Discours du greffier lors de la Journée de formation du portefeuille du droit des affaires et du droit réglementaire de Justice Canada
Discours
30 novembre 2016
Le texte prononcé fait foi.
Merci. Je tiens tout d’abord à remercier Andrew et son équipe de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous, et j’aimerais aussi vous remercier de bien vouloir m’écouter. Je vais parler quelques minutes puis nous passerons à la période de questions. Je me réjouis de découvrir les questions et les enjeux que vous souhaitez aborder. Ils sont souvent assez révélateurs et utiles pour moi. Je remercie aussi Bill et Nathalie ainsi que leur équipe de direction au Ministère.
Comme vous assisterez par la suite à une séance sur la civilité, je vous épargnerai les dix minutes que je passe habituellement au début de mes allocutions à faire des blagues sur les avocats. En fait, je vais plutôt faire tout à fait le contraire : j’aimerais souligner le travail que vous accomplissez et vous en remercier. Il y a eu beaucoup de matière à réflexion cette année en ce qui concerne la direction que prennent le monde et notre pays, et cela suscite chez moi de plus en plus de réflexion. Il y a des choses que nous avons appris à tenir pour acquises, surtout si, comme moi, vous comptez trente ans de service au gouvernement du Canada, des choses que nous ne pouvons plus tenir pour acquises et pour lesquelles nous devons recommencer à nous battre, malheureusement, comme doit le faire chaque génération.
La notion d’une société qui fonctionne suivant la règle du droit, dotée d’institutions démocratiques et de mécanismes de protection pour ses minorités, doit être réaffirmée. À cette fin, étaient créés, il y a 149 ou 148 ans, la fonction de procureur général et un ministère de la Justice au sein de la fonction publique du Canada, et je crois qu’il est important que vous souligniez cet anniversaire. Vous avez apporté une contribution tant à la fonction publique qu’à votre pays.
Il n’est pas facile de fournir des services juridiques, de gérer des litiges ou d’offrir toute une gamme de services à un ensemble toujours en évolution de ministres, de sous-ministres et de chefs, mais nous sommes passés maîtres dans cet aspect de notre travail. Si l’accent est souvent mis sur ce qu’il y aurait à améliorer, je veux commencer par souligner cette énorme contribution. Et je vous en remercie encore une fois.
Je crois que des changements s’annoncent. Nous passons beaucoup de temps à en discuter sous l’angle du contexte dans lequel ces fonctions s’exerceront. Je crois qu’on s’attache beaucoup à discuter du genre de société d’avocats que nous voulons former. Comment évolue l’exercice du droit? La prestation d’avis juridiques change en raison de diverses fonctions. Nous parlions d’intelligence artificielle et de robots à la dernière réunion à laquelle j’ai assisté. Il y a certes la disponibilité omniprésente de l’information, le désir des gens de répondre à leurs propres besoins et d’obtenir leurs propres services plutôt que de recourir à quelqu’un d’autre, d’avoir accès à des services depuis leur téléphone intelligent 24 heures sur 24.
Les citoyens, les contribuables, les utilisateurs de programmes, les requérants et les organismes de réglementation s’attendent à ce que les décisions soient rendues à un certain rythme, et cela ne vaut pas simplement pour le droit criminel et les procès de meurtres. Il s’agit d’une tendance omniprésente à l’échelle du gouvernement : les attentes quant à la vitesse d’exécution – tout en étant précis et rigoureux – seront très élevées.
Nous vivons dans un monde où il n’est pas suffisant de réussir à 90 %, parce que les 10 % qui restent savent comment s’adresser aux médias sociaux, trouver un journaliste sympathique à leur cause ou afficher leur étude de cas. C’est là que le problème se pose au sous-ministre et au ministre. Les normes de service, qu’elles soient de l’externe pour les Canadiens ou entrelacées à l’interne, ne font que s’accroître – ce qui est bien en soi, et c’est un bon problème à avoir, mais il n’est pas sans défi quand il faut effectuer de telles transitions.
Un grand nombre de règlements et de politiques sont en voie de création et d’élaboration. Ils subissent aussi l’effet de ces diverses tendances. Je ne me hasarderai pas à en faire une analyse complète, mais vous êtes nombreux à travailler dans le domaine des affaires ou de la réglementation du secteur privé… Le Canada occupe une petite place au sein de l’économie mondiale, représentant 2 % du PIB mondial, et cette génération de politiciens, comme celle qui l’a précédée, tente de déterminer la source future de création de richesses, d’emplois et de revenus dans un monde dont l’évolution est rapide.
Pour beaucoup de gens, l’épreuve décisive consiste à se demander dans quel domaine ils conseilleraient à leurs adolescents d’étudier. Si vous aviez des adolescents, quel programme leur conseilleriez-vous? D’où proviendra la prospérité ou d’où proviendront les débouchés futurs?
