Déclaration de l'ombudsman lors du lancement du rapport : Repenser la justice pour les survivant.e.s de violence sexuelle
Avant de commencer, je tiens à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je veux aussi rendre hommage aux nombreuses Premières Nations, aux Inuits et aux Métis dont nous avons visité les terres au cours de cette enquête.
Je veux saluer le courage des survivantes et survivants dont les voix sont au cœur de ce rapport. Nous vous croyons. Ce qui vous avez vécu compte, et ce n’est pas votre faute. Prenez soin de vous et n’hésitez pas à demander du soutien si vous en avez besoin.
Pourquoi nous sommes ici
La violence sexuelle demeure l’un des crimes les moins signalés au Canada. Malgré des décennies de réformes, seulement 6 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. Trop de personnes survivantes nous ont dit que lorsqu’elles se sont manifestées, elles ont été discréditées, revictimisées et blessées par le système censé les protéger. Trop d’entre elles ont décrit leur expérience avec le système de justice criminelle comme plus traumatisante que l’agression elle-même.
Aujourd’hui, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels publie Repenser la justice pour les survivant.e.s de violence sexuelle : une enquête systémique.
Ce que nous avons entendu
Pendant 18 mois, grâce à des entrevues, des sondages, des tables rondes virtuelles et des visites sur le terrain, nous avons échangé avec près de 3 000 personnes partout au Canada : des survivant.e.s, des prestataires de services, des policiers, des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, des juges et des leaders communautaires. Nous avons analysé des recherches universitaires, plus de 750 décisions judiciaires et 300 articles médiatiques.
Le message était clair :
- Les survivant.e.s sont réduites au silence par des mythes et stéréotypes qui persistent dans les tribunaux et les postes de police.
- Elles sont revictimisées par des contre-interrogatoires invasifs et la menace de voir leurs dossiers thérapeutiques exposés.
- Elles sont abandonnées lorsque des causes sont arrêtées en vertu de R. c. Jordan, les laissant sans justice après des années d’attente.
Une survivante nous a dit :
« Je ne pense pas qu’il y ait pire pour une victime que de voir son procès abandonné. »
Le coût humain
Derrière chaque statistique, il y a une personne — une vie bouleversée, des familles et des communautés touchées. Les survivantes ont décrit le sentiment d’être traitées comme des preuves, et non comme des êtres humains.
Et pourtant, malgré ces obstacles, les survivantes se manifestent — non pour elles-mêmes, mais pour protéger les autres. 97 % des survivantes qui ont signalé l’agression l’ont fait pour empêcher l’agresseur de nuire à quelqu’un d’autre. C’est un acte de courage extraordinaire.
Un élan est en cours
Il y a eu des progrès. Partout au Canada, les services de police adoptent des protocoles adaptés aux traumatismes. Les tribunaux utilisent plus souvent des mesures d’aide au témoignage et rejettent les mythes et stéréotypes sur la violence sexuelle. Les communautés créent des soutiens culturellement sécuritaires. Et les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle, qui font ce travail depuis bien plus longtemps que moi, continuent d’offrir sécurité et espoir aux survivantes.
Ce qui doit changer
Nous pouvons mieux protéger les survivant.e.s, respecter les droits des accusés, réduire les coûts, gagner du temps et éviter que des accusations soient abandonnées.
Repenser la justice contient 43 recommandations. Ensemble, elles tracent une feuille de route pratique et fondée sur des données probantes pour réformer le système. Nous devons :
- Mettre fin aux pratiques nuisibles comme les avertissements KGB qui traitent les survivantes comme des suspectes.
- Protéger les dossiers thérapeutiques pour que les survivant.e.s n’aient jamais à choisir entre leur santé mentale et la justice.
- Modifier le Code criminel pour que les demandes de suspension en vertu de R. c. Jordan tiennent compte des droits et de la sécurité des victimes.
- Garantir des droits exécutoires en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes, y compris l’accès à des conseils juridiques indépendants et à des mesures d’aide au témoignage.
- Investir dans des services adaptés aux traumatismes et culturellement sécuritaires qui répondent aux besoins divers des survivantes.
- Élargir les options de justice réparatrice et transformatrice, offrant de véritables choix au-delà du tribunal.
Un appel à l’action
Ce n’est pas seulement une question juridique — c’est une question de droits de la personne. Les survivant.e.s ont des droits garantis par la Charte à la vie, à la liberté et à la sécurité, et ces droits doivent être respectés.
Nous pouvons faire mieux. Les réponses à la violence sexuelle mettent à l’épreuve l’équité, la compassion et la responsabilité de nos institutions. Les survivant.e.s méritent un système qui protège leur dignité, leur sécurité et qui prend la responsabilité de ne pas causer plus de tort.
Aujourd’hui, j’appelle le Parlement, les décideurs et chaque Canadien à se joindre à nous pour repenser la justice. Construisons un système qui ne revictimise pas les survivantes, mais qui restaure la confiance. Un système équitable pour toutes les parties et qui ressemble un peu plus à la justice pour celles et ceux qui ont été blessés.
Parce que la violence sexuelle n’a pas sa place dans notre société.
Ce n’est pas le premier rapport sur la violence sexuelle et la justice criminelle. Depuis des décennies, les survivant.e.s et les défenseurs réclament des changements. Bien qu’il y ait eu des progrès, de nombreuses recommandations sont restées lettre morte. Cette histoire compte — mais elle ne définit pas notre avenir.
Notre rôle en tant qu’ombudsman
Notre Bureau a le pouvoir d’exiger une réponse du gouvernement à nos recommandations, expliquant quelles mesures seront prises — ou pourquoi elles ne le seront pas. Cela favorise la reddition de comptes et la transparence.
Nous avons beaucoup d’espoir, qu’ensemble, nous pouvons choisir une voie juste. Le changement exigera du leadership, de la coordination et du courage, mais il est possible — et il est nécessaire.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.