Chapitre 2 : Maîtrise de l’espace aérien (B-GA-403-000/FP-001,Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes Acquisition de l'avantage)

Il faut être maître de son propre espace aérien : c’est là le seul véritable gage de sécurité sur lequel on puisse fonder de solides principes militaires[1]. [Traduction].

– Sir Winston Churchill

Si nous perdons la guerre dans le ciel, nous perdons la guerre et nous la perdons vite[2].

– Field-maréchal Bernard L. Montgomery

Acquérir et conserver la maîtrise des airs (ou la maîtrise de l’espace aérien)[3] représentent un atout essentiel à la réussite des opérations militaires. Le pays qui possède la maîtrise de son espace aérien peut protéger sa souveraineté en temps de paix, surveiller l’accès à son territoire en période de tension et se prémunir contre les attaques aériennes en temps de guerre. Cet atout lui permet de façonner l’espace opérationnel en conférant aux forces amies la latitude voulue pour exécuter des opérations au moment et à l’endroit qu’elles choisissent, sans craindre une intervention prohibitive de la part d’un adversaire. On peut voir là le degré d’influence que les forces amies exercent sur le domaine aérospatial relativement aux capacités aérospatiales de l’adversaire. L’obtention de la maîtrise de l’espace aérien constitue un objectif vital du commandant de toute force opérationnelle interarmées (cmdt FOI).

L’acquisition de la maîtrise de l’espace aérien dépend de nombreux facteurs, dont la situation opérationnelle, les ressources dont on dispose et les capacités de l’adversaire. Contre un adversaire disposant d’une faible capacité de faire échec au potentiel aérien de son ennemi, il est possible d’acquérir rapidement la maîtrise totale de l’espace aérien et de la conserver à peu de frais (par exemple, pendant une opération de contre-insurrection). Face à un adversaire doté de solides moyens aérospatiaux offensifs et défensifs, on risque de n’acquérir la maîtrise de l’espace aérien que pendant une courte période ou seulement dans un secteur séparé de l’espace de combat. En pareil cas, l’effort nécessaire pour obtenir la maîtrise de l’espace aérien doit être évalué par rapport aux risques qu’engendrerait l’acquisition d’un contrôle insuffisant. Le cmdt FOI doit définir le degré de contrôle qu’il lui faut pour mener sa mission à bien, énoncer ses objectifs relatifs à la maîtrise de l’espace aérien, puis attribuer des ressources suffisantes pour exécuter la tâche.

La question de savoir quel niveau ou degré de maîtrise de l’espace aérien il est raisonnablement possible d’atteindre dépend de la compréhension de la menace, des capacités offensives et défensives des forces amies, de l’espace de combat, du temps dont on dispose et de l’intention stratégique. Indépendamment de cette compréhension, le cmdt FOI doit définir avec exactitude et formuler clairement ses objectifs relatifs à la maîtrise de l’espace aérien et mobiliser des ressources appropriées pour les atteindre.

Il est essentiel à l’exécution des opérations militaires contemporaines de s’assurer l’accès à l’espace et de préserver l’exploitation libre des capacités spatiales; ces aspects font partie intégrante de la campagne visant à acquérir la maîtrise de l’espace aérien. Il faut pour cela protéger les ressources spatiales et l’infrastructure essentielle connexe à la surface. Des opérations visant à empêcher l’adversaire d’utiliser ses capacités spatiales, grâce à des mesures d’interdiction, de déception, de désorganisation, de dégradation ou de destruction risquent d’être nécessaires également.

Le présent chapitre donne un aperçu général de la capacité aérospatiale dont l’objet est de maîtriser l’espace aérien ainsi que des rôles et missions connexes. Comme le montre la figure 2-1[4], cette capacité comporte deux volets : les opérations offensives contre le potentiel aérien et les opérations défensives contre le potentiel aérien.

Figure 2 1. La capacité aérospatiale dont l’objet est de contrôler l’espace aérien

Les opérations de supériorité aérienne sont fondamentales lorsqu’il s’agit d’acquérir la maîtrise de l’espace aérien. Elles façonnent l’espace de combat physique dans la dimension verticale afin de conférer aux forces amies la liberté d’action voulue et de nier celle-ci à l’adversaire. Pour acquérir la maîtrise de l’espace aérien, les forces amies doivent posséder une capacité assez massive de lutte contre le potentiel aérien ennemi qui soit proportionnelle à la menace et être dotées de ressources suffisantes. Les cibles visées par les forces amies dans ce contexte comprennent la gamme complète des capacités aérospatiales de l’adversaire :

  1. les aéronefs et les missiles;
  2. les infrastructures aérospatiales spéciales, telles que les aérodromes, les détecteurs, les noeuds commandement et contrôle (C2) et les systèmes;
  3. les stocks de carburant, de munitions, de lubrifiants spéciaux et d’essence;
  4. les pièces d’aéronef;
  5. le personnel possédant des compétences particulières.

Les opérations de supériorité aérienne visent surtout à amenuiser ou à détruire les capacités aérospatiales de l’adversaire, de préférence aussi près que possible de la source et, idéalement, avant qu’elles soient lancées ou qu’elles nuisent aux opérations amies. Pour qu’elles soient efficaces, il faut ce qui suit :

  1. un moyen de sonder et de surveiller l’espace aérien, c’est-à-dire :
    1. des capteurs actifs et passifs terrestres, spatiaux ou aéroportés pour détecter, identifier et surveiller ce qui circule dans l’espace de combat atmosphérique et orbital;
    2. une capacité d’identification au combat, qui permet de repérer le point d’origine d’un vecteur, son alignement (forces amies, ennemies ou neutres), son type et l’intention de ses utilisateurs. Cela est particulièrement important dans l’espace aérien contesté où des aéronefs civils circulent;
  2. un moyen d’exercer le C2;
  3. une capacité d’application de la force qui soit proportionnelle à la menace prévue et qui comprenne des aéronefs appuyés par des capacités spatiales et capables d’appliquer une force de précision décisive contre des menaces terrestres, aéroportées et atmosphériques.

Vignette 2: La guerre de deux heures. Pendant la fin des années 1970 et le début des années 1980, le Sud du Liban avait servi de terraind’entraînement sûr et de base avancée d’où des groupes paramilitaires, des terroristes et des forces terrestres libanaises menaient des attaques contre les civils israéliens. Les forces terrestres libanaises, palestiniennes et syriennes se sont accrues dans le Sud du Liban pendant toute l’année 1981, et les attaques de petite envergure contre Israël étaient courantes.

La Syrie était bien consciente du danger que représentait la puissance aérienne d’Israël et elle a pris des mesures pour bloquer l’accès à l’espace aérien du Liban-Sud, c’est-à-dire celui de la vallée de la Bekaa. Elle y avait installé 19 emplacements modernes de lance-missiles surface-air (MSA) soviétiques à guidage radar, de nombreux radars, des batteries d’artillerie antiaérienne (AAA) et des systèmes de communications. Elle exécutait régulièrement des patrouilles aériennes de combat dans le secteur. Elle visait ainsi à dissuader Israël de riposter aux agressions et à se protéger contre ses forces aériennes.

La Force aérienne d’Israël (FAI) avait réuni beaucoup de renseignements sur la vallée et ses environs. Elle connaissait à fond l’ordre de bataille, la tactique, la doctrine et la méthodologie opérationnelle de la Syrie ainsi que l’emploi du spectre électronique par ce pays. En outre, la FAI avait aménagé, dans le désert du Néguev, un polygone d’entraînement aux caractéristiques très semblables à celles de la vallée de la Bekaa, et elle s’y entraînait fréquemment. En juin 1982, les efforts diplomatiques faits pour apaiser les tensions grandissantes s’étaient enlisés. Par ailleurs, des attaques avaient lieu presque tous les jours, et les pertes civiles se multipliaient : l’inaction n’était désormais plus une option pour Israël.

L’opération Peace for Galilee a été déclenchée pendant l’été de 1982. L’opération Drugstore, c’est-à-dire la campagne offensive contre le potentiel aérien, a commencé le 9 juin; elle visait à procurer à Israël la maîtrise de l’espace aérien dans le Liban-Sud. Des hélicoptères, des pièces d’artillerie, des chasseurs, des aéronefs de GE et de C2, des commandos et des véhicules aériens sans pilote ont été chargés exclusivement de cette mission dans le cadre d’une attaque bien coordonnée contre les menaces syriennes, aériennes et de surface, dans la vallée.