J’ai certes une vision optimiste de la situation : nous sommes un pays petit et compact, doté d’une structure de gouvernance qui fonctionne. Nous formons une fonction publique souple et de grande qualité, qui est apte à prodiguer des conseils, à élaborer des idées et à rendre des décisions exécutables. Nous avons changé de régime et de gouvernement l’an dernier et sommes passés d’un gouvernement fonctionnel à un autre gouvernement fonctionnel en 16 jours civils. C’est incroyable si on compare notre situation à celle de Washington qui sera en transition pour les prochains mois.
Il existe une certaine continuité dans nos fonctions qui consistent à prodiguer des conseils et à fournir des services de soutien aux gens investis de ce mandat démocratique. Nous avons vraiment beaucoup de chance à cet égard.
Il est aussi bien de signaler que nous avons pu établir des liens, apprendre et nous adapter à un nouveau gouvernement de manière remarquablement rapide. De mon point de vue, depuis le coin de la salle du cabinet, alors que toutes sortes de décisions, des décisions concernant des avions à réaction et des pipelines, passent rapidement à l’arrière-plan et que de nouvelles décisions voient le jour, nous avons atteint une vitesse de croisière incroyablement rapidement au sein du nouveau gouvernement et il faut vraiment en retirer une grande satisfaction professionnelle.
Sur le plan économique, de nombreuses questions se posent. D’où proviendront les emplois? D’où proviendront les entreprises? Quelles sont les possibilités de croissance à saisir? C’est là un enjeu de taille, un enjeu qu’il faudra aborder au cours de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Il s’agit d’un exercice très important, dans le cadre duquel le gouvernement interviendra activement au cours des prochaines années. Vous en verrez la preuve la semaine prochaine lorsque les premiers ministres s’attacheront au cours de leur réunion à établir un cadre national.
Le débat a changé. On ne se demande plus s’il y a bel et bien des changements climatiques; on cherche plutôt à déterminer le rythme de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Certains diront qu’il faudrait accélérer le pas, d’autres soutiendront que le rythme est trop rapide, et le gouvernement voudra essayer de trouver l’équilibre dans ce type d’environnement.
Il a aussi de nombreux changements perturbateurs qui s’opèrent à l’échelle de divers secteurs. Je crois que vous avez déjà discuté de certains d’entre eux aujourd’hui, par exemple Uber et Airbnb. On en parle maintenant dans les journaux et il y aura d’autres dominos qui s’effondreront au cours des prochaines années, qui atteindront peut-être même le secteur des soins de santé et l’administration publique, mais c’est là un autre débat. Ce ne sont pas les seules difficultés avec lesquelles devront composer les organismes de réglementation. Comment peut-on préserver l’intérêt public, la sécurité, la santé, la cybersécurité et la vie privée, sans nuire à l’innovation, au changement qui sera nécessaire si nous ne voulons pas être laissés pour compte par nos concurrents économiques?
Ce ne sont là que quelques-uns des thèmes qui suscitent le débat. Il y a aussi la dimension que prend notre rôle en tant que fonctionnaires. Il y a moins de tolérance à l’égard des guerres de territoire, du travail en vase clos, des jeux à l’ancienne, au profit des dossiers qui sont de nature hautement horizontale. Qu’il soit question de prospérité, de changement climatique ou d’inclusion sociale ou du désir d’éviter le type de contrecoup qui a mené au vote sur le Brexit ou l’élection de Donald Trump. Ces enjeux-là touchent plusieurs ministères, plusieurs organismes, et nous devons travailler en équipe avec brio, faire preuve d’amabilité les uns envers les autres et mettre nos talents en commun. Nous nous sommes toujours battus pour cela et nous y arrivons bien, mais nous pouvons faire mieux.
Malheureusement, je ne peux vous laisser espérer que le volume de travail va diminuer; il nous faudra donc puiser dans notre résilience personnelle, trouver des processus de travail plus intelligents, adopter des manières de rester sains, individuellement et en groupe, assurer notre bien-être, faire preuve de civilité les uns envers les autres, éliminer la redondance du travail chaque fois que c’est possible et recourir encore et encore à nos processus opérationnels pour que les ressources, les talents et l’énergie soient les aspects les plus productifs et les plus utiles de votre travail. Vous devez être impitoyables et couper dans les aspects moins utiles, car il n’y aura tout simplement pas de ressources à disposition pour répondre à toutes les attentes.
Ainsi, l’environnement de travail, le bien-être au travail sont des sujets de la plus haute importance, non seulement pour des raisons de productivité, mais aussi parce qu’ils sont nécessaires. Nous sommes le plus gros employeur au pays. Nous formons une société qui traite de diversité, de santé mentale et d’inclusion, et nous devons en faire partie. Chaque fois que c’est possible, nous devons être des modèles de comportement dans nos pratiques exemplaires. Je suis donc ravi que vous en parliez également.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et commentaires.
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