Enjeu 2 - Perspectives autochtones : Histoires de fonctionnaires autochtones

La baladodiffusion Perspectives autochtones d’EDSC traite des réalités des employés autochtones dans la fonction publique ainsi que de la signification de la réconciliation pour eux et de ce qu’elle pourrait représenter pour le Canada. Des fonctionnaires y témoignent de leurs expériences en tant qu’Autochtones et des difficultés qu’ils doivent surmonter à cet égard.

la durée : 37:39 minut

Transcription

(Extrait sonore : Don Bilodeau)
« Les fonctionnaires ont la possibilité de reconnaître l’histoire des Autochtones au Canada, ainsi que d’intégrer ces connaissances et ce respect dans leur travail. »

(Musique : « Hoka » de Boogey The Beat)
Perspectives Autochtones. Récits des employé(e)s Autochtones.

« Tansi. »

Ceci est Perspectives Autochtones, un programme dans le cadre duquel nous comptons explorer les expériences et les points de vue de fonctionnaires autochtones, en plus de découvrir ce que la réconciliation signifie pour eux et ce qu’elle peut représenter pour le Canada.

(Musique: « Sprit of Indians » de Andrea Barone)

Dans tout rapport, étude ou liste classant les pays et leur attrait respectif, le Canada fait bonne figure.

Selon l’International Civil Service Effectiveness index (indice international d’efficacité de la fonction publique); le Global Peace Index (indice mondial de la paix); l’Indice du progrès social; les classements de l’Organisation de coopération et de développement économiques en ce qui concerne la santé, l’inégalité entre les sexes et les inégalités sociales; le rapport sur la qualité de vie dans différents pays publié par l’Economist Intelligence Unit; l’Indice de perceptions de la corruption de Transparency International; et même le classement général des pays où il fait le mieux vivre publié par l’US News and World Report, le Canada fait partie des pays où la qualité de vie est la meilleure.

Et pourquoi pas? Notre pays est très vaste, riche en ressources, et stable sur les plans économique et politique. Nous avons un système universel de soins de santé, des mesures de contrôle des armes à feu et un faible taux de criminalité. Le Canada est fier de ce qu’il est.
Et pourtant, malgré tout cela, ou peut-être en raison de tout cela, le Canada est un endroit dangereux. Le danger ne guette pas la majorité d’entre nous dans notre vie quotidienne, il se trouve plutôt dans notre façon de penser.

Lorsque nous entendons constamment à quel point notre pays est merveilleux et prospère, et que nous ne sommes jamais confrontés à des preuves du contraire, nous pouvons facilement devenir complaisants et ne même pas envisager la possibilité que le portrait que l’on nous présente soit biaisé, ou à tout le moins incomplet.

Le journaliste canadien Terry Glavin nous demande de concevoir la prospérité différemment, c’est-à-dire en jugeant toujours une société selon les conditions de vie de ses citoyens les plus démunis. Pour ces citoyens, le Canada est un endroit très dangereux.
Il écrit : « environ un tiers [des Autochtones] ont recours à l’aide sociale ou à une autre forme d’aide au revenu ».

« Les Autochtones représentent à peine 4 p. 100 de la population canadienne, mais ils comptent pour plus de 23 p. 100 de la population carcérale dans les établissements fédéraux; leur taux d’incarcération est 10 fois supérieur à celui des non Autochtones. »

« Dans les réserves, 74 p. 100 des écoles sont si délabrées qu’elles n’ont même pas de commodités de base comme l’eau potable. Plus de la moitié des écoles n’ont ni bibliothèque, ni gymnase, ni laboratoire de science, ni cuisine. »

« Environ la moitié des Autochtones du Canada, c’est à dire près de 1,5 million de personnes, sont âgés de moins de 15 ans. »

Le journaliste canadien Scott Gilmore abonde dans le même sens.
Il écrit : « Selon pratiquement n’importe quel indicateur mesurable, la population autochtone du Canada est moins bien traitée et est confrontée à plus de difficultés que la population afro-américaine [aux États-Unis]. »

«49 p. 100des membres des Premières Nations vivent dans des réserves éloignées. Ceux qui vivent en milieu urbain sont surtout concentrés dans quelques villes des Prairies. »
« Nos problèmes raciaux sont bien réels, mais ils existent en grande partie à l’abri des regards. »

Et maintenant, des fonctionnaires canadiens nous font part de leurs réflexions et de leurs sentiments, dans leurs propres mots, sur une question complètement ouverte. Qu’aimeriez-vous que les autres sachent à votre sujet, ou au sujet de votre communauté ou de votre culture?