Les premières attaques ont eu lieu à 14 h 10, heure locale; 17 des 19 emplacements lance-missiles MSA, la plupart des pièces d’AAA, tous les détecteurs et quelques installations de C2 ont été détruits. Les Syriens ont riposté en dépêchant leurs chasseurs pour reconquérir l’espace aérien, mais 29 de leurs appareils ont été abattus sans que les FAI n’en perdent un seul. Deux heures après le début de la bataille, les FAI avaient acquis la maîtrise de l’espace aérien au-dessus de la vallée de la Bekaa. Au cours des deux jours suivants, d’autres sorties ont permis à Israël de consolider ses gains. Les deux derniers emplacements de MSA à guidage radar ont été détruits, tout comme les derniers postes de C2 et les détecteurs. Cinquante-trois autres chasseurs syriens ont été descendus.

En deux jours, les FAI ont perdu moins de 10 aéronefs, tous types confondus. La Syrie a perdu 82 chasseurs (plus de 30 p. 100 de sa force aérienne) et toutes ses capacités anti-aériennes basées au sol au Liban; elle n’a jamais pu se remettre de ce désastre. Sans la protection de leurs moyens de lutte contre le potentiel aérien d’Israël, les forces terrestres libanaises, palestiniennes et syriennes ont été écrasées par l’aviation israélienne et, finalement, chassées carrément du secteur. Les attaques depuis le Liban n’ont plus menacé sérieusement les civils israéliens au cours des 18 années suivantes.[5]

Les opérations de supériorité aérienne peuvent être offensives (OCA) ou défensives (DCA); pour acquérir la maîtrise de l’espace aérien, il faut des compétences dans ces deux catégories d’opérations, qui diffèrent quant au lieu et au moment où elles ont lieu :

  1. Les missions offensives sont menées dans un territoire ennemi ou contesté, et elles sont déclenchées par les forces amies. Elles visent aussi bien des cibles aériennes que de surface; elles misent beaucoup sur le renseignement et elles font appel à des tirs et à des capacités air-air, air-surface et surface-surface.
  2. Les missions défensives ont lieu dans le territoire ami ou neutre; il s’agit en général d’une réaction à des opérations de l’adversaire, à l’emploi de capacités par lui ou à la manifestation de son intention. Les cibles alors prises à partie sont exclusivement aéroportées; les opérations défensives contre le potentiel aérien (DCA) peuvent être actives ou passives, elles dépendent beaucoup des systèmes de surveillance et d’alerte et elles font appel à des tirs et à des capacités air-air et surface-air.

Les missions OCA et DCA doivent être coordonnées et intégrées à tous les niveaux; elles font appel à des ressources de toute la force interarmées, y compris des aéronefs, des tirs surface-surface et surface-air et des opérations d’information. Les opérations OCA et DCA sont menées dans tout l’espace de combat et elles visent aussi bien à repérer et à détruire la capacité de l’adversaire d’exécuter des attaques aériennes et aux missiles qu’à minimiser tout simplement l’efficacité de ces attaques tout en infligeant les dommages maximums. La situation globale et le plan de campagne des forces amies déterminent quand, où et comment ces opérations sont déclenchées pour acquérir et conserver au degré voulu la maîtrise de l’espace aérien.

La souplesse des forces aérospatiales modernes est telle que les plates-formes aérospatiales peuvent passer d’une mission OCA à une opération DCA, et vice-versa, sans grande planification ou instantanément. Les opérations OCA et DCA représentent deux rôles distincts, mais elles font appel à des ressources et à un personnel semblables; la synchronisation de ces opérations dès les premiers stades est capitale.

Ce que l’on attend des opérations OCA et DCA varie à mesure que progresse la campagne militaire. Aux stades initiaux, la menace et les capacités de l’adversaire déterminent le rôle relatif joué pour les opérations de chaque catégorie. À mesure que l’on comprend mieux, à la lumière des renseignements, l’ordre de bataille aérospatial de l’adversaire, on peut planifier et exécuter une campagne offensive détaillée de lutte contre son potentiel aérien. Une telle campagne couronnée de succès réduira, avec le temps, la nécessité des opérations DCA.

Dans un contexte national, on considère que la maîtrise de l’espace aérien correspond à la capacité de surveiller l’espace aérien ami et ses approches et d’influer sur sa sécurité; ce sont là des activités qui s’apparentent surtout aux opérations DCA. Les opérations nationales de maîtrise de l’espace aérien, ou d’affirmation de la souveraineté aérienne, se définissent comme suit : « Ensemble des mesures militaires prises dans toute la gamme des conflits dans le but de contrôler l’espace aérien souverain [6]. » La maîtrise de l’espace aérien canadien incombe à l’Aviation royale canadienne (ARC). La création du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), accord bilatéral conclu entre les États-Unis et le Canada) a profité aux deux pays et sensiblement accru l’efficacité globale de la défense aérienne du continent nord-américain. Ces efforts sont étroitement coordonnés avec les organismes de contrôle et de réglementation de l’aviation civile des deux pays. Les opérations nationales de maîtrise de l’espace aérien sont les missions de défense de secteur exécutées par les unités d’alerte et de contrôle aérospatiaux. Ces deux rôles sont présentés ici dans le contexte national, mais l’alerte et le contrôle aérospatiaux peuvent aussi être exécutés dans le cadre d’opérations expéditionnaires.

  1. Alerte aérospatiale. « Alerte découlant de la détection, de l’évaluation et de la validation d’une intrusion imminente ou réelle d’aéronefs, de missiles ou d’astronefs dans un espace aérien d’intérêt [7]. » Elle suppose le recours à des moyens permettant de se tenir au courant de toute activité civile et inconnue dans l’espace aérien désigné. Cette mission est principalement exécutée par un solide réseau terrestre et spatial de détecteurs et d’appareils de communication soutenus, dans des circonstances bien précises, par des ressources aériennes.
  2. Contrôle aérospatial. « Application et coordination des procédures d’organisation et de planification de l’espace aérien pour réduire au maximum les risques et assurer une utilisation efficace et souple de cet espace [8]. » L’alerte aérospatiale est sous-jacente au contrôle aérospatial qui va de pair avec la capacité et le pouvoir de surveiller, de contrôler et de poursuivre tout élément s’approchant sans autorisation de l’espace aérien désigné et y circulant. La mission de contrôle aérospatial comporte un certain nombre d’opérations aériennes connexes et fait intervenir toute une gamme de capacités aérospatiales (terrestres, spatiales et aéroportées). Ces opérations peuvent être :
    1. des opérations de surveillance aérienne, dont l’objet est d’ « observer un espace aérien désigné pour y détecter et y suivre des opérations ou des intrusions.[9] »;
    2. des opérations d’application de la loi dans les airs, qui sont exécutées dans un environnement permissif pour appuyer des opérations de forces policières et exercer un contrôle sur un espace aérien désigné;
    3. des opérations de défense aérienne, qui visent à « neutraliser une action aérienne hostile ou à en réduire l’efficacité grâce à des mesures actives.[10] »

Dans un contexte expéditionnaire, et surtout là où des hostilités ont cours, la puissance aérospatiale amie dont on dispose détermine le degré de maîtrise de l’espace aérien qu’il est raisonnablement possible d’atteindre. Les degrés sont les suivants : degré défavorable, parité, supériorité aérienne, maîtrise de l’air[11]. Ces expressions, employées pour clarifier la situation globale, peuvent servir de points de référence quand le cmdt FOI fixe les objectifs de la campagne aérienne. Elles se définissent comme suit :

  1. Degré défavorable. Bataille aérienne dans le cadre de laquelle les capacités aérospatiales amies ne sont pas capables d’acquérir ou de conserver la maîtrise de l’espace aérien face à celles de l’adversaire.
  2. Parité. « Dans le contexte d’une bataille aérienne, condition dans laquelle une force n’a pas l’avantage sur les autres forces.[12] »
  3. Supériorité aérienne. Degré de domination dont bénéficie une force aérienne sur une autre et qui lui permet de mener des opérations avec ses forces terrestres et maritimes connexes, à un moment et dans un endroit donnés, sans que la force aérienne adverse puisse s’interposer de façon prohibitive[13].
  4. Maîtrise de l’air. « Degré de supériorité aérienne à partir duquel les forces aériennes adverses sont incapables d’intervenir efficacement.[14] »

Vignette 3: La maîtrise de l’espace aérien. Avant l’opération Desert Storm (1991), l’Irak possédait la quatrième armée permanente en importance dans le monde, un système de défense aérienne évolué et intégré et une force aérienne considérable et apte au combat. Afin de connaître le succès, les forces amies avaient fondamentalement besoin de la liberté d’action pour exécuter leurs opérations aérospatiales et de surface. Par conséquent, l’objectif de l’opération Desert Storm relativement au contrôle de l’espace aérien consistait à acquérir la supériorité aérienne au-dessus du champ de bataille, et cela a donc précédé les opérations de surface.

