Ne laissez personne de côté : le rôle du Canada dans l’avancement des enjeux liés aux communautés LGBTI à l’échelle mondiale

Discours

Allocution de Randy Boissonnault, député

Conseiller spécial auprès du premier ministre sur les enjeux liés à la communauté LGBTQ2,
Affaires mondiales Canada,

2 mai 2018

Collègues et amis,

Je souhaite débuter par une citation de la ministre Freeland, qui a dit ceci : « Les droits de la personne ne connaissent pas de frontières. Le Canada estime que les droits de la personne sont des droits universels et indivisibles, et ceux-ci comprennent les droits de la personne des membres des communautés LGBTQ2. »

Je suis ravi de m’adresser aujourd’hui à des diplomates, tant ceux qui sont venus au Canada pour faire progresser nos relations et nos intérêts communs, y compris les droits de la personne universels que je viens de mentionner, que les diplomates canadiens, ici à l’administration centrale et dans les missions aux quatre coins du monde.

Le premier ministre m’a nommé conseiller spécial sur les sur les enjeux liés à la communauté LGBTQ2 LGBTQ2 en novembre 2016 afin que je le conseille sur l’élaboration et la coordination du programme d’action du gouvernement sur les questions LGBTQ2. Je savais que ce mandat serait fortement axé sur le Canada, mais qu’il comprendrait également un rôle international consistant à contribuer à l’atteinte des objectifs internationaux du premier ministre. Pour m’appuyer dans mon travail, le Secrétariat LGBTQ2 a été créé au Bureau du Conseil privé, ayant le mandat de me donner des conseils et de travailler dans l’ensemble du gouvernement pour favoriser l’inclusion des communautés LGBTQ2 dans l’élaboration des politiques publiques.

Le gouvernement, et le Secrétariat en particulier, a pris un engagement important et investit beaucoup d’énergie pour favoriser les droits de la personne et le bien‑être des communautés LGBTQ2 au Canada.

L’un des premiers jalons que le gouvernement a atteint est l’adoption du projet de loi C‑16 en juin 2017. Le projet de loi vise à protéger les Canadiens transgenres, de genre non binaire et bispirituels contre la discrimination et les crimes haineux en ajoutant l’identité de genre et l’expression de genre aux motifs de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code criminel.

En novembre 2017, le premier ministre a présenté des excuses officielles à la Chambre des communes pour le rôle que le Canada a joué dans l’oppression, la criminalisation et la violence systémiques contre les communautés LGBTQ2. À cause de la criminalisation, de la surveillance, des menaces et des congédiements qui ont sévi des années 1960 au début des années 1990, le gouvernement du Canada a clairement fait savoir à des milliers de Canadiens LGBTQ2 que l’État les voyait comme « inférieurs » et même comme une menace à la sécurité nationale.

De nombreux Canadiens dont la vie a été détruite se trouvaient à la Chambre ce jour‑là. Le premier ministre les a regardés droit dans les yeux et leur a dit : « Nous sommes désolés. Et plus jamais nous ne permettrons que ces gestes se produisent. »

Nous ne savions pas à ce moment-là que les excuses feraient la une des nouvelles aux quatre coins du monde. En arabe, en chinois, en français en russe, en espagnol, le monde a entendu nos excuses claires et sans équivoque, notre détermination à rétablir la confiance et à bâtir des relations avec les Canadiens LGBTQ2 pour faire en sorte que ces injustices ne se produisent plus jamais.

Nous savons que les excuses ne mettent pas fin aux efforts que nous déployons pour favoriser l’inclusion des personnes LGBTQ2. Il s’agit plutôt du début d’un processus continu visant à ouvrir des portes jadis fermées aux communautés LGBTQ2, à renforcer les droits de la personne au sein du pays et à garantir un accès égal aux programmes fédéraux pour toutes les personnes LGBTQ2.

Notre travail pour les communautés LGBTQ2 et en collaboration avec elles s’inscrit dans le vaste engagement du gouvernement à élaborer des politiques publiques qui s’appliquent à tout le monde. Comme le gouvernement du Canada s’efforce de promouvoir les valeurs que sont la diversité et l’inclusion ici, au pays, la logique impose que nous défendions les mêmes valeurs à l’échelle mondiale. Comme nous savons que renforcer la société canadienne et la rendre plus inclusive nous aidera à atteindre notre objectif de renforcer la classe moyenne, nous voyons également les questions touchant les personnes LGBTQ2 comme une partie intégrante de la diplomatie en matière de droits de la personne et de la politique d’aide internationale féministe du Canada.