(musique: Greg Reiter)

TODD:
Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez que vos collègues connaissent ou comprennent mieux à votre sujet ou à propos de votre culture?

DON :
Eh bien, je pense que c’est ce qui est en train de se passer. Si vous m’aviez posé cette question il y a trois ans, je vous aurais peut-être répondu souhaiter que certains des mythes soient brisés. Je souhaiterais que le gens en sachent davantage sur les effets cumulatifs sur les nations autochtones partout au pays, qu’il s’agisse de la présence d’une entreprise commerciale privée ou d’une société minière ou des répercussions découlant des effets cumulatifs des sables bitumineux en Alberta. Je pense qu’on a reconnu les effets du déplacement des gens dans le système de réserves et de pensionnats indiens durant la Rafle des années soixante, des problèmes liés à l’eau et à l’éducation, du taux de suicide et, vous le savez, la liste est longue. Ce ne sont pas de nouveaux problèmes, pas nouveaux du tout même. Et pourtant, bon nombre de Canadiens n’en croient pas leurs yeux lorsqu’ils entendent ces histoires. L’été dernier, j’ai fait partie d’un groupe qui a été consulté pour le développement de la nouvelle Illumination des chutes de la Chaudière – Mìwàte. Certains de nos chanteurs ont participé aux enregistrements qui étaient présentés là-bas. Nous avons aussi eu la chance de rédiger ce qui était présenté sur les affiches du site qui racontaient notre histoire à travers notre langue. Nous avons pu présenter notre tradition orale, plutôt que ce soit des non‑Autochtones qui racontent notre histoire ou nous décrivent. Donc, les choses changent, et c’est pour ça que je dis qu’il y a quelques années, ma réponse aurait été différente de celle d’aujourd’hui.

DANIEL :
Nous avons survécu à plus de 150 ans dans la Confédération et, dans de nombreux cas, nous avons prospéré : nous avons contribué au pays, à la culture et à l’économie. Donc, beaucoup de gens diraient simplement : « Ok. Réconciliation. D’accord, à vous de jouer ». Les gens ont travaillé sans le soutien officiel du gouvernement sur la réconciliation, l’amélioration du bien-être et le renforcement des communautés. Ils le font depuis des années. Nous le faisons depuis des années. En fin de compte, la réconciliation se résume à savoir si les Autochtones du Canada peuvent se sentir en sécurité d’être eux-mêmes, où qu’ils soient. Cette constatation peut sembler très simpliste, mais elle englobe bien des choses. Évidemment, elle comprend les conditions sociales et la qualité des programmes et des services dans les collectivités, la reconnaissance des droits, la reconnaissance de l’autonomie gouvernementale, la reconnaissance des droits fonciers des différentes communautés et la reconnaissance des droits issus des traités. Mais les nombreux Autochtones qui vivent en grande partie, en partie ou parfois en milieu urbain, ou qui ont une vie mixte comme la mienne, ont des liens avec une communauté, mais vivent principalement dans une ville ou se déplacent d’une partie du pays à une autre, que ce soit pour le travail, la famille ou autre chose. Par exemple, pour avoir accès à des services, avoir un emploi, vivre dans différentes parties du pays… Peuvent-ils se sentir en sécurité? Un rapport vraiment dévastateur, produit à Toronto je crois, appelé « First Peoples, Second Class Care » (Premières Nations, soins de seconde classe), raconte des cas où des Autochtones ont été victimes de racisme au moment de recevoir des soins de santé. Le rapport raconte aussi l’histoire horrible d’un homme autochtone de Winnipeg qui s’est rendu à l’urgence. Les employés du triage ont cru qu’il s’agissait d’un sans-abri saoul et l’ont laissé là. Mais il était amputé, avait un cathéter et avait une infection, donc il avait besoin de soins urgents. Ils sont partis et il est mort aux urgences. Cette histoire s’est produite il y a longtemps. Il y a eu une série d’enquêtes concernant cet incident.

