Confidences de porteurs : épisode 5

Stanley G. Grizzle a travaillé comme porteur du Chemin de fer Canadien Pacifique pendant vingt ans. Ce grand militant a aussi travaillé comme fonctionnaire et juge de la citoyenneté. Passionné d’histoire, il n’a pas épargné les efforts pour documenter et préserver l’histoire des Noirs au Canada et ailleurs.
Joignez-vous à nous pour rencontrer des femmes fortes et dévouées qui ont épaulé les porteurs. En l’absence des hommes, qui travaillaient à bord des trains, c’est leur dévouement et leur persévérance qui ont rendu les avancées syndicales possibles. (Épisode 5)
Durée : 57:41
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Date de publication : 12 juin 2025
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Transcription de l’episode 5 : « Ces femmes qui épaulaient les porteurs »
Richard Provencher (RP) : Cette émission contient des termes offensants pouvant causer un préjudice psychologique pour faire référence aux communautés noires au Canada. De plus, certains témoignages décrivent des actes de violence physique et verbale difficiles à supporter.
Découvrez Bibliothèque et Archives Canada présente Confidences de porteurs. Cette minisérie décrit les expériences vécues par des hommes noirs du vingtième siècle qui ont travaillé comme porteurs de voitures-lits pour les chemins de fer Canadien National et Canadien Pacifique. Les porteurs, leurs femmes et leurs enfants racontent des histoires d’adversité, mais aussi de résilience.
Bienvenue à la première saison de Voix dévoilées, une série qui donne la parole aux communautés sous-représentées et marginalisées grâce à la vaste collection d’histoire orale de Bibliothèque et Archives Canada. Les récits sur les injustices, les conflits, la persévérance et la résolution de problèmes aident à comprendre l’influence du passé sur la vie présente. Ils nous incitent aussi à chercher de nouvelles voies pour un avenir meilleur.
Ici Richard Provencher, votre animateur pour la première saison de Voix dévoilées. Je suis ravi de vous présenter les histoires qui sont au cœur de la minisérie Confidences de porteurs.
Intervieweuse : Est-ce que, par exemple, les épouses des cheminots avaient tendance à se réunir, à faire des activités ensemble?
Interviewée 2 : Je pense que oui, jusqu’à un certain point. On se parlait au téléphone, on parlait de [soupir] de notre situation. Alors je dirais que oui.
Intervieweuse : Quand vous avez eu des enfants, est-ce que ça a beaucoup changé les choses?
Interviewée 3 : Eh bien, oui, en effet. En fait, il fallait plus ou moins qu’on les élève toutes seules… Parce qu’on était souvent laissées seules. Et c’est un aspect du chemin de fer que je n’aimais pas… C’était une vie très solitaire pour l’épouse. Ce n’était jamais, euh, les enfants, le père et la mère, parce que le père était si souvent parti… Vous savez, le trajet jusqu’à Vancouver durait dix jours, ils arrivaient le onzième jour, et la période de repos n’était pas très longue à l’époque, seulement quatre jours environ, puis ils repartaient. Alors les femmes étaient à peu près toujours seules…
Intervieweuse : Euh, comment…
Interviewée 3 : … avec les enfants.
Intervieweuse : Oui. Comment faisiez-vous pour organiser des activités spéciales, par exemple pour Noël, les anniversaires, ce genre de choses?
Interviewée 2 : C’était presque impossible, parce qu’on ne savait jamais où se trouverait notre mari.
Intervieweuse : Hmm… Alors, disons, si c’était Noël et qu’il n’était pas là, vous fêtiez Noël plus tard?
Interviewée 3 : Oui! On attendait généralement qu’il arrive, et, euh, peu importe quel jour c’était, on fêtait Noël ce jour-là, que ce soit trois jours après [rires], quatre jours après, on faisait notre souper de Noël.
Interviewée 2 : Je… je pense que les seules femmes qui, les vraies bonnes épouses que ça ne dérangeait pas étaient celles qui avaient, par exemple, des sœurs, vous savez, des sœurs ou des cousines avec lesquelles elles pouvaient se réunir un peu plus facilement qu’avec des amies quand les maris étaient absents. Mais, euh, c’était une vie trop solitaire, je trouve. Et puis, avec l’absence des hommes, on ne pouvait plus communiquer avec eux, et il n’y avait plus d’intimité. Ce n’était pas, euh… Vous savez, ils revenaient et c’étaient des étrangers… Et le temps de, en quelque sorte, de franchir les barrières, de réapprendre à se connaître, ils repartaient… Donc, euh, je ne pense pas du tout que c’était propice à la vie de famille. Ça a probablement mis fin à de nombreux mariages…
Intervieweuse : Je vois. Et, euh, pour les enfants, comment trouvez-vous qu’ils réagissaient à ce type de relations familiales?
Interviewée 2 : Je suppose qu’ils ont toujours vu leur mère comme le grand méchant loup, alors que le père était le bon gars qui venait les dorloter pendant deux ou trois jours…
Philipppe : Hmm… Rayez cette partie-là. [Rires]
Interviewée 2 : Quoi? Ne rayez rien! [Rires]
Intervieweuse : Ça a dû rendre les femmes plus indépendantes, non? Si vous aviez des décisions à prendre, et…
Interviewée 3 : C’est vrai.
Interviewée 2 : Oui, ça nous rendait indépendantes, mais après, notre homme revenait, et il n’aimait pas ça. Il voulait être l’homme de la maison, vous voyez? Alors ça causait des frictions.
Intervieweuse : Oh.
Interviewée 2 : Il trouvait que la femme essayait, d’une certaine façon de… vous savez, euh, de prendre sa place… Parce qu’il fallait… On devait toujours jouer deux rôles.
Interviewée 3 : Oui.
Interviewée 2 : Tout le temps.
Interviewée 3 : Tout le temps.
Interviewée 1 : Tout le temps.
Richard Provencher (RP) : Dans l’interview en groupe que l’on vient d’écouter, tiré de la collection de Stanley G. Grizzle, des femmes dont on ne connaît pas le nom racontent combien l’amitié et la solidarité les ont aidées à composer avec le stress lié à l’emploi du temps exigeant de leurs maris. Elles se sont appuyées les unes sur les autres, et sur les autres membres de leur famille, pour gérer leur foyer, élever leurs enfants, composer avec des relations conjugales tendues et remédier à la solitude.
Le travail de porteur, et le racisme envers les Noirs sur lequel il était fondé, a brisé les liens complexes qui unissaient les familles noires. Chaque décision prise par une épouse pendant que son mari était absent minait la dynamique de pouvoir traditionnelle qui régissait le foyer. Chaque étape importante que manquaient les pères, pris à pourvoir plutôt aux besoins de leurs passagers, rappelait douloureusement les coûts intangibles d’un salaire régulier.
Vu leur présence sporadique à la maison, beaucoup de porteurs en sont venus à s’interroger sur leur masculinité et sur le rôle qui leur revenait au sein de la famille. Avec le temps et la distance, ce sont des étrangers qui se retrouvaient dans les foyers. Si certaines familles de cheminots ont réussi à surmonter des obstacles en apparence infranchissables, d’autres n’y sont pas arrivées. De nombreux mariages se sont mis à battre de l’aile, et certains d’entre eux ont carrément échoué.