La campagne visant à procurer la maîtrise de l’espace aérien aux forces de la coalition a commencé le 17 janvier 1991 et elle a essentiellement pris fin le 23 février. Pendant ce temps, les forces de la coalition ont exécuté plus de 100 000 sorties offensives et défensives contre le potentiel aérien de l’ennemi. La campagne a été couronnée de succès et s’est soldée par la destruction totale de l’aviation irakienne, du système intégré de défense aérienne et du réseau de commandement et de contrôle du pays. La coalition avait acquis la maîtrise totale de l’air.

L’invasion du Koweït et de l’Irak au sol a commencé avec la guerre terrestre, qui n’a duré que 100 heures. Pendant toute la campagne, les forces aériennes irakiennes ne se sont aucunement opposées aux opérations terrestres, maritimes et aériennes de la coalition, et le commandement irakien n’a pas pu transmettre à temps des renseignements aux unités déployées sur le terrain.

À l’issue du conflit, l’appareil militaire irakien avait été décimé et la coalition avait remporté une victoire convaincante en grande partie grâce au succès initial de la campagne menée pour acquérir la maîtrise de l’espace aérien.[15]

Il faut trouver l’ennemi et l’abattre! Rien d’autre n’importe.[16]

– Manfred von Richtofen, avril 1917

Les opérations OCA favorisent la réalisation des objectifs relatifs à la maîtrise de l’espace aérien en empêchant le lancement ou l’emploi des capacités aérospatiales de l’adversaire. Elles visent à désorganiser, à neutraliser ou à détruire ces capacités aussi près que possible de la source et, idéalement, avant qu’elles soient lancées ou qu’elles nuisent aux opérations amies. Les opérations OCA ont lieu partout dans les espaces de combat neutres et contestés, elles sont déclenchées par les forces amies et elles se divisent en deux catégories : les opérations air-surface (AS) ou air-air (AA).

Pour mener des opérations OCA efficaces, il faut comprendre à fond la doctrine aérospatiale de l’adversaire et faire une évaluation détaillée de ses capacités aérospatiales. En outre, les missions OCA dépendent de la collecte de renseignements exacts en temps opportun. C’est particulièrement le cas quand il y a des cibles imprévues et mobiles ou des cibles à frapper dans un délai bien précis.

L’efficacité d’une campagne OCA dépend fondamentalement d’une planification détaillée et judicieuse; l’application des principes clés de la guerre est essentielle également, surtout en ce qui concerne le choix et la poursuite soutenue de l’objectif, la concentration des forces et l’économie d’effort. Les étapes de cette planification sont les suivantes :

  1. Fixer les objectifs. Les objectifs de la campagne OCA doivent se rapporter directement aux objectifs déclarés du commandant au chapitre de la maîtrise de l’espace aérien et à l’intention du commandant supérieur.
  2. Cerner les cibles. Les cibles de la campagne OCA doivent comprendre toutes les capacités aérospatiales ennemies risquant d’empêcher les forces amies d’acquérir la maîtrise de l’espace aérien.
  3. Attribuer les ressources. Les cibles de la campagne OCA doivent se trouver à une distance réaliste des capacités amies; des ressources appropriées doivent être affectées aux missions qu’il faut par ailleurs bien classer par ordre de priorité.

La réussite des opérations OCA dépend de la disponibilité et des capacités des systèmes leur étant affectés. Le choix d’un système particulier est fonction des caractéristiques de la cible, des menaces, des conditions environnementales, du renseignement et des risques de dommages fratricides et collatéraux. Les ressources interarmées OCA comprennent, sans s’y limiter :

  1. les aéronefs à voilure fixe ou tournante;
  2. les plates-formes spécialement équipées pour supprimer les défenses aériennes ennemies (SDAE);
  3. les aéronefs sans pilote (ASP);
  4. les missiles balistiques, les missiles de croisière et d’autres engins exécutant des tirs de surface (l’artillerie, par exemple);
  5. les forces d’opérations spéciales, y compris les unités d’intervention directe, de guidage de fin de trajectoire (pour les armes de précision), de reconnaissance spéciale et de marquage des objectifs;
  6. les capacités de guerre électronique (GE);
  7. les satellites de surveillance, de reconnaissance, de navigation et de communication.

Vignette 4 : Si la campagne OCA échoue, toute la campagne échoue. Après la défaite des armées alliées en Europe continentale, pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont envisagé d’envahir l’Angleterre avec des forces amphibies (opération Sea Lion). La supériorité aérienne leur était nécessaire pour que l’invasion soit couronnée de succès. L’opération Adlerangriff (attaque de l’aigle) a été déclenchée en juillet 1940; il s’agissait de la campagne OCA de la Luftwaffe, dont l’objectif était de détruire la chasse britannique et d’acquérir ensuite la maîtrise de l’espace aérien.

Au début de septembre, la situation de la Royal Air Force (RAF) était désespérée; le Fighter Command était acculé au pied du mur, alors que les effectifs, les aérodromes et les stations de radar du 11e Groupe étaient matraqués par les bombardiers allemands, et ses pilotes et avions de chasse, par les chasseurs d’escorte de la Luftwaffe. Le 11e Groupe était sur le point d’être évacué vers le nord pour se regrouper avec le 12e Groupe; cela aurait essentiellement laissé le champ libre à la Luftwaffe dans l’espace aérien de la Manche et du sud de l’Angleterre, ce qui lui aurait conféré la supériorité aérienne locale et aurait préparé la voie à l’invasion par la mer.

À la mi-septembre (pour riposter, selon certains, au bombardement de Berlin par les Britanniques), les Allemands se sont détournés des capacités aérospatiales de la Grande-Bretagne pour s’attaquer plutôt à des objectifs civils, industriels et politiques. En délaissant ainsi l’infrastructure aérospatiale de son ennemi, la Luftwaffe a évité au 11e Groupe un désastre certain. Profitant de ce répit, le Fighter Command a rapidement reconstitué ses effectifs et a réussi à faire échec aux raids de l’aviation allemande pendant le reste du mois de septembre.

Ayant perdu l’initiative et affligés des pertes insoutenables, les Allemands ne pouvaient désormais plus aspirer de façon réaliste à la supériorité aérienne. En octobre 1940, Hitler a reporté indéfiniment l’opération Sea Lion et a ainsi mis fin à la période connue sous le nom de « bataille d’Angleterre ». Ce fut là un point tournant décisif dans la Seconde Guerre mondiale en Europe[17].

Comme l’a déclaré l’historien Richard J. Evans, « peu importe qu’Hitler ait tenu mordicus ou non à cet objectif, il n’avait tout simplement pas les ressources voulues pour acquérir la supériorité aérienne, sans laquelle une traversée réussie de la Manche était carrément impossible.[18] » [Traduction]

Air-surface. Il est sans doute difficile de penser qu’une campagne offensive contre le potentiel aérien ennemi puisse comprendre des attaques contre des cibles de surface, mais les missions OCA AS, par lesquelles on détruit les capacités aérospatiales de l’adversaire au sol, représentent l’utilisation la plus efficace des ressources OCA disponibles. C’est en effet un emploi beaucoup plus efficient des capacités aérospatiales limitées d’acquisition de l’avantage que de s’en prendre aux forces aériennes ennemies une fois qu’elles ont décollé. Les missions OCA air-surface prennent donc deux formes : les attaques en surface et les sorties de SDAE.

Les attaques OCA en surface diffèrent des opérations antisurface classiques en ce sens qu’elles sont dirigées exclusivement contre les capacités aérospatiales de l’adversaire à la surface; cela comprend les aéronefs au sol ainsi que l’infrastructure aérospatiale spécialisée (y compris le personnel). Le but consiste à empêcher l’adversaire d’employer sa puissance aérospatiale. En détruisant des éléments infrastructurels clés, en particulier les aérodromes, on peut amenuiser considérablement les capacités aérospatiales ennemies. Cette infrastructure peut être prise à partie par des armes et des tirs de tous les genres; même des dommages minimes peuvent influer sensiblement sur la capacité de l’adversaire d’organiser, de diriger et de poursuivre des opérations aérospatiales.