TOONEEJOULEE :
Une chose que je dis continuellement, c’est que nous devons constamment définir les Autochtones dans l’élaboration des politiques et des programmes, afin que ces définitions reflètent les réalités des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de sorte que les Inuits ne soient pas toujours regroupés sous le terme générique « Autochtones ». Pour ce qui est des accords politiques, oui, il y a une relation entre les Inuits et la Couronne, des relations de gouvernement à gouvernement avec les Métis qui se développent, ainsi qu’une relation de nation à nation avec les Premières Nations. Donc, il existe une reconnaissance politique des trois groupes, mais je crois que nous pourrions améliorer la façon dont nous définissons et suivons l’utilisation du terme « Autochtone ». Ce terme devrait toujours être défini parce que je sais que je fournis continuellement des définitions quant à qui ils sont et où ils résident. Selon moi, il semble presque plus facile pour des collègues de travail externes de simplement parler d’Autochtones. Ils sont tous pareils. Mais, en fait, ils ont des cultures différentes, des langues différentes, des priorités différentes, des solutions différentes pour répondre à leurs priorités, des enjeux différents, des régions géographiques différentes. Le Nunavut n’est accessible que par avion, par exemple. Il y a 53 collectivités inuites dans le pays qui couvrent 40 % de la masse continentale du Canada. Ils sont donc très différents en ce qui concerne leurs groupes autochtones. Donc, c’est une amélioration que j’aimerais vraiment voir en ce qui concerne les définitions. Même au ministère, lorsque nous suivons les statistiques sur l’emploi des Autochtones, nous utilisons la catégorie « Autochtones ». Ce n’est pas défini dans les lignes directrices ou les politiques du Conseil du Trésor. Par conséquent, même à des fins de suivi, nous ne sommes pas encore capables de déterminer combien d’Autochtones sont des Inuits, des Premières Nations ou des Métis. Ils sont tous regroupés et je crois que c’est tout un défi quand on a toujours utilisé le terme, un seul terme, pour définir tous les peuples. Donc, je passe mon temps à expliquer. Et même à court terme, un EX-3 de niveau DG, je crois, avait l’habitude d’utiliser le terme « Autochtone », mais depuis que nous travaillons ensemble, depuis quelques mois, il définit les Autochtones sans arrêt. Ça commence à ce niveau et ça finit par se répercuter sur tous les employés. Donc, c’est une réponse compliquée parce qu’il y a deux côtés à la médaille, non? Il existe cette perception que tous les Autochtones sont pareils et parfois cette perception n’est pas clairement définie dans l’orientation des politiques ou des programmes. Donc, je pense que nous devons simplement travailler plus fort pour définir qui sont ces peuples autochtones.

DON :
Actuellement, mon souhait est que les gens accueillent positivement la possibilité de dialoguer et agissent. La Commission de réconciliation a demandé aux Canadiens de prendre des mesures et d’en apprendre davantage pour établir des liens. Et je l’ai vu personnellement. J’ai voyagé avec un groupe de pagayeurs de Kingston à Ottawa sur l’eau - et je leur ai parlé tout au long du voyage - et nous sommes arrivés à Ottawa le 1er juillet avec l’idée que nous ne célébrions pas les 150 ans de quoi que ce soit pour nous. Nous sommes ici depuis beaucoup plus longtemps, mais nous reconnaissons certainement la célébration du Canada. Cette idée a donné lieu à une grande conversation où beaucoup de personnes ont exprimé de profondes... Certains d’entre eux ont été profondément touchés et troublés lorsqu’ils ont entendu ou appris la vérité. Donc, quand vous découvrez la vérité et la réconciliation, c’est dans les deux sens. Et je pense que maintenant l’information est disponible et c’est possible. Je pense que la possibilité... mon souhait est que les gens commencent à en parler davantage. Non pas parce qu’ils se sentent obligés de le faire, mais plutôt pour reconnaître les répercussions et parce que c’est le temps et que c’est dans notre culture d’accepter ce qui s’est passé et de prendre les mesures nécessaires pour guérir et aller de l’avant. Mais, il y a tout de même quelques obstacles. La Commission sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, c’est un pas dans la bonne direction, mais il y aura encore beaucoup de travail. Il y a encore beaucoup plus de paroles que d’actions. J’espère, et je suis confiant, que nous ne perdrons pas notre élan dans ce dossier.