Les femmes comprenaient que leurs foyers brisés témoignaient de problèmes sociaux plus profonds, et elles ne voulaient pas que leurs enfants vivent les mêmes réalités qu’elles. Par conséquent, beaucoup se sont retroussé les manches et ont œuvré à préparer un avenir plus progressiste et plus juste. En même temps qu’elles s’occupaient des détails de leur vie personnelle, les femmes aidaient également leur communauté en fondant et en soutenant toute une série d’organismes, notamment religieux. Leur bénévolat a déclenché une révolution lente, mais constante, qui a conduit à des changements à grande échelle, transformant le tissu social de notre nation.
Dans le quartier Saint-Antoine de Montréal, par exemple, les femmes liées de près aux porteurs ont joué un rôle essentiel dans le Colored Women’s Club, l’Église unie United Congregational, la Universal Negro Improvement Association et le Negro Community Centre. L’historienne Dorothy Williams, Ph. D., auteure des ouvrages faisant autorité Les Noirs à Montréal, 1628-1986 et The Road to Now: A History of Blacks in Montreal, explique ce qui les a poussées à s’impliquer ainsi.
Dorothy Williams (DW) : … Les porteurs de voitures-lits sur ces longs trajets étaient parfois absents pendant 15 à 20 jours d’affilée chaque mois. Que faisaient leurs femmes et leurs enfants à Saint-Antoine pendant leur absence?
La communauté avait certains besoins, et ces organismes sont nés de l’idée qu’il « fallait faire quelque chose! » « On n’a pas le droit de faire partie des organismes d’ici. » « La Société Saint-Jean-Baptiste ou la Saint-Vincent de Paul ne nous aideront pas. » « La Société Saint-Patrick non plus… Qu’est-ce qu’on va faire pour prendre soin de nous et de nos enfants pendant que nos hommes sont partis? »
Si on se replace à cette époque, c’est comme ça que les femmes noires de la communauté se sentaient, toutes seules… Le développement communautaire s’est donc vraiment fait à partir des besoins de ces mères et de ces femmes qui se disaient : « Il faut faire quelque chose pour nos enfants. Il faut se rassembler et créer une communauté. » Ça s’est aussi fait d’une manière plutôt naturelle. On se rassemble avec des amis, et après un certain temps, on veut officialiser la situation pour que d’autres gens se joignent à nous et fassent partie de notre organisme. Donc oui, ce sont les femmes noires qui ont essentiellement créé les institutions noires à Montréal, du moins celles qu’on considère comme fondamentales pour le développement de la communauté noire. C’étaient principalement les épouses et les petites amies de porteurs noirs de voitures-lits.
RP : Judith Williams-Graham, descendante d’une longue lignée de porteurs de voitures-lits, explique comment d’autres espaces communautaires, par exemple un restaurant local populaire de Calgary, ont également servi de lieux de rassemblement importants pour les femmes.
Judith Williams-Graham (JWG) : Je commencerais par Luella Bellamy, qui tenait le restaurant Lou’s Chicken Fry en face de la gare du Canadien Pacifique, sur la 9e Avenue, à Calgary. Le restaurant de Luella Bellamy a fourni du travail à de nombreuses femmes noires… c’était un lieu de rassemblement.
RP : Si les femmes ont trouvé amitié et force dans divers milieux communautaires, elles ont également reconnu que chacune avait la possibilité de changer les choses. Saje Mathieu, Ph. D., professeure agrégée d’histoire à l’Université du Minnesota et auteure de North of the Color Line: Migration and Black Resistance in Canada, 1870-1955, décrit comment l’activisme a pris racine au sein des organismes communautaires, et en particulier des églises noires.
Saje Mathieu (SM) : Nous savons qu’une grande partie du travail de syndicalisation, de planification et d’établissement de partenariats a eu lieu dans le contexte des églises. Les gens qui travaillaient ensemble allaient également à l’église ensemble.
Et là, dans les églises, les femmes noires étaient très actives, très militantes. Il n’est donc pas surprenant qu’elles aient élargi ce militantisme pour inclure un objectif vraiment simple et facile à comprendre, c’est-à-dire disposer d’un revenu fiable et constant pour leurs familles, et s’assurer que leurs maris, leurs fils, leurs frères et leurs cousins puissent aller travailler, puis revenir à la maison sains et saufs…
RP : Pour les femmes, le personnel était toujours politique. Écoutez Mme Mathieu continuer en traçant une ligne directe entre le désir de protéger sa famille et la lutte pour améliorer les salaires et les conditions de travail des porteurs.
SM : … Ce sont ces femmes qui, année après année, mois après mois, génération après génération, ont vu leurs proches revenir du travail humiliés, déshumanisés, frustrés et blessés, après s’être fait injurier ou couvrir d’insultes racistes, malades d’avoir dû travailler dans des espaces enfumés et couverts de suie, souffrant d’une privation constante de sommeil. Ce sont ces femmes qui devaient remonter le moral des porteurs, leur redonner de l’estime, repasser leurs uniformes, bref, montrer à ces hommes qu’ils étaient respectés à la maison et dans leur communauté, même si ce n’était pas toujours le cas au travail. Ces femmes comprenaient donc les appels lancés par les syndicalistes qui souhaitaient améliorer les conditions de travail. Elles savaient combien il était important, par exemple, que les porteurs reçoivent une indemnisation en cas de blessure, qu’on leur reconnaisse à eux aussi le droit de prendre des vacances et de vouloir passer celles-ci en famille, et qu’ils n’aient pas à choisir entre la misère, des vacances et une famille…
Je trouve parfois des lettres écrites par les épouses… Je vois des récits des enfants de porteurs qui racontent comment leurs mères, leurs tantes ou leurs grands-mères essayaient de montrer à leur mari qu’elles les soutenaient, par exemple en veillant à ce que la maison soit toujours calme les rares jours où il était à la maison. En s’assurant de lui donner toute leur attention quand il était à la maison. Imaginez comment ça devait être important pour des gens dont le travail consistait à donner à chaque client l’impression d’être le centre de l’univers… Alors c’était d’autant plus important d’avoir le soutien de la famille nucléaire ou de l’ensemble de la communauté noire, c’était absolument vital pour ces femmes.
RP : De la même façon qu’elles réfléchissaient longuement aux meilleurs moyens de soutenir leurs proches lorsqu’ils étaient à la maison, les femmes ont adopté une approche du militantisme personnelle qui variait d’une communauté à l’autre. Tandis que certaines tentaient d’obtenir des changements modestes par rapport à l’ordre actuel, craignant de graves conséquences en cas d’échec de la syndicalisation, d’autres ont tenté le tout pour le tout, se joignant à des organismes qui défendaient publiquement les droits des porteurs.
Ce fut certainement le cas des femmes qui se sont jointes aux auxiliaires féminines de la Fraternité internationale des porteurs de wagons-dortoirs, organisme basé aux États-Unis et dirigé par A. Philip Randolph. Composée d’épouses, de petites amies, de mères et de sœurs de porteurs du Canadien Pacifique, cette section du syndicat percevait les cotisations en l’absence des hommes, apportait son aide dans les bureaux locaux et dirigeait d’importantes campagnes de collecte de fonds pour soutenir à la fois l’organisme et la communauté.
