Dernières réflexions
« Ce n'est pas un problème nouveau; ça reste un problème qui peut sembler impossible à régler, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Nous pouvons changer les choses, pas du jour au lendemain, et ce ne sera pas facile, mais on peut y arriver. Ça ne peut pas continuer comme ça. »[1] [Traduction]
Tout au long de cette enquête, les survivant.e.s nous ont raconté avoir vécu des traumatismes - non seulement à cause de la violence sexuelle, mais aussi à cause que le système de justice pénale (SJP) les a laissés tomber, le système les a trahis. Partout au Canada, leurs récits sont beaucoup trop familiers : la police ne les a pas crus, l’enquête ou les poursuites ont été abandonnées, leurs droits en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) et de la Charte des droits et libertés ne sont pas respectés. À chaque étape, les survivant.e.es font face à des obstacles systémiques qui les font taire, mettent leur sécurité en danger et diminuent leur confiance dans le SJP. La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R c. Jordan a empiré les choses, entraînant des arrêts de procédures et le gaspille de ressources personnelles, communautaires et publiques.
Malgré ces réalités, les survivant.e.s et les intervenants continuent de participer aux enquêtes, aux consultations, aux études et aux appels au changement, partageant avec nous leurs expériences vécues et leur expertise professionnelle, dans l'espoir de changer les choses.
Nous pouvons faire mieux.
Nous avons entendu parler de progrès importants, de pratiques prometteuses et de programmes incroyablement bénéfiques partout au pays. On nous a parlé de gens bienveillants, brillants et travaillants à travers tous les secteurs du SJP et d'organismes communautaires.
Nous avons également discuté avec plusieurs individus de la nécessité d'apporter des améliorations. Nous avons parlé des droits des victimes garantis par la Charte et la CCDV ainsi que d'équité procédurale. Il y a des disparités dans l'accès aux services, selon l'endroit où les gens vivent. On nous a fait mention de bonnes expériences avec la police et de mauvaises expériences. Il y a aussi des lacunes de base dans les données, en particulier dans les données désagrégées, et la nécessité de mener des recherches sur les expériences des peuples autochtones, des Noirs, des personnes handicapées, des communautés racialisées, des nouveaux arrivants et des personnes 2ELGBTQIA+. On nous a parlé de contre-interrogatoires humiliants et traumatisants et de l'importance des approches tenant compte des traumatismes. On nous a souligné l'inégalité d'accès aux aides au témoignage. On nous a aussi parlé des avantages et des défis de la justice réparatrice.
Nous avons appris que les mythes et les stéréotypes persistent encore, et tout au long du processus. On nous a confié à quel point l'exposition de renseignements personnels a des effets dévastateurs et mène à des retards insupportables et des arrêts de procédures. On nous a réitéré que les déclarations des victimes sont trop caviardées et que les survivant.e.s ne reçoivent pas d'information sur les résultats du procès. On nous a répété qu'il fallait plus de formation et d'éducation. Nous avons beaucoup appris sur les meilleures pratiques et les programmes qui ont du succès. On nous aussi dit que souvent les défenseurs des droits, les centres d'aide aux victimes et les organismes axés sur les victimes sont des bouées de sauvetage pour les survivant.e.s et avoir accès à des conseils juridiques indépendants serait nécessaire à quiconque s’engage dans le SJP. Nous avons appris à quel point les soins spécialisés sont essentiels pour les enfants et les jeunes survivant.e.s. Nous avons aussi découvert les avantages des services complets et des approches holistiques.
Au fil des ans, de nombreuses améliorations ont été apportées aux lois pénales relatives aux agressions sexuelles. Les législateurs sont prudents dans leur prise en compte de l'équité, de la justice et des droits de la personne lorsqu'ils modifient et créent des lois et des politiques. Nous avons discuté avec des gens inspirants qui veulent améliorer le système.
Nous savons également que même avec de bonnes lois et politiques, il y a souvent des impacts involontaires qui sont invisibles et même inimaginables pour les législateurs. Nous savons que, selon l'endroit où une personne vit au Canada, les lois et les politiques sont appliquées différemment. Nous savons que, selon l'identité ou le statut d'une personne, les lois et les politiques sont aussi appliquées différemment. Nous savons qu'il y a du travail à faire pour répondre aux appels à la justice des FFADA.
Le récent procès de cinq joueurs de hockey acquittés d'accusations d'agression sexuelle a suscité des conversations à l'échelle nationale sur le consentement, la culture et la violence sexuelle. Ce sont des conversations importantes. Nous devons parler de ces questions à tous, à des individus de tous âges et de tous les milieux. L'activité sexuelle doit être abordée de manière adaptée à l'âge et dans des espaces sûrs. Nous devons enseigner à nos jeunes le consentement, le respect et les relations saines. Tout le monde peut bénéficier de ces conversations.
La violence sexuelle n'a pas sa place dans notre société.
Un financement durable est désespérément nécessaire pour fournir des soutiens adéquats et d'autres options. Une telle approche épargnerait beaucoup de traumatismes – pour les survivant.e.s, les accusés, leurs familles et leurs amis – et permettrait également d'économiser l'argent des contribuables.
Lorsque la violence sexuelle se produit, le SJP joue un rôle central. Nous devons savoir que nous pouvons compter sur lui pour qu'il fonctionne équitablement, qu'il soit équitable pour les accusés et pour les survivant.e.s. Il doit tenir compte de l'impact du traumatisme sur les survivant.e.s. et ne peut pas être fondée sur la discrimination, les mythes et les stéréotypes. Les gens doivent pouvoir compter sur le système pour fonctionner.
Bien que ce rapport documente la crise actuelle qu'est la violence sexuelle, il pointe également vers l'avenir.
Nous pouvons faire mieux.
Le Canada peut choisir une autre voie :
- Une voie où les droits des victimes sont fondamentaux, pleinement respectés et appliqués de manière uniforme en vertu de la CCDV et de la Charte
- Un avenir où les délais systémiques sont éliminés, où les affaires sont traitées efficacement et où l'accès des survivant.e.s à la justice en temps opportun est garanti
- Un système de justice où il est possible que le contre-interrogatoire d’un.e survivant.e n’engendre pas de revictimisation, et où les aides au témoignage sont largement disponibles et adaptées aux divers besoins des survivant.e.s.
- Un engagement à l'égard de pratiques policières et d'enquête tenant compte des traumatismes, où les survivant.e.s se sentent crus, en sécurité et soutenus s'ils choisissent de signaler
- Un effort accru pour collecter des données utiles, pour comprendre le statu quo afin de l'améliorer
- Un cheminement avec des options de guérison et des informations proactives pour les survivant.e.s, et une chance d'envisager la justice réparatrice se désirée
Nous savons que ce rapport n'aborde pas l'énormité des problèmes auxquels les survivant.e.s sont confronté.e.s. Nous espérons que les enjeux soulevés et nos recommandations pour les résoudre auront un impact significatif sur les personnes qui ont le pouvoir d'apporter des améliorations. Nous espérons aussi que les survivant.e.s et les intervenants qui ont partagé leur expertise avec nous sauront que leur voix compte. Nous avons été touchés par leur courage. Nous souhaitons dire aux gens et les organisations qui soutiennent les survivantes et qui avant nous ont rédigé des rapports sauront que leur travail inlassable et leur expertise font une différence.
Nous pouvons faire mieux.
[1] Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #94
