Ce que nous avons entendu
La Commission du droit du Canada en mode écoute et découverte Janvier à mai 2024.
Contexte
En 2023, après une pause de 17 ans, la Commission du droit du Canada (« CDC ») a rejoint les organismes indépendants de réforme du droit de tout le pays et d'ailleurs pour souligner la valeur de la recherche et de la réflexion sur les rôles du droit dans le façonnement des communautés humaines et le soutien de nos identités, connexions et interactions.
Créée par le Parlement au printemps 1997 par la Loi sur la Commission du droit du Canada, la CDC a pour mandat de tenir compte de l'évolution des besoins de la société canadienne par l'étude, l'examen et le développement novateur du droit et des systèmes juridiques du Canada.
De nature non partisane et distincte des groupes de défense, la CDC offre un leadership et des conseils sur l'évolution responsable et sensible du droit dans la vie des gens partout au Canada.
Introduction
Lorsque la CDC a officiellement repris ses activités en juin 2023, elle a immédiatement entamé son engagement formel avec des personnes et des organisations qui, chacune à leur manière, incarnent des aspects de ce qui allait devenir la raison d'être de l'agence : vivre le droit, poursuivre la justice, renouveler l'espoir.
Par le biais d'une série de tables rondes, de discussions multilatérales, de réunions individuelles, de conférences et de conversations informelles, la CDC a cherché à comprendre le paysage de la réforme du droit et de la justice au Canada et au-delà. Ces engagements ont porté de nombreux fruits : ils ont permis de découvrir des questions que les interlocuteurs considéraient comme urgentes ou susceptibles de se profiler à l'horizon ; ils ont donné l'occasion de comprendre des initiatives intéressantes déjà en cours, afin d'éviter les dédoublements et d'identifier des partenariats potentiels ; et les tables rondes et les discussions multilatérales ont servi de lieu d'échange mutuellement bénéfique, permettant aux participants de découvrir le travail et les perspectives des autres, et d'établir des liens entre leurs efforts. Un premier rapport « Ce que nous avons entendu » présentant une vue d'ensemble des principaux résultats des engagements pris entre juin et décembre 2023 est disponible sur le site web de la CDC.
Ce document s'agit du deuxième rapport « Ce que nous avons entendu » de la CDC, couvrant la période de janvier à mai 2024. Il présente les préoccupations, les projets et les possibilités qui sont ressortis des divers engagements de la CDC au cours de cette période, y compris : des Dialogues d’écoute & découverte dédiés aux organismes communautaires, aux acteurs du secteur de la justice pénale, aux professeurs de droit et aux étudiants au doctorat ; des réunions avec les dirigeants des barreaux, des facultés de droit et des universités ; une conférence avec les organismes provinciaux de réforme du droit et des homologues internationaux ; un atelier avec des élèves du secondaire à Montréal ; des cercles de discussion avec des experts du secteur caritatif ; et des échanges avec des membres de la magistrature, des décideurs publics et des universitaires, des organismes à but non lucratif et des associations juridiques.
La CDC publiera des rapports « Ce que nous avons entendu » de façon régulière afin de continuer à mettre en lumière les défis, les complexités, les considérations et les possibilités créatives qui existent en ce qui concerne l'évolution continue du droit au Canada
Ce que nous avons entendu

Préoccupations
Les participants ont fait part de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes, ainsi que de leurs espoirs et de leurs aspirations :
- Il existe un sentiment général voulant que le système judiciaire est en état de crise et débordé, confronté à des défis de rapidité, de capacité et de service qui ont pour effet de miner la confiance du public.
- L'administration de la justice ne peut pas assumer la responsabilité de traiter toutes les problématiques sociales, et l’on ne peut pas s’attendre à ce qu’un petit groupe d'acteurs du système judiciaire s’attaquent aux problèmes liés à l’accès au logement, à la toxicomanie ou à la santé mentale sans agir de concert.
- Le partage des connaissances représente un défi d’envergure pour les petites organisations disposant de ressources limitées et ayant peu d'occasions de se réunir et d'échanger avec leurs homologues.