Il est important de souligner que les femmes dont les proches travaillaient pour le Canadien National ne disposaient pas d’un organisme du genre auquel adhérer. Bien que la collection de Grizzle ne dise rien de celles-ci, on peut supposer sans risque de se tromper qu’elles ont, elles aussi, dû jouer un rôle de soutien dans les démarches entreprises pour changer la culture d’exploitation au travail de l’entreprise.
Mme Mathieu explique comment les auxiliaires féminines de tout le Canada ont parfaitement uni leurs efforts au mouvement de syndicalisation des porteurs du Canadien Pacifique. Elle attire tout particulièrement l’attention sur la prise de pouvoir qui a résulté de l’harmonisation avec un mouvement syndical transnational.
SM : Les auxiliaires féminines ont été créées presque en même temps que les sections syndicales, à quelques jours ou mois d’intervalle. Donc à mon avis, en tant qu’historienne, ça montre qu’après avoir compris l’importance et la valeur de la syndicalisation, elles ont tout de suite vu l’importance d’y apporter leur soutien comme auxiliaires. Deuxièmement, elles ont créé les auxiliaires en les greffant à d’autres organismes sociaux, politiques, médicaux et culturels préexistants dirigés par des femmes. Il existe donc déjà des fondations institutionnelles sur lesquelles ces femmes se basent pour faire connaître leurs besoins et ceux de leur communauté, de leur mari et de leurs proches. Enfin, ces femmes définissent elles-mêmes ce que tout ce travail va signifier. Ce sont elles, par exemple, qui orientent une partie des efforts, des ressources humaines et de l’argent du syndicat vers le soutien de programmes éducatifs, comme des bourses d’études qui permettront à des enfants de porteurs d’aller à l’université ou de faire des stages aux États-Unis, ou encore de poursuivre leurs passions en Europe et ailleurs.
On voit donc que les femmes relient le chemin de fer aux familles noires dans de nombreux espaces différents. Et, étant donné la petite taille de la communauté noire dans de nombreuses villes, mis à part Montréal et Toronto, ces femmes assument trois ou quatre rôles à la fois au sein d’une même organisation. Ces femmes sont, à mes yeux, absolument essentielles. Elles sont le point d’ancrage de leurs communautés. Elles sont le cœur de leurs communautés. Souvent, elles en sont, je ne dirais pas l’espoir, mais au risque de paraître sentimentale, ce sont elles qui donnent des ailes aux hommes noirs qui, surtout dans les premières années de la syndicalisation, sont démoralisés.
Quand la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs apparaît plus tard, dans les années 1940, il s’agit d’une structure internationale beaucoup plus vaste et beaucoup mieux organisée pour ces auxiliaires féminines. Et ce que je constate, c’est qu’une fois de plus, les Canadiennes y sont immédiatement favorables. Elles voient les avantages de réaliser le travail militant à une échelle internationale, en particulier en tant que femmes. Et je vois comment ces femmes ont très vite gravi les échelons du syndicat.
RP : Velma Iris Coward King a adhéré aux auxiliaires féminines de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, à Montréal, parce que son frère Victor était non seulement un porteur, mais aussi un important organisateur dans les débuts du mouvement syndical dans cette ville. Elle en a été la première secrétaire avant d’en devenir la présidente. Comme d’autres, elle savait que son engagement dans les auxiliaires féminines profiterait ultimement à sa famille et à d’autres membres de la communauté.
Velma Iris Coward King (VK) : Je pense que la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs a été, euh, la meilleure chose à l’époque pour la population noire du Canada, parce que les salaires étaient atroces avant sa création. Les porteurs gagnaient moins de 100 $ par mois, puis le salaire a grimpé en flèche. Je me souviens que mon père faisait moins de 100 $ par mois avant que ça augmente. Ça leur a permis d’améliorer leurs conditions de vie et d’offrir une meilleure éducation à leur famille, tout en renforçant leur situation économique. C’est comme quand un enfant avait tout à coup le droit de porter un pantalon long et ça faisait de lui un homme; les gens vous respectaient davantage. Même les compagnies de chemin de fer les respectaient parce qu’avant, vous savez… Elles n’osaient plus les appeler seulement Joe… Une fois qu’il y a eu un syndicat pour les représenter et parler en leur nom, les compagnies savaient qu’elles ne pouvaient plus les traiter comme des moins que rien… Il y avait quelqu’un pour prendre leur défense… Avant, elles pouvaient faire ce qu’elles voulaient, elles pouvaient les renvoyer sur-le-champ. Il n’y avait personne pour les représenter. Après, elles ne pouvaient plus, définitivement plus, profiter injustement des hommes.
RP : Evelyn Marshall Braxton, qui, comme Mme King, était basée à Montréal et a été présidente des auxiliaires féminines pendant un certain temps, a été beaucoup plus directe lorsque Grizzle lui a demandé pourquoi elle s’était jointe à l’organisme.
Evelyn Marshall Braxton (EB) : ... Évidemment, on avait entendu les dernières, euh, on connaissait la Fraternité, et on savait que pour protéger les foyers et les familles, on avait besoin d’un syndicat fort chez nous. Parce qu’à cette époque-là, les hommes travaillaient pour de très, très bas salaires, et les porteurs… Ils n’obtenaient aucun respect dans les trains, ils n’étaient pas traités comme des hommes intelligents. Il y en avait beaucoup, comme je l’ai dit, au Canadien Pacifique, qui avaient étudié à l’université. Il y avait des hommes qui auraient pu, s’ils en avaient eu les moyens, se rendre beaucoup plus loin… Mais à cause de la situation économique de l’époque, avec le chômage et le krach dont on avait entendu parler, ils étaient obligés de se tourner vers le chemin de fer pour offrir un mode de vie décent à leur famille. Ils devaient donc travailler pendant de longues heures pour de faibles salaires. La Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs a été comme un sauveur pour l’homme noir.
RP : Helen Williams-Bailey, qui a été la première présidente des auxiliaires féminines à Winnipeg, a offert à Grizzle une raison plus effrontée pour expliquer son engagement au sein de l’organisme.
Helen Williams-Bailey (HWB) : En fait, je pense que peu importe comment, les femmes doivent soutenir les hommes qui partagent leur vie. Et, euh, vous avez sûrement déjà entendu cette vieille expression : derrière chaque homme bon, il y a une grande femme. [Rires]
RP : Blague à part, les femmes ont pris au sérieux leur engagement envers les auxiliaires féminines. Melinda Chateauvert, Ph. D., auteure du texte classique Marching Together : Women of the Brotherhood of Sleeping Car Porters, explique à quoi ressemblaient les réunions et comment ces rassemblements ont aussi servi, implicitement, de lieux de formation à l’activisme pour les femmes. Plus particulièrement, le recours aux règles du Robert’s Rules of Order, ouvrage standard utilisé par les associations bénévoles pour guider leurs activités de gouvernance, a donné aux femmes le vocabulaire dont elles avaient besoin pour participer à la vie civique au sein de leurs communautés et ailleurs.