LEESIE :
Dans mon ministère, je me débrouille bien parce que je prends le temps d’assister à des séances informelles quand j’en ai besoin. Je sais déjà que lorsque de nouveaux employés vont être embauchés, je vais passer quelques minutes avec eux pour les orienter davantage. Je suis à l’aise avec ça. J’ai aussi examiné les documents relatifs aux dossiers inuits, et j’ai donc une bonne idée du sujet.

PAMELA:
Eh bien, vous savez quoi, je vais vous dire quelque chose. Les Autochtones sont une très petite communauté au Canada. Tout le monde connaît tout le monde. Donc, vous savez, quand on regarde notre ministère, c’est l’un des plus grands ministères, mais tous les Autochtones se connaissent entre eux. Nous savons lorsqu’il y a des nouveaux et nous les accueillons et les encourageons à se joindre aux différents comités. Nous les amenons au salon Kumik pour nous assurer qu’ils rencontrent les aînés. Vous savez, ils peuvent avoir des rencontre un à un avec les aînés s’ils éprouvent de la frustration. Et, vous savez, étant donné que je travaille pour le ministère depuis longtemps, je connais un grand nombre d’aînés venant d’un bout à l’autre du Canada et un ou deux autres des États-Unis. Je parle à ces aînés et je leur demande quel est le plus gros problème que mentionne constamment le personnel qui vient les voir. Ils m’ont répondu que les employés se plaignent de leurs gestionnaires. Ils se plaignent toujours des décisions qui ont répercussions négatives pour eux au sein du ministère, vous savez, pour diverses raisons. Mais je suis vraiment triste d’apprendre que nous avons encore beaucoup de travail à faire relativement à la sensibilisation aux Autochtones et à leur histoire, et aux raisons qui expliquent pourquoi ils sont tels qu’ils sont? C’est le résultat des pensionnats indiens. C’est un syndrome intergénérationnel, je suppose qu’on peut l’appeler ainsi. Donc, nous nous connaissons tous très bien. Nous savons tous d’où nous venons. Nous connaissons tous nos différences et nous nous respectons tous les uns les autres. Nous avons tous de très bons débats. Je me rappelle que nous hurlions, mais cela ne veut pas dire que nous ne nous respectons pas les uns les autres, seulement que nous voulons que notre point soit entendu et nous devons être ferme parfois. Mais vous savez à la fin, parce que nous nous respectons les uns les autres, nous nous rapprochons encore plus, car nous nous connaissons encore mieux et nous nous sentons en sécurité. Nous avons des débats ouverts pendant lesquels nous disons ce que nous voulons dire, mais d’une manière respectueuse, et dans le respect de nos sept lois traditionnelles qui varient d’une nation à l’autre tout en étant fondamentalement les mêmes.

DON :
J’ai mentionné avoir fait une expédition sur l’eau avec 130 personnes. J’étais le seul Autochtone et je représentais mon chef de conseil pour répondre à une demande. Nous avons quitté Kingston, qui n’est pas un territoire traditionnel algonquin, et lorsque nous avons atteint Merrickville, j’ai parlé à 200 personnes qui m’ont accordé une ovation debout. J’ai parlé du fait qu’il y a encore les 150 prochaines années. Je veux dire, oui, il est important de reconnaître d’où nous venons et la douleur, les blessures qui doivent être refermées et les cicatrices. Mais c’est correct. Préparons maintenant les 150 prochaines années. Pendant la semaine de pagayage, beaucoup de personnes sont venus me voir, certaines d’entre elles en larmes, d’autres voulaient simplement dire « je suis désolé » à un Autochtone. Je veux dire, je n’ai ressenti aucune douleur, mais mes ancêtres oui, mes grands-parents par exemple. Mais je pense qu’il est bien de donner aux gens l’occasion de faire ce que cette personne a fait. Il est également bien de donner à vos employés dans l’organisation la même occasion de dire ou de déclarer qu’ils ne savaient pas, qu’ils aimeraient en savoir plus ou qu’ils aimeraient pouvoir faire quelque chose de positif comme mieux comprendre grâce à des cérémonies de couverture, des leçons d’histoire, ou juste avoir des réunions, des discussions ouvertes, des séances de démythification ou autre chose. Vous savez, je reçois la question sur les « taxes » tout le temps. Et oui, je pense que c’est génial de faire ce genre d’activités. Elles sont utiles et nous ne voulons pas les rendre trop... gardez ça naturel.

