Établir le système de justice à partir des données

JusticeTrans

Avec son nouveau rapport de recherche sur les communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre au Canada, JusticeTrans améliore l’accès à la justice, une donnée à la fois.

Que faites-vous quand vous savez que des problèmes se posent au sein de votre communauté, mais qu’aucune donnée « officielle » n’appuie ce fait?

Vous savez peut-être à première vue ce qui se passe, mais rares sont les données qui étayent votre perspective. Et vous savez que vous n’êtes pas la seule personne dans ce cas-là. Il est possible que ces problèmes aient différentes répercussions – peut-être pires encore – sur bien d’autres personnes.

Mais pour les personnes extérieures à votre communauté, qui ne vivent pas ces problèmes, les enjeux peuvent être totalement invisibles.

Les organismes au service des communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre sont confrontés quotidiennement à cette réalité.

D’après le recensement de 2021, au Canada, une personne sur 300 âgée de 15 ans et plus (100 815 personnes sur 30,5 millions) se définit comme trans ou non binaireNote de bas de page 1 . Ce chiffre peut paraître anodin, mais il est toutefois supérieur à celui de la population de Saskatoon. Malgré cela, il existe de nombreuses lacunes en ce qui a trait aux données sur les communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre.

Alors, que savons-nous?

Les études montrent que les personnes trans et non binaires sont davantage susceptibles de connaître le sous-‑emploi, même lorsqu’elles ont un niveau d’instruction élevéNote de bas de page 2 . Les personnes trans et de diverses identités de genre sont 1,5 fois plus susceptibles de subir de la violence physique ou sexuelle que les personnes cisgenresNote de bas de page 3 . En effet, entre 2010 et 2018, 80 % des 45 crimes haineux déclarés par la police ciblant les personnes trans ou asexuelles étaient commis avec violenceNote de bas de page 4 . Et sur les communautés 2ELGBTQI+ aux États-Unis‑, au Royaume-Uni et au Canada, les communautés bispirituelles et trans sont celles qui connaissent le plus la pauvretéNote de bas de page 5 . Ces communautés sont par ailleurs davantage victimes de harcèlement au travailNote de bas de page 6 , de discrimination dans les soins de santéNote de bas de page 7  et de problèmes de santé mentaleNote de bas de page 8 .

À bien des égards, les travaux de recherche menés au Canada soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Plusieurs avancées juridiques déterminantes pour les communautés trans ont été réalisées au cours des dernières années. Il est, par exemple, possible de changer de nom et de marqueur de genre sur les documents d’identité, et l’identité de genre et l’expression de genre deviennent des groupes protégés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ce contexte, on pourrait espérer que les statistiques nationales entourant les expériences des communautés trans soient beaucoup moins alarmantes.

Pour des organismes comme JusticeTrans, organisme sans but lucratif au service des communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre au Canada, les écarts entre ce qui devrait se passer et ce qui se passe vraiment fait partie de leur réalité quotidienne.

« Nous sommes conscients qu’il y a encore beaucoup de problèmes sur le terrain, souligne Pierre Cloutier de Repentigny, coprésident de JusticeTrans. Mais nous ne savions pas forcément ce qui se passait au milieu – entre le problème et le droit lui-même. Quel lien manquait. »

Pour contribuer à résoudre ces problèmes, JusticeTrans doit en prendre connaissance. Fort du financement octroyé par FEGC en vertu du Fonds de développement des capacités communautaires 2ELGBTQI+, c’est exactement ce qu’il cherche à faire.

Élargir l’accès à la justice

La mission de JusticeTrans est d’améliorer l’accès à la justice et d’offrir une éducation juridique accessible aux communautés de personnes de diverses identités de genre, de contester les politiques transphobes et de plaider pour une justice sociale transformatrice axée sur la communauté.

JusticeTrans crée ces ressources en ayant à l’esprit diverses identités trans. C’est une priorité qui vient de l’intérieur – l’équipe qui le compose ne comprend que des personnes qui se définissent comme bispirituelles, trans, non binaires ou non conformes au genre.

Au début, le travail de JusticeTrans s’affairait à rendre plus accessibles les ressources juridiques destinées aux communautés trans. Mais au fil du temps, les objectifs de JusticeTrans se sont élargis.

« Le projet Accès à la justice, financé par FEGC, est arrivé à un moment de transition pour l’organisme », explique Pierre.

JusticeTrans voulait élargir sa définition de l’accès à la justice pour les communautés trans. En adoptant une perspective plus large de ce que la justice peut signifier, il pourrait élaborer des programmes, des ateliers et des solutions plus adaptés aux besoins individuels des personnes trans.

Les capacités sont essentielles

Le projet de JusticeTrans se composait de deux volets.

Le premier visait le renforcement des capacités. Le financement de ce volet contribue à part entière à s’assurer que les organismes peuvent mener à bien la mission qu’ils se sont fixée.

JusticeTrans a travaillé sur ses capacités en dispensant une formation administrative et en améliorant ses capacités de recherche. Le renforcement de ces capacités lui a permis d’être plus solide et de gagner en autonomie.