Comme la puissance aérospatiale est essentielle à la réussite militaire, on s’attend à ce que l’adversaire défende fortement ses infrastructures aérospatiales de surface. Une attaque contre une telle cible compte parmi les plus exigeantes et les plus risquées de la campagne OCA et parmi celles qui exigent le plus de ressources. Par conséquent, les opérations de ce genre nécessitent une forte proportion de ressources amies et une planification opérationnelle et tactique détaillée. Les planificateurs des missions OCA doivent recourir à toute la gamme de ces dernières et aux tâches connexes pour garantir la réussite des forces amies. En outre, il faut, s’il y a lieu, intégrer et coordonner les forces d’opérations spéciales et les tirs interarmées (artillerie, missiles de croisière, bombardement naval, etc.).

Il ne sera peut-être pas possible ou pratique de détruire complètement un aérodrome. Il sera peut-être souhaitable de laisser ce dernier intact en partie afin de permettre aux forces amies de s’en servir ultérieurement pour leurs opérations, ou de mener des activités humanitaires ou civiles. Il faut donc harmoniser les attaques contre les aérodromes avec les buts stratégiques et opérationnels, aux stades de la planification et de l’exécution. Il est rarement nécessaire de détruire totalement un aérodrome pour atteindre le degré d’altération voulu; il suffit de créer des cratères dans une piste ou de paralyser d’autres infrastructures essentielles pour rendre un aérodrome inutilisable pendant la période de temps nécessaire.

Les opérations de SDAE visent les armes de défense aérienne ennemies basées au sol ainsi que les capacités de surveillance et de C2. Il s’agit là de « neutraliser, d’endommager ou de détruire les défenses aériennes de l’adversaire en recourant à un élément destructeur ou perturbateur.[19] » Cela comprend les armes conventionnelles (p. ex., des bombes et des canons), les armes spécialisées [missiles antiradiations (MAR), etc.] et les attaques électroniques (utilisation de leurres, du brouillage, ou de mesures de déception).

Les opérations efficaces de SDAE menées contre les systèmes surface-air perfectionnés ou les systèmes de défense aérienne intégrée (IADS) nécessitent des équipements et des armes hautement spécialisés et des équipes spécialement entraînées[20]. Dans les endroits où existe une importante menace surface-air, des aéronefs de SDAE escortent les plates-formes possédant des moyens minimes ou nuls pour se défendre contre les engins surface-air. De telles missions d’escorte offrent des occasions imprévues de supprimer des menaces, car les menaces connues auront été ciblées ou évitées auparavant. Parmi les plates-formes spécialisées de SDAE, mentionnons l’ECR Tornado, le F-16 CJ et l’EA-18G Growler.

Les exigences des missions de SDAE varient beaucoup en fonction de l’ampleur et de la complexité de la menace et des ressources dont on dispose pour l’enrayer. Contre une menace plus dispersée ou moins évoluée, toute une gamme de plates-formes, y compris des hélicoptères et des aéronef sans pilote (ASP) armés peuvent se charger des missions de SDAE. Les commandants des ressources de surface peuvent aussi mettre à contribution des éléments d’appui-feu en se servant de l’artillerie de campagne, des mortiers, des tirs navals de surface, des systèmes de GE et des missiles surface-surface (SSM). Afin de garantir l’unité d’effort et d’éviter l’interférence, une étroite coordination est nécessaire entre les états-majors de planification des commandants des ressources de surface et le commandant de la composante aérienne de la force interarmées (CCAFI)[21]. Les opérations de SDAE nécessitent des renseignements très fiables, des indices renseignement, surveillance et reconnaissance (RSR) en temps réel, une planification et une intégration détaillées, un échange rapide et libre de renseignements précis sur les cibles, des efforts communs et une coordination étroite. Par ailleurs, les opérations avec attaque électronique (AE)[22] doivent être rigoureusement harmonisées avec l’emploi du spectre électromagnétique par les forces amies.

La destruction de toutes les capacités de défense aérienne de l’adversaire n’est pas toujours nécessaire (ou risque même, d’un point de vue réaliste, de ne pas être possible). Il peut suffire de créer une lacune ou une faiblesse temporaire dans la couverture et les capacités pour favoriser la réussite d’autres missions. En gros, on peut catégoriser comme suit les opérations de SDAE : interdiction de zone, suppression localisée et suppression opportune. Voici les définitions de ces catégories :

  1. Interdiction de zone. Paralyser le système de défense aérienne d’un adversaire dans une vaste zone de l’espace de combat. On réalise la suppression de zone avec des moyens cinétiques et non cinétiques (électroniques), et en général, on détruit pour cela les noeuds vitaux de commandement et de contrôle au lieu de neutraliser des menaces bien précises. L’interdiction de zone est souhaitable, mais elle exige d’énormes ressources.
  2. Suppression localisée. La mission vise un secteur particulier de l’espace de combat. Elle peut se définir en fonction de la proximité physique des menaces, de ses effets sur les capacités de détection de l’adversaire ou de la destruction d’une menace primordiale bien précise. La suppression localisée exige moins de ressources à court terme que l’interdiction de zone, mais elle oblige les forces amies à conserver une capacité de SDAE pendant toute la campagne.
  3. Suppression opportune. Les ressources de SDAE visent des menaces surface-air inopinées (souvent, des menaces mobiles). La mission peut être exécutée par une unité en autonomie ou au sein d’une force de frappe, ou parce que l’on « recherche » des menaces à détruire.

Vignette 5: L’histoire de deux campagnes de SDAE. La campagne de SDAE menée dans le cadre de l’opération Desert Storm a été un succès retentissant; ce fut à n’en pas douter une des réussites les plus manifestes de la guerre. En 1991, la ville de Bagdad possédait les défenses aériennes les plus denses de toutes les villes du monde, exception faite de Moscou; par ailleurs, dans tout le pays étaient déployés des armes et des installations de défense aérienne fortement reliées et intégrées ainsi que des noeuds C2 et des détecteurs qui composaient le système IAD le plus complet du monde, sauf un.

Quand les hostilités ont commencé, la coalition connaissait bien les emplacements des éléments du système IAD, de sorte que les vols de SDAE ont été les premiers à être exécutés. Des brouilleurs de radar, des MAR et des bombes classiques ont été utilisés et ont eu un effet dévastateur sur des éléments clés de l’IADS, ce qui a empêché un contrôle centralisé des efforts de défense. Privés d’intégration et craignant d’être la cible des armes antiradiations, les opérateurs des systèmes de défense aérienne ont recouru à des capteurs visuels et ont travaillé indépendamment les uns des autres (ce à quoi ils ne s’étaient pas exercés dans le contexte de la doctrine). En fin de compte, tous les emplacements de défense aérienne ont été détruits.

Les planificateurs de la campagne de SDAE pendant l’opération Desert Storm se sont attaqués à un IADS dont ils connaissaient bien l’agencement, outre le fait qu’ils comprenaient à fond le cadre doctrinal de l’ennemi. Une haute priorité a été accordée à la campagne au chapitre des ressources, et les exécutants ont bénéficié d’une grande souplesse opérationnelle; par ailleurs, les équipages avaient beaucoup de liberté tactique. Quatre jours après le début du conflit, les émissions des systèmes irakiens de défense aérienne avaient diminué de 95 p. 100 par rapport aux niveaux d’avant la guerre, et les aéronefs de la coalition profitaient d’une liberté d’action quasi complète au-dessus de 10 000 pieds (3 050 mètres) d’altitude. La coalition avait donc exécuté facilement l’interdiction totale de zone.

En revanche, le système de défense aérienne serbe, dans les Balkans, était beaucoup plus petit que l’IADS irakien et il ne comprenait qu’un nombre limité de dispositifs de divers genres. Cependant, la campagne de SDAE, pendant l’opération Allied Force (Kosovo), a été loin de connaître le succès de l’opération Desert Storm.

Les planificateurs de la campagne de SDAE pendant l’opération Allied Force ont dû composer avec de nombreuses contraintes, avec des limites tactiques et avec une menace très mobile qui n’avait pas été bien définie avant le début des hostilités. De grandes restrictions opérationnelles gênaient la coalition (surtout pour des motifs politiques), et l’espace aérien exigu a rendu les efforts de SDAE très prévisibles. Les restrictions sur le recours à la force aux fins de la suppression opportune étaient strictes, et chaque cible devait être approuvée par le centre multinational des opérations aériennes (CMOA) de l’OTAN avant d’être prise à partie, ce qui éliminait complètement les possibilités de suppression opportune. En outre, des États non engagés dans les hostilités (par conséquent, à l’abri des attaques) renseignaient d’avance l’adversaire sur les forces coalisées se dirigeant vers lui.