DANIEL:
Ce sont dans des circonstances particulières que je me suis retrouvée là avec ces chercheurs autochtones qui travaillaient dans plusieurs milieux universitaires ou communautaires, critiquant quelques jeunes bureaucrates parce qu’ils avaient affiché sur Twitter une photo d’une de leurs séances de remue-méninges avec l’un des groupes du programme Canada au-delà de 150, qui travaillaient sur la réconciliation. Ces gars-là, ils ne faisaient que se réunir et réfléchir à ce qu’ils devaient faire pour se renseigner sur les questions autochtones afin qu’ils puissent travailler sur leur projet. Alors, ils ont fait une séance de remue-méninges avec des Post-It et ont mis des Post-It sur le mur. Ils ont pris une photo des Post-It et l’ont affichée sur Twitter. Il s’agissait de questions fondamentales : pouvons-nous visiter une communauté? Quelqu’un a écrit le mot « réserve » au lieu de Première Nation ou de communauté. J’imagine qu’ils étaient peut-être Américains ou qu’ils venaient d’un milieu où leur exposition aux questions autochtones avait davantage une vision américaine. Pour ceux qui ne le savent pas, aux États-Unis, on parle beaucoup plus de réserves qu’ici au Canada, où l’on parle davantage de communautés ou de terres traditionnelles des Premières nations ou des Inuits ou autre. La nomenclature est un peu différente de celle des États-Unis, donc quelqu’un a utilisé cette terminologie sur l’un des Post-It, ce qui a... Je ne sais pas comment ça s’est terminé dans le fil des conversations, mais ils l’ont vu. « Oh mon Dieu. Écoutez, voici la fonction publique fédérale qui travaille sur la réconciliation en 2017. C’est embarrassant », et ils ont continué à envoyer des messages de la sorte. Alors, j’ai dit : « Les gars... » J’ai essentiellement dit que ce sont des enfants dans un programme de formation qui parlent de ce qu’ils doivent faire pour apprendre. Ne faites pas d’eux un exemple de tout ce qui ne va pas avec le gouvernement du Canada. Ce n’est pas vraiment ça, vous savez, ce sont des enfants dans une séance de formation qui posent des questions. Et puis ils se sont fâchés après moi parce que j’étais trop indulgent et patient pour eux, en laissant leur ignorance ou leur manque de connaissances sur le sujet passer inaperçu. Et ce genre de situation arrive parfois. En fait, cela peut devenir un point de friction entre les cercles lorsque les gens qui travaillent au sein du gouvernement et les gens qui travaillent à l’extérieur assument plus qu’un rôle de représentation ou un rôle de critique du gouvernement. Et c’est tout à fait compréhensible. J’ai vu ça moi-même avec le travail de ma mère. Après avoir travaillée à la Commission royale, elle a travaillé sur un certain nombre de projets dans le domaine de l’éducation et du développement économique avec différentes communautés. Elle a donc établi des relations de cette façon avec les communautés et le gouvernement dans un rôle de défenseur des droits. Et, elle s’est trouvée des deux côtés de l’équation à différents moments de sa vie et de sa carrière. Donc, ce n’est pas surprenant pour moi. Je souhaite vraiment qu’il y ait un moyen d’avoir ces conversations d’une manière plus saine. J’ai terminé la conversation avec eux en disant : « Regardez, si vous avez des problèmes, adressez-vous à eux directement, ne réaffichez pas leurs messages sur Twitter » et un gars m’a répondu : « Oh, tu as raison. Je ne vais pas les réafficher. Je vais les confronter ». Je ne sais pas ce qui est arrivé par la suite. J’espère… j’imagine que le gars les a contactés par courriel ou dans un message sur twitter, ou quelque chose du genre. J’espère que ça donnera quelque chose de bon.