- Les forces de l'ordre sont conscientes qu'il n'est pas possible de résoudre des problèmes systémiques par des arrestations individuelles, mais les liens avec les services de soutien sont insuffisants, tant pour les agents que pour les personnes avec lesquelles ils sont en contact.
- Les questions juridiques sont souvent abordées de manière réactive et fragmentaire par la promulgation de nouvelles lois, ce qui peut faire pencher les mécanismes réglementaires et bureaucratiques du côté de la restriction plutôt que de la facilitation.
- Il y a un manque évident de temps et d'autres moyens pour se porter à une réflexion globale sur la justice, le système judiciaire et son administration, en particulier par rapport à des domaines tels que la santé ou l'éducation, ce qui pourrait en fin de compte compromettre la primauté du droit et le bienêtre démocratique.
- Les gouvernements n'ont pas la capacité pour s'adapter adéquatement à l'énorme diversité des communautés autochtones, et la communauté juridique peine à donner aux juristes les compétences nécessaires pour interagir avec les ordres juridiques autochtones.
- La mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au sein du tissu constitutionnel du Canada nécessitera une réflexion approfondie et une attention particulière.
- Le discours public a parfois tendance à privilégier l'innovation et le changement, ce qui décourage l'apprentissage et l'amélioration des systèmes déjà en place.
- Par rapport à ses pairs internationaux, le Canada manque de données empiriques sur l'impact du travail de réforme du droit.
- Dans le secteur caritatif, il y a une inquiétude par rapport au fardeau administratif et la complexité de la gestion d'un organisme de bienfaisance, ainsi que du manque de transparence et de soutien institutionnel pour se conformer aux divers régimes applicables.
- Les acteurs du secteur caritatif ont également fait part de leur inquiétude quant à l'instabilité du financement, soit en raison de la méfiance à l'égard du secteur caritatif, soit en raison de l'évolution des relations avec les organisations caritatives, soit en raison de la nature des cycles de financement du gouvernement.
- Dans un contexte où l'intelligence artificielle générative changera notre façon d'enseigner, d'apprendre et de pratiquer, il est de la responsabilité humaine de fixer des paramètres appropriés et de souligner la valeur des êtres humains.
- Les Canadiens et les citoyens d'autres pays risquent de prendre pour acquis des éléments de la démocratie au point de ne pas percevoir des piliers importants du droit et de la société.

Sarah Elgazzar, commissaire de la CDC, préside un Dialogue d’écoute & découverte avec
des organismes communautaires à l’hôtel de ville de London (Ont.)
Projets
Des partenaires ont partagé des réflexions basées sur des activités et des projets qui illustrent leurs engagements, leurs responsabilités et leurs priorités :
- Les tribunaux communautaires et les tribunaux spécialisés sont bien placés pour aider les individus à résoudre des problèmes sous-jacents qui ne sont pas strictement juridiques (par exemple, la dépendance aux opiacés).
- L'éventail des moyens utilisés par diverses organisations pour gérer la profession juridique, la culture juridique et l'éducation juridique du public, ainsi que la discipline du droit, est extrêmement large.
- Dans un contexte de ressources limitées, des partenariats efficaces et significatifs sont essentiels pour aider les initiatives à fleurir, et les projets pilotes peuvent servir de véhicule utile pour développer ces initiatives.
- Il est important et utile d'apporter une perspective internationale à des questions telles que les droits de la personne, les droits de l'enfant, la DNUDPA et le renforcement des capacités du secteur de la justice, car le Canada a beaucoup à apprendre et à enseigner à d'autres pays.
- Dans le domaine général des politiques publiques, les universitaires autochtones accomplissent un travail particulièrement important en tissant des liens entre le monde universitaire et la pratique, et entre l'international et le local.
- Le leadership sur une question peut être démontré en présentant un modèle, tel que dans le travail de réconciliation entrepris par Intercultural Grandmothers Uniting à Régina en Saskatchewan.