Quant aux Serbes, ils en avaient beaucoup appris sur les missiles antiradiations (MAR). En misant sur des tactiques peu évoluées, sur un apprentissage rapide et sur une improvisation judicieuse, ils ont vite pris les leçons retenues en considération dans leurs opérations, ce qui a sensiblement réduit l’efficacité des MAR et des tactiques de SDAE de la coalition. La situation s’est compliquée davantage du fait que les opérations de l’IADS ennemi ne correspondaient pas, du point de vue doctrinal, à la méthodologie reconnue; en outre, une grande liberté tactique a été accordée aux commandants des unités des niveaux inférieurs.

Les forces aérospatiales de l’OTAN ont profité d’une liberté de manoeuvre relative, mais elles n’ont aucunement pu supprimer les défenses aériennes ennemies (SDAE), et l’OTAN a dû recourir à des ressources de SDAE chaque fois qu’elle organisait une attaque. Les MSA serbes guidés par radar sont demeurés une menace bien réelle et viable pendant toute la campagne et après la cessation des hostilités[23].

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Air-air. Les opérations offensives air-air contre le potentiel aérien (OCA air-air) comprennent les missions d’escorte et de balayage. S’il n’est pas possible de détruire les capacités aérospatiales ennemies au sol, il faut leur faire face dans les airs. Cela nécessite de solides moyens quand on veut faire échec à toute menace aérienne réelle, perçue ou éventuelle. Dans le passé, ce rôle a été confié uniquement aux avions de chasse, mais plus récemment, d’autres plates-formes, y compris des hélicoptères armés et des ASP, ont été munies d’importantes ressources OCA air-air.

Les missions d’escorte et de balayage OCA et les missions DCA sont souvent exécutées par les mêmes ressources. Bien que ces missions soient complémentaires, il faut faire judicieusement la part des choses entre les priorités contradictoires et les demandes en ressources, d’une part, et, d’autre part, l’objectif global. En outre, il arrive souvent que des pressions s’exercent pour que l’on donne la priorité aux missions d’escorte rapprochée plutôt qu’aux missions de balayage ou d’escorte avancée. Si l’on affecte trop de ressources OCA aux missions d’escorte rapprochée, on risque de réduire les chances de prendre à partie avec succès les aéronefs ennemis et, ce faisant, d’accroître et de prolonger le risque qu’ils représentent.

Dans le cadre des missions d’escorte OCA, on emploie des aéronefs pouvant mener des attaques air-air pour protéger des aéronefs amis. On peut considérer que l’escorte est une mission DCA si elle a lieu dans un espace aérien ami, ou si les appareils escortés sont des ressources de grande valeur. Dans le contexte d’une opération offensive menée dans un espace aérien hostile, la mission d’escorte a clairement les caractéristiques d’un vol OCA.

Il se peut qu’un groupe d’escorte soit chargé d’accompagner une seule ressource aérospatiale ou une formation d’attaque depuis un espace aérien ami ou neutre jusqu’à un espace contesté, à l’aller et au retour, ou qu’il se joigne à la force escortée à un point donné au cours de la mission. La force d’escorte peut aussi être déployée dans l’espace aérien ennemi et fournir une protection à des vagues successives de formations amies. Les plates-formes nécessitant une escorte attitrée peuvent comprendre des avions de chasse ou des chasseurs-bombardiers, des aéronefs de transport de troupes ou des hélicoptères. Bien que la mission d’escorte puisse être confiée à de nombreuses plates-formes différentes d’application de la force, le groupe d’escorte doit pouvoir enrayer la menace aérienne prévue tant par sa masse que par ses capacités. L’escorte OCA[24] peut être une :

  1. Escorte rapprochée. La formation d’escorte est, en termes de sa proximité tant dans le temps que dans l’espace, reliée à la formation ou à la plate-forme escortée. Une intégration détaillée est nécessaire sur le plan tactique entre l’escorte, la force escortée et l’organisation C2 contrôlant l’espace aérien. L’escorte rapprochée exige moins de ressources de la part d’un atout habilitant [ravitaillement air-air (RAA), C2 aérien, etc.), mais il lui faut des ressources OCA beaucoup plus grandes.
  2. Escorte avancée. La formation d’escorte n’est pas directement dans la même zone physique que le groupe escorté, mais elle demeure à une distance raisonnable de ce dernier pendant un certain temps. Souvent, elle est postée le long de l’itinéraire prévu de la menace ou dans une zone d’opération d’où elle peut assurer un appui à plusieurs formations. La formation d’escorte détachée a besoin d’une intégration tactique moins détaillée et elle accroît la surviabilité des ressources OCA lui étant confiées grâce à sa liberté tactique plus grande.
  3. Escorte intégrée ou rapprochée. De nombreuses plates-formes aérospatiales actuelles possèdent à la fois des capacités d’attaque air-surface et air-air (les chasseurs polyvalents tels que le F-15E Strike Eagle et le CF18A/B Hornet); bien armés, elles peuvent se protéger elles-mêmes. Cette capacité d’escorte intégrée va cependant de pair avec un inconvénient majeur : il existe une forte probabilité que le pilote doive larguer ses munitions AS en cas d’affrontement air-air pour accroître au maximum la manoeuvrabilité de son appareil au combat. Si le combat a lieu avant que l’appareil soit parvenu à son objectif de surface prévu, le but de la mission d’attaque ne sera pas atteint. En outre, la plupart des chasseurs polyvalents ne disposent que d’un nombre limité de points d’arrimage des munitions; par conséquent, en configurant l’aéronef pour qu’il emporte à la fois des engins air-air et air-surface, on limite le nombre de chaque type d’armes. Les plates-formes polyvalentes capables d’exécuter une escorte intégrée comprennent l’avion de combat interarmées F-35 Lightning II, le F-15E Strike Eagle, le Su-30 MKI Flanker et l’Eurofighter Typhoon.

Les opérations de balayage OCA sont souvent plus efficaces que les missions d’escorte lorsqu’il s’agit d’éliminer les ressources aérospatiales de l’adversaire. Des aéronefs se déploient au-dessus du territoire ennemi pour dépister, prendre à partie et détruire tous les chasseurs et toutes les plates-formes de GE, de reconnaissance, de collecte de renseignements, de C2 et de transport de troupes de l’ennemi. Bien que la force de balayage synchronise d’habitude son action avec d’autres opérations, elle travaille indépendamment d’autres formations amies et, s’il s’agit d’une force de chasseurs, elle est ordinairement affectée à une zone de responsabilité opérationnelle de chasseurs pendant une certaine période, ou elle suit un itinéraire de vol bien précis.

Les missions de balayage sont très souples et dynamiques. Les formations qui s’en chargent peuvent les remplir au début, puis demeurer dans une zone donnée afin d’y devenir une escorte détachée pour les formations à venir. Pour garantir l’efficacité des opérations de balayage, il faut une solide fonction C2 aérienne, une connaissance approfondie de l’espace de combat, une capacité d’identification au combat et des règles d’engagement (RE) clairement définies. Les opérations de balayage autonomes sont possibles avec des aéronefs utilisant des détecteurs intégrés et des systèmes de transmission tactiques. Ces opérations exigent moins de ressources que les missions d’escorte et elles nécessitent peu de planification ou de coordination au niveau tactique; cependant, une planification opérationnelle exhaustive et un solide contrôle aérospatial s’imposent pour garantir l’efficacité des missions et éviter les attaques fratricides.

Les avions de chasse sont les gardiens de notre souveraineté. Ils sont principalement conçus pour sauvegarder notre espace aérien de manière que les forces amies, tant militaires que civiles, puissent y circuler librement. Non seulement ils sont les meilleurs outils dont une force militaire dispose pour accomplir cette tâche, mais en raison de leur forte capacité de « passer à l’action », ils représentent aussi un puissant atout de dissuasion contre toute menace risquant de pénétrer dans l’espace aérien (national ou au-dessus d’une zone de déploiement). Comme il n’existe aucune autre plate-forme armée suffisamment évoluée pour procurer au Canada la gamme de capacités que les chasseurs lui offrent, celui-ci continuera d’avoir besoin d’avions et de pilotes de chasse pendant encore au moins une génération d’aéronefs[25].