Vous incarnez ces valeurs que sont la diversité et l’inclusion à l’étranger. Vous travaillez fort avec des partenaires du monde entier pour traduire ces valeurs dans des contextes locaux. C’est pourquoi je suis reconnaissant de cette occasion de m’adresser à vous aujourd’hui et d’énoncer la vision du gouvernement pour l’égalité sur la scène internationale. Premièrement, nous souhaitons reconnaître votre contribution à un monde plus juste pour les personnes LGBTI. Deuxièmement, nous souhaitons parler de ce que nous avons appris et de ce qu’il nous reste à accomplir pour faire progresser les droits des personnes LGBTI à l’échelle mondiale.

Au moment où j’ai commencé à m’attaquer aux aspects internationaux de mon mandat, deux choses me sont apparues avec clarté très rapidement.

La première est que les personnes des quatre coins du monde ne sont pas aussi différentes que certains peuvent le croire. D’un pays à l’autre ou d’un continent à l’autre, les droits de la personne universels et les libertés de base qui nous unissent sont bien plus importants que les préjudices et la méfiance qui peut parfois s’insinuer entre les gouvernements, les voisins et mêmes les membres d’une famille.

La deuxième est que la diplomatie, soit la gestion des relations de toutes sortes de façon sensible et efficace, est un outil particulièrement puissant.

Il m’est également apparu clairement que, compte tenu de toutes ces considérations, notamment de mes responsabilités à l’égard des communautés LGBTQ2 ici, au Canada, que la participation au contexte des forums multilatéraux, où la plus grande diversité des opinions mondiales réside et où la résolution commune est de combler ces lacunes, aurait des répercussions positives d’une grande portée. Après une visite internationale inaugurale à l’Organisation des États américains, je me suis rendu aux Nations Unies à plusieurs reprises et j’ai rencontré des représentants de l’OCDE et de l’UNESCO ainsi que du Commonwealth et de la Francophonie.

La Coalition pour les droits égaux est un important secteur d’intérêt à mes yeux. Fondé par les Pays‑Bas et l’Uruguay en 2016 et actuellement coprésidée par le Canada et le Chili, la Coalition est le premier organisme intergouvernemental à avoir comme principal objectif explicite de faire avancer les droits des personnes LGBTI et de favoriser le développement inclusif. Elle réunit 39 États membres et met l’accent sur la collaboration avec la société civile, les organisations multilatérales et d’autres intervenants compétents et vise à mieux coordonner nos interventions diplomatiques ainsi que nos politiques et nos programmes de développement.

Lors de toutes ces rencontres et de toutes ces visites, j’ai acquis un profond respect pour l’important travail qu’accomplissent les diplomates du Canada et leurs partenaires internationaux, et je veux aujourd’hui vous remercier de ce travail. Bon nombre d’entre vous font preuve d’un engagement, d’une énergie et d’un esprit stratégique exemplaires pour faire avancer les droits des personnes LGBTI, et j’ai entendu l’éloge de ce travail dans plusieurs pays.

Ce soutien concerté envers les personnes LGBTI, qui permet d’établir des relations et de conclure des alliances, a une importance capitale. Ce travail n’est pas sans risque, et je remercie les innombrables diplomates qui font un effort supplémentaire pour veiller à ce qu’aucune de ces communautés vulnérables et marginalisées ne soit abandonnée à son sort.

Mais j’ai aussi un autre but aujourd’hui : j’aimerais également souligner ce que nous pourrions faire de plus pour promouvoir les droits de la personne et le développement inclusif pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et intersexuées partout dans le monde.

Laissez-moi commencer en parlant des besoins. Actuellement, plus de soixante-dix pays continuent de criminaliser les relations entre partenaires de même sexe ou l’identité transgenre. Certains imposent même la peine de mort. Dans bien d’autres pays où il n’existe aucune loi officielle de ce type, on se sert des lois contre la pornographie ou la « débauche » pour réprimer les personnes LGBTI. À certains endroits, ces mesures répressives sont bien organisées, et font appel à la surveillance électronique – par exemple, par l’intermédiaire d’applications de rencontres amoureuses ou d’autres outils de géolocalisation – dans le but de trouver, d’interroger, de torturer ou même de tuer des gens, en raison de perceptions à l’égard de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Imaginez ce que subit un jeune qui utilise la seule plateforme en ligne lui permettant de joindre les quelques autres personnes qui l’acceptent tel qu’il est vraiment, et qui découvre que cette plateforme est en fait une voie menant directement à une arrestation, à de la torture, ou à pire encore. Parfois, cette torture prend la forme d’une procédure forcée, agressive et non nécessaire sur le plan médical, qui est censée déterminer si le « patient » est également LGBTI, et donc un criminel. La victime est alors traumatisée uniquement sur la base des perceptions d’autres membres de sa communauté.