Melinda Chateauvert (MC) : Elles avaient donc toutes le même genre de structure, qui ressemblait, ou en fait, était pratiquement pareille, à celle des fraternités de cheminots blancs. Maintenant, on peut penser que comme on les appelait des fraternités, il s’agissait, évidemment, d’organismes fraternels, en quelque sorte. Avec les fraternités et sororités, il y avait d’ailleurs tout un genre de rituel qui entourait les réunions et l’adhésion.
Les réunions commençaient souvent par la chanson de la Fraternité, Marching Together, composée par Rosina Tucker… Chanter cette chanson ensemble unissait les gens et forgeait un sentiment de communauté… Alors ils chantaient la chanson, tout le monde ensemble, et après l’initiation on devenait membre. Il fallait également raconter le récit de la Fraternité, de ses luttes. C’est devenu une autre façon de faire connaître l’histoire et les conflits, de permettre aux gens d’apprendre ce que ça voulait dire d’être un porteur, d’être un membre de la Fraternité et de faire le genre de travail que faisaient Randolph et d’autres femmes… Et c’est une des raisons pour lesquelles ils ont continuellement essayé de faire comprendre l’importance d’être membre, en insistant sur les rituels à chaque réunion.
Vous savez, ils respectaient les Robert’s Rules of Order, et je trouve ça intéressant parce que d’autres organismes suivaient les mêmes règles. Ces règles guident la plupart des associations civiques et politiques. Ça leur a donc permis d’apprendre comment s’intégrer à d’autres organismes, comment devenir membres d’autres groupes politiques, parce qu’ils connaissaient ces règles et qu’ils savaient comment… Comment s’en servir pour faire entendre leur opinion et faire adopter des motions. C’était donc un autre enjeu.
… C’est un peu comme, par exemple, à l’école, quand les enfants prêtent serment, chantent l’hymne, parlent de l’histoire… Ce sont toutes des choses qui rassemblent les gens et leur permettent de comprendre ce qu’ils font ou leur donne un sens commun. Ça a contribué à la création des auxiliaires féminines et de la Fraternité, et à leur survie au fil des ans… C’est un aspect intéressant de l’affaire : elles ne faisaient pas juste se réunir pour prendre un café. Non, il y avait en fait une structure, un sens et un ordre du jour à chacune de ces réunions. Parfois, elles se réunissaient deux fois par mois. Parfois, c’était juste une fois par mois, ça dépendait des endroits. Parfois, elles avaient du mal à se réunir pour toutes sortes de raisons. Mais je pense que, à l’image d’autres groupes de femmes de l’époque et d’avant, c’était aussi une façon de s’assurer de faire participer les femmes à des activités civiques ou de les former pour qu’elles puissent participer à d’autres organismes civiques.
RP : Les femmes elles-mêmes ne considéraient pas nécessairement leur appartenance aux auxiliaires féminines de la Fraternité internationale des porteurs de wagons-dortoirs comme une formation à l’activisme civique. Écoutez Grizzle demander à Cordie Williams et à Mme Williams-Bailey quel était le but de leur travail.
SG : Avez-vous déjà été membre des auxiliaires féminines de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs?
Cordie Williams (CW) : Oui, je l’ai été… On avait une section locale. Oui…
SG : Je vois. Pourquoi en êtes-vous devenue membre?
CW : Oh, après la visite de frère Randolph, qui voulait syndiquer les porteurs... il nous a vraiment inspirées à faire tout ce qu’on pouvait pour… pour soutenir la cause.
SG : D’accord. Et est-ce qu’il fallait payer des droits d’adhésion ou des cotisations?
CW : Oui, mais je ne me souviens pas de ce que c’était à l’époque. C’était très peu, ces années-là.
SG : Je vois. Combien de membres y avait-il dans la section de Calgary des auxiliaires féminines?
CW : Je dirais, une douzaine de membres actifs.
SG : Et aviez-vous une fonction? Est-ce que vous occupiez une fonction officielle?
CW : Oui, je faisais partie du Comité du divertissement.
SG : D’accord. Et, euh… Qu’est-ce que vous faisiez, à quoi servait le Comité du divertissement ou l’organisme comme tel? À recueillir des fonds, par exemple?
CW : Oui. C’est ça. On servait à soutenir la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, et quand ils organisaient des activités, on les aidait, par exemple à organiser des activités sociales.
SG : … Vous dites que vous avez été la première présidente des auxiliaires féminines ici, à Winnipeg?
HWB: C’est exact.
SG : Dites-moi, quel genre de travail faisaient les auxiliaires?
HWB: Euh… Pour recueillir des fonds, par exemple, on… On avait organisé un thé au printemps. On se réunissait, on avait des réunions régulières, et, euh… On était surtout là pour soutenir la cause, la Fraternité.
RP : Pour leur part, les porteurs avaient tendance à donner une vision trop simplifiée du rôle joué par les auxiliaires féminines au sein du mouvement syndical et des communautés noires. Ces explications, comme le montrent Odell Holmes et Frank Collins, étaient fortement liées aux perceptions courantes des rôles traditionnels des hommes et des femmes.
Odell Holmes (OH) : … Les auxiliaires elles-mêmes, elles, euh, chaque fois qu’on avait des activités, les femmes jouaient un rôle important, avec la nourriture, ce genre de choses. Elles apportaient la nourriture, nous aidaient à préparer les repas, et tout ça, et, euh, voyaient aux divertissements. En fait, ça fait longtemps que j’y ai pensé, mais je dirais qu’elles jouaient un rôle très important.
SG : Ce qui m’amène à poser une autre question : quel genre d’activités est-ce que le syndicat et les auxiliaires organisaient pour recueillir des fonds?
OH : À Calgary, on organisait des banquets, mais surtout des bals…
SG : Et les fonds que vous aviez recueillis, à quoi servaient-ils?
OH : Eh bien, euh, on utilisait les fonds, je pense, pour nos dépenses locales, parce que nos cotisations étaient plutôt basses, donc elles ne fournissaient pas beaucoup d’argent en soutien de la section locale… Et puis, quand c’était le temps des différents congrès, on avait besoin d’argent pour envoyer un délégué. Je pense que c’était tous les deux ans, les congrès, à l’époque. Et, euh, c’était principalement pour avoir un peu d’argent.
SG : Quel rôle jouaient les auxiliaires féminines de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs?
Frank Collins (FC) : Oh, leur rôle, je dirais, était principalement de nous remonter le moral. En fait, il fallait rallier les femmes si on voulait obtenir le soutien des hommes, parce qu’après tout, ce sont les hommes qui travaillaient, qui gagnaient l’argent, alors s’il y avait une interruption et que l’argent n’entrait plus, les femmes devaient comprendre comment fonctionnait le système. Alors, c’était… Principalement sur le plan du moral, je dirais. Mais elles organisaient aussi des activités, des activités sociales.
SG : Je vois. [Silence] Je suppose que l’idée de… d’inclure les femmes dans le syndicat par l’entremise des auxiliaires, la philosophie derrière ça… c’était qu’en ayant une Fraternité forte à la maison on obtenait un syndicat plus fort?