Les opérations DCA servent à protéger les forces, l’équipement, le personnel, l’infrastructure et les intérêts vitaux des pays amis contre la puissance aérospatiale de l’adversaire. Elles ont pour buts de détecter, d’identifier, d’intercepter, de neutraliser ou de détruire les menaces aérospatiales, idéalement aussi loin que possible des cibles ou des forces amies, ou des deux. Les opérations préventives et proactives sont l’outil privilégié pour s’assurer la maîtrise de l’espace aérien, comparativement à des missions DCA réactives, continues et exigeant d’énormes ressources. Toutefois, les forces aériennes risquent d’être obligées d’adopter une stratégie défensive contre le potentiel aérien ennemi (DCA) en raison de contraintes politiques, juridiques, opérationnelles ou afférentes aux ressources. Même après avoir mené avec succès une dynamique campagne OCA, il faut s’attendre à devoir exécuter, au moins à un faible niveau, des missions DCA.

De par leur nature, les opérations DCA sont des réactions à des opérations OCA, à des attaques stratégiques et à des missions anti-surface de l’ennemi. Elles ont d’habitude lieu plus près des forces amies que les interventions OCA. Elles découlent principalement des activités de surveillance tandis que les opérations OCA sont motivées par le renseignement. Pour que les actions DCA soient efficaces, il leur faut une structure et un processus C2 leur étant propres; les processus C2 inhérents aux opérations DCA doivent être centralisés, rationalisés et souples pour permettre des réactions rapides et appropriées aux incursions dans l’espace aérien.

Les opérations DCA constituent le volet « combats aériens » de l’effort global de défense aérienne; elles ne forment qu’une partie du système de défense aérienne intégrée (IADS). Vu la létalité des armes modernes, les conséquences immédiates d’un échec de ces opérations risquent d’être graves, et les effets, disproportionnés par rapport aux dommages matériels réels infligés. Les opérations DCA comportent des risques élevés, mais elles doivent absolument réussir; il faut les exécuter efficacement et leur affecter des ressources suffisantes.

Vignette 6: Qui dit échec de la défense contre le potentiel aérien (DCA) dit échec stratégique : En juin 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique, la bataille de Midway a opposé la Marine impériale japonaise (MIJ) à la Marine des États-Unis (USN). Elle est connue comme une bataille navale, mais les combats ont principalement eu lieu entre des forces aériennes.

Quand la flotte de la MIJ a été repérée à l’ouest des îles Midway par les avions de reconnaissance de la USN, des bombardiers basés à Midway et des avions embarqués ont décollé pour aller l’attaquer. Les avions embarqués ont dû franchir une distance beaucoup plus grande pour se rendre à pied d’oeuvre, et les deux attaques n’ont pas été synchronisées. L’attaque exécutée par les avions basés au sol n’a pas été efficace du point de vue tactique, mais la MIJ a du coup su qu’elle avait été repérée et elle a donc ensuite déclenché ses propres attaques contre les îles Midway. Les avions d’attaque japonais venaient de retourner à bord de leurs porte-avions quand la flotte a été repérée par les avions embarqués américains.

Les premiers à attaquer ont été les bombardiers torpilleurs des escadrons VT-8 et VT-6. Ils étaient lents et vulnérables pendant leurs attaques, et, sans l’appui des avions de chasse, ils ont été décimés par les chasseurs japonais supérieurs. Cependant, l’attaque a attiré les avions patrouilleurs de combat japonais assurant la DCA; ils sont descendus à basse altitude et se sont éloignés des porte-avions. L’escadron VT-3 est arrivé peu après la première attaque, et les autres chasseurs japonais sont descendus pour le prendre à partie. À ce moment-là, les bombardiers en piqué de la USN, ayant appris où étaient les Japonais et opéré leur jonction avec leurs chasseurs d’escorte, se sont rapprochés à haute altitude. Les chasseurs américains ont surpris leurs adversaires japonais et les ont attaqués en bénéficiant de l’avantage de l’altitude; les bombardiers en piqué ont donc pu exécuter leur attaque sans opposition.

L’attaque des bombardiers en piqué a commencé à 10 h 22; les bombes ont frappé les porte-avions Kaga, Soryu, Akagi et Hiryu, dont les ponts étaient occupés par les avions d’attaque en train de se ravitailler. À 10 h 28, seulement six minutes après avoir repéré l’ennemi, les bombardiers en piqué avaient réduit les porte-avions de la MIJ en des épaves en feu qui ont finalement toutes coulé.

Si les défenses japonaises contre le potentiel aérien américain avaient fait preuve d’une plus grande discipline ou si elles avaient été à même de prendre à partie les bombardiers en piqué, le résultat aurait pu être différent. Tout compte fait, la MIJ n’a jamais réussi ensuite à se remettre de cette perte stratégique. Cette bataille est essentiellement perçue comme ayant marqué un moment décisif dans la lutte qui opposait les belligérants dans le Pacifique et elle a contribué d’une façon fondamentale à la victoire éventuelle des Alliés sur le Japon[26].

La contribution des opérations DCA à l’ensemble de la mission de la défense aérienne peut se répartir en deux grandes catégories de mesures : les mesures actives et les mesures passives.

  1. Les mesures actives de défense aérienne ont pour objet de prendre à partie, de détruire ou de neutraliser les forces aérospatiales ennemies, y compris les menaces aériennes et les missiles, ou d’en réduire l’efficacité. On peut aller plus loin et créer deux sous-catégories : la défense contre les menaces aériennes et la défense contre les missiles. Ce sont deux catégories complémentaires, mais elles font intervenir des systèmes d’armes, des tactiques, des techniques et des procédures (TTP) fort différents. Les armes surface-air et les aéronefs assurant la DCA ont des atouts et des limites leur étant propres; il faut donc les disposer dans des positions défendables qui se chevauchent et s’appuient mutuellement afin de créer une défense en profondeur par couches. Étant donné l’immensité et le relief accidenté de la masse continentale du Canada, l’ARC recourt surtout à des chasseurs de DCA, soutenus par des systèmes terrestres et spatiaux, pour assurer la défense aérienne du Canada.
  2. Les mesures passives de défense aérienne réduisent au minimum l’efficacité des menaces aériennes et des missiles de l’ennemi. Elles se répartissent en plusieurs catégories de moyens variés de protection des forces, dont les suivants, entre autres[27] : (1) les systèmes de détection et d’alerte;
    1. les moyens de défense chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN);
    2. le renforcement, la réparation des dommages de combat et la reconstitution des forces;
    3. la mobilité et la dispersion;
    4. la redondance;
    5. les systèmes de GE;
    6. la cyberdéfense;
    7. le camouflage;
    8. les contre-mesures, les leurres et les mesures de déception.

La maîtrise de l’espace aérien, du point de vue de la DCA, nécessite toute une gamme de détecteurs, de moyens de communication et de moyens d’appliquer la force; quand tous ces éléments sont reliés entre eux, ils forment un IADS. Pour être efficace, l’IADS est commandé et contrôlé par une chaîne de commandement unifiée qui relève d’une seule autorité centrale, à savoir le commandant de la zone de défense aérienne (AADC). L’IADS doit être souple et solide et posséder des systèmes redondants, car il sera la première cible des opérations OCA ennemies. Les plates-formes d’application de la force défensive contre le potentiel aérien, en tant qu’élément intégrant de l’IADS, sont commandées par une seule autorité. Les systèmes d’armes constituent le volet « Acquisition de l’avantage » de l’IADS.

La coordination et le fonctionnement d’un IADS efficace sont très complexes et exigent beaucoup de ressources. Le NORAD offre un excellent exemple de la taille et de la complexité possibles d’un tel système. Chaque système ou moyen de défense comporte des avantages et des limites lui étant propres quant à la portée, au délai de réaction et à la souplesse de fonctionnement. Les inconvénients d’un système doivent être compensés par les atouts d’un autre. Pour être efficace, l’appareil de défense aérienne doit réunir tout un éventail de capacités, dont les suivantes :

  1. des intercepteurs à voilure fixe ou rotative;
  2. des défenses antiaériennes basées au sol (GBAD), y compris : (1) des missiles surface-air (MSA) tactiques et stratégiques avec rampes de lancement mobiles et fixes;
    1. une artillerie antiaérienne (AAA);
    2. des armes à énergie dirigée (AED);
    3. des armes de défense aérienne embarquées (MSA et AAA).

