Annexe 4

Dialogue national – Résumé des discussions

Événement de dialogue national Ottawa, les 12 et 13 mars 2019

Le dialogue national était un rassemblement de 300 titulaires de subventions Connexion – Capacité de recherche autochtone et réconciliation, de membres de collectivités autochtones et de représentants des trois Conseils. Le dialogue visait à examiner de façon plus approfondie les nouveaux thèmes de la recherche autochtone relevés lors de séances de mobilisation des collectivités et des organisations autochtones au Canada ainsi que les exposés de principes soumis par les titulaires de subventions Connexion.

Voici un résumé des messages clés des participants au dialogue national.

Éthique de la recherche, gouvernance et protocoles

Les collectivités autochtones doivent renforcer leurs capacités et ont besoin d’investissements dans les infrastructures et d’un soutien financier pour résoudre les problèmes de gouvernance des données et de droits de propriété intellectuelle. La souveraineté en matière de données est un principe important et les peuples autochtones demandent le contrôle direct des données de recherche recueillies à leur sujet, sur leurs cultures, leurs histoires, leurs langues, leurs systèmes de connaissances et leurs terres traditionnelles et sacrées.

La propriété des données doit faire partie des lois sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. Les collectivités autochtones sont préoccupées par l’accessibilité des données existantes dans le milieu universitaire et remettent en question la façon dont ces données sont recueillies, stockées et communiquées par les chercheurs.

L’éthique de la recherche autochtone diffère des lignes directrices en matière d’éthique établies par les trois Conseils et les établissements postsecondaires. Elle s’appuie sur les connaissances traditionnelles et les fondements culturels de chaque nation autochtone. Les peuples autochtones considèrent que l’éthique de la recherche est étroitement liée aux institutions qui contrôlent les fonds de recherche, ce qui contribue à favoriser une relation problématique avec les collectivités autochtones. Le consentement des collectivités fait partie intégrante du processus de réalisation de recherches mutuellement bénéfiques et axées sur le respect avec les peuples autochtones.

Les aînés sont des experts très respectés dans le domaine du savoir autochtone, y compris l’éthique autochtone. Les peuples autochtones croient que les chercheurs doivent être encadrés par des aînés pour veiller à ce que leurs recherches demeurent respectueuses des protocoles autochtones et continuent de bénéficier de la collaboration communautaire. Les aînés doivent également participer à l’examen du mérite des propositions de recherche et du financement dont ont besoin les organismes pour collaborer avec eux et les appuyer dans ce rôle.

Les peuples autochtones craignent que les chercheurs étrangers ne soient pas liés par les mêmes normes de conduite éthique que les chercheurs canadiens. Les chercheurs étrangers qui travaillent au Canada ont une incidence sur les collectivités autochtones et l’on devrait s’attendre à ce qu’ils respectent l’éthique et les protocoles autochtones. Les peuples autochtones demandent la création de mécanismes officiels de surveillance et d’application des lignes directrices éthiques ainsi que d’une structure de signalement des manquements à l’éthique. Les peuples autochtones demandent également l’établissement de règles et de lignes directrices à l’intention des étudiants et des chercheurs étrangers ainsi que d’un système de soutien pour les étudiants qui réalisent des recherches pour la première fois avec les peuples autochtones.

Les principes PCAP® (propriété, contrôle, accès et possession) sont un modèle utile qui peut être adapté aux besoins individuels des collectivités. Les principes PCAP® ne peuvent pas constituer une norme unique pour tous les peuples autochtones, mais ils peuvent être adaptés et utilisés par les collectivités autochtones. Les peuples autochtones veulent que les chercheurs et les étudiants qui ont l’intention de mener des recherches avec les peuples autochtones reçoivent une formation obligatoire sur les principes PCAP® dans les établissements postsecondaires. Les collectivités autochtones ont besoin d’investissements financiers pour créer et mettre en œuvre leurs propres systèmes axés sur les principes PCAP®.

Établir des relations communautaires et des partenariats de recherche efficaces

Les collectivités et les organismes communautaires doivent avoir accès au financement de base pour leurs activités, ainsi que bénéficier de l’égalité des chances pour le financement continu de la recherche. En contrôlant le financement de la recherche, les collectivités peuvent établir une relation mutuellement bénéfique avec les chercheurs. Ils peuvent établir le programme de recherche et désigner les spécialistes compétents. Pour régler ce problème, il faudra examiner les structures de financement existantes.