« L’accès accru au financement des capacités diversifie la quantité d’organismes offrant des services à la communauté queer, explique Pierre. Un plus grand nombre de voix peuvent s’exprimer et différents types de travaux peuvent être réalisés pour aider les gens. »

Recherche sur différentes réalités

Le deuxième volet – le « noyau » du projet – se composait de ce que l’on appelle une « évaluation des besoins juridiques ». JusticeTrans avait besoin de mener une recherche complémentaire sur les différentes réalités qui se côtoient au sein des communautés.

Cette recherche a pris la forme d’un sondage comprenant des questions à choix multiples et des questions ouvertes sur les expériences des personnes trans et de diverses identités de genre en matière de droit.

« Les questions portaient sur le type d’enjeu juridique auquel ces personnes ont fait face – dans quel contexte cela s’est-il passé, comment cela s’est-il passé, qu’ont-elles essayé de faire – et si elles n’ont pas entrepris certaines démarches, par exemple, recourir à une avocate ou un avocat, pour quelles raisons ne l’ont-elles pas fait? », précise Pierre.

Pour recueillir ces renseignements, JusticeTrans a créé un réseau d’organismes qui servent les communautés trans sous une forme ou une autre dans l’ensemble du pays.

« Cela nous permet d’établir… un soutien mutuel. À titre d’organisme national, nous pouvons apporter certaines choses à des organismes plus petits, et réciproquement, ils peuvent nous offrir des renseignements et un contact direct avec la communauté », fait remarquer Pierre.

JusticeTrans a recueilli plus de 700 réponses de personnes qui s’identifiaient en tant que membres des communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre dans tout le pays. Sur cet échantillon, 60 personnes ont ensuite été retenues en vue d’examiner plus en profondeur leurs expériences.

« Nous avons essayé de constituer un échantillon représentatif sur le plan régional et de la diversité des populations – en veillant à ce que certaines de ces personnes soient autochtones, noires, handicapées, francophones et anglophones », précise Pierre.

Les résultats obtenus ont jeté les bases d’un rapport de recherche qui offre un regard actuel sur les réalités des communautés trans au Canada. La recherche réalisée est une étape importante pour transformer le système de justice en un système équitable pour toutes et tous.

« Pour se lancer dans un travail visant à transformer le système juridique pour qu’il réponde mieux à nos besoins et nos expériences, il faut disposer des données qui montrent quels sont les problèmes d’ordre juridique auxquelles se heurtent les personnes 2STNBNCG et quelles sont les difficultés les plus courantes qui se posent dans le système juridique », affirme Tai Jacob, autrefois responsable de la Direction administrative de JusticeTrans et chef de projet.

Lorsqu’il réfléchit au projet, Pierre est surtout fier d’une chose : le fait d’avoir pu le mener à bien.

« C’était un projet très ambitieux, confie Pierre. Dans le fond, nous avons pu le réaliser en un an et demi, ce qui témoigne de la force et du dévouement de l’équipe qui s’est consacrée au projet, de l’ardeur avec laquelle la communauté tente de résoudre ces problèmes, de s’entraider et de trouver des solutions pour chacune et chacun. »

Confiance et longévité

Selon Pierre, l’espoir pour JusticeTrans est qu’il ait un avenir fait de stabilité financière et de longévité. À JusticeTrans, on aimerait que l’organisme s’établisse en tant qu’organisme solide et digne de confiance sur lequel les communautés trans peuvent compter. La confiance, insiste Pierre, est l’un des éléments fondamentaux du travail de l’organisme.

« Je pense que nous pourrions avoir un projet des plus intéressant, mais s’il ne sert pas directement la communauté, et si la communauté n’a pas cette confiance en nous et n’est de ce fait pas disposée à participer et à travailler avec nous dans ces domaines, cela ne sert à rien », fait-on remarquer.

En ce qui touche à l’avenir des communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre au Canada, le but de Pierre est simple : une existence paisible.

« Cela semble très simple, mais c’est littéralement ce que la plupart des gens veulent : exister au sein d’une société et se comporter comme tout le monde le fait – et ne pas avoir à s’inquiéter de sa propre sécurité ou de ne pas pouvoir trouver un emploi en raison de ses différences, confie Pierre. Nous voulons exister comme tout le monde, sans crainte de représailles. »

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Glossaire

Trans
Personne qui ne s’identifie pas, en totalité ou en partie, au genre associé au sexe assigné à la naissance. Il est souvent utilisé comme terme générique pour représenter un large éventail d’identités de genre.
Non binaire
(aussi « de genre queer ») Se dit d’une personne dont l’identité de genre se situe en dehors du modèle binaire du genre comme femme ou homme. Le terme « non binaire » désigne une identité de genre qui peut inclure homme et femme, androgyne, fluide, multiple, agenre ou un genre non lié à la binarité « femme-homme ».
Cisgenres
Personne dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.
Diverses identités trans
Intersectionnalité : Cadre d'analyse qui permet de comprendre comment les différents aspects de l'identité d'une personne (par exemple, le sexe, le genre, l'âge, l'ethnicité, la classe sociale, la religion, l'orientation sexuelle, les capacités) se combinent pour créer des formes particulières de discrimination et de privilège.
2STNBNCG
Les communautés bispirituelles, trans, non binaires et non conformes au genre (2STNBNCG)

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