Afin d’être efficaces, les opérations de DCA nécessitent un contrôle positif de l’espace aérien concerné, contrôle qui s’exerce par l’intermédiaire d’un système C2 intégré et centralisé. En raison de la variété des systèmes de surveillance, de pistage et d’armes utilisés, il faut une planification et une coordination détaillées, car cela permet de donner rapidement l’alerte aux systèmes de défense aérienne (DA), d’exercer un C2 efficace et d’employer à temps les armes. Il se peut que l’on divise en secteurs une grande zone de défense aérienne pour accroître l’efficacité des opérations. Par exemple, un groupe opérationnel naval, un groupe aéronaval ou une force opérationnelle amphibie, dans une zone d’opérations (ZO), pourra nécessiter la création d’une zone de DA coordonnée au niveau local dans laquelle la coordination des opérations de DA incombera au commandant de la lutte antiaérienne (LAA) ou au centre de coordination des armes de soutien.

La plupart des ressources appliquant la force aérospatiale peuvent, dans une certaine mesure, exécuter des opérations DCA[28], mais afin de pouvoir mener toute la gamme de ces opérations, une ressource donnée doit posséder des détecteurs et des armes AA spécialisés, être utilisée par des équipages très compétents et être dirigée par des contrôleurs de la défense aérienne expérimentés et bien entraînés.

Les intercepteurs sont les systèmes d’armes les plus souples dont dispose le commandant de la DA. Ils sont conçus pour voler à haute altitude et pour employer des armes AA à grande portée. Ils misent surtout sur des systèmes de surveillance de zone, tels que des radars à longue portée et des systèmes C2 aéroportés, mais ils sont aussi munis de systèmes intégrés de C2 et de détection qui leur permettent de mener des opérations limitées en autonomie. Les intercepteurs contemporains utilisés pour la DCA deviennent des noeuds dans le grand réseau de systèmes de défense aérienne et ils peuvent contribuer passivement et activement à l’image commune de la situation opérationnelle. Les intercepteurs sont souvent capables de mener des missions AA aux fins des opérations tant défensives qu’offensives contre le potentiel aérien. Parmi les intercepteurs construits expressément pour les missions AA figurent le F-22A Raptor, le MiG 31 Foxhound et le Mirage 2000 F-5.

Les missions de DCA varient grandement, mais on peut en gros les diviser en trois catégories : les missions de défense de zone; les missions de défense ponctuelle; les missions de protection des moyens aériens de grande valeur (HVAA). Elles peuvent être exécutées par des ressources tenues en alerte au sol ou par des ressources déjà déployées dans les airs; dans ce dernier cas, elles sont plus considérables, mais elles permettent de mieux faire face à la menace :

  1. Ressources tenues en alerte au sol. Les aéronefs et leurs équipages sont mis sur un pied d’alerte, à un degré qui dépend de la situation. Ces aéronefs reçoivent l’ordre de décoller immédiatement de la part de leur organisme de contrôle, en fonction de paramètres déclencheurs définis par le commandant de la zone de défense aérienne. Quand c’est possible, les chasseurs restent sous la direction des systèmes de surveillance et de contrôle de l’espace aérien. Les états d’alerte varient surtout en fonction de la menace mais aussi selon d’autres facteurs tels que le type d’aéronef, l’expérience des équipages, l’endroit, la météo et les ressources; la durée des mises en état d’alerte peut aller de quelques minutes à des heures.
  2. Ressources déjà déployées dans les airs. Les intercepteurs sont dans les airs; ils se rendent à un point où l’on prévoit l’arrivée de la menace, ou on leur confie des missions de patrouille particulières. Les ressources de DCA peuvent aussi recevoir l’ordre de décoller pour couvrir des brèches si jamais un autre système de détection de l’appareil de défense aérienne ou un système d’arme n’est plus disponible ou devient inopérant. Avec des ressources déjà en vol, il est possible de réagir le plus vite à une intrusion ennemie ou d’aller s’opposer à tout autre véhicule ayant pénétré sans autorisation dans un espace aérien désigné.

Les missions de défense de zone ont pour objet de protéger une zone d’opérations bien définie, un théâtre ou même un continent. Les intercepteurs qui exécutent les missions de DCA dans une vaste zone de défense aérienne se tiennent normalement en alerte au sol, mais, comme dans la situation où une zone d’exclusion aérienne a été établie, ils peuvent aussi être en vol. Dans le cas des aéronefs de DCA se tenant en alerte au sol, ils décollent à un moment fixé d’avance, en fonction des observations faites par les systèmes de renseignement ou de surveillance, pour aller intercepter une menace connue ou prévue. Quand les intercepteurs sont déjà en vol, on leur demande de patrouiller le long d’itinéraires établis d’avance (notamment le long ou à proximité des frontières politiques), ou dans une zone de responsabilité opérationnelle de chasseurs (FAOR) définie. On peut recourir à cette solution pour conserver un degré voulu de contrôle dans les airs ou pour faire respecter une zone d’exclusion aérienne au-dessus d’un territoire ami. Les missions de ce genre s’apparentent aux vols de balayage OCA; toutefois, elles ont lieu dans l’espace aérien ami et en réaction ou face à des opérations, à une intention ou des capacités de l’ennemi. Les intercepteurs exécutant des vols de surveillance sont d’habitude assujettis à des restrictions rigoureuses quant au recours à la force et ils évoluent en général au vu et au su de tous (leur présence étant un des effets désirés).

Les missions de défense ponctuelle ont pour but de protéger un secteur ou un endroit défini (normalement, une installation particulière ou une concentration de forces amies). Les missions de ce genre, dans le contexte de la DCA, font intervenir des intercepteurs se tenant en alerte au sol ou se trouvant déjà dans les airs où ils exécutent une patrouille aérienne de combat (PAC) le long d’une trajectoire fixe. Les intercepteurs se tiennent non loin de la zone protégée, dans le temps ou l’espace, et ils ne sont normalement pas disponibles pour d’autres missions. Peu importe leur emploi particulier, il faut d’énormes ressources pour exécuter une PAC continue. Quand des ressources exécutant une PAC sont chargées d’une cible, il faut parfois que des appareils de remplacement décollent, s’il y en a. Les PAC ont lieu le long d’une route ou de trajectoires fixes quand la zone ou la force défendue sont grandes ou dispersées. Les intercepteurs suivant une trajectoire fixe parcourent des segments d’une distance ou d’une durée déterminée à partir d’un endroit ayant une pertinence tactique, les segments étant orientés en fonction de l’axe prévu de la menace. Selon la nature de celle-ci, les ressources assurant la défense ponctuelle peuvent travailler ouvertement ou en secret.

La défense ponctuelle est parfois assurée avec des défenses antiaériennes basées au sol et des intercepteurs; on recourt alors à une tactique de défense en profondeur et à des zones distinctes d’engagement des missiles et des chasseurs (ZEC). Afin de protéger l’installation et de réduire les risques de frappe fratricide, il faut un système très précis d’identification au combat, une exécution rigoureuse, un cadre de C2 dynamique et des critères d’engagement clairement définis.

Protection des moyens aériens de grande valeur (HVAA). Les intercepteurs en vol sont chargés de protéger les HVAA qui sont si importants que la perte ne serait-ce que d’un seul risquerait de nuire grandement aux capacités de combat amies ou d’avoir des conséquences stratégiques plus vastes. N’importe quel aéronef pourrait être déclaré HVAA et bénéficier d’une protection contre le potentiel aérien ennemi, mais les HVAA typiques comprennent les appareils spécialisés tels que ceux servant au C2, au RAA, à la GE, aux vols de RSR et au transport de personnes spéciales désignées. Les intercepteurs sont habituellement affectés à la protection d’un HVAA pour toute la durée de sa mission et ils ne s’en éloignent pas pour en assurer efficacement la défense. Les missions de protection des HVAA exigent des ressources considérables de la part des éléments habilitants et des intercepteurs, et elles nécessitent une coordination et une planification opérationnelles détaillées. Les lignes de démarcation entre les opérations OCA et DCA deviennent floues dans le cas des missions de protection des HVAA; la principale différence réside dans l’endroit où la protection est fournie (dans un espace aérien ami ou ennemi). Cependant, l’objectif demeure le même : défendre la plate-forme désignée contre les attaques aériennes.

La maîtrise de l’espace aérien est essentielle à la réalisation des objectifs du cmdt FOI. Le niveau ou le degré de maîtrise de l’espace aérien que l’on peut obtenir, d’un point de vue réaliste, dépend de nombreux facteurs, y compris les ressources, les capacités militaires relatives et l’environnement physique. Le cmdt FOI doit clairement définir ses objectifs au chapitre de la maîtrise de l’espace aérien, puis répartir les ressources en conséquence. On distingue quatre degrés de maîtrise : degré défavorable, parité, supériorité aérienne, ou maîtrise de l’air (maîtrise de l’espace aérien).