Les chercheurs, les établissements de recherche et les organismes de financement doivent reconnaître que la relation d’un chercheur avec la collectivité est profonde et intégrée. Elle va au-delà d’une relation transactionnelle. Il s’agit d’un lien étroit avec la vie physique, affective, intellectuelle et spirituelle de la collectivité. La façon dont le chercheur s’engage auprès de la collectivité et contribue à l’améliorer est essentielle à la réussite du projet de recherche et à l’ouverture de la collectivité au retour du chercheur dans l’avenir. Par conséquent, les chercheurs doivent être soucieux des effets continus du colonialisme, des traumatismes intergénérationnels et de la violence historique à l’endroit des collectivités autochtones afin de ne pas les perpétuer.

Le soutien de la recherche communautaire commence par la reconnaissance du fait que les collectivités autochtones possèdent des connaissances, des méthodes et des épistémologies qui leur sont propres et qu’elles ont leurs propres chercheurs-boursiers. Toutefois, il faut également accorder un financement et renforcer les capacités des collectivités autochtones afin qu’elles puissent faire progresser leurs propres recherches dont elles assurent la direction. Cela comprend la révision des critères d’admissibilité afin d’inclure les organismes autochtones non universitaires à titre de titulaires de subventions de même que la reconnaissance des gardiens du savoir autochtone à titre de chercheurs principaux.

L’établissement de partenariats de recherche respectueux signifie d’être à l’écoute des besoins de la collectivité. Il s’agit notamment de réorienter les objectifs de la recherche universitaire traditionnelle dans l’intérêt de la collectivité en tant que but principal. Le processus d’évaluation de la recherche doit lui aussi être réexaminé. Les définitions de recherches réussies sont trop strictes. Elles devraient englober une plus grande reconnaissance du processus, comme l’établissement de relations, la formation et le renforcement des capacités. La réalisation de recherches selon de bons principes, l’établissement de partenariats respectueux et le soutien des recherches menées par la collectivité exigent tous une plus grande souplesse au chapitre des exigences et des calendriers de financement.

Soutenir les talents, les possibilités et l’infrastructure en recherche autochtone

Les organismes communautaires autochtones devraient être directement admissibles au financement de la recherche. De nombreux organismes autochtones ont une solide capacité de recherche et devraient être admissibles au financement de la recherche des trois Conseils.

Les priorités en matière de recherche autochtone sont souvent de nature multidisciplinaire et ne cadrent pas toujours bien avec les organismes de financement propres à une discipline pour permettre des approches autochtones plus holistiques à l’égard de la recherche. Il faudra qu’un nouveau modèle de recherche autochtone en tienne compte.

Les demandes de financement doivent également être plus accessibles aux demandeurs autochtones. Les organismes de financement doivent simplifier le langage employé dans les demandes et améliorer leurs plateformes de demande en ligne. Les organisations, les étudiants diplômés et les collectivités autochtones ont également besoin d’aide pour rédiger des demandes de subvention. Les peuples autochtones souhaiteraient que les organismes de financement offrent des ateliers et des modules d’apprentissage en ligne sur la rédaction de demandes de subvention, ainsi qu’un soutien financier pour le processus de rédaction de demandes de subvention.

Les organismes de financement de la recherche doivent également reconnaître que l’établissement de relations est une étape essentielle de la recherche autochtone, une étape qui prend du temps et qui peut avoir une incidence considérable sur la réussite du projet de recherche. C’est pourquoi les peuples autochtones demandent l’affectation de fonds pour l’établissement de relations, soit dans le cadre de la subvention principale de recherche, soit dans le cadre d’une subvention distincte. Ils demandentégalement un financement pluriannuel pour la recherche communautaire qui n’est pas liée à un partenariat obligatoire avec un établissement postsecondaire. Enfin, l’établissement de relations comprend également la représentation des Autochtones dans le cadre de l’examen et de la sélection des propositions de recherche. La sélection des propositions de recherche permettrait aux collectivités autochtones d’exercer un plus grand contrôle sur la recherche.

Pour appuyer les étudiants autochtones, il faut d’abord augmenter le nombre de bourses d’études qui leur sont offertes. Il existe un besoin de financement supplémentaire pour les étudiants ayant des responsabilités familiales et les étudiants qui vivent dans des collectivités éloignées et isolées. Les peuples autochtones veulent que le financement des étudiants diplômés soit étendu aux étudiants à temps partiel, car ces derniers ne reçoivent souvent aucune autre forme de soutien financier de la part de leur conseil de bande et des autorités scolaires.

Le soutien des talents autochtones suppose également le mentorat d’étudiants autochtones afin de les aider à s’orienter dans le milieu universitaire. Il s’agit notamment de reconnaître davantage les autres formes de diffusion de la recherche au-delà de la thèse écrite standard. Il est nécessaire de décoloniser l’environnement éducationnel pour mieux l’adapter à la culture des étudiants autochtones.

