Un cercle de guérison
Projet Red Amautiit
Le projet Ikayuqtiit’s Red Amautiit fournit un cercle de guérison aux familles des femmes inuites disparues et assassinées.
Cela a commencé point par point dans un cercle de couture de Winnipeg.
Le groupe de femmes se rencontrait régulièrement à l’occasion des cercles de couture dirigés par Ikayuqtiit, un organisme de bienfaisance formé par la Manitoba Inuit Association. Elles s’y rencontraient, parlaient et passaient du temps ensemble. C’était un espace commun qui offrait de la guérison et une communauté.
« Il est ressorti des discussions que nous devrions peut-être penser à quelque chose qui ressemblerait beaucoup à la Campagne des femmes disparues et assassinées des Premières Nations, » explique Gayle Gruben, chargée de projet et instructrice en couture.
Les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées représentent 24 % des victimes d’assassinats de sexe féminin, selon le Rapport final de l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Malgré la petite population des Inuits, leurs communautés sont parmi les plus touchées par cette forme de violence fondée sur le sexe. Leurs proches se retrouvent souvent sous le choc au lendemain d’une tragédie, ayant besoin de soutien mais manquant de moyens d’en trouver.
Les femmes du cercle de couture se demandaient s’il y avait un moyen de fournir aux Inuits du soutien, une communauté et de la guérison d’une manière adaptée à la culture. Et si tel moyen existait? Et si elles s’en chargeaient elles-mêmes?
Le projet Red Amautiit est né de cette idée.
Guérir par la création
« Ikayuqtiit signifie aider. En réalité, il s’agit de l’aide des Inuits aux Inuits. » C’est l’essentiel du travail réalisé par l’équipe d’Ikayuqtiit qui comprend Gayle, Janet Kanayok, directrice des programmes et des services, et Rachel Dutton, ancienne directrice administrative.
Ikayuqtiit intègre les préoccupations des Inuits dans ses programmes et sa conception. L’équipe se rend dans les communautés et crée avec elles des mécanismes de soutien à leur intention. L’une de ses premières priorités consiste à soutenir les familles qui ont vécu les traumatismes causés par les disparitions et assassinats de femmes et filles autochtones, et le projet Red Amautiit met à leur disposition ce soutien.
Le nom du projet vient de amauti, un parka traditionnellement porté par les femmes inuites. Pour Gayle, le projet Red Amauti fonctionne en tant que « symbole » des Inuits ainsi que des femmes autochtones disparues et assassinées.
« La pochette arrière, c’est pour le bébé », explique-t-elle. « C’est pour créer un rapprochement et pour montrer à quel point la mère et l’enfant sont proches ainsi que l’importance d’être mère et femme. »
Le projet encourage les membres de la communauté à se réunir dans un lieu accessible pour tout le monde et à coudre ensemble un amauti. Les animatrices fournissent le matériel pour l’amauti. Les participants choisissent alors les morceaux qui représentent le mieux leurs sentiments et commémorent leurs êtres chers.
Pendant qu’ils découpent, assemblent et coudent l’amauti, ils racontent leurs histoires. « Avant le projet, elles ne disposaient d’aucun moyen de parler de leur perte et de leurs êtres chers…Nous ouvrons les portes et offrons aux participants l’occasion de faire connaître leur expérience », affirme Gayle. « Nous ne leurs disons pas que c’est obligatoire. C’est volontaire. »
Dans un cas, le cercle de couture a réuni des familles touchées liées à l’agresseur ainsi qu’à la victime. « Les familles ont été capables de se réunir et d’essayer de créer un amauti en équipe », raconte Gayle.
« Cela les a aidées à guérir », a ajouté Janet. « C’est presque comme si elles pouvaient s’adapter ensemble dans la communauté. L’une s’en allait dans un sens et l’autre, dans le sens inverse. Elles étaient capables d’être ensemble dans le même lieu sans montrer de signes visibles d’animosité ou de colère », conclut Gayle.
Le travail de demain
Le projet, qui est soutenu par le Fonds de réponse et de relance féministes de Femmes et Égalité des genres Canada, a commencé par un choix de treize communautés à l’échelle nationale. L’équipe avait prévu une initiative de deux ans mais la pandémie de COVID-19 a changé l’échéancier.
« Nous ne voulions pas organiser des cours virtuels parce qu’envoyer du matériel et parler sur notre écran et demander aux gens de raconter l’histoire de l’assassinat de leur être cher, ce serait irresponsable », dit Janet. « Nous avions l’impression que ce serait manquer de respect pour certains. »
Bien que les restrictions des voyages aient limité l’accès aux endroits prévus, Ikayuqtiit a été en mesure de faire venir le cercle de couture Red Amautiit dans huit communautés.
« Nous allions réaliser l’aspect inuit du programme seulement dans l’hémisphère nord », explique Gayle. « Nous avons fini par décider qu’il valait mieux réaliser un programme national. Nous avons inclus le Manitoba au complet, c’est-à-dire Brandon, Churchill et Winnipeg. Nous sommes également allés à Rigolet et à Nain, deux communautés de Nunatsiavut. »
Janet et Gayle espèrent que l’initiative puisse être étendue à d’autres communautés des Inuits et donne un coup de main à un plus grand nombre d’Inuits du Canada. « Notre population n’est pas vaste mais elle est répandue dans l’ensemble du Canada », ajoute Gayle.
Étant donné le soutien dont le projet a reçu jusqu’à ce jour, Gayle et Janet sont optimistes quant à son avenir.
Elles font appel aux Canadiennes et Canadiens pour continuer à amplifier le soutien envers les Inuits du Canada. « Faites entendre votre voix », a dit Janet. « Garder le silence, ce n’est plus une option. Servez-vous de votre voix pour défendre les droits des Inuits ou des Autochtones, de la communauté PANDC et de la communauté LGBTQ2S+. »
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