FC : Absolument. Oui, et il fallait que les femmes nous soutiennent pour avoir un syndicat fort, parce que si elles n’avaient pas travaillé avec nous, on n’aurait pas pu avancer.
RP : MM. Holmes et Collins savaient que le rôle des femmes au sein des auxiliaires féminines était important. Mais dans leurs commentaires, ils les relèguent aux travaux que faisaient les femmes en coulisse, dans la cuisine et autour de la table, alors qu’elles organisaient en fait diverses activités de collecte de fonds pour soutenir la participation aux congrès organisés par la Fraternité internationale des porteurs de wagons-dortoirs.
Heureusement, on comprend mieux l’importance des auxiliaires féminines dans les entrevues où Grizzle a permis aux femmes de s’exprimer librement. Une fois la confiance établie, elles ont parlé franchement de l’objectif véritable de leur participation et de l’héritage qu’elles souhaitaient laisser. Quand Grizzle a donné à Mme King l’occasion de décrire le rôle souvent invisible joué par les femmes dans la lutte pour les droits des porteurs, voici ce qu’elle a répondu.
VK : … On avait des bourses d’études… la première bourse a été accordée en 1944…
SG : Pouvez-vous m’éclairer sur la philosophie de la Fraternité en ce qui concerne la mise sur pied d’auxiliaires féminines?
VK : On trouvait que beaucoup de… Je pense que beaucoup d’hommes, au début, il a fallu leur tordre le bras pour qu’ils se joignent au syndicat et continuent de s’y intéresser et de payer leurs cotisations. Et aussi, euh, je voulais que les femmes aient un peu de sympathie pour les hommes et pour ce qu’ils faisaient, et aussi qu’elles réalisent à quel point leur situation serait meilleure si les hommes gagnaient beaucoup plus d’argent, parce que très souvent les gens avaient du mal à suivre, les hommes ne suivaient pas. Ils n’allaient pas aux réunions. Ce sont les femmes qui tenaient la famille à bout de bras. Et, euh, qui s’assuraient que les hommes aillent aux réunions et continuent à s’intéresser…
Et aussi le fait que les femmes, pour la plupart, ne savaient pas ce qu’étaient les syndicats. C’était une éducation pour elles, et les hommes eux-mêmes, quand ils se sont joints aux syndicats, tout ce qu’ils savaient, c’était qu’ils auraient plus d’argent qu’ils en avaient maintenant. Et quand ils rentraient à la maison, ils étaient très fatigués. Et ils, vous savez, ils… Quand ils avaient une épouse qui pouvait leur montrer tout le chemin qu’ils avaient parcouru, et tout ce qu’ils avaient obtenu en étant dans la Fraternité, et qui sympathisait avec eux, et qui connaissait certaines notions d’économie du travail… Parce qu’aux réunions, il y avait souvent des conférenciers qui parlaient d’économie et des meilleures façons d’utiliser l’argent supplémentaire qu’ils avaient obtenu pour mieux en profiter. Donc, grâce à cet argent qu’ils avaient reçu, je pense que les mères ont pu mieux travailler… par l’intermédiaire des auxiliaires, elles ont pu aider leurs enfants à poursuivre leurs études… Et beaucoup de ces enfants sont allés à l’université, ont obtenu des diplômes grâce aux encouragements de leur mère, qui avait cette vision qu’elle n’aurait probablement pas eue avant, sans les auxiliaires féminines pour les inciter, les aider à inciter les autres à agir, à encourager leur famille.
RP : Mme King s’est d’abord jointe aux auxiliaires féminines afin de lutter pour les droits des porteurs, mais l’incidence du mouvement s’est rapidement fait sentir sur tous les aspects de sa vie et de celle de ses enfants. La stabilité économique allait entraîner non seulement une mobilité ascendante et l’éducation de la deuxième génération, mais aussi une plus grande égalité des sexes et des races.
En lisant certains de ses documents historiques, Mme Braxton a explicitement ajouté le militantisme et l’ascension raciale à la liste des raisons pour lesquelles cet organisme a été important pour elle et pour d’autres femmes.
EB : … L’objectif des auxiliaires féminines est de lutter pour la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs et d’aider les femmes dans leur quête pour l’indépendance, la liberté d’expression et, en collaboration avec les hommes, pour la liberté, l’égalité et la justice. Aujourd’hui, les auxiliaires féminines se joignent aux personnes de couleur qui luttent pour leur indépendance et pour occuper la place qui leur revient parmi les nations du monde…
SG : Mme Braxton parle ensuite du programme des auxiliaires féminines.
EB : Oui. Un des nombreux programmes qu’on avait mis sur pied visait à améliorer la situation des Noirs au sein de la communauté. Il traitait de culture. Et une des activités qui rassemblait de nombreuses mères était le thé de la fête des Mères. On l’a longtemps organisé pour honorer les mères. Et quand on n’a plus eu assez de membres pour continuer à souligner la fête des Mères comme on l’aurait voulu, on a confié l’activité aux organisatrices de l’Union Church.
RP : Mme Mathieu nous explique ce que l’ascension raciale signifiait pour Mme Braxton et ses contemporains.
SM : … Et quand on se souvient que les porteurs de voitures-lits constituaient la classe moyenne, ou moyenne supérieure, de la société noire au Canada, on ne peut pas s’étonner que ces communautés aient souvent adhéré à l’idée de l’ascension raciale. Par ascension raciale, on entendait, par exemple, faire des choses pour élever la race, célébrer la littérature, célébrer la musique, célébrer l’art, assurément célébrer l’éducation, célébrer l’esprit d’entreprise, toutes ces choses, plaider pour l’amélioration des lois, une plus grande équité, mais aussi une utilisation vraiment intelligente et ciblée du droit de vote…
L’ascension raciale, c’était aussi faire une utilisation efficace de la presse noire pour faire circuler ces idées. Ce sont les femmes noires du Canada qui écrivaient dans la presse noire et qui faisaient savoir, pas seulement : « Nous sommes ici », « Nous sommes ici à Winnipeg », « Nous sommes ici à Edmonton », « Nous sommes ici à Saskatoon », mais qui disaient : « Nous sommes ici et nous avons une vie communautaire bien remplie. » Elles donnent l’impression d’organiser une collecte de fonds presque chaque semaine, ce qui me fait dire, en tant qu’historienne, qu’il y a de l’argent qui circulait dans ces communautés, même si les gens de l’extérieur les considéraient comme pauvres, n’est-ce pas?