Grâce à la maîtrise de l’espace aérien, les forces amies sont libres de se déplacer et d’exécuter des opérations et elles sont à l’abri des attaques aériennes, tandis que l’adversaire est privé de tous ces avantages. La maîtrise de l’espace aérien façonne les domaines physique, moral et informationnel en faveur des opérations des forces amies.

La capacité de maîtriser l’espace aérien va de pair avec deux rôles distincts : la défense contre le potentiel aérien ennemi (DCA) et les opérations offensives contre ce même potentiel (OCA). Les deux se font complément et font intervenir des capacités aérospatiales et des ressources semblables. Ils doivent être totalement intégrés et synchronisés aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique.

Les opérations OCA sont dictées par le renseignement. Elles ont pour but de trouver et de détruire les capacités aérospatiales ennemies aussi près que possible de la source et, de préférence, avant qu’elles soient lancées. Ces opérations comprennent des missions air-surface et air-air et elles font appel à des ressources provenant de tous les secteurs de la force interarmées.

1. Richard M. Langworth, sous la dir. de, Churchill by Himself: The Definitive Collection of Quotations, Royaume Uni, Ebury Publishing, 2008, p. 205. (retourner)

2. Voir Canadian Forums, « Fighter aircraft: Characteristics and roles », http://www.canadaka.net/forums/canadian-militaryf23/fighter-aircraft-characteristics-and-roles-t94954.html (consulté le 20 août 2013). Pour la citation en français, voir le site http://european-security.com/index.php?id=5809. (retourner)

3. Le présent chapitre est fondé en grande partie sur le contenu de la Publication interarmées alliée (AJP) de l’OTAN 3.3.1 (B) intitulée Allied Joint Doctrine for Counter-Air, juillet 2010. (retourner)

4. Cette catégorisation des missions de maîtrise de l’espace aérien est présentée du point de vue doctrinal; on veut par là établir un lien logique entre les concepts et favoriser l’apprentissage. Ces missions ne correspondent pas nécessairement aux codes de gestion des missions aériennes employés par la 1re Division aérienne du Canada (1 DAC) aux fins de la coordination et du suivi des vols de la Force aérienne. Voir l’Ordonnance 1-617 de la 1 DAC intitulée « Codes de gestion des missions » (http://winnipeg.mil.ca/hqsec/1cadordr/vol1pdf_fr/Vol1_f. pdf) (consulté le 20 août 2013). Cela s’applique également aux missions entrant dans les catégories des attaques aériennes et des opérations d’information. (retourner)

5. Afin d’en savoir plus sur ce conflit, voir T. N. Dupuy et P. Martell, Flawed Victory: The Arab-Israeli Conflict and the 1982 War in Lebanon, Fairfax (Virginie), Hero Books, 1986. (retourner)

6. Opérations d’affirmation de la souveraineté aérienne, BTD fiche 44195. (retourner)

7. BTD fiche 44191. (retourner)

8. L’expression « contrôle aérospatial » est synonyme de celle que l’on trouve dans cette fiche 3422 de la BTD (contrôle de l’espace aérien). (retourner)

9. BTD fiche 44196. (retourner)

10. BTD fiche 44192. (retourner)

11. Il convient de souligner que les degrés de maîtrise de l’espace aérien ne valent pas exclusivement pour les forces amies et que ces expressions décrivent simplement des mesures du niveau de contrôle dans le contexte de la bataille aérienne; ce ne sont pas des objectifs. Des situations où la maîtrise de l’espace aérien s’imposerait pourraient exister si un adversaire pouvait, soit temporairement, soit de façon continue, obtenir la supériorité aérienne. Les effets négatifs que cela aurait sur les opérations des forces amies de surface sont clairs; par conséquent, il est tout à fait primordial que les forces amies acquièrent au moins la supériorité aérienne. (retourner)

12. BTD fiche 44208. (retourner)

13. BTD fiche 3364 modifiée. (retourner)

14. BTD fiche 3366. Il faut comprendre que l’acquisition de la supériorité aérienne ou de la maîtrise de l’air ne garantit pas à une force amie que les forces aérospatiales de l’adversaire et ses capacités de lutte contre le potentiel aérien ont été complètement neutralisées, ni que ces forces adverses ne s’opposeront pas aux opérations aériennes, terrestres ou maritimes des unités amies. Ces expressions décrivent plutôt la capacité d’un adversaire d’utiliser ses moyens aérospatiaux pour influer sur les opérations des forces amies ou pour les gêner efficacement. Les forces amies aériennes et de surface peuvent encore s’attendre à subir des pertes à cause des ressources aérospatiales de l’ennemi même si elles possèdent la supériorité aérienne ou la maîtrise de l’air. (retourner)

15. Pour en savoir davantage à ce sujet, voir B. S. Lambeth, The Transformation of American Air Power, Ithaca (N.Y.), Cornell University Press, 2000. (retourner)

16. Voir « Military-Quotes.com », http://www.military-quotes.com/database/r.htm (consulté le 20 août 2013). (retourner)

17. Voir Peter Fleming, L’Angleterre face à l’invasion 1940, Paris, Presses de la Cité, 1957. (retourner)

18. Richard Evans, « Immoral Rearmament », The New York Review of Books, no 20, 20 décembre 2007, p. 76-79. (retourner)

19. BTD fiche 5469 modifiée. (retourner)

20. Bien que les missions de SDAE puissent comprendre toute attaque par n’importe quel aéronef s’en prenant à une menace au sol avec des armes conventionnelles, les plates-formes spécialisées de SDAE sont munies de capteurs construits expressément pour détecter et repérer les systèmes ennemis et optimisées pour transmettre les données ainsi recueillies aux systèmes d’armes spécialisés. À titre d’exemple, mentionnons le système de ciblage du missile antiradiations à haute vitesse (HARM) et le HARM AGM-88 installé sur les avions F-16 CJ. Les aéronefs de SDAE peuvent mettre au point, perfectionner et employer des profils de vol distincts qui ont été conçus pour réduire l’efficacité de la menace. (retourner)

21. Ce poste et ce rôle sont expliqués davantage dans le chapitre 5 du présent manuel et dans la publication B-GA-401-000/FP-001, Doctrine aérospatiale des Forces canadiennes - Commandement. Dans tout le présent document, on emploie les acronymes CCAFI, CCAFM/I (commandant de la composante aérienne de la force multinationale interarmées) et CCA (commandant de composante aérienne). Dans chaque cas, l’intention est de désigner l’autorité aérospatiale supérieure dans le contexte évoqué (opération nationale, expéditionnaire, interarmées ou multinationale). (retourner)

22. Les opérations avec attaque électronique comportent l’utilisation de l’énergie électromagnétique à des fins offensives (voir la BTD fiche 30833). Afin d’en savoir plus sur cette expression et sur la guerre électronique (GE) en général, voir la publication B-GA-403-002/FP-001, Doctrine de guerre électronique aérospatiale. (retourner)

23. Autres lectures sur le sujet : voir l’ouvrage de Lambeth. (retourner)

24. Soulignons que « l’escorte » ou l’« observation supérieure armée » d’une formation de surface telle qu’un groupe naval ou un convoi de véhicules n’est pas considérée comme une escorte dans le contexte des opérations OCA; il s’agit plutôt d’une mission de supériorité terrestre, sujet qui sera abordé plus en profondeur dans le chapitre 3. (retourner)

25. Voir Canadian Forums « Fighter aircraft: Characteristics and roles ». (retourner)

26. C. L. Symonds, The Battle of Midway, Oxford, Oxford University Press, 2011. (retourner)

27. Les mesures passives de défense aérienne sont expliquées davantage dans la publication B-GA-405-001/ FP-001, Doctrine de protection des forces aérospatiales. (retourner)

28. Des CH124 Sea King ont assuré la DCA pendant les Jeux olympiques de Vancouver de 2010, et des CH146 Griffon ont été employés pendant le Sommet du G8, à Kananaskis (Alberta) en 2002, et pendant le Sommet du G20 en 2010, à Toronto. Des CP140 Aurora ont été utilisés dans l’Arctique pour faire des interceptions aux fins de la DCA. Bien que non équipés pour l’application traditionnelle de la force air-air, ces aéronefs ont été efficaces pour repérer visuellement des cibles d’intérêt lentes ou se conformant aux consignes. Dans le cas du Griffon, en particulier, les deux canons latéraux et les tireurs d’élite lui ont fourni des moyens de prendre d’autres aéronefs à partie. (retourner)

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