C’est seulement au cours des deux dernières décennies que les droits des personnes LGBTI dans les autres pays du monde sont devenus un enjeu important de la politique étrangère. Les Canadiens de la génération précédente qui s’intéressaient à cette question étaient plutôt concentrés sur la situation ici au pays, où nous subissions les ravages du SIDA et menions des batailles devant les tribunaux pour faire reconnaître les unions de même sexe. À l’époque, les personnes LGBTI au Canada faisaient l’objet d’une attention médicale et juridique. Sur certains points, cette attention existe encore aujourd’hui, comme dans plus de soixante-dix pays dans le monde.

C’est pourquoi il est important, lorsque nous avons ces discussions à l’échelle internationale, de le faire avec humilité. Les Canadiens LGBTQ2 revendiquent de plus en plus leur place au sein de la société, mais bien des obstacles perdurent. En effet, trente pour cent des jeunes sans-abris au Canada sont LGBTQ2 : expulsés de leur foyer, ils se sentent souvent plus en sécurité dans la rue que dans les refuges, en raison de la discrimination qu’ils subissent. Quant aux aînés LGBTQ2, ils ont mené de dures batailles pour pouvoir vivre leur vie tels qu’ils sont vraiment, et se retrouvent dans des résidences où ils doivent à nouveau cacher leur identité sexuelle aux préposés et aux autres résidents pour éviter les réactions hostiles. Les groupes communautaires LGBTQ2 travaillent année après année à stabiliser et à augmenter leurs ressources. Et ces difficultés sont exacerbées par la discrimination intersectionnelle chez les personnes racialisées, autochtones et intersexuées, entre autres.

Tandis que nous tendons la main à d’autres pays pour favoriser l’égalité, souvenons-nous de notre passé récent, regardons le chemin qu’il reste à parcourir, et inspirons-nous des autres. Il ne faut pas tenter de harceler ou d’intimider les autres pays pour qu’ils changent leurs lois. C’est tout simple : les sermons qui ne sont pas accompagnés d’un examen de conscience fonctionnent rarement. Les pressions externes peuvent être facilement rejetées, et elles peuvent même accentuer la croyance selon laquelle les personnes LGBTI sont une invention de la culture occidentale qu’il faut contester au même titre que le colonialisme.

Les véritables changements ne peuvent venir que de l’intérieur – et partout dans le monde, même dans les contextes les plus hostiles, nous observons des efforts concertés, courageux et menés localement pour promouvoir la pleine égalité. Des citoyens militants dévoués, soutenus par la société civile et d’autres alliés, travaillent sans relâche et s’exposent souvent à des risques considérables, pour créer les conditions nécessaires à ces changements. Nous avons vu les résultats de ces efforts dans des décisions progressistes des tribunaux dans quelques pays. À chacun de ces pays, les militants ont amélioré la vie des gens.

Nous suivons tous le même chemin. Nous avançons ensemble pas à pas dans la même direction, vers l’égalité.

Et, comme ce cheminement nous l’a douloureusement enseigné, la décriminalisation seule ne suffit pas. En effet, certains des pays ayant adopté des lois progressistes et avant-gardistes sur les droits des personnes LGBTI – soit en Amérique du Sud, soit en Afrique australe – ont encore des taux de meurtre et de violence extrajudiciaire contre les personnes LGBTI parmi les plus élevés au monde. Les personnes transgenres et de genre non binaire, en particulier, subissent des niveaux de violence désespérants, en plus des obstacles qu’ils doivent surmonter pour avoir accès à des soins de santé de base, à des procédures d’affirmation sexuelle, ou simplement à des toilettes. Dans l’ensemble, les écarts observés dans des domaines comme l’éducation, l’emploi, les soins de santé, le logement et la sécurité de base, continuent de miner la capacité des personnes LGBTI à vivre leur vie sans discrimination.

Quel peut donc être le rôle du diplomate, de l’agent de développement ou du délégué commercial dans la promotion des droits des personnes LGBTI à l’échelle internationale? Si ces batailles sont gagnées ou perdues au sein du système juridique interne des pays, et que le soutien provenant de l’étranger est soit rejeté, soit utilisé pour nuire aux bénéficiaires visés, comment faut-il agir pour faire avancer ce travail crucial qui est accompli pour promouvoir une véritable inclusion et les pleins droits des personnes LGBTI, un travail dans lequel nous nous investissons aujourd’hui plus que jamais auparavant?

Il n’y a pas de réponses simples à ces questions, tout comme il n’y a pas de tâches faciles ou routinières dans le cadre de ce travail. Comme je l’ai mentionné, les enjeux des communautés LGBTI ne sont apparus que récemment dans la sphère de la diplomatie et du développement. C’est un travail difficile et exigent, surtout dans les pays où les besoins à cet égard sont les plus criants. Cela dit, selon moi, c’est un domaine où la position unique du Canada peut lui permettre d’améliorer la situation.

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