Même avec des moyens financiers limités, ces femmes réussissent à soutirer dix sous à l’un, vingt sous à l’autre. À l’époque, et on se trouve alors au début de l’entre-deux-guerres, un dîner dans un petit restaurant coûtait environ quinze sous. Si on arrivait à obtenir d’une personne plus de quinze sous qu’elle aurait pu donner à l’église, qu’elle aurait pu garder pour en profiter elle-même, ça montre l’importance accordée à ce don. On voit dans les journaux noirs des appels à soutenir quelqu’un qui a besoin d’une bourse pour aller étudier dans une université ou un collège historiquement noir aux États-Unis, ou pour suivre des leçons privées avec un maestro en Europe. Et je n’ai jamais eu conscience d’une collecte de fonds du genre qui n’a pas atteint ses objectifs. On constate que quelques semaines, parfois quelques mois, plus tard, le journal célèbre le départ de la personne pour laquelle les fonds devaient être recueillis. Et ils ont essayé toutes sortes de choses, des pique-niques aux concerts en passant par les ventes de pâtisseries. Encore une fois, toutes des choses qu’on tient pour acquises, que les membres d’autres communautés font pour se soutenir les uns les autres, n’est-ce pas?
Ce que je constate, c’est que cette communauté est très, très centrée sur les enfants et que, étonnamment, elle accorde autant d’importance aux filles qu’aux garçons. En fait, dans ce que j’ai vu, il y a beaucoup de témoignages d’adolescents et de jeunes adultes noirs, au début de la vingtaine, qui partent étudier à l’université aux États-Unis. C’est une des façons dont on constate l’ascension raciale, vous voyez? L’accent est mis sur l’éducation, la célébration de la communauté, la célébration du fait que la communauté fait de bonnes choses, des choses qui enrichissent tout le monde. Et ce sont les femmes qui poussent, qui rendent possible ce genre d’ambitions…
RP : L’ascension raciale, comme l’explique Mme Mathieu, était également liée à ce qu’elle appelle la « politique de respectabilité ».
SM : … Ces femmes avaient également une autre tâche importante à accomplir : élever des filles qui seraient de parfaites épouses de porteurs. C’était une sorte de politique de la respectabilité. Vous comprenez? Toute cette préparation sociale que j’ai mentionnée, ces efforts d’ascension raciale, servaient aussi à préserver ce genre de groupe d’épouses respectables. Il fallait donc apprendre très tôt aux enfants à cirer les chaussures de leur père, à repasser sa chemise, à poser ses boutons comme il faut. Et, les filles, comme je l’ai lu dans des interviews, ou entendu dans des interviews que j’ai faites, elles parlent de la façon dont elles comprenaient la masculinité à travers le spectre de leur père, et celui de leur mère, qui couvait leur époux qui travaillait dans les voitures-lits. Et des pique-niques annuels ou des bals des porteurs étaient organisés dans tout le pays, et les gens venaient de très loin pour y assister. Les gens venaient de Minneapolis ou de l’Iowa, pour aller danser à Winnipeg. Cela montre à quel point ces communautés noires étaient interreliées même par-delà les frontières, mais aussi à quel point elles avaient besoin de rencontrer d’autres personnes elles aussi noires, elles aussi américaines, qui étaient prêtes à voyager pour se voir. C’était un peu l’équivalent du bal annuel des débutantes pour les enfants des porteurs, et parfois même pour des filles qui n’appartenaient pas encore à une famille de porteur, mais qui espéraient entrer dans l’une d’elles, vous comprenez? C’était donc le travail des auxiliaires féminines de s’assurer de préparer soigneusement leurs filles, nièces, cousines, etc., pour en faire les femmes qui allaient ensuite marier des hommes disposant de sources de revenus fiables. Ça permettait également de souder la communauté, pour le meilleur et pour le pire.
RP : Mme Chateauvert ajoute à cette discussion en soulignant le pouvoir implicite, dans un contexte plus vaste, de la participation des femmes aux auxiliaires féminines.
MC : Je pense que la lutte que Randolph et les autres membres de la Fraternité, hommes comme femmes, comprenaient, que ce soit consciemment ou inconsciemment, mais bon, ils en étaient certainement conscients… C’est que les rôles hommes-femmes, dans la communauté afro-américaine, ont toujours été politisés, dans le sens où sortir de son rôle, agir de manière trop féminine ou trop masculine, entraînait la violence, purement et simplement… Il fallait donc négocier une manière de se présenter, au moins aux yeux du public, qui montrait le respect des idées des Blancs sur le genre. C’est ce que j’appelle la politique de respectabilité, qui est différente de ce qu’on appelle aujourd’hui la politique de respectabilité. Ce que je constate, au sein de la Fraternité, des auxiliaires, des conseils, c’est une façon de se présenter soi-même qui a permis à leurs activités d’être considérées comme positives, même si elles étaient radicales. Ceci n’a pas nécessairement, ou n’a tout simplement pas, incité au type de violence, d’oppression ou de suppression du travail que des activités plus outrancières auraient pu apporter....
RP : Mme Chateauvert poursuit en soulignant les conséquences plus profondes inhérentes à la politique de respectabilité.
MC : … Parce que pour les femmes noires des années 1920, 1930, 1940, 1950 et 1960, être représentées ou se présenter comme des dames était, en fait, une subversion radicale de la culture populaire. Et c’est cette féminité que les auxiliaires incarnaient, et en particulier les auxiliaires féminines. Elles montraient qu’elles n’étaient pas des « Mammy », qu’elles n’étaient pas des « Sapphire », qu’elles n’étaient pas ces stéréotypes de la culture populaire. Elles étaient des femmes au foyer, elles avaient des intérêts. Elles affichaient ce qu’elles voulaient faire, ce qu’elles pensaient et ce à quoi elles travaillaient. La politique qui en découle, que j’appelle la politique de respectabilité… En fait, c’était une façon de montrer qu’elles étaient comme les autres.
RP : Sans le soutien des femmes, la Fraternité internationale des porteurs de wagons-dortoirs n’aurait très probablement pas réussi à organiser les hommes et à obtenir une convention collective qui aurait radicalement amélioré leurs conditions de travail et, par extension, leur qualité de vie et celle de leurs proches.
En laissant des femmes comme Mme King parler ouvertement de cette période de leur vie, et en portant attention à ce qu’elles sous-entendent dans leurs déclarations, on peut déceler la principale raison pour laquelle elles ont soutenu la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs en participant aux auxiliaires féminines.
VK : … Grâce à ce dollar supplémentaire que les porteurs ont reçu, je pense que les mères ont pu mieux travailler… par l’intermédiaire des auxiliaires. Elles ont pu aider leurs enfants à poursuivre leurs études… Et grâce aux encouragements de leur mère, beaucoup de ces enfants sont allés à l’université, ont obtenu des diplômes. Cette vision, que les mères avaient et qu’elles n’auraient probablement pas eue avant, sans les auxiliaires féminines, les incitait, les aidait à inciter les autres à agir, à encourager leur famille.
SG : Pensez-vous que les auxiliaires féminines ont apporté un soutien à…
Mme King : Un stimulus – un stimulus au sein de la famille et un renforcement de la constellation familiale.
RP : Dans le sixième épisode de Confidences de porteurs, nous verrons comment les acquis syndicaux ont créé les conditions nécessaires à l’ascension raciale et à la mobilité ascendante au sein des communautés noires. Si les porteurs et leurs proches rêvaient d’un nouvel avenir pour eux-mêmes et pour les générations futures, ils ont également pris des mesures concrètes pour reconstruire le Canada moderne en incluant tous les citoyens.