DON :
Je pense que donner aux gens le droit de... Je pense que les gens devraient avoir le droit de déclarer leur ignorance. Ma femme en est un bon exemple, et elle en est maintenant la promotrice. Elle répond maintenant aux commentaires des gens. Elle ne savait pas tout ce qu’elle sait maintenant et a appris. Les gens deviennent de plus en plus conscients. Quand notre chef - je ne sais pas si vous avez regardé le match de la Coupe Grey - a accueilli des gens sur notre territoire et a ensuite fait le lien entre les Argonauts et les Mississaugas et Calgary et les Pieds-Noirs. Mais j’ai écouté la réaction de la foule à ce commentaire et on pouvait sentir que les gens - et il annonçait qui ils étaient et d’où ils venaient - et il a annoncé le territoire. Il a eu une acclamation positive. Il y a cinq ans, il n’aurait probablement pas été sur le terrain, mais ça n’aurait fait aucune différence, et il aurait même pu se faire huer. Donc, je pense que les choses changent et qu’il est temps pour tout le monde de dire « OK, il y a une raison à cela ».

TOONEEJOULEE:
J’ai deux enfants, 24 et 18 ans, alors j’étais la jeune mère inuk typique, mais j’en suis très fière. Et une chose que ma fille entend parce qu’elle est aussi une fonctionnaire fédérale, donc elle entend beaucoup de choses de ses collègues et même quand elle étudiait à Carleton ici, et pas il y a longtemps, les gens avaient entre-guillemets peur de déclarer ou d’admettre qu’ils étaient Autochtones, Premières Nations, Inuits dans certaines régions ou même Métis. Il semble donc que cette perception continue d’exister chez certaines personnes faisant partie des Premières Nations, des Inuits et des Métis, qui craignent de déclarer leurs origines. Mais pour moi, je l’ai toujours inculqué avec mes enfants, même s’ils ont un père italien blanc qallunnaq, les Inuits sont des Canadiens très fiers et nous n’avons jamais caché le fait que nous sommes Inuits. Donc, mon père est aussi Qallunnaq, car il est né et a été élevé à Iqaluit. J’ai toujours été la première à le faire, alors je ne peux pas toujours comprendre ceux qui disent qu’ils avaient honte ou avait peur d’admettre qu’ils étaient Autochtones, Premières Nations ou Métis. Voilà donc un message que je partagerai avec vous : les Inuits sont des gens très fiers et, pour la plupart, très disposés à travailler avec tous les ordres de gouvernement et tous les niveaux d’organisation. Ce sont des gens très humbles, calmes. L’une de nos blagues concerne aussi l’accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui a été ratifié en 1993, l’année de la naissance de ma fille, puis en 1999, l’année où mon fils est né. Donc, j’aime dire que je planifie mes grossesses en fonction de l’accord sur les revendications territoriales. Mon père n’était pas très content de la première partie, mais bon. Même au cours des 30 dernières années, car oui il a fallu 30 ans pour négocier la ratification de l’accord du Nunavut, et les Inuits ont négocié de bonne foi, il a fallu 30 ans. Mais vous savez, nous sommes un peuple patient, un peuple humble et un peuple fier. Malgré certains indicateurs sociaux qui jouent contre nous, c’est très bien d’être Inuit et je ne pourrai jamais comprendre complètement pourquoi les gens voudraient le cacher. Je comprends un peu, bien sûr, comme ce que j’ai dit plus tôt, nous sommes là, nous sommes méprisés et sans parler que les Inuits ont de la misère à s’en sortir parce qu’ils étaient aussi mal vus par les politiques gouvernementales. Mais, en général, à la fin de la journée, je suis vraiment fière de dire que ça a toujours été bon d’être Inuit et que ça continue de l’être. Je conserve ma culture inuite à la maison même si je suis loin du Nunavut. Quand nous allons là-bas, mes enfants mangent de la viande crue, du caribou cru, des yeux de phoque crus, nous avons la culture à cœur, la famille… Donc, la fierté des gens des quatre régions inuites est très vivante.

