle de planification. Ayant été activement impliqué dans le cycle de planification supérieur, leur planification est non seulement facilitée, mais aussi beaucoup plus définie.
- Étape 13 – Terminer le plan, terminer les ordres et diffusion des ordres. Amplifié. Procéder au jeu de guerre du plan et terminer les plans de soutien. Un breffage du plan peut être donné au commandant supérieur. Il ne reste maintenant qu’à terminer et à diffuser les ordres.
- Étape 14 – Coordonner et superviser les préparatifs. Inchangé.
- Étape 15 – Superviser le déploiement. Inchangé.
- Étape 16 – Exécuter la mission. Inchangé.
- Étape 17 – Analyse après action. Inchangé.
Liaison des cycles de planification
Dans la planification collaborative, le plus tôt on peut inclure les subordonnés et les spécialistes dans le processus de planification de leur commandant, le plus d’appréciation ils auront envers la situation et le plus fluide sera leur propre processus de planification. Il faut trouver l’endroit précis où il est idéal d’intégrer les subalternes dans les cycles de planifications tel que décrit à la figure 2.
Fig 2. Comparaison entre les cycles de planification des différents niveaux
La planification collaborative rendra plus efficace et rapide le cycle analyse-décision-action tel qu’identifié par plusieurs références dans le domaine militaire8. La figure 3 indique les endroits où les subalternes sont requis dans le processus de planification de leur commandant et comment leurs deux cycles s’imbriquent ensemble. Évidemment, la planification collaborative est limitée lors des situations critiques où le temps de planification est minimal et les actions sont dictées par les drills comme lors des attaques dans la foulée, mais sinon, elle doit devenir la méthode de planification à prioriser.
Fig 3. Comparaison entre la P CBT proposée et les cycles de planification des subordonnés
Conclusion
La formalisation de la planification collaborative dans la procédure de combat est essentielle pour projeter le commandement de mission vers l’avant plus rapidement. Ces modifications répondent à deux besoins essentiels. Premièrement, à accélérer les processus décisionnels et à permettre aux subalternes de mieux saisir la complexité des situations, leur permettant de prendre des initiatives disciplinées dans l’exécution de leurs tâches à l’intérieur d’un environnement de combat en constante évolution. Nos pairs internationaux reconnaissent qu’un certain niveau de planification et d’exécution décentralisée produit des actions tactiques menant à des effets stratégiques9. Deuxièmement, à intégrer les subalternes à la procédure de combat leur permet de bien mieux apprécier le contexte supérieur et de chercher à s’investir davantage dans l’accomplissement de la mission, résonnant énormément avec le besoin de rétention des FAC.
End Notes
- Ministère de la Défense Nationale, B-GL-335-001/FP-002, Prise de décision et planification au niveau tactique, 2-9
- Ce texte s’attarde sur la planification collaborative, entre les différents niveaux de commandement, et non sur la planification collective, où des spécialistes planifient symbiotiquement, par exemple au niveau d’état-major de Bde.
- Ministère de la Défense Nationale, PIFC 5.0, Le processus de planification opérationnelle des FC, chapitre 4
- NATO Standardization Office, APP-28, Planification tactique des opérations des forces terrestres
- Ibid, p.1-6
- U.S. Department of the Army, ADP 6-0, Mission Command, p.3
- À des fins de clarté, un mode d’action rapide(1) est un mode d’action non ébauché (ex. faire un enveloppement de la gauche), un mode d’action(2) contient une articulation avec un concept d’opération, un plan cadre(3) est le mode d’action choisi où les plans de supports sont généralement conceptualisés et un plan(4) est l’ébauche totale du plan pour effectuer la mission.
- Jocko Willink, Extreme Ownership (St-Martin’s Press, 2015), 204
- U.S. Air Force, Air Force Doctrine Note 1-21 – Agile Combat Employment (August 2022), p.4
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