SG : … En conclusion, avez-vous quoi que ce soit à rajouter, des commentaires ou des observations, sur la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs? Son effet sur vous, sur la communauté, ou autre chose? Le bien qu’elle a fait à la communauté?
Harold James Fowler (HF) : Oh, je pense que la Fraternité a eu un impact considérable… qu’elle a élevé, rehaussé le niveau des porteurs. Et même si c’est peu connu, les porteurs ont fait beaucoup pour ce pays.
RP : Pour en savoir plus sur Harold James Fowler et sur les autres porteurs de voitures-lits qui ont accueilli Stanley Grizzle chez eux à la fin des années 1980, abonnez-vous au balado Découvrez Bibliothèque et Archives Canada. Vous recevrez les épisodes à mesure de leur diffusion et ferez ainsi connaissance avec ces hommes, leurs femmes et leurs enfants. Ensemble, ils offrent un aperçu de la vie des Noirs au XXe siècle et de leur quotidien sur les chemins de fer et dans le reste de la société. D’éminents chercheurs et historiens noirs nous aident à contextualiser les expériences des porteurs pour mieux comprendre les nombreux obstacles qu’ont dû surmonter ces gens, qui n’ont pas abandonné pour autant.
Merci d’avoir été des nôtres. Ici Richard Provencher, votre animateur. Vous écoutiez Confidences de porteurs, la première saison de la série Voix dévoilées.
Nous remercions tout particulièrement nos invités : Melinda Chateauvert, Judy Williams-Graham, Saje Mathieu et Dorothy Williams. Leurs notices biographiques se trouvent dans les notes du présent épisode, où vous trouverez aussi des références temporelles menant au contenu de l’entrevue originale dans la collection Grizzle. N’hésitez pas à diffuser ces histoires dans votre entourage!
Nous remercions également les personnes qui ont traduit cet épisode et qui ont fait le doublage en français : Roldson Dieudonné, Gbidi Coco Alfred, Lerntz Joseph, Euphrasie Mujawamungu, Frédéric Pierre, et Christelle Tchako Womassom.
Le réputé musicien et producteur Paul Novotny a composé Jazz Dance, la chanson thème de Confidences de porteurs. Il a enregistré la musique avec Joe Sealy, célèbre pianiste de jazz et fils d’un porteur entendu dans cet épisode.
Le reste de la musique provient de la banque BlueDotSessions.com.
L’épisode que vous venez d’entendre a été écrit, conçu, réalisé et monté par Tom Thompson, Jennifer Woodley et Stacey Zembrzycki.
Vous trouverez la version anglaise de tous nos épisodes sur notre site Web ainsi que sur votre application de balados favorite. Il suffit de chercher « Discover Library and Archives Canada ».
Pour plus d’information sur nos balados, rendez-vous sur la page d’accueil de Bibliothèque et Archives Canada et tapez « balado » dans la barre de recherche située au haut de l’écran, puis cliquez sur le premier lien.
Si vous avez des questions, des commentaires ou des suggestions, vous trouverez l’adresse courriel de l’équipe des balados au bas de la page de cet épisode.
Animateur : Richard Provencher, Chef relations medias, Direction générale des Communications et politiques
Avec les voix de : Helen Williams-Bailey, Evelyn Marshall Braxton, Frank Collins, Harold James Fowler, Odell Holmes, Velma Iris Coward King, et Cordie Williams
Invitées : Dr. Melinda Chateauvert, Dr. Saje Mathieu, Dr. Dorothy Williams, and Judith Williams-Graham
Pour le doublage français dans ce balado : Roldson Dieudonné, Gbidi Coco Alfred, Lerntz Joseph, Euphrasie Mujawamungu, Frédéric Pierre, et Christelle Tchako Wommasom
Biographies des narrateurs
Les intervieweurs
Stanley G. Grizzle, aîné d’une fratrie de sept enfants, naît à Toronto en 1918. Ses parents, ayant tous deux immigrés de la Jamaïque en 1911, travaillent dans le secteur des services – sa mère comme domestique et son père comme chef cuisinier pour la Compagnie du Grand Tronc de chemin de fer du Canada. En 1940, la pauvreté et le manque de débouchés conduisent M. Grizzle au Chemin de fer Canadien Pacifique, où il entreprend une carrière de porteur de voitures-lits qui s’échelonnera sur 20 ans. En 1942, il est appelé à servir par le gouvernement canadien et obtient le statut de caporal lors de son affectation comme assistant médical en Hollande. En 1962, M. Grizzle quitte le Chemin de fer Canadien Pacifique et devient le premier Noir canadien employé par le ministère du Travail de l’Ontario. Il se présente aux élections de la Fédération du Commonwealth coopératif, sans succès, avant d’être nommé juge à la Cour de la citoyenneté canadienne par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, en 1978. Militant dévoué, M. Grizzle fait campagne sans relâche pour la réforme des politiques canadiennes en matière de travail, d’immigration et de droits de la personne. Historien passionné, il se consacre aussi à la documentation et à la préservation de l’histoire des Noirs au Canada. Ses archives sont conservées à Bibliothèque et Archives Canada.