DON :
Je pense que je pourrais ajouter : j’ai travaillé dans le domaine de la science. Je viens d’Environnement, comme vous le savez. Je travaillais avec certaines communautés scientifiques qui n’avaient pas la moindre idée de la façon d’aborder une communauté, etcetera. Mais je pense que la chose que je peux dire que j’ai le plus observée est une sorte de constat ethnocentrique que tout le monde devrait travailler. Tout le monde veut travailler. Tout le monde veut avoir un travail. Neuf à cinq. Nous appliquons donc cette mentalité de travail à la culture et ce n’est pas que c’est mal d’appliquer cette mentalité… Je veux dire, j’ai suivi cette approche et j’ai appris à mes enfants à faire de même. Et maintenant je vis dans la communauté. Je rencontrais des organisations du secteur privé pour établir un accord de partenariat avec eux pour certains projets qui se déroulent sur le territoire. Et on a demandé à l’un de mes collègues, ce que l’entreprise s’engageait à embaucher et nous leur avons répondu : « Eh bien, expliquez-nous ce que vous voulez dire, mais tout le monde qui veut travailler dans notre communauté travaillent déjà ». Je pensais que c’était intéressant parce que tous ceux qui veulent travailler travaillent et il y a les autres, qui pour une raison ou une autre, sont nombreux, un microcosme de la société. Mais il y a des gens qui veulent simplement le faire, et je pense que parfois ces stéréotypes sont attribués à toute la culture ou pas selon votre [inaudible]. Mais je pense qu’en tant que fonctionnaire, il serait important de ne pas être trop, je suppose, ethnocentrique dans la croyance ou l’opinion que nous avons toujours raison. Je pense que nous devons prendre du recul et voir les choses en gris parfois parce que tout n’est pas noir ou blanc. C’est difficile à comprendre, n’est-ce pas? Mais je pense que c’est important de comprendre qu’avec n’importe quelle culture, vous n’avez pas nécessairement raison. Et le plus tôt on reconnaît et on comprend pourquoi on voit les choses différemment, mieux c’est. Et ça ne signifie pas qu’on ne peut pas trouver un terrain d’entente. Ça signifie juste qu’on est différent et j’espère que les gens l’accepteront. C’est probablement la règle pour tout type de relation.

FANNIE:
Une dernière chose. C’est quelque chose que j’ai appris. Juste un petit exemple concret de quelque chose que j’ai appris dans le cadre de mon soutien et de ma participation au Cercle des employés autochtones, c’est le fait que je ne savais pas pourquoi en anglais nous sommes passés de l’utilisation du terme « Aboriginal » à l’utilisation de terme « Indigenous Peoples » (peuples autochtones). Parfois au gouvernement, il y a des changements de nom et on dirait qu’il s’agit simplement de les mettre « goût du jour ». Mais cette fois-ci, je pense que c’était vraiment important et c’est pourquoi je voulais le partager. J’espère inspirer les autres à non seulement comprendre et utiliser la bonne terminologie, mais peut-être à joindre la communauté aussi, dans leur propre ministère simplement parce que vous apprenez beaucoup et ça change votre point de vue et votre façon de voir les choses. Moi, j’ai compris que quand vous décomposez l’étymologie du terme « Aboriginal », cela signifie « pas original » et dans un sens je peux comprendre pourquoi ça peut être vu comme très insultant d’être non seulement appelé « non originaux », mais de tous être regroupés dans cette grande catégorie générale de peuples sans reconnaître toutes les variétés qui existent au sein des peuples autochtones. Donc, « Indigenous Peoples » est un terme plus approprié car « Indigenous » vient du mot latin « indigenus » signifiant « qui provient de la terre » ou « natif » qui est plus étroitement lié à « original », puis « peuples » permet de donner un visage, un style et un nom à la variété de tribus qui existent dans chaque région. C’est un fait très important et utile que vous apprenez quand vous participez et qui change votre discours et votre engagement à éviter les microagressions accidentelles. Et qui vous permet d’être plus prudent du point de vue de l’inclusion et de la diversité.

TODD :
Je n’ai jamais entendu le terme microagressions auparavant. Pouvez-vous me donner quelques exemples de la façon dont elles se produisent au quotidien?

FANNIE :
Microagression est un terme que j’ai appris récemment parce qu’il y avait, de ce que j’ai compris, un sous-ministre adjoint ou quelqu’un qui allait faire une discussion informelle à ce sujet. J’en ai entendu parler parce que j’avais soulevé l’exemple d’une fois où on m’avait demandé si j’étais trop diluée pour participer à un programme de développement autochtone. Et je pense à d’autres exemples de microagressions comme par exemple, l’utilisation en anglais du terme « Aboriginal » plutôt qu’ « Indigenous », le fait de ne pas reconnaître la terre sur laquelle vous vous trouvez lorsque vous organisez un événement officiel, l’utilisation de termes tels que « donneur indien ». Ce sont des choses qui causent des dommages ou qui peuvent raisonnablement causer des blessures, même si ce n’était pas voulu. Ce n’est donc pas une agression directe, mais c’est tout de même une sorte d’agression à petite échelle. C’est quelque chose qui ne contribue pas à la guérison ou à la réconciliation, mais qui contribue à causer un préjudice.