- Les citoyens s'impliquent de plus en plus dans des questions qui étaient traditionnellement du ressort des experts, comme la science et le droit, dans le contexte d'une adoption sociétale croissante de processus d'engagement démocratisés, tel que des comités de citoyens, comme l'ont souligné le sociologue français Jacques Commaille et le travail de l'Institut Québécois de Réforme du Droit et de la Justice.
- Les balados sont un moyen simple et direct de prendre contact avec un large public d'une manière qui peut être créative et accessible, tout en contribuant à amplifier le travail des invités ou des participants.
- Même lorsqu'il n'est pas associé à une relation particulière ou à un projet formel, le mentorat individuel et collectif entre juristes facilite la poursuite de la justice.
- Les boîtes à outils et les ateliers représentent un moyen d'engagement efficace pour les acteurs de la justice, et ils ont été utilisés avec succès pour rejoindre des groupes allant des étudiants du secondaire (par exemple, le Réseau ontarien d'éducation juridique) aux prestataires de services juridiques de première ligne (par exemple, Éducation juridique communautaire Ontario) et aux groupes de la société civile à l'étranger (par exemple, Justice Education Society).

Dialogue d’écoute & découverte avec doctorants à la 17e Conférence
annuelle des étudiant.e.s des cycles supérieurs en droit à Montréal (Qc.)
Possibilités
Des intersections et des implications potentielles pertinentes pour le travail de la CDC, sous forme de rappels, de conseils et de directions à explorer, se sont dégagés :
- La question « qu'est-ce que le public attend de la justice au Canada ? » pourrait servir de point de départ utile et de principe directeur pour toutes les initiatives de recherche et d'engagement de la CDC.
- La CDC pourrait jouer un rôle important en mettant en lumière des questions, des domaines et des angles qui, autrement, seraient inaperçus, négligés, cachés ou invisibles, comme la jeunesse ou les organismes de bienfaisance.
- Bien que les questions de procédure ne soient pas nécessairement les plus passionnantes ou les plus avant-gardistes, elles peuvent faire une grande différence dans la vie des gens et ne doivent pas être négligées.
- Il est important de veiller à ce que le contenu soit local et contextualisé de façon approprié afin qu'il puisse être correctement ancré pour les participants ou les consommateurs.
- La CDC doit être consciente de son approche alors qu'une grande partie de la justice est du ressort des provinces, mais en tant qu'agence fédérale, elle peut être bien placée pour pousser les réflexions et les examens du droit à travers les systèmes, comment les systèmes juridiques multiples fonctionnent ensemble, et comment faire de la place pour cette coexistence.
- La CDC a le potentiel de jouer un rôle de rassembleur, en produisant des informations et des circonstances où différents acteurs issus d'un éventail de domaines peuvent se réunir pour échanger de manière réfléchie, et en aidant à suturer l'éventail impressionnant de travaux de réforme du droit entrepris à différents niveaux par différents acteurs à travers le Canada.
- Dans un contexte de négativité et de méfiance généralisées, qui peut parfois frôler le désespoir, il est d'autant plus important d'associer la positivité aux initiatives, aux engagements et aux messages.
- Les projets de coopération transfrontalière pourraient et devraient fonctionner au-delà des lois, des cadres réglementaires et des jugements.
- La CDC peut offrir et promettre un travail régulier et crédible dans un monde polarisé et turbulent.
- La CDC est bien placée pour encourager les nouvelles voix et les jeunes chercheurs, y compris à l’étape des « idées ».
- L'éducation est un pilier de la justice, en particulier pour les nouvelles générations, car elle permet aux gens de savoir où trouver de l'aide et comment naviguer dans les systèmes.
- Une approche de proximité pourrait faire en sorte que les gens soient non seulement conscients mais attentifs au travail du LCC, et aiderait à rassembler les acteurs clés du secteur de la justice, y compris les groupes et les organisations caritatives.
- Le 16e objectif de développement durable des Nations unies pourrait servir de cadre utile pour inspirer le travail du LCC : « Promouvoir l'avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l'accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».

Aidan Johnson, commissaire de la CDC, préside un Dialogue d’écoute & découverte avec
des participants du domaine du droit criminel de la région du Niagara à la bibliothèque du
palais de justice de St. Catharines