Les narrateurs / les narratrices
Helen Williams-Bailey est née en 1919 sur une ferme de la Saskatchewan, à environ 50 kilomètres de North Battleford. Elle a quatre frères (Tom, Roy, Lee et Carl). Peu après son déménagement à Winnipeg, en 1942, elle s’implique dans les auxiliaires féminines de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs pour appuyer ses frères Tom et Roy, qui travaillent comme porteurs. Elle est la première présidente des auxiliaires, occupant ce rôle jusqu’à son mariage avec un porteur du Canadien National en 1944. (Source : 417401 [partie 1]; 417400 [partie 2])
Evelyn Marshall Braxton est née à Saint Kitts en 1913. Elle immigre au Canada en 1929 et rejoint sa mère à Montréal. C’est dans cette ville qu’elle va à l’école. Son beau-père, John Mardenborough, travaille comme porteur à la division d’Ottawa du Canadien Pacifique. Elle épouse son premier mari, Norman Marshall, en 1937. Né à Toronto, il travaille comme porteur de voitures-lits à la Pullman Company jusqu’à sa mort prématurée en 1958. Evelyn Braxton épouse ensuite George Braxton, un porteur du Canadien Pacifique qui est un membre actif de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs. En 1946, elle se joint aux auxiliaires féminines de la Fraternité à Montréal, dont elle sera la présidente pendant plus de 16 ans. (Source : 417386)
Frank Collins est né à Vancouver en 1915. Il devient porteur de voitures-lits à la division de Vancouver du Canadien Pacifique en 1933 et demeure en poste jusqu’à sa démission en 1956. En collaboration avec Ernie Lawrence, il s’emploie à organiser la section de Vancouver de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs à partir de 1939. La section obtient son accréditation en 1944 et signe sa première convention collective en 1945. Lui et Lawrence réussissent à convaincre 96 % des porteurs de la ville à se joindre au syndicat, malgré les risques que comporte l’adhésion. (Source : 417402)
Harold James Fowler naît dans le canton de Dover, dans le comté de Kent, à environ 10 kilomètres de la ville de Chatham. Son premier trajet comme porteur de voitures-lits pour le Chemin de fer Canadien Pacifique, en juin 1939, le mène de Toronto à Vancouver. Membre fondateur de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, M. Fowler en préside le comité des divertissements pendant quelque temps. Dans le train, il se fait un point d’honneur de soutenir et de conseiller ses confrères. Souffrant d’arthrite lombaire, M. Fowler est contraint de prendre sa retraite en 1976, mais il aura accumulé suffisamment d’années de service pour toucher une pleine pension. (Source : 417393)
Odell Holmes est né à Clearview, en Oklahoma, en 1915. Deux ans plus tard, sa famille immigre au Canada et s’installe à Maidstone, en Saskatchewan. Elle y rejoint la majorité de la famille maternelle, qui a immigré en 1910, au tout début de la Grande migration. Son père reste aux États-Unis, officialisant la séparation. Après le remariage de sa mère, Odell Holmes et toute sa famille déménagent à Lloydminster. Odell y exerce plusieurs métiers mal rémunérés. Il trouve un emploi de porteur de voitures-lits à la section de Calgary du Canadien Pacifique en 1940, puis à la section de Vancouver en 1961. Pendant ses 38 ans de carrière, il s’implique beaucoup dans le syndicat, présidant deux sections de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs : celle de Calgary pendant 14 ans, et celle de Vancouver pendant 13 ans. (Source : 417389)
Velma Iris Coward King naît à Montréal en 1914. Son père descend d’une famille de la Barbade et est porteur de voitures-lits pendant près de 30 ans, tandis que sa mère vient de SainteCroix. Son frère Victor, qui est aussi porteur pour le Chemin de fer Canadien Pacifique, joue un rôle clé au sein de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, amorçant les discussions avec les principaux dirigeants et s’assurant que les employés de la division de Montréal du Chemin de fer Canadien Pacifique joignent le syndicat. Mme King se greffe au mouvement dès 1943 afin d’appuyer ces efforts. D’abord secrétaire de la section montréalaise des auxiliaires féminines de la Fraternité, elle en est ensuite présidente pendant quinze ans. Elle est également membre du conseil de direction du volet international de la Fraternité. Titulaire d’un baccalauréat en éducation, Mme King enseigne sur les rails ainsi qu’au conseil scolaire anglophone protestant de Montréal pendant 28 ans. (Source : 417386 [partie 1]; 417383 [partie 2])
Cordie Williams naît à Athabasca, en Alberta, en 1921. Son père est originaire du Texas et sa mère, de l’Oklahoma. Ils émigrent au Canada en 1914, pendant la Grande migration, pour échapper à la violence raciale qui sévit aux États-Unis et offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Mme Williams quitte sa famille à l’âge de 18 ans pour s’établir à Calgary, où elle travaille comme domestique pendant huit ans. En 1940, elle marie Roy Williams, un porteur de voitures-lits du Chemin de fer Canadien Pacifique qui travaille activement à la syndicalisation des employés. Peu après, elle devient membre des auxiliaires féminines de la Fraternité des porteurs de wagonsdortoirs et assume les fonctions de secrétaire-trésorière pendant quelque temps. (Source : 417389)
Les chercheurs et les chercheuses, conteurs et gardiens du savoir communautaire
Melinda Chateauvert, Ph. D., est titulaire d’un doctorat en histoire américaine de l’Université de Pennsylvanie. Son livre publié en 1998, Marching Together: Women of the Brotherhood of Sleeping Car Porters, documente les actions entreprises par des femmes afro-américaines aux États-Unis et au Canada pour mettre sur pied les sections locales de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, le premier syndicat noir international de la Fédération américaine du travail – Congrès des organisations industrielles. Il s’agit d’un texte fondamental de l’histoire du travail. Avant sa retraite, Mme Chateauvert était directrice associée de la Front Porch Research Strategy.
Saje Mathieu, Ph. D., est professeure associée d’histoire à l’Université du Minnesota. Elle est titulaire d’un doctorat conjoint en histoire et en études afro-américaines de l’Université Yale et a été boursière du Warren Center et du W.E.B. Du Bois Institute à l’Université Harvard, du Center for American Studies à l’Université de Heidelberg, du National Endowment for the Humanities et du Schomburg Center for Research in Black Culture. Son premier livre, North of the Color Line: Migration and Black Resistance in Canada, 1870-1955, détaille l’histoire des porteurs de voitures-lits afro-américains et antillais au Canada et les conséquences sociales, culturelles, juridiques et politiques de leur emploi. Les travaux actuels de Mme Mathieu portent sur les expériences à l’échelle mondiale des soldats noirs pendant la Première Guerre mondiale.
Dorothy Williams est titulaire d’un doctorat en bibliothéconomie et en sciences de l’information de l’Université McGill. Elle occupe actuellement un poste de chercheuse à l’Université Concordia au sein du Réseau de recherche sur les communautés québécoises d’expression anglaise. Elle a été distinguée par le prix Black Changemaker de la CBC en 2022 et un prix Bibliothèque et Archives Canada en 2023. Au printemps 2024, elle a reçu un doctorat honorifique de l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’un insigne de l’Ordre de Montréal, la plus haute distinction de la municipalité, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au développement et au rayonnement de la ville. Les ouvrages de Mme Williams, Les Noirs à Montréal : 1628-1986 et The Road to Now: A History of Blacks in Montreal, sont des références incontournables dans les études noires et l’histoire des Noirs au Canada. Mme Williams est également une pionnière de la pédagogie, elle qui élabore depuis de nombreuses années des programmes d’études sur l’histoire des Noirs au Canada, ainsi qu’une gardienne des connaissances de la communauté. La collection d’archives qu’elle conserve chez elle est l’une des plus vastes documentant l’expérience des Noirs à Montréal.
Judith Williams-Graham est une descendante des familles Williams et Carruthers. Originaires du Texas, les Williams s’établissent en Oklahoma pour cueillir du coton, un État où la famille Carruthers a de solides racines. Comme de nombreuses autres personnes d’origine africaine-américaine, les deux familles fuient la violence raciale qui sévit aux ÉtatsUnis et arrivent au Canada entre 1910 et 1914 dans le cadre de la Grande migration. La famille Williams s’installe d’abord à North Battleford, en Saskatchewan, puis élit domicile à Hillside. Les Carruthers érigent leur propriété familiale à Amber Valley, en Alberta. Le père de Mme Williams-Graham, Roy, commence à travailler comme porteur de voitures-lits à Winnipeg en 1936. Il est ensuite transféré à Calgary, où il rencontre Cordie, la mère de Mme Williams-Graham. Ils se marient en 1940. Ensemble, ils luttent pour la syndicalisation des porteurs du Chemin de fer Canadien Pacifique, une cause à laquelle Mme Williams-Graham est exposée dès son jeune âge. Plusieurs membres de sa famille élargie travailleront d’ailleurs sur les chemins de fer. Organisatrice et militante de longue date au sein de la communauté noire de l’Ouest du Canada, elle est déterminée à faire connaître ce pan de l’histoire. Elle rédige actuellement ses mémoires, qui documentent l’histoire de sa famille ainsi que les expériences des personnes noires de façon plus générale.
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