DON :
Les fonctionnaires ont l’occasion de reconnaître l’histoire des peuples autochtones du Canada et d’acquérir cette connaissance et ce respect dans le travail qu’ils font. En ce moment, je suis membre d’un conseil consultatif exécutif autochtone de l’École de la fonction publique du Canada, qui élabore le programme pour des gens comme vous. Je commence avec les sous‑ministres et ce que j’espère vraiment, c’est que les gens comprennent davantage l’histoire des Autochtones, la culture autochtone et, jusqu’à un certain point, la façon de penser autochtone. Donc, je pense que lorsque nous élaborons des politiques, lorsque nous relevons des défis au quotidien dans le nouveau ministère, qu’ils soient axés sur la science, la société, le monde ou les opérations, le fait d’ajouter une perspective apprise grâce aux formations de l’École de la fonction publique du Canada ou à notre interaction avec les communautés ou la culture autochtones, il faut appliquer certaines de nos connaissances à la réflexion parce qu’il y a des différences. Et je pense que ce serait un avantage que tous les fonctionnaires adoptent cette approche lorsqu’ils traitent les uns avec les autres à l’interne ou à l’externe. C’est une opportunité. Il faut voir d’un œil favorable les occasions d’apprentissage et les enseignements offerts par l’École de la fonction publique du Canada. Apprenez à connaître les communautés, vous le savez, dans tous les domaines. Tous les fonctionnaires ne sont pas dans la RCN et je sais que l’empreinte régionale est probablement grande et étendue. Donc, je pense qu’il serait avantageux pour tout le monde de se sentir à l’aise avec les collectivités des Premières Nations avoisinantes et d’aller à leur rencontre. Je pense qu’il est important de savoir comment s’informer, de relever ce défi, de s’informer sur les communautés avec lesquelles on traite. J’ai toujours dit que je chercherais d’abord à comprendre et ensuite à être compris, et je pense qu’il est important de comprendre l’environnement entourant le fonctionnaire afin de pouvoir le comprendre chaque fois qu’il fait son travail ou qu’il contribue à améliorer les choses. J’espère aussi que les fonctionnaires à tous les niveaux... Je veux qu’ils adoptent la devise «Vous êtes les premiers» en ce qui a trait à la formation sur l’espace autochtone. La réponse suggère qu’un employé n’assisterait à la formation qu’après que son supérieur l’ait fait lui-même, et ça s’appliquerait à tous les niveaux. Trop souvent, nous avons demandé aux gens de suivre les formations nécessaires, mais les gestionnaires ou les dirigeants à tous les niveaux de leadership ne le faisaient pas. Et nous leur cédons malheureusement la responsabilité d’agir lorsque nous ne sommes pas en mesure de les soutenir parce que ces personnes n’ont pas suivi la formation ou n’ont pas la même compréhension, ou encore parce que ce n’est pas une priorité. Je pense donc qu’il est important que tout le monde bénéficie de la même exposition. Et je pense que les gens peuvent intégrer ces formations dans les plans d’apprentissage, dans leur travail et dans leurs plans de gestion du rendement et expliquer les moyens utilisés pour obtenir la formation et développer des comportements qui appuient la croissance et un esprit de réconciliation.

Perspectives Autochtones : Récits des employé(e)s Autochtones est une production d’Emploi et Développement social Canada.

Toutes les opinions exprimées dans le cadre de la série sont strictement celles des personnes qui les expriment et ne sont pas nécessairement partagées par leur employeur.

Les fonctionnaires que vous avez entendus dans cet épisode sont : Fannie Bernard, Don Bilodeau, Daniel Jette, Tooneejoulee Kootoo-Chiarello, Pamela Kupeuna et Leesie Naqitarvik.
Notre musique thème est signée Boogey the Beat, et vous avez également entendu la musique d’Andrea Barone et de Greg Reiter.

Mon nom est Todd Lyons. Je suis animateur, auteur et directeur technique pour la série Perspectives Autochtones.

Merci de votre écoute.

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