La réconciliation dans la recherche suppose la réévaluation de l’infrastructure de recherche en tant qu’instituts et laboratoires affiliés à des universités. Elle doit tenir compte du fait que l’infrastructure autochtone comprend les systèmes de connaissances, les cultures, les langues et les terres. Il est également nécessaire d’investir dans le financement de base pour exploiter l’infrastructure de recherche.

Reconnaître et respecter les connaissances et traditions autochtones

Les aînés orientent et encadrent la recherche. Ils contribuent à faire en sorte que tout soit fait de façon respectueuse et adaptée aux réalités culturelles. Les aînés sont les gardiens du processus. Ils maintiennent l’intégrité des projets de recherche, au-delà de l’éthique de la recherche. Il est donc important de solliciter la participation des aînés dès le début de tout projet de recherche ou de toute initiative communautaire.

Il est important que les chercheurs fassent preuve de respect envers les aînés, conformément aux protocoles de chaque collectivité. Cela signifie que les chercheurs doivent être informés et compétents sur le plan culturel avant d’entreprendre un projet de recherche. La première tâche des chercheurs doit être celle de faire appel aux aînés de la collectivité. Les chercheurs doivent également se méfier des faux aînés. Ils doivent s’assurer que l’aîné est légitime et soutenu par la collectivité.

Les aînés doivent être rémunérés de manière adéquate pour leur savoir et leur niveau d’expertise. De même, la reconnaissance du rôle important des aînés renforce l’importance des langues autochtones en tant que véhicules du savoir autochtone. La revitalisation des langues autochtones doit bénéficier d’un soutien financier.

Les recherches auxquelles participent les aînés et d’autres membres vulnérables de la collectivité doivent également faire l’objet d’un examen minutieux de la part de la collectivité pour veiller à ce queles limites concernant le savoir sacré soient respectées et à ce que les aînés qui sont frêles ne soient pas surchargés.

La décolonisation de la recherche est une question complexe. Elle suppose une prise de conscience institutionnelle et un désir de changement, ainsi que la reconnaissance de la nécessité de l’autonomisation des autochtones. La décolonisation de la recherche comprend également la nécessité de reconnaître que les peuples autochtones ont besoin d’espaces sécuritaires pour trouver et se réapproprier leurs propres systèmes de savoir autochtone. La transmission du savoir autochtone aux jeunes générations est une question urgente qui nécessite un soutien financier et devrait être considérée comme une activité de recherche.

En outre, la décolonisation de la recherche comporte une réflexion sérieuse sur le sujet de l’identité autochtone. Les organismes de financement et les établissements d’enseignement postsecondaire se fient à la déclaration volontaire comme preuve suffisante de l’appartenance autochtone. Pourtant, de nombreux chercheurs et étudiants autochtones qui se sont volontairement déclarés comme tels n’ont aucune expérience vécue ni aucun lien avec une collectivité autochtone. Les peuples autochtones craignent que ces chercheurs n’occupent des positions d’influence au sein de leurs institutions, ce qui pourrait causer d’autres préjudices aux peuples autochtones. Cette situation souligne encore davantage la nécessité de collaborer directement avec les peuples autochtones dans le cadre de la recherche.

Discours liminaire du sénateur Murray Sinclair

Le sénateur Murray Sinclair a prononcé le discours liminaire du dialogue national, qui a également été diffusé sur le Web et y est toujours disponible.

Dans son discours, le sénateur Sinclair a souligné que la recherche est importante pour la réconciliation, car elle contribue à la création d’une mémoire nationale. Il a souligné à quel point les défis de la réconciliation sont profondément ancrés dans l’histoire du Canada, ce qui reflète les dommages causés aux relations avec les peuples autochtones. Il a parlé de la nécessité de comprendre cette histoire et de trouver des moyens d’avancer, puis a souligné les nombreux rôles de la recherche dans ce processus:

Le sénateur Sinclair a également fait remarquer que plusieurs des appels à l’action figurant dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) exigeaient une plus grande collecte de données. Ainsi, la recherche peut également permettre de réaliser le souhait du sénateur Sinclair, à savoir que la société d’aujourd’hui reprenne le travail que lui et bien d’autres ont contribué à faire avancer dans le cadre des activités de la CVR et relève le défi continu de la réconciliation. Ses remarques lui ont valu une ovation.

« La recherche est importante pour la réconciliation en vue de la création d’une mémoire nationale. »

Sénateur Murray Sinclair, dialogue national, mars 2019

Détails de la page

Date de modification :